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29/05/2019 | FRANCE | N°17-21790

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 29 mai 2019, 17-21790


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme M... a été engagée par l'Institut L... I... selon contrat à durée indéterminée le 7 octobre 1998 en qualité de mécanicien prothésiste niveau 4 ; qu'après plusieurs promotions, elle est devenue, à compter du 1er mai 2011, technicienne hautement qualifiée en prothèse maxillo-faciale, assimilée à l'emploi conventionnel de technicienne hautement qualifiée position 4 du groupe G ; qu'elle a été licenciée pour faute le 27 octobre 2014 ; qu'elle a saisi la juridictio

n prud'homale le 5 décembre 2014 de diverses demandes ;

Sur le premier moye...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme M... a été engagée par l'Institut L... I... selon contrat à durée indéterminée le 7 octobre 1998 en qualité de mécanicien prothésiste niveau 4 ; qu'après plusieurs promotions, elle est devenue, à compter du 1er mai 2011, technicienne hautement qualifiée en prothèse maxillo-faciale, assimilée à l'emploi conventionnel de technicienne hautement qualifiée position 4 du groupe G ; qu'elle a été licenciée pour faute le 27 octobre 2014 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale le 5 décembre 2014 de diverses demandes ;

Sur le premier moyen, le deuxième moyen du pourvoi principal et les trois moyens du pourvoi incident :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens ci-après annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en ses deuxième et troisième branches :

Vu l'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-832 du 24 juin 2016 et L. 1134-5 du même code ;

Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes de dommages et intérêts pour discrimination et nullité du licenciement du fait de la discrimination, la cour d'appel retient que le refus d'inscrire la salariée à la formation DU oculariste et le fait qu'après son licenciement, son collègue masculin a pu suivre cette formation, en l'absence de tout élément probant, n'établissent pas que la salariée a été victime de discrimination, que le seul fait que certains praticiens refusaient de travailler avec elle et qu'un médecin ait eu un comportement désagréable et inapproprié à son égard sont insuffisants pour démontrer une quelconque discrimination en raison de son sexe ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée présentait des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de son sexe, et qu'il lui appartenait dès lors de rechercher si l'employeur prouvait que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

Et sur le cinquième moyen du pourvoi principal :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, l'arrêt retient que le licenciement pour faute étant fondé, la demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire n'est pas justifiée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le bien-fondé d'une demande de dommages-intérêts à raison des conditions vexatoires de la rupture du contrat de travail est indépendante du bien-fondé de celle-ci, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation sur le troisième moyen entraîne la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif visé par le quatrième moyen ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme M... de ses demandes de dommages-intérêts pour discrimination, en nullité du licenciement du fait de la discrimination, de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire et de sa demande tendant à voir déclaré non-fondé le licenciement pour faute, l'arrêt rendu le 18 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne l'association Institut L... I... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association Institut L... I... à verser à Mme M... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mme M...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Mme M... au titre des heures supplémentaires ;

AUX MOTIFS QUE :

« Madame M... sollicite la somme de 741,20 € correspondant à 32 heures supplémentaires. Même s'il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail la preuve du bien-fondé de la demande ne repose pas uniquement sur le salarié, il n'en demeure pas moins qu'en l'espèce, les pièces versées aux débats démontrent que l'appelante effectuait des heures supplémentaires après autorisation de sa hiérarchie, que ses bulletins de salaire établissent du paiement d'heures supplémentaires et que l'appelante n'apporte pas d'éléments matériels suffisamment probants qui permettent de considérer qu'elle en a effectué en sus de celles rémunérées » ;

ET AUX MOTIFS, EVENTUELLEMENT ADOPTES, QUE :

« Vu l'article L. 3171-4 du code du travail qui dispose que :
« En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »

Attendu que les échanges de courriels, fournis aux débats, entre madame U... M... et madame N... V..., supérieur de la salariée, qui montrent que celleci effectuait, de façon irrégulière, quelques heures supplémentaires avec l'accord de la direction,

