LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 14 septembre 2017), que Mme A... épouse P... et Q... P..., aux droits duquel viennent Mme B... P... et M. X... P..., ses héritiers, qui ont repris l'instance (les consorts P...), faisant valoir que la surélévation de l'immeuble appartenant à la SCI HEG, contigu à leur maison d'habitation, devait obstruer la fenêtre de leur salle à manger, ont assigné cette société pour voir ordonner la cessation définitive des travaux dont ils avaient préalablement obtenu en référé la suspension ;
Attendu que les consorts P... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande fondée tant sur l'existence d'une servitude de vue que sur celle d'un trouble anormal du voisinage, et de les condamner à supprimer l'ouverture pratiquée sur la limite séparative de leur propriété ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu souverainement que les consorts P... ne démontraient pas que leur immeuble, issu, avec celui de la société HEG, de la division d'un fonds ayant appartenu à un même propriétaire, était, au moment de celle-ci, déjà pourvu de la fenêtre litigieuse, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, en a exactement déduit que les consorts P... ne pouvaient se prévaloir d'une servitude de vue et que la fenêtre de leur immeuble, ouverte en limite de propriété et donnant sur un toit-terrasse, était irrégulière ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que les immeubles des parties se trouvaient dans une zone urbaine susceptible de transformation, la cour d'appel, qui, procédant à la recherche prétendument omise, a pu en déduire, en l'état de l'irrégularité de l'ouverture éclairant l'habitation des consorts P..., que le trouble invoqué n'était pas anormal, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts P... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts P... et les condamne à payer à la SCI HEG la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour les consorts P....
Il est grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les époux P... de leur demande tendant à voir juger que leur propriété bénéficiait d'une servitude de vue grevant le fonds de la société HEG et condamner cette dernière sur le fondement du trouble anormal du voisinage, de les avoir condamnés à supprimer l'ouverture pratiquée sur la limite séparative de leur propriété sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à payer à la société HEG la somme de 4.000 euros en réparation du préjudice pécuniaire généré par l'arrêt des travaux ;
AUX MOTIFS QUE sur la servitude par destination du père de famille : que pour valoir titre de servitude par destination du père de famille en application de l'article 693 du code civil, la situation revendiquée par M. et Mme P... devait être apparente au moment de la division du fonds ; que si l'acte notarié du 14 avril 1988 constatant la vente qui leur a été consentie par la société des Aciéries du Haut Languedoc fait état de l'intégration des biens vendus dans un plus grand corps, M. et Mme P... ne démontrent pas que l'immeuble qu'ils occupent aujourd'hui était déjà pourvu de la fenêtre litigieuse, s'ouvrant sur le toit-terrasse de l'immeuble adverse, objet du projet de construction ; que c'est dès lors justement que le tribunal a rejeté leur demande fondée sur l'existence d'une servitude par destination du père de famille ; que sur l'acquisition de la prescription trentenaire, que la fenêtre mise en place sur le mur privatif situé en limite du fonds P... est irrégulière en ce qu'elle permet une vue droite sur l'héritage voisin, sans respecter la distance de 1,90 mètre prescrite par l'article 678 du code civil ; que M. et Mme P... invoquent l'acquisition d'une servitude de vue par prescription trentenaire autorisée par l'article 690 du code civil ; que pour se prévaloir utilement de l'absence de contradiction adverse caractérisant la possession paisible nécessaire à la prescription acquisitive ; que les appelants doivent démontrer qu'ils ont disposé d'une véritable vue sur le fonds voisin ; qu'ils ne peuvent cependant s'en réclamer, alors que la perspective dont ils ont bénéficié jusqu'aux travaux entrepris par l'intimée, a concerné le toit-terrasse aveugle du bâtiment contigu à leur habitation, dont ils ne soutiennent, ni ne démontrent qu'il aurait été régulièrement utilisé et fréquenté par la société HEG, sans indiscrétion, ni gène subies et acceptées par celle-ci, qui aurait alors sciemment renoncé à toute action en suppression de la vue irrégulière ;
qu'en conséquence, le jugement sera également confirmé en ce qu'il rejette leurs demandes fondées sur la prescription trentenaire ; que sur le trouble anormal de voisinage et la suppression de la fenêtre ; que M. et Mme P... invoquent un trouble anormal de voisinage créé par l'exhaussement de l'immeuble voisin, dont let réalisation devrait les priver de lumière naturelle provenant de la fenêtre litigieuse ; que par là même, ils réclament finalement le maintien de la situation antérieure, alors que celle-ci résulte d'une ouverture dont l'aménagement ne respecte pas lui-même les conditions de l'article 678 du code civil, étant encore relevé que le trouble de construction et / ou de transformation n'est pas anormal dans une zone urbaine comme celle où se situent les deux immeubles en cause ; que par suite le tribunal a justement écarté l'existence d'un trouble anormal de voisinage et condamné M. et Mme P... à supprimer, la fenêtre ouvrant sur le toit-terrasse de l'immeuble adverse ; (
) ; que sur le préjudice de la société HEG ; (...) qu'il demeure en définitive, que par le fait des appelants, le retard affectant l'exécution des travaux, est la cause d'un préjudice de jouissance, dont la réparation a été justement fixée par le tribunal à la somme de 4.000 euros ;
1°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans avoir examiné tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ;
qu'en se bornant, pour rejeter la demandes des époux P... fondée sur l'existence d'une servitude par destination du père de famille, à énoncer que ces derniers ne démontraient pas que l'immeuble qu'ils occupaient aujourd'hui était déjà pourvu de la fenêtre litigieuse s'ouvrant sur le toit terrasse de l'immeuble adverse, objet du projet de construction, sans même analyser, fut-ce sommairement, les attestations de Mme W... et de M. Y..., desquelles il ressortait que la fenêtre litigieuse existait au moins depuis l'année 1960, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE les conditions de distance légales prescrites par l'article 678 du code civil ne s'appliquent pas aux vues s'ouvrant sur un toit terrasse aveugle ; qu'en énonçant, pour condamner les époux P... à supprimer sous astreinte l'ouverture pratiquée sur la limite séparative de leur propriété, que la fenêtre mise en place sur le mur privatif situé en limite de leur fonds était irrégulière en ce qu'elle permettait une vue droite sur l'héritage voisin, sans respecter la distance de 1,90 mètre prescrite par l'article 678 du code civil, tout en constatant qu'elle donnait sur le toit terrasse aveugle du bâtiment contigu à leur habitation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles ils résultait que les conditions de distance prescrites par l'article 678 du code civil ne s'appliquaient pas à la vue s'ouvrant sur un toit terrasse aveugle, violant ainsi l'article 678 du code civil ;
3°) ALORS QUE l'appréciation du caractère anormal du trouble de voisinage doit se faire in concreto en tenant compte des éléments de chaque espèce ; qu'en se bornant, pour écarter l'existence d'un trouble anormal de voisinage, à énoncer que le trouble de construction et / ou de transformation n'était pas anormal dans une zone urbaine comme celle où se situaient les deux immeubles en cause, sans vérifier, comme elle y était invitée, si l'obstruction pure et simple d'une fenêtre desservant une pièce à vivre et à laquelle conduiraient les travaux d'exhaussement de l'immeuble voisin, ne constituait pas un trouble anormal de voisinage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, devenue l'article 1240 du code civil.