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29/05/2019 | FRANCE | N°17-31494

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 29 mai 2019, 17-31494


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société CL Innovation santé (la société), détenue à 99,90% par la société Holding Celimox, avait pour activité la promotion de spécialités pharmaceutiques ; que, le 31 juillet 2012, la société a cédé à la société Pharmafield groupe cinq de ses sept filiales ; que, le 22 août 2012, à la suite du dépôt d'une déclaration de cessation des paiements par la société, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la s

ociété CL Innovation santé, avec une période d'observation de six mois et a fixé prov...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société CL Innovation santé (la société), détenue à 99,90% par la société Holding Celimox, avait pour activité la promotion de spécialités pharmaceutiques ; que, le 31 juillet 2012, la société a cédé à la société Pharmafield groupe cinq de ses sept filiales ; que, le 22 août 2012, à la suite du dépôt d'une déclaration de cessation des paiements par la société, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société CL Innovation santé, avec une période d'observation de six mois et a fixé provisoirement au 15 juillet 2012 la date de cessation des paiements ; que le 16 octobre 2012, le juge-commissaire a ordonné la suppression de 231 emplois sur 482 ; que, par jugement du 22 novembre 2012, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire à effet au 31 décembre 2012 de la société CL Innovation santé, désigné M. J... en qualité de mandataire liquidateur ; que Mme R..., licenciée pour motif économique le 10 janvier 2013, a saisi la juridiction prud'homale notamment de demandes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, faillite frauduleuse et exécution déloyale du contrat de travail ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la salariée :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire le licenciement pour motif économique fondé et, en conséquence, de le débouter de ses demandes à ce titre, alors, selon le moyen, que le périmètre à prendre en considération pour l'exécution de l'obligation de reclassement se comprend de l'ensemble des entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, peu important l'absence de lien de droit entre les différentes entités ; qu'en énonçant dès lors « qu'en ce qui concerne les licenciements au sein du groupe, les filiales de la société CL Innovation Santé ont été, soit placées en liquidation judiciaire, soit cédées, de sorte qu'elles ne faisaient plus partie du groupe et que le reclassement interne était impossible », sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société CL Innovation Santé n'appartenait pas à un même groupe que d'autres entreprises, même sans lien capitalistique entre elles, dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel nonobstant l'absence de liens capitalistiques, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;

Mais attendu que l'employeur est tenu avant tout licenciement économique de rechercher toutes les possibilités de reclassement existant dans le groupe dont il relève, parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettant d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ;

Et attendu qu'il ne résulte pas des constatations de la cour d'appel que les sociétés cédées appartenaient au même groupe que l'employeur pour le reclassement des salariés ou étaient tenues par convention ou engagement à une obligation de reclassement à l'égard des salariés de cet employeur ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal du mandataire liquidateur de la société CL innovation santé :

Vu l'article L. 1222-1 du code du travail ;

Attendu que pour fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société des sommes dues à la salariée à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt retient que les difficultés économiques de la société CL innovation santé sont indéniables et ont conduit à la liquidation rapide de la société, trois mois après l'ouverture de la procédure, la cession des filiales n'ayant pas été déterminante, que néanmoins, l'absence de consultation du comité d'entreprise constitue une faute de la part de la société ayant entraîné un préjudice pour la salariée qui aurait peut-être pu être reclassée au sein des filiales avant ou juste après leur cession, que celui-ci aurait pu, s'il avait été informé de la situation économique de la société et de la vente de ses principales filiales, prendre des mesures urgentes pour le reclassement de la salarié, notamment par la saisine des organismes conventionnels ad hoc, et que l'employeur, qui a continué à faire des dépenses importantes et peu pertinentes, notamment pour la rémunération des dirigeants ou pour certaines sans justification précise, malgré l'existence des difficultés économiques anciennes de la société, a contribué à aggraver la situation économique de l'entreprise, faisant ainsi perdre à la salariée une chance de préserver son emploi au moins un certain temps ou de bénéficier d'un reclassement dans les sociétés cédées ;

Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que les décisions de gestion du chef d'entreprise, quand bien-même elles auraient pu aggraver les difficultés économiques de l'entreprise, n'étaient pas de nature à caractériser un manquement à l'exécution de bonne foi du contrat de travail, et d'autre part, que le défaut d'information et de consultation sur les modifications de l'organisation économique ou juridique de l'entreprise ne caractérise pas à lui seul un tel manquement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe au passif de la société CL innovation santé, au bénéfice de Mme R... la somme de 20 000 euros, l'arrêt rendu le 24 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne Mme R... et la société Pharmafield France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, signé et prononcé par le président et M. Maron, conseiller le plus ancien en ayant délibéré conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour la société BTSG et M. J..., ès qualités,

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé au passif de la société CL Innovation Santé la somme due à la salariée à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

AUX MOTIFS QUE le salarié appelant soutient que l'employeur a organisé frauduleusement les conditions d'insolvabilité de son entreprise, que le dirigeant a effectué au titre de sa rémunération des prélèvements trop importants sur les comptes de la société, que des dépenses excessives ont été faites en décembre 2011 lors d'un séminaire à Cannes, et qu'il a ainsi exécuté le contrat de travail de façon déloyale en mettant en échec le redressement judiciaire. Il demande des indemnités distinctes réparant l'exécution déloyale d'une part, et la faillite frauduleuse, d'autre part. Le mandataire liquidateur et l'AGS réfutent les faits avancés par l'appelante pour justifier de la faillite frauduleuse et de l'exécution déloyale ; ils soutiennent que le motif économique est incontestable, compte tenu des difficultés économiques rencontrées par la société. Or, les difficultés économiques rencontrées par la société sont indéniables et ont conduit à la liquidation rapide de la société, trois mois après l'ouverture de la procédure, la cession des filiales n'ayant pas été déterminante dans la faillite de la société CL Innovation Santé, comme jugé plus haut. Concernant la fixation du prix de cession, bien que jugé trop bas par le cabinet d'audit Explicite mandaté par le comité d'entreprise, il tenait compte de l'absence potentielle de renouvellement de certains contrats avec des laboratoires et a été validé par le juge commissaire du tribunal de commerce. Par ailleurs, Mme R... reproche également à la société de ne pas avoir informé le comité d'entreprise de la vente de ces cinq filiales intervenue le 31 juillet 2012, comme l'impose l'article L. 2323-19 du code du travail en cas de cession, ce qui démontre une volonté de dissimulation. Le mandataire liquidateur fait valoir que cette consultation n'était pas obligatoire, car les cessions n'affectaient pas l'organisation de la société CL Innovation Santé mais celle de ses filiales. Or, selon l'article L. 2323-19 du code du travail," le comité d'entreprise est informé et consulté sur les modifications de l'organisation économique ou juridique de l'entreprise, notamment en cas de fusion, de cession, de modification importante des structures de production de l'entreprise ainsi que lors de l'acquisition ou de la cession de filiales au sens de l'article L. 233-1 du code de commerce. L'employeur indique les motifs des modifications projetées et consulte le comité d'entreprise sur les mesures envisagées à l'égard des salariés lorsque ces modifications comportent des conséquences pour ceux-ci..." L'absence de consultation du comité d'entreprise constitue une faute de la part de la société, faute ayant entraîné un préjudice pour les salariés comme Mme R..., lequel pouvait être le cas échéant reclassé au sein des sociétés filiales avant ou juste après leur cession. En outre, comme le soutient valablement Mme R..., si le comité d'entreprise avait été informé avant le mois de juillet 2012 de la situation économique de la société et de la vente de ses principales filiales, il aurait pu prendre des mesures urgentes pour le reclassement des salariés, notamment par la saisine immédiate des organismes conventionnels (CPNEIS et LEMM). Enfin, selon le rapport d'audit du cabinet Explicite et les autres pièces produites par Mme R..., malgré de sérieuses difficultés économiques depuis 2006 (résultat net toujours négatif) la société CL Innovation Santé continuait, malgré tout, à faire des dépenses importantes et peu