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05/06/2019 | FRANCE | N°17-17477

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 juin 2019, 17-17477


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 mars 2017), que la Fédération chimie énergie CFDT (la Fédération) a saisi le tribunal de grande instance de Paris d'une demande portant sur l'application de l'article 14, § 6, du statut national des industries électriques et gazières (IEG) et sur celle du paragraphe 212 de la circulaire Pers. 684 du 28 juin 1976 portant sur la nationalisation de l'électricité dans les départements d'Outre-mer et l'intégration du personnel dans celui d'Ele

ctricité de France ;

Attendu que la Fédération fait grief à l'arrêt de la...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 mars 2017), que la Fédération chimie énergie CFDT (la Fédération) a saisi le tribunal de grande instance de Paris d'une demande portant sur l'application de l'article 14, § 6, du statut national des industries électriques et gazières (IEG) et sur celle du paragraphe 212 de la circulaire Pers. 684 du 28 juin 1976 portant sur la nationalisation de l'électricité dans les départements d'Outre-mer et l'intégration du personnel dans celui d'Electricité de France ;

Attendu que la Fédération fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à faire juger nul le paragraphe 212 de la circulaire Pers. 684, de dire que cette circulaire ne peut pas constituer une interprétation conforme de l'article 14, § 6, du statut des IEG et que celui-ci doit permettre à chaque agent EDF affecté sur le territoire d'Outre-mer de bénéficier des majorations appliquées au salaire de base des fonctionnaires de l'Etat affectés dans les départements d'Outre-mer et d'ordonner à la société EDF, sous astreinte, de faire application des dispositions de l'article 14, § 6, du statut en ce qu'il garantit à chacun des agents une majoration de rémunération équivalente à 40 % de celle de l'agent affecté en métropole pour le même coefficient alors selon le moyen :

1°/ que si l'article 14, § 6, du statut de 1946 ne pouvait plus être appliqué à la lettre aux personnels des industries électriques et gazières travaillant dans les départements d'Outre-mer, son objectif était clairement d'aligner les indemnités spécialement octroyées à ceux des employés de ces entreprises travaillant Outre-mer, sur les indemnités spécifiquement accordés aux fonctionnaires de l'Etat exerçant leur activité Outre-mer ; qu'en refusant d'admettre que cet article, non abrogé ni modifié depuis 1946, consacrait un principe d'égalité de traitement toujours applicable et de vérifier si les agents des IEG affectés dans les départements d'Outre-mer perçoivent, en comparaison des agents travaillant en métropole, des avantages similaires à ceux dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat affectés dans ces départements par rapport aux fonctionnaires exerçant leur activité en métropole, la cour d'appel a violé l'article 14, § 6, du statut national des personnels des industries électriques et gazières issu du décret 46-1541 du 22 juin 1946 ;

2°/ que le relevé de conclusions du 22 février 1972 stipulait "Il est décidé d'appliquer l'article 14, § 6, du statut national. A cet effet, pour accorder au personnel des sociétés d'électricité des départements d'Outre-mer des majorations de salaires de base identiques à celles dont bénéficient les fonctionnaires dans ces départements (...) les protocoles devront être modifiés comme suit" ; que la circonstance que les lois et décrets intervenus depuis 1947 aient eu pour effet de supprimer les indemnités coloniales proprement dites n'a donc pas empêché les partenaires sociaux de manifester expressément leur volonté d'appliquer l'article 14, § 6, du statut en accordant au personnel des entreprises d'électricité des départements d'Outre-mer des compléments de rémunération identiques à ceux octroyés aux fonctionnaires affectés dans ces départements ; qu'en décidant cependant que les dispositions dudit § 6 de l'article 14 étaient privées d'effet du fait de la disparition des indemnités coloniales, la cour d'appel a violé l'article 14, § 6, du statut national du personnel des IEG, le relevé de conclusions du 22 février 1972, l'article L. 2254-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil dans sa rédaction alors applicable ;