Attendu qu'il apparaît, au regard des bulletins de salaire communiqués, un paiement pas l'Institut de Cancérologie L... I..., de certaines heures supplémentaires,
Attendu que pour le surplus des heures supplémentaires, réclamé par Madame U... M... , les éléments apportés pour la justification des horaires effectivement réalisés n'emportent pas la conviction du Conseil,

Qu'en conséquence le Conseil dit non fondée la demande de madame U... M... à titre de rappel de salaire d'heures supplémentaires » ;

ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'en retenant que les bulletins de salaire de Mme M... établissaient le paiement d'heures supplémentaires, alors que sur les 32 heures supplémentaires effectuées pour la période de janvier à mai 2014, seules 2 heures ont été rémunérées et figurent sur le bulletin de salaire du mois d'avril 2014, la cour d'appel a dénaturé les bulletins de salaire des mois de janvier à mai 2014, en violation du principe suivant lequel le juge ne peut dénaturer les écrits soumis à son examen.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme M... de sa demande de nullité du licenciement pour harcèlement moral ;

AUX MOTIFS QUE :

« Sur le fondement des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail, Madame M... demande la nullité du licenciement qui lui a été notifié. Il s'avère, toutefois, que son licenciement n'est pas fondé sur des faits en lien avec le harcèlement ou ses conséquences, notamment une absence qui perturberait le fonctionnement du service, mais sur des fautes reprochées à la salariée dans l'exécution de son travail. La demande de nullité rejetée, de même que celle afférente à sa réintégration » ;

ALORS QU'est nul le licenciement prononcé pour un motif qui trouve en réalité sa cause dans le harcèlement moral que l'employeur a fait subir au salarié ; qu'en se bornant à affirmer que le licenciement de Mme M... était fondé sur des fautes reprochées à la salariée dans l'exécution de son travail, sans rechercher si le comportement reproché à la salariée n'était pas une réaction au harcèlement moral dont elle avait été victime, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1152-2 et L.1152-3 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de Mme M... au titre de la discrimination ;

AUX MOTIFS QUE :

« Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'action, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de sa grossesse.

Selon l'article L. 1134-1 du code du travail, en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En l'espèce, Madame M... considère qu'elle a été victime de la part de l'IGR de différentes discriminations qui se sont manifestées par :
- un ralentissement volontaire de son évolution par rapport à une évolution normale en conformité avec ses compétences et ses savoirs,
- le refus de répondre favorablement à une demande de formation,
- l'épisode des livrets-mémos saccagés, l'un d'entre eux contenant une croix gammée,
- son comportement discriminatoire à son égard résultant de sa qualité de femme ;

Il résulte de l'examen des pièces versées au soutien de la demande :
- que la carrière de Madame M... a régulièrement progressé et, compte-tenu de son expérience et son diplôme de prothèse faciale appliquée, elle s'est vue reconnaître la qualification de technicien hautement qualifié en prothèse maxillo-faciale, correspondant au groupe G de rémunération de la position 4. Il est justifié que cette promotion lui a permis d'accéder à un niveau conventionnel supérieur à ses deux collègues successifs Messieurs Paris et O...,

- que le refus de l'inscrire à la formation « D.U. oculariste » et le fait qu'après son licenciement son collègue Monsieur O... ait pu suivre cette formation, en l'absence de tout élément matériel probant, ne rapporte pas la preuve que l'appelante a été victime de discrimination,

- que s'agissant des livrets-mémo, Madame M... expose qu'avec Monsieur Paris, ils les avaient créés afin d'apporter une information globale aux aides-soignantes assistant les dentistes au quotidien, documents validés par Madame R... et le Docteur X... en 2011. Elle ajoute que les prothésistes avaient alerté de leur disparition Madame R... et que lorsque ceux-ci les ont retrouvés dans leur salle de matériel, ils étaient griffonnés et l'un d'entre eux portait une croix gammée. Madame M... n'apporte toutefois aucune précision sur les faits qu'aurait commis l'employeur et qui constitueraient les faits de discrimination reprochés alors que les dispositions du code du travail précitées impliquent que la discrimination résulte d'un comportement de l'employeur et non d'un tiers et qu'en l'espèce, l'appelante reconnaît que l'IGR a réagi à ces dégradations et à l'inscription d'une croix gammée sans qu'aient pu être identifiés le ou les auteurs de celles-ci,

- qu'enfin, alors que Madame M... reproche à l'IGR un comportement discriminatoire en sa qualité de femme, le seul fait que lors de son arrivée, Monsieur Paris se soit vu proposer d'être le réfèrent du laboratoire, que certains praticiens odontologies ??? aient fait la différence entre son collègue et ancien collègue ??? et que le Docteur X... ait eu un comportement désagréable à son égard sont insuffisants, pour démontrer une quelconque discrimination résultant de sa qualité de femme.