pertinentes, telles que : - rémunérations élevées des dirigeants : La société holding Celimox « a continué de bénéficier de versements de frais de siège significatifs », de la part de la société CL Innovation, lesquels ont aussitôt été consommés. Il y a lieu de préciser que la société Celimox, avec pour président Mr V..., avait 3 salariés : M. V..., M. T... N..., et M. B... (salaire mensuel de 12 000 € avec prime de 100 000 €/an versée en janvier 2012). Le rapport souligne aussi que « l'évolution des charges de fonctionnement se situe au niveau des rémunérations brutes, qui valorisent les fonctions dirigeantes », ce qui en d'autres termes signifie que la rémunération des dirigeants était importante et a été augmentée, alors que la société se trouvait d'ores et déjà en difficulté. - versement, par la société CL Innovation « d'importantes dépenses, non détaillées par carte bancaire, d'un salaire et de frais de mission au profit de M. T... N..., dont nous n'avons pas pu clairement identifier le rôle dans la société." - organisation d'un séminaire d'une semaine à Cannes du 2 au 6 janvier 2012 pour 500 salariés, avec logement dans des hôtels de luxe (Martinez et Carlton) tous frais payés, information non démentie par le mandataire liquidateur, laissant croire aux élus du personnel et aux salariés que la situation économique de la société pouvait permettre ce type de frais somptuaires. En outre, par un courriel en date du 12 février 2012 adressé à tous les salariés, un membre de l'équipe des dirigeants de la société les félicitait pour la progression du volume d'activité sur toutes les régions et disait que de ce fait il était confiant, ce qui n'avait pas permis aux salariés de se douter de l'importance des difficultés économiques. Ces différents éléments, sans établir à ce jour et au vu des pièces produites une faillite frauduleuse, suffisent à caractériser une exécution déloyale du contrat de travail de la part de l'employeur, qui a aggravé les difficultés structurelles et anciennes de la société, tout en dissimulant aux représentants du personnel la cession des six sociétés filiales - effectuée en période suspecte emportant toute chance de reclassement de ses salariés notamment au sein des filiales cédées, au besoin avec un accompagnement/une formation pour Mme R..., afin de lui permettre de s'adapter au nouveau poste de délégué pharmaceutique. Un tel comportement a fait perdre une chance à Mme R... de se voir reclassée dans une des sociétés cédées avant ou juste après leur cession, ou dans d'autres sociétés grâce à la saisine en amont des organismes conventionnels, qui n'ont été finalement actionnés qu'en décembre 2012, après le jugement de liquidation. Dès lors, infirmant le jugement, la cour fera droit dans son principe à la demande de Mme R... tendant au versement de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, mais confirmera le jugement, en ce que le juge départiteur a valablement rejeté sa demande relative à des dommages intérêts pour faillite frauduleuse de l'employeur la société CL Innovation. (
) En l'espèce, il est établi qu'aucun poste n'était disponible au sein des dernières sociétés du groupe, une fois les filiales cédées ; en effet, les deux dernières sociétés du groupe ne pouvaient offrir de poste de reclassement, la société Seltis étant en état de cessation des paiements (un dépôt de bilan sera régularisé en novembre 2012) et la société Celimox (société holding de la société CL Innovation Santé) n'avait pas de salarié. L'AGS soutient valablement qu'en ce qui concerne les licenciements au sein du groupe, les filiales de la société CL Innovation Santé ont été, soit placées en liquidation judiciaire, soit cédées, de sorte qu'elles ne faisaient plus partie du groupe et que le reclassement interne était impossible. C'est pourquoi l'administrateur judiciaire a recherché un reclassement externe. Licencié le 22 octobre 2012, Mme R... soutient que la société CL Innovation Santé n'a pas mis en oeuvre les mesures de reclassement externe prévues par le PSE en date du 26 septembre 2012, ni fait de proposition d'offre de postes en reclassement externe, alors que des offres d'emplois ont été émises par les sociétés cédées. Or, si Mme R... n'a reçu de sa part aucune proposition de reclassement externe, le mandataire liquidateur s'en explique, en précisant que les quatre postes disponibles dans des sociétés extérieures au groupe CLI ne concernaient pas la qualification de Mme R..., ce dont il justifie. Le mandataire liquidateur soutient aussi, sans être contredit, que la DIRECCTE a refusé de financer la cellule de reclassement prévue dans le PSE, cellule que la société n'avait