3°/ que le relevé de conclusions du 22 février 1972 stipulait "Il est décidé d'appliquer l'article 14, § 6, du statut national. A cet effet, pour accorder au personnel des sociétés d'électricité des départements d'Outre-mer des majorations de salaires de base identiques à celles dont bénéficient les fonctionnaires dans ces départements (10 % + 40 %) les protocoles devront être modifiées comme suit ; " ; qu'en se fondant sur les stipulations des protocoles d'accord conclus entre 1967 et 1969 déclarant l'article 14, § 6, du statut « sans objet pour le personnel de la société », sans examiner si ces accords antérieurs au relevé de conclusions n'avaient pas été rendu caducs par ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14, § 6, du statut national du personnel des IEG, ensemble le relevé de conclusions du 22 février 1972, l'article L. 2254-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil dans sa rédaction alors applicable ;

4°/ que la CFDT faisait valoir que la majoration résidentielle de 25 % attribuée aux agents d'EDF affectés dans les départements d'Outre-mer ne devait pas être prise en considération pour comparer leurs indemnités à celles des fonctionnaires de l'Etat affectés dans ces départements puisque la majoration résidentielle, égale à 24, 24,5 ou 25 % selon les zones, est attribuée à l'ensemble des agents ; que les juges du fond ont effectivement constaté qu'aux termes de l'article 9 du statut du personnel des IEG, tous les agents perçoivent, en sus du salaire national de base, une majoration résidentielle, et que celle-ci est égale à 25 % du salaire de base pour tous les agents travaillant en zone urbaine ; qu'en prenant cependant en compte cette majoration résidentielle pour vérifier l'égalité de traitement entre les agents des IEG et les fonctionnaires de l'Etat affectés dans les départements d'Outre-mer, la cour d'appel a violé les articles 9 et 14, § 6, du statut du personnel des IEG ;

5°/ que des accords conclus localement entre 1967 et 1972 ne sauraient empêcher les organisations syndicales représentatives au niveau national de remettre en cause, une quarantaine d'années plus tard, et après une loi de nationalisation des entreprises du secteur, une situation qu'elles considèrent comme irrégulière ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante que le Pers. 684 reprend à l'identique les dispositions des protocoles d'accord et des avenants antérieurs ayant pour objet l'application du statut aux agents des entreprises d'électricité dans les départements d'Outre-mer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14, § 6, du statut national du personnel des IEG ;

6°/ que la circonstance qu'une situation ait été tolérée pendant des années ne démontre pas par elle-même sa régularité ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante que l'application de la circulaire Pers. n'a pas été remise en cause avant 2011, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de fondement légal au regard de l'article 14, § 6, du statut national du personnel des IEG ;

Mais attendu, d'abord, que si, en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif, les tribunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en va autrement lorsqu'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation ne peut être accueillie par le juge saisi au principal ;

Et attendu que par arrêt du 16 mars 2015 (n° 372875), le Conseil d'Etat, retenant dans les motifs de sa décision que les textes législatifs et réglementaires adoptés entre 1947 et 1975 avaient privé d'effet le paragraphe 6 de l'article 14 du statut national du personnel des industries électriques et gazières, a jugé que les conclusions de la Fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie-CGT tendant à ce que le paragraphe 212 de la circulaire Pers. n° 684 du 28 juin 1976 des directeurs généraux des sociétés Electricité de France et Gaz de France relative à la nationalisation de l'électricité dans les départements d'Outre-mer-intégration du personnel dans celui d'Electricité de France soit déclaré illégal étaient rejetées ;

Qu'il apparaît manifestement, au vu de cette jurisprudence établie de la juridiction administrative quant à la légalité de l'article 212 de la circulaire Pers. 684, que la Fédération n'est pas fondée à demander que son application soit écartée en tant qu'il méconnaissait l'article 14 du statut ;