Le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour discrimination et celles concernant la nullité du licenciement, du fait de la discrimination, et la demande de réintégration afférente » ;

ET AUX MOTIFS, EVENTUELLEMENT ADOPTES, QUE :

« Vu l'article L. 1132-1 du code du travail qui dispose que :

« Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'action, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap. »
Attendu que madame U... M... soutient qu'elle aurait été victime de comportements discriminatoires à son endroit sur les critères d'origine, de moeurs, de sexe, d'appartenance ethnique et de race,

Attendu qu'au surplus, celle-ci produit des attestations dans lesquelles 3 de ces anciens collègues de travail, rapportent que certains praticiens la traitaient différemment en se basant sur le fait que madame M... est une femme, en particulier vis-à-vis de certains collègues masculins qui pourtant avaient moins d'expérience qu'elle,

Attendu de surcroit que la salariée s'appuie également sur le comportement passif de l'Institut de Cancérologie L... I..., alors que des livrets-mémo, créés par madame U... M... avaient été griffonnés de crois gammées,

Qu'en l'espèce, outre que le Conseil n'ait pas fait droit à la demande de requalification de la catégorie d'emploi de Technicienne Hautement Qualifiée en Cadre 1, il est démontré que madame U... M... , tout au long de sa présence au sein de l'Institut de Cancérologie L... I... a bénéficié d'une évolution de carrière favorable,

Considérant que pour le surplus des éléments de fait amenés par madame U... M... afin de laisser supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il apparaît au Conseil que ceux-ci ne sont pas suffisamment étayés,

Qu'en conséquence le Conseil ne fait pas droit à la demande d'indemnité pour discrimination au travail » ;

1 °) ALORS QUE lorsque le salarié invoque des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en se bornant à une appréciation isolée de chaque élément invoqué par Mme M... qui s'estimait victime de discrimination, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, ces éléments ne permettaient pas de présumer l'existence d'une discrimination, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

2°) ALORS QUE le salarié, qui se prétend victime d'une discrimination doit présenter des faits laissant supposer l' existence d'une discrimination directe ou indirecte ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toutes discriminations ; qu'en déboutant Mme M... de ses demandes au titre de la discrimination aux motifs que les faits présentés par celle-ci« ne rapport[aient] pas la preuve qu'[elle avait] été victime de discrimination » et étaient «insuffisants pour démontrer une quelconque discrimination », la cour d'appel a fait peser sur la salariée la charge d'une preuve complète de la discrimination, en violation des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

3°) ALORS QUE lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en déboutant Mme M... de ses demandes au titre de la discrimination, alors qu'elle constatait que la hiérarchie de Mme M... avait refusé de J'inscrire à la formation « D.U. oculariste» tandis qu'après son licenciement, son collègue M. O... avait pu suivre cette formation, ce dont il résultait que la salariée présentait des éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination et qu'il appartenait dès lors à l'employeur de démontrer que la décision de refus était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles L. 1132-1 et L.1134-1 du code du travail.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt, infirmatif sur ce point, attaqué d'AVOIR dit que le licenciement pour faute de Mme M... était fondé ;

AUX MOTIFS QUE :

« Selon la lettre de licenciement pour faute du 27 octobre 2014, l'IGR expose ainsi les faits reprochés à Madame M... :
« ... Ces faits datent du mois d'août et sont indépendants de ceux qui se sont déroulés au mois de juillet et dans les semaines précédentes. Ceux-ci caractérisent néanmoins une récidive qui démontre votre incapacité à modifier votre comportement, ce qui nous a conduit à enclencher après y avoir mûrement réfléchi avec les responsables de votre activité, une procédure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement. »

Il résulte des termes du courrier que l'IGR reproche à la salariée :
- la prise en charge défaillante d'un jeune patient,
- son insubordination ultérieurement au blâme qui lui avait été notifié,

Sur la prise en charge défaillante d'un jeune patient :
Le grief est ainsi formulé.