pas les moyens de financer ; en effet, faute de participation de la société, la DIRECCTE a estimé suffisant de financer le CSP. En outre, le salarié estime que la recherche de reclassement externe a été tardive mais en outre mal dirigée, des postes étant disponibles entre octobre 2012 et janvier 2013 au sein des sociétés du groupe CLI cédées en juillet 2012. Le mandataire liquidateur réplique valablement que l'obligation individuelle de reclassement externe n'est pas imposée par le code du travail. Or, la cour constate que dès le 7 septembre 2012, le gérant de la société CL Innovation Santé a interrogé les sociétés Dompharm et Pharminov au sujet des postes disponibles, en donnant la liste des postes recherchés. Ces deux sociétés ont répondu n'avoir pas de poste disponible. Toutefois, il ressort des pièces versées aux débats que la société cédée Pharminov, qui avait encore son siège social au siège de la société CL Innovation Santé, a émis une offre d'emploi le 18 octobre 2012 pour le poste de délégué pharmaceutique, alors qu'à cette période, l'administrateur judiciaire et le gérant de la société CL Innovation Santé d'une part, mais aussi Maître J... mandataire puis liquidateur judiciaire d'autre part, savaient que des licenciements allaient être diligentés (vu l'ordonnance du juge commissaire du 16 octobre 2012 autorisant 231 licenciements économiques et le rapport de Maître G... en date du 20 novembre 2012 excluant toute reprise de la société) et que les recherches de reclassement internes étaient vaines. Dès le 24 octobre 2012 Mme R... était informée que, sans faire partie des premiers salariés licenciés, elle ne pouvait plus travailler sur son secteur et être maintenue dans son poste, la société CL INNOVATION SANTE lui précisant même par courriel du 31 octobre 2012 que des collègues avaient plus de points qu'elle en ce qui concerne les critères d'ordre des licenciements ; c'est dire si déjà à cette époque il aurait été nécessaire pour la société de lui faire des propositions de reclassement. Au lieu de cela, la société lui a demandé de travailler jusqu'au 21 décembre 2012 sur son secteur, de solder ses congés payés, puis Mme R... a été dispensée de travail à compter du 1er janvier 2013. Il apparaît donc que le poste de délégué pharmaceutique au sein de la société Pharminov, disponible le 8 novembre 2012, époque où le licenciement de Mme R... se profilait déjà, aurait pu lui être proposé par la société CL Innovation Santé (alors en période d'observation entre le 22 août et le 21 novembre 2012) au titre du reclassement externe. Par ailleurs, le fait que la société CL Innovation Santé ait accepté un paiement partiellement différé des prix de cession et ne justifie pas de la perception de l'intégralité de ces prix, a empêché le financement d'une cellule de reclassement, ce qui a engendré une perte de chance de reclassement au préjudice des salariés, Mme R... compris. Par ailleurs, le fait que le Maître J... es qualité de mandataire liquidateur ait adressé seulement le 8 janvier 2013 des lettres circulaires à des sociétés extérieures dans le domaine pharmaceutique disant rechercher un emploi pour l'ensemble des salariés menacés de licenciement, Mme R... inclue, soit 2 jours avant l'envoi de la lettre de licenciement, ce qui ne peut être considéré comme une démarche sérieuse. Ces manquements, sans constituer un non-respect de l'obligation de reclassement interne, sont constitutifs d'une exécution déloyale du contrat de travail, qui vient s'ajouter aux faits évoqués plus haut du même chef. La cour déboutera Mme R... de sa demande d'indemnité pour licenciement économique sans cause réelle et sérieuse, le motif économique étant avéré et l'obligation de reclassement interne ayant été respectée, mais, contrairement au juge, lui allouera au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts, au vu de son préjudice économique; en effet, Mme R... âgée de 47 ans en 2013, dont l'ancienneté était de 11 ans 7 mois, et qui avait un salaire de 2 357 € brut/ mois primes non incluses, a bénéficié du CSP pendant un an, dans le cadre duquel elle a effectué une formation (master en sciences humaines et sociales), ce qui lui a seulement permis de retrouver un emploi d'enseignante vacataire (contrat à durée déterminée) à temps partiel; elle a perçu un revenu imposable de 17 780 € en 2014 (soit 1481 € par mois) donc subi un préjudice économique et professionnel non négligeable, perdant environ 900 mois et accumulant de ce fait des dettes (arriéré d'impôts, découvert bancaire en 2014 et 2015, au vu des pièces produites) ;Cette somme sera fixée au passif de la liquidation de la société CL Innovation Santé ;

