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05/06/2019 | FRANCE | N°18-16185

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 juin 2019, 18-16185


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme J... a été engagée le 31 mars 2004 en qualité d'employée commerciale par la société Gilodis, aux droits de laquelle vient la société Kylmel ; que les parties ont signé une convention de rupture le 23 août 2012 ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu

l'article L. 1235-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige ;

Attendu que pour...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme J... a été engagée le 31 mars 2004 en qualité d'employée commerciale par la société Gilodis, aux droits de laquelle vient la société Kylmel ; que les parties ont signé une convention de rupture le 23 août 2012 ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article L. 1235-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige ;

Attendu que pour condamner l'employeur à payer à la salariée, en sus de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture, une somme au titre de l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, l'arrêt, après avoir annulé la convention de rupture, retient qu'aucune des dispositions des articles L. 1232-1 et suivants du code du travail sur le licenciement n'a été respectée ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le contrat n'avait pas été rompu par un licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Kylmel à payer à Mme J... la somme de 1 335,11 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, l'arrêt rendu le 9 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE la demande d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;

Condamne Mme J... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juin deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour la société Kylmel

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit nulle et de nul effet la rupture conventionnelle signée le 23 août 2012, et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société Kylmel à payer à Mme J..., les sommes de 2.670,22 € à titre d'indemnité de préavis et 267,02 € au titre des congés payés afférents, 1.335,11 € à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, 10.000 euros nets, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement avec intérêts et aux frais irrépétibles et dépens ;

AUX MOTIFS QU' : « Aux termes de l'article L. 1237-11 du code du travail, l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie et la rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties.

La volonté des parties doit être libre et déterminée, l'existence d'un consentement vicié devant conduire au prononcé de la nullité de la convention.

Il est admis que même dans un contexte conflictuel une telle convention de rupture amiable peut être signée, dès lors que peut être vérifiée l'absence de vice du consentement des parties.

Pour remettre en cause la validité de son consentement, Mme J... expose qu'elle a été convoquée le 24 juillet 2012 à un entretien préalable devant se tenir le 20 août suivant, à raison de son comportement, que lors dudit entretien lui ont été imputés des faits de vols tenant à la non facturation d'un produit de 8,95 euros dont elle avait demandé le prix par simple passage devant le scanner et qui ne s'est pas retrouvé dans le rayon.

Elle fait également état de ce qu'avant même cet entretien préalable, des clients l'ont informée de ce qu'elle devait être licenciée et qu'après elle a été affectée à des tâches inhabituelles pour elle du type nettoyage du magasin et mise en rayon de produits.

La réalité de la situation conflictuelle résulte de la convocation à l'entretien préalable et du compte rendu qui en a été dressé par M. N..., assistant la salariée.

Cependant cette seule circonstance ne suffit pas à invalider la rupture conventionnelle intervenue le 23 août 2012.

En revanche, le déroulement des faits tend à établir l'existence d'une contrainte morale conduisant à reconnaître l'absence d'un consentement libre et déterminé de Mme J... à la rupture conventionnelle de son contrat de travail.

En effet, outre que la convocation à l'entretien préalable au licenciement faisait expressément référence à son comportement sans plus de précision, laissant ainsi planer une incertitude sur la cause, disciplinaire ou non, de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement, le déroulement de l'entretien préalable tenu le 20 août 2012 tel qu'il résulte de l'attestation de M. N... tend à démontrer qu'après avoir imputé à la salariée le fait qu'un produit du magasin était passé à sa caisse sans avoir été encaissé, il est apparu que cette dernière avait appris par des clients, avant même la date de l'entretien préalable qu'elle allait être convoquée audit entretien et licenciée dans la suite.

Quand bien même l'employeur affirma-t-il qu'il « ne voyait pas ce dont elle parlait », il reste que la rupture conventionnelle a été acceptée par la salariée alors que cette dernière avait appris par des clients qu'elle allait être licenciée, l'existence d'une contrainte morale à l'acceptation de la rupture conventionnelle devant compte tenu de cette circonstance, être retenue.

Aucune des dispositions des articles L. 1232-1 et suivants du code du travail sur le licenciement n'ont été respectées par la société Kylmel dont il n'est pas contesté qu'elle comptait moins de onze salariés.

Dès lors, Mme J... peut prétendre d'une part, au paiement de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents, soit 2 670,22 euros outre 267,02 euros.

