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29/05/2019 | FRANCE | N°17-23338

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 29 mai 2019, 17-23338


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Française de location (la Sofral) a loué pour une durée d'un mois un engin de chantier à la société Sud Ouest transferts ( la société Sot) qui lui a remis trois chèques à titre de dépôt de garantie ; qu'invoquant un défaut du matériel loué, la société Sot l'a restitué avant le terme convenu à la Sofral, qui a établi une facture des réparations imputées au locataire et a remis à l'encaissement l'un des chèques remis en garantie, en refusant de

restituer le troisième ; que la société Sot a assigné la Sofral en restitution de ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Française de location (la Sofral) a loué pour une durée d'un mois un engin de chantier à la société Sud Ouest transferts ( la société Sot) qui lui a remis trois chèques à titre de dépôt de garantie ; qu'invoquant un défaut du matériel loué, la société Sot l'a restitué avant le terme convenu à la Sofral, qui a établi une facture des réparations imputées au locataire et a remis à l'encaissement l'un des chèques remis en garantie, en refusant de restituer le troisième ; que la société Sot a assigné la Sofral en restitution de ces chèques ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu que pour refuser toute force probante à l'attestation produite par la Sofral, l'arrêt retient que son auteur, M. A..., était un préposé de cette société ;

Qu'en statuant ainsi, alors que M. A... déclarait, dans l'attestation, qu'il était salarié de la société Sofrep et non de la Sofral, la cour d'appel, qui a dénaturé ce document, a violé le principe susvisé ;

Et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;

Attendu que pour limiter la condamnation de la société Sot envers la Sofral au paiement de la somme de 504,80 euros correspondant à des frais de réparation indus, l'arrêt retient que la Sofral ne justifie pas de l'établissement du procès-verbal de restitution du matériel loué prévu par l'article 7 des conditions générales du contrat ;

Qu'en statuant ainsi, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu'elle relevait d'office, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne la société Sud Ouest transferts aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Française de location la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Française de Location

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société SOFRAL à payer à la société SOT les sommes de 1 140 euros au titre des « frais de location indus », de 11 050 euros H.T. en réparation du préjudice découlant de la perte d'exploitation pour le mois d'août 2014.

Aux motifs que « Sur la demande relative aux frais de location :
L'article 1147 du Code civil dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
L'article 4 du contrat intitulé prise en charge prévoit que le matériel est livré au locataire en parfait état de marche.
Tout matériel réceptionné par le locataire est réputé avoir été agréé par ce dernier.
Cette réception entraînera la reconnaissance absolue du bon état du matériel.
La prise en charge du matériel est consacrée par un procès-verbal en charge signé par le locataire ou son représentant.
En l'espèce, il est établi que le procès-verbal de réception du 13 août 2014 mentionne une fuite d'air. La réalité de ce défaut n'est pas contestée par le loueur qui a reconnu que la pièce était en commande pour être changée (pièce 5 de la société SOT).
Il soutient que le défaut est anodin, qu'il a été constaté et accepté par le locataire.
La société SOT conteste cette assertion, produit des consignes de sécurité ainsi rédigées : "Important Il ne faut jamais rouler avec une fuite d'air même si elle vous emble minime.
La société SOFRAL produit quant à elle une attestation de son mécanicien chef, M. A..., selon lequel la fuite d'air est sans conséquence réelle, n'entrave en rien l'utilisation du matériel et ne présente aucun danger.
Force est de relever que cette attestation émanant d'un préposé de la SOFRAL n'a aucune valeur probante.
Il ressort donc des éléments précités que le camion loué n'était pas en parfait état de marche, que le défaut a été constaté contradictoirement, que le loueur a manqué à ses obligations contractuelles, que le locataire était fondé à restituer le véhicule avant le terme convenu.
Il n'est pas contesté que le locataire a tenté de restituer le semi dès le 20 août, que le garage n'a accepté de le reprendre que le 26 août.

Il est donc établi que le semi a été utilisé les 14, 18, 19 et 20 août, que les frais de location sont justifiés pour une semaine, soit une somme de 780 euros.
La société SOFRAL sera en conséquence condamnée à payer à la société SOT la somme de 1 140 euros (1 920 - 780) » ;

Alors, d'une part, que M. A... indiquait dans son attestation, sans être contredit par la société SOT, qu'il était « salarié de la société Sofrep depuis 17 ans en qualité de mécanicien chef » et que « la Sofrep est (seulement) la société qui entretient et gère le Parc de la société de location Sofral » ; qu'en refusant néanmoins de reconnaître force probante à l'attestation de M. A..., au motif qu'elle « émana(i)t d'un préposé de la société SOFRAL », la Cour d'appel a dénaturé cette attestation, violant l'obligation faite aux juges du fond de ne pas dénaturer les documents de la cause, ensemble l'article 4 du Code de procédure civile ;