1) ALORS QU'un manquement à l'exécution loyale du contrat de travail implique que l'employeur ait pris une mesure qui concerne personnellement le salarié ; qu'en se fondant pourtant sur le défaut de consultation préalable du comité d'entreprise quant à la cession de six filiales, et sur une aggravation des difficultés économiques par l'employeur, pour en déduire une exécution déloyale du contrat de travail de la part de ce dernier, la cour d'appel a violé l'article L. 1222-1 du code du travail ;

2) ALORS, EN OUTRE, QUE le juge n'a pas à s'immiscer dans le pouvoir de gestion de l'employeur, en contrôlant ses choix de gestion ; qu'en retenant que malgré de sérieuses difficultés économiques depuis 2006, la société CL Innovation Santé avait continué, malgré tout, à faire des dépenses importantes et peu pertinentes, ce qui, sans établir une faillite frauduleuse, suffisait à caractériser une exécution déloyale du contrat de travail, la cour d'appel a de nouveau violé l'article L. 1222-1 du code du travail ;

3) ALORS QU'en considérant aussi que le fait que la société CL Innovation Santé ait accepté un paiement partiellement différé des prix de cession et ne justifie pas de la perception de l'intégralité de ces prix, avait empêché le financement d'une cellule de reclassement, ce qui constituait un manquement constitutif d'une exécution déloyale du contrat de travail, la cour d'appel s'est à nouveau immiscée dans le pouvoir de gestion de l'employeur, violant ainsi l'article L. 1222-1 du code du travail ;

4) ALORS QUE l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur ne s'étend pas aux entreprises extérieures au groupe dont il relève sauf convention ou engagement contraire ; qu'en l'espèce, pour allouer des dommages-intérêts à Mme C... R..., la cour d'appel a notamment retenu que la société Pharminov, ayant émis une offre d'emploi le 8 novembre 2012 pour le poste de délégué pharmaceutique, ce poste, disponible à une époque où le licenciement de la salariée se profilait déjà, aurait pu lui être proposé au titre du reclassement externe et que ce manquement, sans constituer un non-respect de l'obligation de reclassement interne, était constitutif d'une exécution déloyale du contrat de travail ; qu'en statuant de la sorte, sans qu'il résulte de ces constatations que la société Pharminov était tenue, par convention ou engagement, à une obligation de reclassement à l'égard des salariés de la société CL innovation Santé, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail, ensemble l'article L. 1222-1 du même code ;

5) ALORS, EN OUTRE, QUE les recherches de reclassement externe ne doivent pas nécessairement être effectuées avant le licenciement ; qu'en considérant pourtant que le fait que le Maître J..., ès qualité de mandataire liquidateur, ait adressé seulement le 8 janvier 2013 des lettres circulaires à des sociétés extérieures dans le domaine pharmaceutique disant rechercher un emploi pour l'ensemble des salariés menacés de licenciement, Mme C... R... inclue, soit 2 jours avant l'envoi de la lettre de licenciement, était aussi constitutif d'une exécution déloyale du contrat de travail, la cour d'appel a de nouveau violé l'article L. 1233-4 du code du travail, ensemble l'article L. 1222-1 du même code. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme R...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme R... de sa demande au titre du non-respect de l'obligation de reclassement ;