Attendu, ensuite, que selon cet article 212, les agents perçoivent une "indemnité spéciale DOM" égale à 25 % du salaire national de base affecté de leur coefficient hiérarchique ; que s'y ajoute la majoration résidentielle de 25 % affectant le salaire national de base prévue à l'article 211 de la même circulaire ; qu'il s'en suit que les personnels des IEG des départements d'Outre-mer perçoivent des indemnités résidentielles d'un montant total équivalent à celui des indemnités allouées aux fonctionnaires d'Outre-mer auxquels ils se comparent de sorte que le principe d'égalité de traitement qui résulte de l'article 14, § 6, du statut national n'est pas méconnu ;

Que par ces motifs de pur droit, substitués aux motifs critiqués, après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Fédération chimie énergie CFDT aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juin deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la Fédération chimie énergie CFDT

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la Fédération Chimie Energie CFDT de sa demande tendant à voir juger nulle le paragraphe 212 de la circulaire PERS n° 684 du 28 juin 1976, de dire que cette circulaire ne peut pas constituer une interprétation conforme de l'article 14 § 6 du statut des industries électriques et gazières et que celui-ci doit permettre à chaque agent EDF affecté sur le territoire d'Outre-mer de bénéficier des majorations appliquées au salaire de base des fonctionnaires de l'Etat affectés dans les départements d'Outre-mer et d'ordonner à la société EDF, sous astreinte, de faire application des dispositions de l'article 14 § 6 du statut en ce qu'il garantit à chacun des agents une majoration de rémunération équivalente à 40 % de celle de l'agent affecté en métropole pour le même coefficient ;