"Au mois de juillet, vous deviez recevoir un jeune patient justifiant de la mise en place d'une prothèse oculaire nécessitant une rencontre qui avait été programmée à la fin du mois de juillet. Cependant, pour des raisons tenant à la prise de RTT en cette fin de mois de juillet, ce rendez- vous a été décalé au 4 août. Il ressort de cette activité du 4 août que vous n 'avez pas été en mesure de traiter dans la journée cette épithèse et que le patient est reparti sans celle-ci, la maman étant particulièrement déçue et irritée de cette situation. Durant cette journée du 4 août, vous avez indiqué à votre hiérarchie, notamment, le Docteur F..., qui s'inquiétait de savoir si tout allait bien pour la prise en charge demandée, qu'effectivement la situation se déroulait correctement.

- Ce n 'est que le 5 août, lorsque l'infirmière de coordination au cours de son passage quotidien qui vous a demandé des informations concernant la mise en place de cette prothèse oculaire, que votre hiérarchie a été informée du fait que la prothèse n 'était pas terminée et que la maman très mécontente était repartie en ayant l'assurance de ne pas disposer de cette prothèse pour la rentrée scolaire de son fils prévue début septembre, alors que vous aviez pris cet engagement vis- à-vis de la famille de ce jeune patient.

- Le 7août, Madame V... s'est présentée afin que vous lui donniez des explications sur cette situation ce qui lui a permis de constater que vous n'aviez programmé qu'un seul rendez-vous, mais le ton que vous avez employé à son égard n 'a pas permis la poursuite de cette discussion.

Il ressort de cette situation particulière, observée au mois d'août, qu'une fois encore vous n 'avez pas été en mesure de tenir informée votre hiérarchie du déroulement des actes qui vous étaient prescrits, que vous avez jugé pouvoir de manière totalement autonome organiser la prise en charge de ce jeune patient alors que manifestement il était nécessaire d'ajouter des rendez-vous afin qu'il dispose d'un service de qualité de la part de L... I....

Tout ceci aurait pu s'admettre comme une erreur d'appréciation préjudiciable au patient, notamment le fait qu'une seule journée ne permettait pas de réaliser intégralement la prothèse si toutefois vous n'aviez pas, par le passé récent, déjà eu des difficultés de communication avec votre hiérarchie justifiant qu'à la fin du mois de juillet un blâme vous soit délivré. Pour mémoire, ce blâme a été délivré pour des faits relativement similaires qui vous ont opposée au personnel d'encadrement de votre secteur et qui ont nui à la prise en charge de patients".

Au soutien de la gestion défaillante du jeune patient, l'IGR verse aux débats des courriels échangés entre Madame V..., cadre de santé du département ambulatoire, le Docteur X... et d'autres cadres, ainsi qu'un courrier adressé par la cadre de santé à l'appelante le 22 septembre, desquels il ressort que Madame l M..., à qui L'IGR avait imposé la prise d'une semaine de RTT étant en charge du suivi de l'enfant, a dû décaler un rendez-vous mais qu'à son retour le 6 août, la prothésiste n'a pas été en mesure de lui remettre l'oeil car la prothèse oculaire de l'enfant n'était pas achevée. Il apparaît que l'employeur se plaint de ne pas avoir eu connaissance du fait que deux rendez-vous étaient nécessaires pour terminer l'oeil, d'autant que seul celui du 27 juillet, décalé au 4 août était enregistré.

Madame V... considère que dès le 27 juillet, lorsque le rendez-vous a été reporté, Madame M... savait qu'il y avait un problème de cils. Elle écrit "elle est revenue de sa semaine de repos avec des cils à essayer. Comment son collègue aurait-il pu reprendre cette activité s'il n 'en était pas informé ?". Elle se plaint aussi du fait que ni l'encadrement, ni les prescripteurs n'ont été alertés, et indique que travail individualiste de la salariée met en défaut alors que la situation de l'enfant est suffisamment complexe pour que les décisions soient prises en équipe.