AUX MOTIFS QU'en l'espèce, il est établi qu'aucun poste n'était disponible au sein des dernières sociétés du groupe, une fois les filiales cédées; en effet, les deux dernières sociétés du groupe ne pouvaient offrir de poste de reclassement, la société Selitis étant en état de cessation des paiements (un dépôt de bilan sera régularisé en novembre 2012) et la société Celimox (société holding de la société CL Innovation Santé) n'avait pas de salarié ; que l'AGS, comme le mandataire liquidateur, soutiennent valablement qu'en ce qui concerne les licenciements au sein du groupe, les filiales de la société CL Innovation Santé ont été, soit placées en liquidation judiciaire, soit cédées, de sorte qu'elles ne faisaient plus partie du groupe et que le reclassement interne était impossible ; que c'est pourquoi l'administrateur judiciaire a recherché un reclassement externe ; que licenciée le 10 janvier 2013, Mme R... soutient que la société CL Innovation Santé n'a pas mis en oeuvre les mesures de reclassement externe prévues par le PSE en date du 26 septembre 2012, ni fait de proposition d'offre de postes en reclassement externe, alors que des offres d'emplois ont été émises par les sociétés cédées entre octobre 2012 et janvier 2013 ; que par la suite, le mandataire liquidateur se serait borné à envoyer le 8 janvier 2013 des lettres circulaires à des sociétés extérieures, 2 jours avant l'envoi de la lettre de licenciement, ce qui ne serait pas une recherche de reclassement sérieuse ; qu'or, si Mme R... n'a reçu de sa part aucune proposition de reclassement externe, le mandataire liquidateur s'en explique, en précisant qu'il avait déjà interrogé en vain les filiales cédées ; que le mandataire liquidateur soutient aussi, sans être contredit, que la DIRECCTE a refusé de financer la cellule de reclassement prévue dans le PSE, cellule que la société n'avait pas les moyens de financer; en effet, faute de participation de la société, la DIRECCTE a estimé suffisant de financer le CSP ; qu'en outre, Mme R... estime que la recherche de reclassement externe a été tardive mais en outre mal dirigée, des postes étant disponibles entre octobre 2012 et janvier 2013 au sein des sociétés du groupe CLI cédées en juillet 2012 ; que le mandataire liquidateur réplique valablement que l'obligation individuelle de reclassement externe n'est pas imposée par le code du travail ; qu'or, la cour constate que dès le 7 septembre 2012, le gérant de la société CL Innovation Santé a interrogé les sociétés Dompharm et Pharminov au sujet des postes disponibles, en donnant la liste des postes recherchés ; que ces deux sociétés ont répondu n'avoir pas de poste disponible ; que toutefois, il ressort des pièces versées aux débats que la société cédée Pharminov, qui avait encore son siège social au siège de la société CL Innovation Santé, a émis deux offres d'emploi le 18 octobre et le 8 novembre 2012 pour le poste de délégué pharmaceutique, alors qu'à cette période, l'administrateur judiciaire et le gérant de la société CL Innovation Santé d'une part, mais aussi Maître J... mandataire puis liquidateur judiciaire d'autre part, savaient que des licenciements allaient être diligentés (vu l'ordonnance du juge commissaire du 16 octobre 2012 autorisant 231 licenciements économiques et le rapport de Maître G... en date du 20 novembre 2012 excluant toute reprise de la société) et que les recherches de reclassement 'internes étaient vaines ; que dès le 24 octobre 2012 Mme R... était informée que, sans faire partie des premiers salariés licenciés, elle ne pouvait plus travailler sur son secteur et être maintenue dans son poste, la société CL Innovation Santé lui précisant même par courriel du 31 octobre 2012 que des collègues avaient plus de points qu'elle en ce qui concerne les critères d'ordre des licenciements ; c'est dire si déjà à cette époque il aurait été nécessaire pour la société de lui faire des propositions de reclassement ; qu'au lieu de celà, la société lui a demandé de travailler jusqu'au 21 décembre 2012 sur son