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29/05/2019 | FRANCE | N°18-14475

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 29 mai 2019, 18-14475


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que E... F..., veuve J..., est décédée le [...] à Roc en Tuf (Loir-et-Cher), en laissant pour lui succéder ses trois fils, Z..., A... et V... ; que M. Z... J... a assigné ses frères en comptes, liquidation et partage de sa succession ; que M. A... J... a saisi le juge de la mise en état d'une exception d'incompétence au profit de la juridiction suisse ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas l

ieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont m...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que E... F..., veuve J..., est décédée le [...] à Roc en Tuf (Loir-et-Cher), en laissant pour lui succéder ses trois fils, Z..., A... et V... ; que M. Z... J... a assigné ses frères en comptes, liquidation et partage de sa succession ; que M. A... J... a saisi le juge de la mise en état d'une exception d'incompétence au profit de la juridiction suisse ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur la troisième branche du moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour constater l'incompétence territoriale du tribunal et renvoyer les parties à mieux se pourvoir, l'arrêt relève que ce sont diverses raisons personnelles, et en particulier médicales, qui ont, pendant les dernières années de sa vie, éloigné E... J... des biens qu'elle possédait en Suisse et en déduit qu'elle avait conservé son domicile dans ce pays et qu'elle n'avait pas l'intention d'en changer ;

Qu'en statuant ainsi, sans analyser ni même mentionner les pièces sur lesquelles elle fondait sa décision, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans, autrement composée ;

Condamne M. A... J... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. Z... J...

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté l' incompétence territoriale du tribunal de grande instance de Blois, et renvoyé les parties à mieux se pourvoir,

AUX MOTIFS QUE
« Attendu que selon l'article 841 du Code civil, le tribunal du lieu d'ouverture de la succession est exclusivement compétent pour connaître de l'action en partage et des contestations ;

Que le lieu d'ouverture de la succession est déterminé par le domicile du défunt qui est défini par l'article 102 du Code civil comme étant le lieu où il a son principal établissement ;

Que le domicile est le lieu privé ou, à la fin de sa vie, le défunt avait fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts ;

Attendu que l'appelant invoque l'article 9 de la loi suisse sur le contrôle des habitants en date du 9 mai 1984 qui prévoit que « le bureau indique en particulier si la personne est établie dans la commune ou si elle ne fait qu'y séjourner ; une personne est réputée établie à l'endroit où le contrôle des habitants a procédé à son inscription en résidence principale » ;

Que le service du contrôle de l'habitant de Crans Montana (pièce 5) a relevé le 10 juin 1996, le 5 novembre 1998 et plus récemment le 13 novembre 2012, que « Madame E... J... est inscrite au contrôle de l'habitant de la commune où elle conserve son domicile politique et fiscal depuis le 1er mai 1977 » ;

Attendu que A... J... verse également à la procédure une déclaration Maître M..., notaire Suisse charge de la succession qui indique, à la date du 10 novembre 1998 que la succession de R... J... s'était ouverte à Lens (canton du Valais) puisque le de cujus y était domicilié, ce même notaire indiquant dans un courrier du 22 juin 2015 que la résidence de E... J... se trouvait en Suisse au moment de son décès et qu'il se disait « surpris , pour ne pas dire plus, de l'action introduite en France dans le cadre de la succession de feue E... J... »;

Attendu que la partie appelante produit encore deux certificats d'hérédité de R... J..., mentionnant tous deux le domicile de E... J... à Crans, un courrier de la municipalité de Lens en date du 10 janvier 2012, montrant que cette commune considérait E... J... comme son administrée, des déclarations d'impôts, en particulier au titre des impôts de l'année 2013, des relevés de comptes bancaires et des procurations, la plupart de ces pièces ayant un caractère suffisamment récent pour établir que, jusqu'à son décès, E... J... avait sa résidence principale en Suisse et non en France ;

Que, ainsi que le fait remarquer A... J..., le fait que la défunte s'acquittait particulièrement de factures de chauffage jusqu'à son décès démontre qu'elle souhaitait que son domicile soit maintenu en Suisse, ce qui est corroboré par le fait qu'elle procédait également à des commandes de différents produits livrés à Crans ;

Attendu que même si diverses raisons personnelles, et en particulier médicales, ont éloigné E... J..., pendant les dernières années de sa vie, des biens qu'elle possédait en Suisse, il doit être considéré qu'elle y avait gardé son domicile et qu'il n'était pas dans ses intentions d'en changer ;

Attendu qu'il y a lieu d'infirmer la décision querellée ; » (arrêt, p. 3 et 4) ;

1°) ALORS QUE les tribunaux français sont seuls compétents pour connaître de la succession d'un immeuble situé en France ; qu'il s'ensuit que le juge doit, avant de statuer sur sa compétence pour connaître d'une demande en partage, rechercher la qualification mobilière ou immobilière des biens héréditaires ; qu'en affirmant que « le tribunal du lieu d'ouverture de la succession est exclusivement compétent pour connaître de l'action en partage et des contestations » et en se bornant en conséquence à rechercher, pour déterminer le tribunal compétent pour connaître de l'action en liquidation partage de la succession de E... J..., quel était son dernier domicile quand, en matière internationale, l'ordre juridictionnel du pays où les immeubles héréditaires sont situés a compétence exclusive pour connaître de l'action en partage les concernant et qu'il était constant que E... J... possédait des biens immobiliers en France, la cour d'appel a violé les principes régissant les successions internationales ;

2°) ALORS, subsidiairement, QU'en appel, si l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés ; qu'il s'ensuit que le juge doit examiner, au vu des moyens d'appel, la pertinence des motifs par lesquels le premier juge s'était déterminé ; qu'en se fondant exclusivement, pour juger que le dernier domicile de E... J... se trouvait en Suisse, sur des pièces faisant état d'une domiciliation en Suisse sans se prononcer ni sur les autres pièces, « la grande majorité » selon les premiers juges et plus récentes, qui portaient mention d'une résidence déclarée en France, ni sur l'absence de production par M. A... J..., à hauteur d'appel, bien qu'il y ait été invité par le juge de la mise en état, d'une seule « pièce provenant d'amis ou de voisins de Suisse » venant établir que E... J... y était domicilié, la cour d'appel a violé l'article 472 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE toute décision doit être motivée à peine de nullité ; que les juges, tenus d'indiquer sur quels éléments et documents ils se fondent pour déduire les constatations de fait à l'appui de leur décision, ne peuvent statuer par voie de simples affirmations ; qu'en se bornant à affirmer, pour considérer que E... J... avait son domicile en Suisse et n'avait pas eu l'intention d'en changer en venant habiter en France, que son éloignement « pendant les dernières années de sa vie, des biens qu'elle possédait en Suisse » était justifié par « diverses raisons personnelles, et en particulier médicales » sans préciser sur quelle pièce elle se fondait pour statuer ainsi, quand M. A... J... ne produisait aucune pièce démontrant que E... J... était venue habiter en France pour « diverses raisons personnelles », notamment médicales, s'étant lui-même borné à affirmer que « son état de santé » l'aurait « empêchée de rentrer en Suisse », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-14475
Date de la décision : 29/05/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 15 janvier 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 29 mai. 2019, pourvoi n°18-14475


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.14475
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