Au vu des pièces versées aux débats, il apparaît, selon la description du poste de technicien en prothèse dentaire et maxillo-faciale, que celui-ci a pour activité "dans le cadre de la politique de son de l'institut, de réaliser toutes les prothèses et épithèses maxilo-faciales pré et postopératoires en étroite collaboration avec les équipes médicales et l'orthophoniste afin de répondre aux demandes des praticiens et de l'orthophoniste concernant les patients ", ce qui implique un travail de concertation et d'information de la hiérarchie, d'autant que la salariée est tenue de "contribuer au bon fonctionnement des services de chirurgie cervico-faciale, de radiothérapie, de curiethérapie et de dermatologie par l'efficacité de la collaboration avec l'équipe soignante et la qualité du service rendu aux patients ".

Si dans son activité technique de prothésiste, son ancienneté et ses compétences lui permettaient d'être autonome, il n'en demeure pas moins que dans la cadre de la prise en charge des patients, Madame M... était ainsi tenue de collaborer avec l'équipe soignante et non, d'évoluer de manière autonome, comme elle le revendique dans de nombreux courriers et courriels.

Dès lors, en ne programmant pas dès le départ deux rendez-vous pour le jeune patient alors qu'elle savait que cela était nécessaire pour la pose définitive de la prothèse oculaire, en n'informant pas sa supérieure hiérarchique -qui, était en droit de lui imposer la prise de jours de RTT- que le travail entrepris n'était pas achevé et en indiquant qu'elle serait en mesure d'assurer la prise en charge, Madame M... a commis une faute et ne peut faire reposer la responsabilité de la prise en charge défaillante du jeune patient sur la décision autoritaire de l'IGR.

Sur le comportement de la salariée après notification du blâme :

Après avoir exposé les raisons pour lesquelles un blâme avait été notifié au salarié, l'IGR indique :
"Je fus néanmoins surpris par deux faits ultérieurs :
1/ Les propos que vous avez tenus le lendemain de la délivrance de cette sanction laissant entendre à votre responsable hiérarchique qu 'elle ne serait plus votre interlocuteur crédible à vos yeux, seule comptant la relation que vous alliez instaurer avec le DRH. Cet acte d'insubordination m'a conduit à demander à votre hiérarchie de vous retirer du service de manière à présenter vos chances d'éviter une nouvelle faute préjudiciable à la poursuite de votre contrat de travail. Cette semaine de RTT qui fut posée de manière autoritaire ne vous a pas convenu manifestement puisque vous n'avez eu de cesse de contester une telle initiative. J'ai affirmé et je réaffirmerai que la mise en oeuvre de JRTT posés de manière autoritaire visait à vous préserver de toute faute professionnelle particulière et de tout acte d'insubordination.

2/ Le courrier que vous avez adressé contestant les éléments du blâme alors que j'avais le sentiment d'observer une certaine indulgence par rapport à la situation pour laquelle nous vous avions convoquée pour un entretien préalable à licenciement. Vous avez totalement remis en question point par point les différents éléments qui vous étaient reprochés et que nous avions démontrés par des faits avérés. A aucun moment je n 'ai observé de votre part la moindre volonté de rétablir un type de comportement démontrant des capacités d'amélioration de votre part.

Je peux comprendre, dans une procédure de sanction que nous ne soyons pas totalement d'accord mais vous ne pouvez pas envisager d'être seule à avoir raison, l'ensemble des équipes qui sont à vos côtés commettant de manière permanente des erreurs de jugement à votre égard. C'est une forme de pensée difficile à comprendre de la part d'une personne ayant acquis au sein de l'Institut une aisance professionnelle notoire et un seuil de reconnaissance démontré.

Toutefois, la manière que vous avez de vous comporter au sein de l'équipe et avec les patients, conduit à des erreurs qui se transforment en fautes professionnelles répétées et sans perspective d'évolution favorable.