AUX MOTIFS propres QUE, par application du statut national des personnels des industries électriques et gazières issu du décret 46-1541 du 22 juin 1946 pris en application de l'article 47 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946, les agents de la SA EDF perçoivent une rémunération de base composée d'un salaire national fixé pour chaque coefficient et d'une majoration résidentielle fixée en fonction de coefficients du salaire national ; que l'article 14 § 6 du statut prévoit que « les agents en service dans les territoires d'outre-mer bénéficieront de l'intégralité des indemnités coloniales applicables aux fonctionnaires de l'état dans les mêmes territoires » ; que la rémunération statutaire de base est garantie par l'article 9 du statut et supporte sur son intégralité l'ensemble des cotisations sociales ; que l'indemnité coloniale applicable aux fonctionnaires de l'Etat a été instituée par un décret du 18 mars 1910 qui détermine la solde versée au personnel des services coloniaux ou locaux, constituée de la solde proprement dite et d'accessoires de solde ou indemnités, et permettant à ces fonctionnaires de prétendre au versement d'une "indemnité de résidence ou de cherté de vivrées", destinée à les dédommager des dépenses supplémentaires occasionnées en raison du coût des denrées, loyers ou vivres ; que cette indemnité n'a plus été versée sous cette forme à compter du 1er janvier 1948, conformément au décret n° 47-2412 du 31 décembre 1947, les fonctionnaires des départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion cessant alors d'être soumis à la réglementation de la solde et les accessoires de soldes coloniaux ; que des protocoles d'accord, en 1967 et 1969, ont déterminé les conditions spécifiques dans lesquelles le statut national du personnel des IEG serait appliqué aux agents travaillant dans les départements d'Outre-mer et prévu que leur rémunération serait fixée en fonction du salaire de base majoré au sein d'EDF, avec une majoration résidentielle de 25 % à laquelle s'ajouterait un complément de rémunération, attribué aux seuls agents travaillant dans les entreprises produisant et distribuant de l'électricité dans ces départements, correspondant à 15 % du salaire national de base avec cette précision, dénuée de toute ambiguïté ; qu'il était dès alors expressément spécifié : « l'article 14 paragraphe 6 du statut national du personnel des industries électriques et gazières est sans objet pour le personnel de la société » ; que des négociations ont été menées à la suite d'un mouvement social en 1972 et de la revendication des agents des départements d'Outre-mer concernant l'application de l'article 14 § 6 du statut, et ont abouti à la signature d'un « relevé de conclusions » prévoyant la mise en place d'un dispositif alternatif, à savoir que la rémunération des agents statutaires de la société serait fixée en fonction du salaire de base identique à celles dont bénéficient les fonctionnaires dans ces départements (10 % + 40 %) et qu'elle serait composée de : - un salaire de base en fonction du salaire national de base (SNB) "en vigueur à EDF", - une majoration résidentielle correspondant à 25 % de ce salaire de base, - un complément de rémunération correspondant à 25 % de ce même salaire de base ; que ce relevé de conclusions a été négocié et signé successivement par le gouvernement et les organisations syndicales représentatives dans les entreprises produisant et distribuant de l'électricité dans les départements d'Outre-mer, puis par les entreprises produisant et distribuant de l'électricité dans ces départements et les organisations syndicales représentatives dans ces entreprises ; que les entreprises ayant pour activité la production, le transport, la distribution et l'exportation d'électricité dans les départements d'Outre-mer ont été nationalisées dans le cadre de la loi n° 75-622 du 11 juillet 1972, l'ensemble de leurs biens et obligations étant transférés à EDF qui a intégré le personnel ; qu'entrent dans le champ du statut national du personnel des IEG les salariés de la société EDF mais aussi ceux d'entreprises créées postérieurement à la nationalisation et qui en sont exclues ; que compte tenu de cette nouvelle situation et des protocoles d'accords en vigueur avant la nationalisation, une circulaire en date du 28 juin 1976 dite PERS n° 684 a été édictée disposant que les agents recrutés dans un département d'Outre-mer percevraient : « 211 - Rémunération, majoration résiduelle : Pour le calcul de la rémunération, le salaire national de base (article 9 du statut national) est affecté d'un coefficient de majoration résidentielle de 25 %. 212 - Indemnités versées dans le cadre de l'article 14 § 6 du statut national « indemnité spéciale DOM » : Les agents perçoivent une indemnité spéciale DOM égale à 25 % du salaire national de base affecté de leur coefficient hiérarchique (catégorie-classe- échelon) » ; que c'est à juste titre, après avoir rappelé que concernant les fonctionnaires, la loi du 3 avril 1950 a introduit, en sus de la majoration de 10 %, une majoration de 25 %, puis que le décret du 22 décembre 1953 a, quant à lui, institué un complément temporaire à cette majoration de traitement, porté par un décret du 28 janvier 1957 à 15 % du traitement indiciaire de base, que le tribunal a considéré que les textes adoptés entre 1946 et 1975 avaient privé d'effets le § 6 de l'article 14 du statut et que la fédération Chimie Energie CFDT n'était pas fondée à en demander l'application dès lors que : - la PERS 684 ne fait que reprendre à l'identique les dispositions des protocoles d'accord et des avenants antérieurs négociés par les partenaires sociaux et ayant pour objet l'application intégrale du statut aux agents des entreprises ayant pour activité la production, le transport, la distribution et l'exportation d'électricité dans les départements d'Outre-mer - son application n'a été remise en cause qu'en 2011, alors même que les indemnités coloniales visées par l'article 14 § 6 ont disparu depuis 1946 ; que ces mêmes considérations conduisent également à dire que le syndicat ne pouvait pas plus de prévaloir d'une inégalité de traitement ;

