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12/06/2019 | FRANCE | N°17-28489

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juin 2019, 17-28489


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 29 septembre 2017), que M. S... a été engagé par la société Linkioo en qualité de développeur logiciel à compter du 23 septembre 2014 dans le cadre d'un contrat de professionnalisation devant prendre fin le 22 septembre 2016 ; que par jugement du 22 juin 2015, le tribunal de commerce de Lille Métropole a prononcé la liquidation judiciaire de la société Linkioo, la SELAS I... étant désignée en qualité de mandataire liquidateur ; que le 2

4 juin 2015, celui-ci a notifié à M. S... la rupture de son contrat de profess...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 29 septembre 2017), que M. S... a été engagé par la société Linkioo en qualité de développeur logiciel à compter du 23 septembre 2014 dans le cadre d'un contrat de professionnalisation devant prendre fin le 22 septembre 2016 ; que par jugement du 22 juin 2015, le tribunal de commerce de Lille Métropole a prononcé la liquidation judiciaire de la société Linkioo, la SELAS I... étant désignée en qualité de mandataire liquidateur ; que le 24 juin 2015, celui-ci a notifié à M. S... la rupture de son contrat de professionnalisation en raison de la cessation d'activité de la société ; que M. S... a saisi la juridiction prud'homale afin de faire constater le caractère abusif de la rupture de son contrat de professionnalisation et le versement de dommages-intérêts à ce titre, outre diverses demandes à titre de rappel de salaires ;

Attendu que M. S... fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du contrat de professionnalisation du 2 septembre 2014 conclu avec la société Linkioo alors, selon le moyen :

1°/ que, le déséquilibre des obligations des parties à un contrat commutatif, qui peut justifier son annulation, s'apprécie à l'aune exclusive des prestations respectives des parties ; qu'en relevant, pour annuler le contrat de professionnalisation conclu entre M. S... et la société Linkioo, qu'aucune pièce ne démontrait que cette dernière avait connu un développement suffisant pour l'embaucher et que sa liquidation judiciaire était d'ailleurs intervenue huit mois après cet engagement, la cour d'appel, qui a statué par une motivation inopérante à caractériser un déséquilibre entre les obligations respectives des parties, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 632-1 du code de commerce ;

2°/ que, l'employeur, qui conclut un contrat de professionnalisation dont l'objet est de permettre à un salarié d'acquérir une qualification professionnelle, s'engage à lui assurer une formation lui permettant de l'acquérir, associant des enseignements généraux, professionnels et technologiques dispensés dans des organismes publics ou privés de formation, et à lui fournir un emploi en relation avec cet objectif pendant la durée du travail, laquelle inclut le temps passé en formation ; qu'en déduisant un déséquilibre des obligations respectives des parties de ce que durant les périodes au cours laquelle des salaires lui avaient été versés, M. S... avait suivi plusieurs heures de formations, ce qui l'avait empêché d'effectuer une réelle prestation de travail de développeur logiciel à temps plein, la cour d'appel, qui a statué par une motivation inopérante, illustrant en réalité la définition même du contrat de professionnalisation, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 6325-1, L. 6325-3 et L. 6325-10 du code du travail ;

3°/ que, les juges du fond ne peuvent relever d'office un moyen sans avoir invité préalablement les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office, pour annuler le contrat de professionnalisation conclu entre M. S... et la société Linkioo, que le salaire de base qui lui avait été versé était supérieur à celui auquel il pouvait prétendre au titre de la convention collective applicable et correspondait à celui d'une seconde année d'emploi, quand il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que le mandataire liquidateur ou les AGS-CGEA aient soutenu que le salaire versé était supérieur au minimum conventionnel, se bornant à dire que le déséquilibre résultait de ce que le contrat avait été conclu alors que la liquidation judiciaire de l'employeur était prévisible, la cour d'appel, qui a méconnu le principe du contradictoire, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en se fondant sur le déséquilibre entre le salaire versé et les prestations fournies, sans rechercher, comme elle y était invitée par ailleurs, si l'employeur n'avait pas perçu en contrepartie de la conclusion d'un contrat de professionnalisation des aides de Pôle emploi, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 632-1 du code de commerce ;

Mais attendu, d'abord, qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que le contrat de professionnalisation a été conclu pendant la période de cessation des paiements, antérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société, intervenue huit mois après cet engagement ;

Attendu, ensuite, qu'ayant retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, que la rémunération de l'intéressé était supérieure à celle à laquelle il pouvait prétendre selon la grille conventionnelle, et qu'il n'était pas démontré que l'intéressé, absent de l'entreprise pendant près de deux mois pour ses heures de formation, effectuait une réelle prestation de travail de développeur à plein temps, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, apprécié l'existence d'un déséquilibre entre les prestations des parties au contrat de professionnalisation ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé en sa deuxième branche ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les troisième et quatrième branches du moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. S... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. S...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la nullité du contrat de professionnalisation en date du 2 septembre 2014 conclu entre la société Linkioo et M. S... ;