Alors, d'autre part, que faute d'avoir répondu aux conclusions déterminantes par lesquelles la société SOFRAL faisait valoir, sans être contredite par la société SOT, que la fuite d'air ne concernait que le frein de parking, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Et alors, enfin, que la Cour d'appel, après avoir relevé qu'aux termes de l'article 4 des conditions générales de location de matériels, « Tout matériel réceptionné par le locataire est réputé avoir été agréé par ce dernier. Cette réception entraînera la reconnaissance absolue du bon état du matériel » et constaté que le procès-verbal de réception du 13 août 2014 « mentionne une fuite d'air », dès lors nécessairement considérée comme anodine par la société SOT, professionnelle du transport, a néanmoins retenu la responsabilité du loueur à raison de cette fuite d'air ; qu'en statuant ainsi, elle a méconnu la loi des parties et n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 1134 ancien du Code civil.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société SOFRAL à payer à la société SOT la somme de 504,80 euros correspondant aux « frais de réparation indûment retenus sur le chèque de caution encaissé »,

Aux motifs que « Sur la demande relative à la facture de 464,80 euros (ou 504,80 euros avec les frais de recouvrement)
Cette facture correspond aux travaux relatives au vérin et à la réparation des verrous de blocage des rampes (954,80 euros moins l'avoir de 490 euros).
Selon l'article 5 du contrat : entretien et réparations, "l'usure mécanique normale est à la charge du loueur.
Les dégradations occasionnées au matériel loué seront sous la responsabilité du locataire et les frais de remise en état seront en totalité à sa charge.

Les travaux de réparations résultant d'une usure anormale, de négligence, de cause accidentelle ou indéterminée qui sont à la charge du locataire seront effectuées par le loueur ou par un agent agréé par Sofral et devront faire l'objet d'une facture détaillée et acquittée accompagnée des pièces défectueuses remplacées".
L'article 7 du contrat intitulé restitution précise qu' "un procès-verbal de restitution sera dressé contradictoirement lors de la restitution et signé des deux parties.
Dans le cas où cette restitution serait faite par un préposé n'ayant pas qualité pour engager le locataire ou s'il ne pouvait être établi au moment de la restitution, Sofral le rédigera et l'adressera au locataire pour observation dans les cinq jours à partir de la date de restitution.
Le locataire aura un délai de 48 h après réception du P.V. pour formuler ses observations".
En l'espèce, la société SOFRAL ne justifie pas avoir rédigé le P.V. de restitution ni le 26 août 2014 ni dans les cinq jours qui ont suivi.
Il appartient au loueur de démontrer que les frais de remise en état du vérin et verrous de blocage ne résultent pas d'une usure mécanique.
En l'absence d'établissement du procès-verbal contradictoire de restitution, le loueur ne saurait utilement se prévaloir de l'attestation de son mécanicien, des factures établies avant et après la location.
Au regard des dénégations de SOT qui conteste toute négligence ou conduite anormale, ces éléments ne suffisent pas à caractériser la faute prêtée au locataire.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la réparation devait être réglée par la société SOT et donc débouter SOFRAL de sa demande à ce titre » ;

Alors, d'une part, que la Cour d'appel qui, pour condamner la société SOFRAL à payer à la société SOT la somme de 504,80 euros correspondant à des frais de réparation, selon elle « indûment retenus sur le chèque de caution encaissé », s'est fondée d'office sur les stipulations de l'article 7 des conditions générales du contrat, sans mettre les parties en mesure d'en débattre au préalable, a violé le principe de la contradiction, ensemble l'article 16 du Code de procédure civile ;

Alors, d'autre part et en tout état de cause, que les société SOFRAL et SOT s'accordant sur le fait que le dysfonctionnement des rampes était antérieur à la restitution du véhicule, les règles de preuve résultant de l'article 7 des conditions générales, intitulé « Restitution », n'étaient pas applicables ; qu'en faisant néanmoins application de cette clause, la Cour d'appel a méconnu la loi des parties et, par suite, violé l'article 1134 du Code civil ;