AUX MOTIFS adoptés QUE le statut national du personnel des IEG prévoit, en son article 9, que les agents perçoivent un salaire national de base auquel s'ajoute des majorations résidentielles soumises à cotisations et, en son article 14 § 6, que les agents en service dans les territoires d'Outre-mer bénéficient de l'intégralité des indemnités coloniales applicables aux fonctionnaires de l'Etat dans ces territoires ; que le statut ainsi défini n'était, à l'époque, pas applicable aux départements et territoires d'Outre-mer ; que des protocoles d'accord, conclus entre 1967 et 1969, ont précisé les conditions d'applications du statut aux agents des IEG employés dans les départements d'Outre-mer et ont prévu que la rémunération serait fixée en fonction du salaire national de base au sein d'EDF, assorti d'une majoration résidentielle de 25 %, à laquelle s'ajouterait un complément de rémunération de 25 % de ce salaire national en spécifiant que « l'article 14 paragraphe 6, du statut national du personnel des industries électriques et gazières est sans objet pour le personnel de la société » ; qu'en 1972, pour mettre fin à des conflits sociaux et au terme d'un « relevé de conclusions » signé entre le gouvernement et les organisations syndicales représentatives, il a été convenu de dispositions ayant pour objet l'application intégrale du statut dans les départements d'Outre-mer et, à ce titre, de l'article l4 § 6, et qu'à cet effet, pour accorder au personnel des sociétés d'électricité des départements d'Outre-mer des majorations du salaire de base identiques à celles dont bénéficient les fonctionnaires dans ces départements (10 % + 40 %), les protocoles devront être modifiés comme suit : « Article 3 (nouveau) - La rémunération des agents statutaires de la société est fixée en fonction du salaire national de base en vigueur à EDF ; ce salaire de base est assorti d'une majoration résidentielle égale à 25 % (taux en vigueur dans la région parisienne). Par application de l'article 14 paragraphe 6, du statut national, un complément de rémunération égal à 25 % du salaire national de base affecté du coefficient de classement de l'agent, s'ajoute au salaire défini ci-dessus. » ; que ce relevé de conclusions a donné lieu à la signature par les partenaires sociaux d'avenants aux protocoles sus-évoqués reprenant à l'identique les dispositions arrêtées entre le gouvernement et les partenaires sociaux ; que la loi du 11 juillet 1975, qui a nationalisé l'ensemble des entreprises ayant pour activité la production, le transport, la distribution, l'importation et l'exportation d'électricité dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion, a notamment rendu applicable le statut aux agents des entreprises nationalisées, intégrés au sein du personnel d'EDF ; qu'une circulaire PERS n° 684 a été édictée le 28 juin 1976 pour définir les modalités de cette intégration et tenir compte des protocoles d'accord qui étaient en vigueur avant cette nationalisation, reprenant à l'identique le dispositif alternatif mis en place par ces protocoles ; que sous le titre « Rémunération et indemnités relatif aux agents recrutés dans un DOM et en service dans ce même département » figure un paragraphe 212 ainsi rédigé: « Indemnités versées dans le cadre de l'article 14 paragraphe 6 du statut national "indemnités spéciale DOM" Les agents perçoivent une "indemnité spéciale DOM " égale à 25 % du salaire de base national de base affecté de leur coefficient hiérarchique (catégorie-classe-échelon) Cette indemnité n'entre pas dans l'assiette des cotisations prévues au paragraphe 8 de l'article 23 (CAS) et au paragraphe 2 de l'article 24 (IVD) du statut national » ; qu'en application de ces dispositions, la société EDF verse aux agents travaillant dans les départements d'Outre-mer, outre le salaire de base calculé en fonction du salaire national de base et la majoration résidentielle de 25 % versée à tous les agents relevant du statut travaillant en zone urbaine, une indemnité spéciale DOM correspondant à 25 % du salaire de base ; que l'indemnité coloniale dont l'application est revendiquée par la fédération CFDT, dite de résidence ou de cherté de vivres, a disparu en raison de l'entrée en vigueur de la loi du 19 mars 1946 du décret du 10 septembre 1947 et du décret du 31 décembre 1947, fixant à titre provisoire le régime de rémunération et les avantages accessoires des personnels de l'Etat en service dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique et de la Réunion, qui a unifié la rémunération de ces fonctionnaires et a prévu pour les fonctionnaires affectés dans ces départements un complément de rémunération en raison de cette affectation ; que la loi du 3 avril 1950 a, en sus de l'indemnité de résidence de 10 %, introduit une majoration de traitement de 25 % pour les fonctionnaires affectés dans ces départements ; que le décret du 22 décembre 1953 a institué à titre provisoire un complément temporaire à cette majoration de traitement qui a été porté à 15 % du traitement indiciaire de base par le décret du 28 janvier 1957 ; que dans la mesure où la circulaire PERS critiquée est sur ce point la reprise à l'identique des dispositions des protocoles d'accord et des avenants antérieurs, négociés avec les partenaires sociaux et qui avaient pour objet l'application intégrale du statut aux agents employés dans les IEG Outre-mer et que son application n'a pas été remise en cause jusqu'en 2011, alors que les indemnités coloniales visées par l'article 14 § 6 ont disparu depuis 1946, les textes adoptés entre 1946 et 1975 ont privé d'effet le § 6 de l'article 14 du statut dont la fédération CFDT ne peut plus demander l'application ; qu'elle ne peut se prévaloir de ces dispositions pour dire qu'il existerait une inégalité de traitement ;