Aux motifs que, aux termes de l'article L. 632-1 du code de commerce, sont nuls, lorsqu'ils ont été faits par le débiteur depuis la date de cessation des paiements, les contrats commutatifs dans lesquels les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie ; que l'intimé a été embauché à compter du 23 septembre 2014 pour occuper un emploi à plein temps alors que la société se trouvait en cessation de paiement depuis le 1er janvier 2014 ; que la rémunération prévue dans le contrat de professionnalisation était fixée à la somme de 1 115,38 euros ; que toutefois il apparait des bulletins de paye établis à compter du mois d'octobre 2014 que le salaire de base perçu par l'intimé s'est élevé à la somme de 1 445,42 euros ; qu'il était supérieur à celui auquel ce dernier pouvait prétendre, compte tenu de sa position 2.1 et de son coefficient 275, conformément aux dispositions de la convention collective puisqu'il correspondait au salaire minimum brut qui devait être versé par l'employeur au cours de la seconde année d'emploi ; qu'aucune pièce ne démontre que la société Linkioo, qui avait été créée et immatriculée en décembre 2013 par K... M..., qui n'employait aucun salarié et qui avait accueilli l'intimé en stage de formation de développeur informatique du 17 mars au 13 juin 2014, ait connu un développement lui permettant d'embaucher ce dernier ; que la liquidation judiciaire de la société est d'ailleurs survenue dès le 22 juin 2015 soit huit mois seulement après la date d'embauche ; que durant la période au cours de laquelle les salaires de l'intimé ont pu être payés, soit d'octobre 2014 à février 2015, celui-ci a été amené à suivre plusieurs formations pour une durée de 273 heures en vue d'occuper un emploi de responsable en ingénierie des logiciels ; qu'il a donc été absent de l'entreprise pendant deux mois ; que les quelques courriels que produit l'intimé durant les mois d'avril et mai 2015, au cours desquels il a encore suivi des formations à l'extérieur de l'entreprise de l'ordre de 80 heures, ne permettent pas de démontrer que celui-ci effectuait une réelle prestation de travail de développeur de logiciel, outre à plein temps ; qu'il apparait en conséquence que les obligations de la société excédaient notablement celles de l'intimé ; qu'il s'ensuit qu'en raison de l'existence d'un tel déséquilibre entre les prestations des parties au contrat, celui-ci doit être déclaré nul ;

1°) Alors que, le déséquilibre des obligations des parties à un contrat commutatif, qui peut justifier son annulation, s'apprécie à l'aune exclusive des prestations respectives des parties ; qu'en relevant, pour annuler le contrat de professionnalisation conclu entre M. S... et la société Linkioo, qu'aucune pièce ne démontrait que cette dernière avait connu un développement suffisant pour l'embaucher et que sa liquidation judiciaire était d'ailleurs intervenue huit mois après cet engagement, la cour d'appel, qui a statué par une motivation inopérante à caractériser un déséquilibre entre les obligations respectives des parties, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L.632-1 du code de commerce ;

2°) Alors que, l'employeur, qui conclut un contrat de professionnalisation dont l'objet est de permettre à un salarié d'acquérir une qualification professionnelle, s'engage à lui assurer une formation lui permettant de l'acquérir, associant des enseignements généraux, professionnels et technologiques dispensés dans des organismes publics ou privés de formation, et à lui fournir un emploi en relation avec cet objectif pendant la durée du travail, laquelle inclut le temps passé en formation ; qu'en déduisant un déséquilibre des obligations respectives des parties de ce que que durant les périodes au cours laquelle des salaires lui avaient été versés, M. S... avait suivi plusieurs heures de formations, ce qui l'avait empêché d'effectuer une réelle prestation de travail de développeur logiciel à temps plein, la cour d'appel, qui a statué par une motivation inopérante, illustrant en réalité la définition même du contrat de professionnalisation, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 6325-1, L. 6325-3 et L. 6325-10 du code du travail ;

3°) Alors que, les juges du fond ne peuvent relever d'office un moyen sans avoir invité préalablement les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office, pour annuler le contrat de professionnalisation conclu entre M. S... et la société Linkioo, que le salaire de base qui lui avait été versé était supérieur à celui auquel il pouvait prétendre au titre de la convention collective applicable et correspondait à celui d'une seconde année d'emploi, quand il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que le mandataire liquidateur ou les AGS-CGEA aient soutenu que le salaire versé était supérieur au minimum conventionnel, se bornant à dire que le déséquilibre résultait de ce que le contrat avait été conclu alors que la liquidation judiciaire de l'employeur était prévisible (cf. leurs conclusions récapitulatives d'appel, p. 5, dernier paragraphe), la cour d'appel, qui a méconnu le principe du contradictoire, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°) Alors que en se fondant sur le déséquilibre entre le salaire versé et les prestations fournies, sans rechercher, comme elle y était invitée par ailleurs (p. 7), si l'employeur n'avait pas perçu en contrepartie de la conclusion d'un contrat de professionnalisation des aides de Pôle emploi, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 632-1 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-28489
Date de la décision : 12/06/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 29 septembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jui. 2019, pourvoi n°17-28489


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.28489
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