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05/06/2019 | FRANCE | N°17-28853

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 juin 2019, 17-28853


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 5 octobre 2017), que M. D... a été engagé à compter du 18 juin 2012 par l'association Groupement d'employeurs travailleurs handicapés (le GETH) en qualité « d'opérateur en salle blanche », d'abord dans le cadre d'un contrat à durée déterminée puis, à compter du 20 décembre 2012, par contrat à durée indéterminée ; que par un dernier avenant du 24 février 2014, il a été mis à disposition de la société Fresenius Vial au poste d

'opérateur en équipe autonome de production ; qu'à l'issue de deux examens médicaux des...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 5 octobre 2017), que M. D... a été engagé à compter du 18 juin 2012 par l'association Groupement d'employeurs travailleurs handicapés (le GETH) en qualité « d'opérateur en salle blanche », d'abord dans le cadre d'un contrat à durée déterminée puis, à compter du 20 décembre 2012, par contrat à durée indéterminée ; que par un dernier avenant du 24 février 2014, il a été mis à disposition de la société Fresenius Vial au poste d'opérateur en équipe autonome de production ; qu'à l'issue de deux examens médicaux des 7 et 21 mars 2014, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste ; que, le 29 avril 2014, le salarié a été licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement ; que, contestant cette mesure, il a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que le GETH fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer à M. D... diverses sommes au titre de la rupture de son contrat de travail, alors, selon le moyen :

1°/ qu'un groupement d'employeurs chargé de mettre les salariés qu'il engage à la disposition des entreprises adhérentes pour effectuer des missions temporaires n'a pas à rechercher des possibilités de reclassement au sein de ces sociétés ; qu'en affirmant, après avoir relevé que l'association GETH « n'appartient pas à un groupe », que celle-ci « est également employeur de salariés handicapés qu'elle a pour mission de mettre à disposition de ses adhérents », de sorte « qu'elle devait rechercher un poste de reclassement auprès des employeurs qu'elle regroupe », la cour d'appel a violé l'article L. 1226-2 du code du travail ;

2°/ qu'il appartient à l'employeur de justifier qu'il n'a pu, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail, le reclasser dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, effectuée au sein de l'entreprise et des entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'en se bornant à affirmer, pour juger que le GETH n'avait pas respecté son obligation de reclassement, que si cette association « n'appartient pas à un groupe (
), elle est également employeur de salariés handicapés qu'elle a pour mission de mettre à disposition de ses adhérents », de sorte « qu'elle devait rechercher un poste de reclassement auprès des employeurs qu'elle regroupe », sans cependant préciser si les liens de partenariat relevés par ses soins permettaient d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel entre les sociétés en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail ;

3°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que dans la procédure orale, le moyen soulevé d'office par le juge est présumé avoir été débattu contradictoirement, sauf preuve contraire pouvant résulter du fait que les conclusions écrites des parties, oralement soutenues à l'audience, ne comportent pas de tel moyen ; qu'en affirmant, pour juger que le GETH n'avait pas rempli sérieusement et loyalement son obligation de reclassement, que « le GETH justifie avoir adressé le 25 mars 2014 un mail relatif au reclassement de M. D... à 18 adhérents mais ne produit que 8 réponses négatives », quand elle avait expressément énoncé que les conclusions d'appel des parties avaient été « régulièrement transmises, visées et développées oralement à l'audience » et que celles-ci ne comportaient aucun moyen sur le caractère non exhaustif des réponses négatives des sociétés adhérentes reçues par l'employeur, ce dont il résultait qu'elle avait soulevé ce moyen sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce chef, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°/ qu'il appartient à l'employeur de prendre connaissance des réponses des sociétés auxquelles il s'est adressé en vue d'assurer le reclassement de son salarié avant d'engager, à l'encontre de ce dernier, une procédure de licenciement ; qu'après avoir relevé que le GETH « justifie avoir adressé le 25 mars 2014 un mail relatif au reclassement de M. D... à 18 adhérents mais ne produit que 8 réponses négatives », la cour d'appel a jugé que « le GETH qui ne justifie pas avoir attendu l'ensemble des réponses de ses adhérents, n'a pas rempli sérieusement et loyalement son obligation de reclassement, de sorte que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse » ; qu'en subordonnant ainsi le respect de l'obligation de reclassement mise à la charge de l'employeur à la preuve de la réception, par ce dernier, de la totalité des réponses des sociétés démarchées, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, en violation de l'article L. 1226-2 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, qu'ayant relevé que le GETH était employeur de salariés handicapés qu'il avait pour mission de mettre à disposition de ses adhérents, la cour d'appel a pu en déduire que la recherche de reclassement ne pouvait être limitée aux trois postes « permanents » de l'entreprise ;