1° ALORS QUE si l'article 14 § 6 du statut de 1946 ne pouvait plus être appliqué à la lettre aux personnels des industries électriques et gazières travaillant dans les départements d'Outre-mer, son objectif était clairement d'aligner les indemnités spécialement octroyées à ceux des employés de ces entreprises travaillant Outre-mer, sur les indemnités spécifiquement accordés aux fonctionnaires de l'Etat exerçant leur activité Outre-mer ; qu'en refusant d'admettre que cet article, non abrogé ni modifié depuis 1946, consacrait un principe d'égalité de traitement toujours applicable et de vérifier si les agents des IEG affectés dans les départements d'outre-mer perçoivent, en comparaison des agents travaillant en métropole, des avantages similaires à ceux dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat affectés dans ces départements par rapport aux fonctionnaires exerçant leur activité en métropole, la cour d'appel a violé l'article 14 § 6 du statut national des personnels des industries électriques et gazières issu du décret 46-1541 du 22 juin 1946 ;

2° ALORS QUE le relevé de conclusions du 22 février 1972 stipulait « Il est décidé d'appliquer l'article 14 § 6 du statut national. A cet effet, pour accorder au personnel des sociétés d'électricité des départements d'Outre-mer des majorations de salaires de base identiques à celles dont bénéficient les fonctionnaires dans ces départements (...) les protocoles devront être modifiés comme suit » ; que la circonstance que les lois et décrets intervenus depuis 1947 aient eu pour effet de supprimer les indemnités coloniales proprement dites n'a donc pas empêché les partenaires sociaux de manifester expressément leur volonté d'appliquer l'article 14 § 6 du statut en accordant au personnel des entreprises d'électricité des départements d'Outre-mer des compléments de rémunération identiques à ceux octroyés aux fonctionnaires affectés dans ces départements ; qu'en décidant cependant que les dispositions dudit § 6 de l'article 14 étaient privées d'effet du fait de la disparition des indemnités coloniales, la cour d'appel a violé l'article 14 § 6 du statut national du personnel des IEG, le relevé de conclusions du 22 février 1972, l'article L. 2254-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil dans sa rédaction alors applicable ;

3° ALORS QUE le relevé de conclusions du 22 février 1972 stipulait « Il est décidé d'appliquer l'article 14 § 6 du statut national. A cet effet, pour accorder au personnel des sociétés d'électricité des départements d'Outre-mer des majorations de salaires de base identiques à celles dont bénéficient les fonctionnaires dans ces départements (10 % + 40 %) les protocoles devront être modifiées comme suit ; » ; qu'en se fondant sur les stipulations des protocoles d'accord conclus entre 1967 et 1969 déclarant l'article 14 § 6 du statut « sans objet pour le personnel de la société », sans examiner si ces accords antérieurs au relevé de conclusions n'avaient pas été rendu caducs par ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14 § 6 du statut national du personnel des IEG, ensemble le relevé de conclusions du 22 février 1972, l'article L. 2254-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil dans sa rédaction alors applicable ;