Et alors, enfin, qu' en vertu de l'article 4 des conditions générales du contrat, sur lequel la Cour d'appel a expressément fondé l'un des chefs de sa décision, « Tout matériel réceptionné par le locataire est réputé avoir été agréé par ce dernier. Cette réception entraînera la reconnaissance absolue du bon état du matériel (...). La prise en charge du matériel est consacrée par un procès-verbal en charge signé par le locataire ou son représentant (...) » ; que la société SOFRAL faisait valoir en conséquence, dans ses conclusions d'appel, que l'absence de toute mention, dans le procès-verbal de sortie de la semi, de la présence de rouille sur les goupilles de verrouillage de déplacement latéral des rampes, alléguée par la société SOT, faisait présumer que la torsion des verrous et la casse du support de vérin de translation, survenues postérieurement à la prise de possession de la semi par la société SOT, résultaient d'une mauvaise utilisation des rampes par la société SOT ; qu'en retenant néanmoins qu' « Il appartient au loueur de démontrer que les frais de remise en état du vérin et verrous de blocage ne résultent pas d'une usure mécanique. (Qu') En l'absence d'établissement du procès-verbal contradictoire de restitution, le loueur ne saurait utilement se prévaloir de l'attestation de son mécanicien, des factures établies avant et après la location. (Qu') Au regard des dénégations de SOT qui conteste toute négligence ou conduite anormale, ces éléments ne suffisent pas à caractériser la faute prêtée au locataire », la Cour d'appel a méconnu la loi des parties résultant de l'article 4 des conditions générales, violant ainsi l'article 1134 ancien du Code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société SOFRAL à payer à la société SOT la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

Aux motifs que « Sur la demande de dommages-intérêts relative à la résistance abusive
Le premier juge a considéré que la société Sofral n'avait commis aucune faute s'agissant des chèques de caution.
Il ressort de l'article 13 du contrat que :
- le dépôt de garantie garantit le prompt et entier paiement du montant de la location et de la bonne exécution de toutes ces clauses.
- Ce dépôt de garantie sera rendu après la restitution du matériel si toutes les conditions ont été remplies et le matériel restitué en bon état.
- En cas d'une facture impayée, le chèque de cautionnement sera déposé.
Selon l'article 7, toute réparation ne provenant pas d'une usure ordinaire et normale sera à la charge du locataire qui devra en acquitter le montant à SOFRAL avant de pouvoir prétendre au remboursement du dépôt de garantie.
Dans la mesure où les frais de location avaient été réglés, où le seul litige existant portait sur la prise en charge de la facture de 504,80 euros, la société SOFRAL a commis une faute en attendant le 30 janvier 2015 pour restituer deux des trois chèques de caution.
Elle a également commis une faute en encaissant un des chèques de caution alors que le chèque excédait la facture impayée litigieuse, ceci d'autant plus qu'elle n'avait pas respecté la procédure contradictoire prévue par le contrat.
Ce comportement caractérise une résistance abusive, résistance qui a causé un préjudice à la société SOT qui sera évalué à la somme de 500 euros » ;

Alors, liminairement, que la cassation à intervenir sur les moyens qui précèdent entraînant, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a condamné l'exposante pour résistance abusive ;

Alors, d'une part, que la Cour d'appel, qui s'est fondée d'office sur l'article 13 du contrat, relatif au dépôt de garantie, invoqué par aucune des parties, s'est abstenue de mettre celles-ci en mesure d'en débattre au préalable ; que ce faisant, elle a violé le principe de la contradiction et l'article 16 du Code de procédure civile ;

Alors, d'autre part, que pour justifier la condamnation de la société SOFRAL à dommages et intérêts pour résistance abusive, la Cour d'appel a retenu que cette société a « commis une faute en encaissant un des chèques de caution alors que le chèque excédait la facture impayée litigieuse » ; qu'en statuant ainsi sans répondre aux conclusions par lesquelles la société SOFRAL faisait valoir qu'elle avait restitué à la société SOT la différence entre le montant dudit chèque soit 2 000 euros et le montant des réparations, soit la somme de 1 495,20 euros, ce qui au demeurant était confirmé par la société SOT elle-même, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Alors, partant, qu' en retenant que la société SOFRAL a « commis une faute en encaissant un des chèques de caution alors que le chèque excédait la facture impayée litigieuse », sans rechercher, comme la société SOFRAL le lui demandait, si elle n'avait pas restitué à la société SOT la différence entre le montant dudit chèque soit 2 000 euros et le montant des réparations, soit la somme de 1 495,20 euros, ce qui au demeurant était confirmé par la société SOT elle-même, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Alors, ensuite, que la société SOT ne soutenait pas que le contrat aurait prévu une procédure préalable à l'encaissement d'un chèque de caution et que cette procédure n'aurait pas été respectée par la société SOFRAL ; que, dès lors, en retenant que celle-ci n'avait pas respecté la procédure contradictoire prévue par le contrat avant d'encaisser le chèque de caution, la Cour d'appel a soulevé d'office un moyen, sans le soumettre au préalable à la libre discussion des parties, violant ainsi derechef le principe de la contradiction et l'article 16 du Code de procédure civile.

Et alors, enfin, qu'en statuant par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser une faute, la Cour d'appel a violé l'article 1382 devenu 1240 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-23338
Date de la décision : 29/05/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 16 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 29 mai. 2019, pourvoi n°17-23338


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.23338
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