secteur, de solder ses congés payés, puis Mme R... a été dispensée de travail à compter du 1er janvier 2013 ; qu'il apparaît donc que le poste de délégué pharmaceutique au sein de la société Pharminov, disponible le 8 novembre 2012, époque où le licenciement de Mme R... se profilait déjà, aurait pu lui être proposé par la société CL Innovation Santé (alors en période d'observation entre le 22 août et le 21 novembre 2012) au titre du reclassement externe ; que par ailleurs, le fait que la société CL Innovation Santé ait accepté un paiement partiellement différé des prix de cession et ne justifie pas de la perception de l'intégralité de ces prix, a empêché le financement d'une cellule de reclassement, ce qui a engendré une perte de chance de reclassement au préjudice des salariés, Mme R... compris ; que par ailleurs, le fait que le Maître J... es qualité de mandataire liquidateur ait adressé seulement le 8 janvier 2013 des lettres circulaires à des sociétés extérieures dans le domaine pharmaceutique disant rechercher un emploi pour l'ensemble des salariés menacés de licenciement, Mme R... inclue, soit 2 jours avant l'envoi de la lettre de licenciement, ce qui ne peut être considéré comme une démarche sérieuse ; que ces manquements, sans constituer un nonrespect de l'obligation de reclassement, sont constitutifs d'une exécution déloyale du contrat de travail, qui vient s'ajouter aux faits évoqués plus haut du même chef ; que la cour déboutera Mme R... de sa demande d'indemnité pour licenciement économique sans cause réelle et sérieuse, le motif économique étant avéré et l'obligation de reclassement interne ayant été respectée, mais, contrairement au juge, lui allouera au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts, au vu de son préjudice économique ; qu'en effet, Mme R... âgée de 47 ans en 2013, dont l'ancienneté était de 11 ans 7 mois, et qui avait un salaire de 2 357 € brut/mois primes non incluses, a bénéficié du CSP pendant un an, dans le cadre duquel elle a effectué une formation (master en sciences humaines et sociales), ce qui lui a seulement permis de retrouver un emploi d'enseignante vacataire (contrat à durée déterminée) à temps partiel ; qu'elle a perçu un revenu imposable de 17.780€ en 2014 (soit 1.481 € par mois) donc subi un préjudice économique et professionnel non négligeable, perdant environ 900 mois et accumulant de ce fait des dettes (arriéré d'impôts, découvert bancaire en 2014 et 2015, au vu des pièces produites) ; que cette somme sera fixée au passif de la liquidation de la société CL Innovation Santé ; qu'il n'y a pas lieu de dire, comme le demande le mandataire liquidateur, que cette créance est brute de charges sociales, vu son caractère indemnitaire et son montant ; qu'il convient en revanche de préciser que le jugement de liquidation a arrêté le cours des intérêts ;

ALORS QUE le périmètre à prendre en considération pour l'exécution de l'obligation de reclassement se comprend de l'ensemble des entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, peu important l'absence de lien de droit entre les différentes entités ; qu'en énonçant dès lors « qu'en ce qui concerne les licenciements au sein du groupe, les filiales de la société CL Innovation Santé ont été, soit placées en liquidation judiciaire, soit cédées, de sorte qu'elles ne faisaient plus partie du groupe et que le reclassement interne était impossible », sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société CL Innovation Santé n'appartenait pas à un même groupe que d'autres entreprises, même sans lien capitalistique entre elles, dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel nonobstant l'absence de liens capitalistiques, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-31494
Date de la décision : 29/05/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 24 octobre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 29 mai. 2019, pourvoi n°17-31494


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
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