4° ALORS QUE la CFDT faisait valoir que la majoration résidentielle de 25 % attribuée aux agents d'EDF affectés dans les départements d'Outre-mer ne devait pas être prise en considération pour comparer leurs indemnités à celles des fonctionnaires de l'Etat affectés dans ces départements puisque la majoration résidentielle, égale à 24, 24,5 ou 25 % selon les zones, est attribuée à l'ensemble des agents ; que les juges du fond ont effectivement constaté qu'aux termes de l'article 9 du statut du personnel des IEG, tous les agents perçoivent, en sus du salaire national de base, une majoration résidentielle, et que celle-ci est égale à 25 % du salaire de base pour tous les agents travaillant en zone urbaine ; qu'en prenant cependant en compte cette majoration résidentielle pour vérifier l'égalité de traitement entre les agents des IEG et les fonctionnaires de l'Etat affectés dans les départements d'Outre-mer, la cour d'appel a violé des articles 9 et 14 § 6 du statut du personnel des IEG ;

5° ALORS QUE des accords conclus localement entre 1967 et 1972 ne sauraient empêcher les organisations syndicales représentatives au niveau national de remettre en cause, une quarantaine d'années plus tard, et après une loi de nationalisation des entreprises du secteur, une situation qu'elles considèrent comme irrégulière ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante que le PERS 684 reprend à l'identique les dispositions des protocoles d'accord et des avenants antérieurs ayant pour objet l'application du statut aux agents des entreprises d'électricité dans les départements d'Outre-mer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14 § 6 du statut national du personnel des IEG ;

6° ALORS QUE la circonstance qu'une situation ait été tolérée pendant des années ne démontre pas par elle-même sa régularité ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante que l'application de la circulaire PERS n'a pas été remise en cause avant 2011, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de fondement légal au regard de l'article 14 § 6 du statut national du personnel des IEG.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-17477
Date de la décision : 05/06/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

ENERGIE - Industries électriques et gazières - Personnel - Statut - Agents des départements d'Outre-mer - Salaires et traitements - Indemnités résidentielles - Montant - Montant équivalent aux indemnités des fonctionnaires de l'Etat - Egalité de traitement - Portée

SEPARATION DES POUVOIRS - Acte administratif - Appréciation de la légalité, de la régularité ou de la validité - Question préjudicielle - Nécessité - Exclusion - Cas - Existence d'une jurisprudence administrative établie - Conditions - Détermination TRAVAIL REGLEMENTATION, REMUNERATION - Salaire - Egalité de traitement - Atteinte au principe - Défaut - Cas - Industries électriques et gazières - Circulaire Pers n° 684 du 28 juin 1976 - Article 212 - Indemnité spéciale des agents des départements d'Outre-mer - Equivalence avec les indemnités des fonctionnaires de l'Etat - Portée

Si, en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif, les tribunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en va autrement lorsqu'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation ne peut être accueillie par le juge saisi au principal. Il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie de la juridiction administrative quant à la légalité de l'article 212 de la circulaire Pers. n° 684 du 28 juin 1976 des directeurs généraux des sociétés Electricité de France et Gaz de France relative à la nationalisation de l'électricité dans les départements d'Outre-mer-intégration du personnel dans celui d'Electricité de France, que n'est pas fondée la demande tendant à ce que l'application de cet article soit écartée en tant qu'il méconnaissait l'article 14 du statut. Les personnels des industries électriques et gazières (IEG) des départements d'Outre-mer, agents percevant, selon cet article 212, une "indemnité spéciale DOM" à laquelle s'ajoute la majoration résidentielle prévue à l'article 211 de la même circulaire, il s'en suit qu'ils bénéficient des indemnités résidentielles d'un montant total équivalent à celui des indemnités allouées aux fonctionnaires d'Outre-mer auxquels ils se comparent, de sorte que le principe d'égalité de traitement qui résulte de l'article 14, § 6, du statut national n'est pas méconnu


Références :

article 14, § 6, du décret n° 46-1541 du 22 juin 1946, approuvant le statut national du personnel des industries électriques et gazières

articles 211 et 212 de la circulaire Pers n° 684 du 28 juin 1976

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 02 mars 2017

Sur la légalité de l'article 212 de la circulaire Pers n° 684 du 28 juin 1976, cf. :CE, 16 mars 2015, n° 372875, inédit au Recueil Lebon


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 jui. 2019, pourvoi n°17-17477, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Cathala
Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.17477
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