Attendu, ensuite, que, sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi et de défaut de base légale, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine de la cour d'appel qui, sans méconnaître le principe de la contradiction, a constaté que l'employeur, qui ne produisait qu'une partie des réponses de ses adhérents au mail adressé le 25 mars 2014 relatif au reclassement du salarié, ne justifiait pas d'une recherche loyale et sérieuse de reclassement ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'association Groupement d'employeurs travailleurs handicapés aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association Groupement d'employeurs travailleurs handicapés à payer à M. D... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juin deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour l'association Groupement d'employeurs travailleurs handicapés

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de Monsieur D... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir, en conséquence, condamné le Groupement des Employeurs de Travailleurs Handicapés à payer à Monsieur Y... D... les sommes de 4 531,70 € et de 453,17 € à titre d'indemnités de préavis et de congés payés y afférents, de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié et de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Aux motifs que par avis du médecin du travail des 7 et 21 mars 2014, Monsieur D... a été déclaré inapte à son poste d'opérateur au montage bas et sous ensemble et apte à un poste sans manutentions de plus de 10 kg, sans exposition aux hautes températures et sans exigences visuelles fortes prolongées : qu'en réponse au courrier de l'employeur du 24 mars 2014 interrogeant le médecin du travail, celui-ci a indiqué par lettre du 28 mars que Monsieur D... était apte à un poste : « qui ne comporte pas de manutentions de plus de 10kg à répétition, qui n'expose pas aux hautes températures (plus de 28° en continu) ni aux intempéries, qui ne comporte pas de conduite d'engins élévateurs, de nacelle, de camion PL, qui ne comporte pas d'exigences visuelles prolongées, qui n'expose pas à un stress excessif : travaux de rendement, à la chaîne. Ce peut être un travail avec des postures debout et/ou des déplacements à pied occasionnels, en équipe du matin ou d'après-midi mais pas de nuit, un travail en salle blanche » ; que Monsieur D... reproche au GETH d'avoir rompu son contrat de travail en invoquant une inaptitude à un emploi d'opérateur EAP1 qui n'était pas celui pour lequel il avait été embauché, à savoir un emploi en salle blanche pour lequel le médecin du travail l'a déclaré apte ; que toutefois, le fait que Monsieur D... soit apte à occuper un emploi en salle blanche qu'il avait occupé précédemment n'est pas incompatible avec la reconnaissance de son inaptitude à occuper le poste d'opérateur EAP1 qu'il occupait conformément à l'avenant régularisé le 24 février 2014, lors de la constatation de l'inaptitude laquelle n'a pas fait l'objet de contestation de la part du salarié ; qu'en application des dispositions de l'article L 1226-2 du Code du travail, en cas d'inaptitude médicale d'un salarié non consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle « l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail » ; qu'à cet égard, l'employeur doit mettre en oeuvre tous les moyens dont il dispose pour effectuer une recherche sérieuse et loyale de tous les postes susceptibles de correspondre aux aptitudes du salarié au vu des préconisations du médecin du travail, le plus proche possible de ses fonctions et de son niveau de rémunération précédent ; que les recherches doivent être conduites par l'employeur tant au sein de l'entreprise elle-même qu'au sein du groupe auquel elle appartient ; qu'en l'espèce, le GETH est une association qui n'appartient pas à un groupe ; que toutefois, le périmètre du reclassement ne peut être limité ainsi qu'elle le soutient aux 3 postes permanents qui la compose à savoir un directeur, une chargée de mission et une assistante de direction, alors qu'elle est également employeur de salariés handicapés qu'elle a pour mission de mettre à disposition de ses adhérents ; qu'il en résulte qu'elle devrait rechercher un poste de reclassement auprès des employeurs qu'elle regroupe ; qu'à cet égard, le GETH, qui indique avoir néanmoins procédé à une telle recherche même si elle estimait ne pas y être tenue, justifie avoir adressé le 25 mars 2014 un mail relatif au reclassement de Monsieur D... à 18 adhérents mais ne produit que 8 réponses négatives ; qu'au vu de ces éléments, le GETH qui ne justifie pas avoir attendu l'ensemble des réponses de ses adhérents, n'a pas rempli sérieusement et loyalement son obligation de reclassement, de sorte que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ; que dès lors que le licenciement pour inaptitude est jugé sans cause réelle et sérieuse, l'indemnité compensatrice de préavis est due ; qu'en application de l'article L 5213-9 du Code du travail, en sa qualité de travailleur handicapé, Monsieur D... a droit à une indemnité représentant le double de l'indemnité déterminée par l'article L 1234-1 dans la limite de 3 mois ; qu'il sera alloué à Monsieur D... la somme réclamée de 4 531,70 € à ce titre, outre celle de 453,17 € à titre de congés payés afférents ; que Monsieur D... ayant une ancienneté de moins de deux ans, il peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi ; qu'âgé de 57 ans à la date du licenciement, et compte tenu de restrictions professionnelles dues à son état de santé, la situation de Monsieur D... est restée précaire puisqu'il justifie de missions intérim du 4 novembre au 19 décembre 2014 et du 21 janvier au 6 mars 2015 et avoir été pris en charge par pôle emploi jusqu'en mai 2015 ; qu'au vu de ces éléments, il convient de lui allouer la somme de 15 000 € à titre d'indemnisation de son préjudice ;