D'autre part, en application de l'article L. 1235-5 du code du travail, il sera alloué à Mme J..., 1 335,11 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, et 10 000 euros nets de cotisations sociales en réparation du préjudice né de l'illégitimité de la rupture du contrat de travail, au regard de l'ancienneté de plus de huit ans de la salariée contrainte à plus de 48 ans à une reconversion en assistante maternelle ».

1) ALORS QUE c'est à celui qui invoque une cause de nullité de la convention d'en établir l'existence et que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ; qu'en l'espèce, il appartenait à Mme J..., qui prétendait que son consentement avait été vicié, de prouver les faits de nature à établir la contrainte morale qu'elle alléguait par des éléments de preuve distincts de ses propres déclarations ; que pour tenir pour établi que Mme J... avait subi une contrainte morale qui avait vicié son consentement en ce qu'elle avait « appris par des clients qu'elle allait être licenciée » (arrêt, p. 3, §9), fait formellement contesté par l'employeur (conclusions d'appel, p. 7), la cour d'appel s'est fondée sur « l'attestation de M. N... », l'assistant de la salariée lors de l'entretien préalable à son licenciement, qui se bornait à rendre compte des propres déclarations de Mme J..., de sorte, qu'en se fondant sur les seules déclarations de la salariée, la cour d'appel a violé les articles 9 du code de procédure civile et 1315, devenu 1353, du code civil ;

2) ALORS QU'une attestation n'a de valeur probante que s'agissant de la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu'il a personnellement constatés ; qu'en retenant « qu'il est apparu que (Mme J...) avait appris par des clients, avant même la date de l'entretien préalable qu'elle allait être convoquée audit entretien et licenciée dans la suite », selon les termes de l'attestation de M. N... qui relatait les seules déclarations de la salariée sur des faits auxquels M. N... n'avait pas assisté et qu'il n'avait pas personnellement constatés, la cour d'appel a violé l'article 202 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE les jugements doivent être motivés à peine de nullité et le juge doit énoncer, fut-ce sommairement, les pièces sur lesquelles il se fonde pour retenir un fait dont la matérialité est contestée par une partie ; qu'en l'espèce, la société Kylmel ayant formellement contesté que des clients puissent avoir informé Mme J... de ce qu'elle allait être licenciée (conclusions d'appel, p. 7) ; la cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer que Mme J... avait « appris par des clients qu'elle allait être licenciée » (arrêt, p. 3 ; § 9) car en statuant ainsi, sans indiquer, au moins sommairement, les pièces – autres que l'attestation de M. N... – desquelles elle tenait pour établie l'existence de ce fait contesté, la cour d'appel a méconnu les exigences des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

4) ALORS QUE l'existence d'un vice du consentement s'apprécie au jour de la conclusion du contrat ; qu'en l'espèce, en se fondant sur la contrainte morale qui aurait résulté de ce que Mme J... aurait appris, avant l'entretien préalable du 20 août 2012, qu'elle allait être licenciée, sans caractériser que cette contrainte existait au jour de la conclusion de la convention de rupture, signée le 23 août 2012 et qu'elle avait perduré durant le délai de rétractation de 15 jours qui a suivi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1109, devenu 1130 du code civil, ensemble l'article L. 1237-11 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Kylmel à payer à Mme J... la somme de 1.335,11 € à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement et aux frais irrépétibles et dépens ;

AUX MOTIFS QU' « Aucune des dispositions des articles L. 1232-1 et suivants du code du travail sur le licenciement n'ont été respectées par la société Kylmel dont il n'est pas contesté qu'elle comptait moins de onze salariés.

Dès lors, Mme J... peut prétendre d'une part, au paiement de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents, soit 2 670,22 euros outre 267,02 euros.

D'autre part, en application de l'article L. 1235-5 du code du travail, il sera alloué à Mme J..., 1 335,11 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, et 10 000 euros nets de cotisations sociales en réparation du préjudice né de l'illégitimité de la rupture du contrat de travail, au regard de l'ancienneté de plus de huit ans de la salariée contrainte à plus de 48 ans à une reconversion en assistante maternelle ».

1) ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen entrainera, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a condamné la société Kylmel pour non-respect de la procédure de licenciement, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE l'indemnité prévue par l'article L. 1235-2 du code du travail pour inobservation de la procédure de licenciement ne peut être allouée que lorsque le contrat de travail a été rompu par un licenciement à l'initiative de l'employeur ; qu'en condamnant la société Kylmel pour non-respect de la procédure de licenciement, quand le contrat de travail avait été rompu par une rupture conventionnelle, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-2 précité ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-16185
Date de la décision : 05/06/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 09 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 jui. 2019, pourvoi n°18-16185


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.16185
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