ALORS, D'UNE PART, QU'un groupement d'employeurs chargé de mettre les salariés qu'il engage à la disposition des entreprises adhérentes pour effectuer des missions temporaires n'a pas à rechercher des possibilités de reclassement au sein de ces sociétés ; qu'en affirmant, après avoir relevé que l'association GETH « n'appartient pas à un groupe », que celle-ci « est également employeur de salariés handicapés qu'elle a pour mission de mettre à disposition de ses adhérents », de sorte « qu'elle devait rechercher un poste de reclassement auprès des employeurs qu'elle regroupe », la Cour d'appel a violé l'article L 1226-2 du Code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART et subsidiairement, QU'il appartient à l'employeur de justifier qu'il n'a pu, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail, le reclasser dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, effectuée au sein de l'entreprise et des entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'en se bornant à affirmer, pour juger que le GETH n'avait pas respecté son obligation de reclassement, que si cette association « n'appartient pas à un groupe (
), elle est également employeur de salariés handicapés qu'elle a pour mission de mettre à disposition de ses adhérents », de sorte « qu'elle devait rechercher un poste de reclassement auprès des employeurs qu'elle regroupe », sans cependant préciser si les liens de partenariat relevés par ses soins permettaient d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel entre les sociétés en cause, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1226-2 du Code du travail ;

ALORS, ENSUITE et en tout état de cause, QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que dans la procédure orale, le moyen soulevé d'office par le juge est présumé avoir été débattu contradictoirement, sauf preuve contraire pouvant résulter du fait que les conclusions écrites des parties, oralement soutenues à l'audience, ne comportent pas de tel moyen ; qu'en affirmant, pour juger que le GETH n'avait pas rempli sérieusement et loyalement son obligation de reclassement, que « le GETH justifie avoir adressé le 25 mars 2014 un mail relatif au reclassement de Monsieur D... à 18 adhérents mais ne produit que 8 réponses négatives », quand elle avait expressément énoncé que les conclusions d'appel des parties avaient été « régulièrement transmises, visées et développées oralement à l'audience » et que celles-ci ne comportaient aucun moyen sur le caractère non exhaustif des réponses négatives des sociétés adhérentes reçues par l'employeur, ce dont il résultait qu'elle avait soulevé ce moyen sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce chef, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;

ALORS, ENFIN et à titre infiniment subsidiaire, QU'il appartient à l'employeur de prendre connaissance des réponses des sociétés auxquelles il s'est adressé en vue d'assurer le reclassement de son salarié avant d'engager, à l'encontre de ce dernier, une procédure de licenciement ; qu'après avoir relevé que le GETH « justifie avoir adressé le 25 mars 2014 un mail relatif au reclassement de Monsieur D... à 18 adhérents mais ne produit que 8 réponses négatives », la Cour d'appel a jugé que « le GETH qui ne justifie pas avoir attendu l'ensemble des réponses de ses adhérents, n'a pas rempli sérieusement et loyalement son obligation de reclassement, de sorte que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse » ; qu'en subordonnant ainsi le respect de l'obligation de reclassement mise à la charge de l'employeur à la preuve de la réception, par ce dernier, de la totalité des réponses des sociétés démarchées, la Cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, en violation de l'article L 1226-2 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-28853
Date de la décision : 05/06/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 05 octobre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 jui. 2019, pourvoi n°17-28853


Composition du Tribunal
Président : M. Cathala (président)
Avocat(s) : SCP Jean-Philippe Caston, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.28853
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