Cela rend totalement incompatible la poursuite de votre contrat de travail. Nos patients ne doivent pas avoir à sa plaindre de la manière qu'ils ont d'être pris en charge au sein de L... I.... De plus, certains ont parcouru de nombreux kilomètres de déplacements en pure perte, n'ayant pas reçu les soins qu'il était prévu de leur prodiguer. Cette situation ne peut perdurer plus longtemps, votre hiérarchie n'étant plus en mesure de vous faire respecter les règles fondamentales de la relation professionnelle. Votre incapacité à modifier votre façon de vous comporter a provoqué une faute qui succède à une autre sans perspective d'amélioration ce qui justifie votre licenciement".

Des éléments qui précèdent et des pièces versées aux débats, il apparaît que le comportement de gestion "en autonome" de ses activités, par Madame M... , est récurrent puisqu'alors qu'elle est affectée au service de chirurgie maxillo-faciale, elle s'était proposée, pour réaliser des prothèses mammaires, sans obtenir l'accord de sa hiérarchie, ni même l'informer, avant d'entamer d'éventuelles démarches envers le médecin concerné.

La salariée met en avant la volonté de son supérieur hiérarchique, le Docteur X... "de la faire tomber avant son départ à la retraite " et se plaint de ce qu'il ne la supporte pas mais, outre que ces faits ne sont pas démontrés, ils ne sauraient remettre en cause les éléments probants établissant qu'elle manquait à son obligation de travailler en collaboration avec le personnel de service, tel que décrit dans la fiche de poste.

D'ailleurs, il est noté à l'issue de l'entretien d'évaluation notifié le 23 février 2012 que Madame M... "doit prendre l'habitude de se tourner vers sa hiérarchie lorsqu'elle a des projets ou des difficultés en lien avec son activité professionnelle afin que chacun puisse travailler en vue d'objectifs communs".

S'agissant de l'entretien annuel d'évaluation du 11 mars 2014, il est noté que la salariée a refusé de le signer car il n 'était pas conforme au premier document présenté en page 8 (plan de formation) mais l'évaluatrice, Madame V..., avait noté que "l'évaluation avait été un peu mouvementée car nous étions en désaccord sur le mode de fonctionnellement entre elle et sa hiérarchie " ce à quoi Madame M... avait écrit que "au global notre échange s'est bien passé. Cela nous a permis d'éclaircir un certain nombre de points. Ma méconnaissance du rattachement hiérarchique a pu me mettre en porte à faux avec ma hiérarchie directe. Cet échange nous a permis de lever ce point". Il résulte de ces éléments que, bien qu'informée de ses difficultés à s'intégrer dans une hiérarchie, Madame M... a persisté dans un comportement "autonome" assez peu compatible avec la nécessité qui était le sienne de s'intégrer dans une hiérarchie chargée d'apporter les soins les plus efficients aux patients.

Les fautes reprochées sont, dès lors, établies et le licenciement pour faute est fondé. Le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a considéré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné L'IGR à payer à Madame M... la somme de 50.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. S'agissant de la demande de reliquat d'indemnité de licenciement que Madame M... sollicite, la Cour confirme le jugement en ce qu'il a condamné L'IGR à payer à l'appelante la somme de 196,28 €, somme fixée sur la base du salaire brut mensuel de référence d'un montant de 2.831,60 € » ;

1°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en jugeant que le licenciement pour faute de la salariée était fondé, sans répondre aux conclusions par lesquelles Mme M... soutenait que les faits invoqués au soutien de son licenciement étaient prescrits (conclusions d'appel, p. 45 § 7 – p. 49 § 1), la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en jugeant que le licenciement pour faute de la salariée était fondé, sans répondre aux conclusions par lesquelles Mme M... soutenait que l'institut L... I... l'avait sanctionnée deux fois pour les mêmes faits (conclusions d'appel, p. 49 § 2 – p. 50 § 4), la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Mme M... au titre du licenciement vexatoire ;

AUX MOTIFS QUE :

« Le licenciement pour faute étant fondé, la demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, formée par Madame M... n'est pas justifiée et sera rejetée » ;

ET AUX MOTIFS, EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE :

« Considérant qu'un salarié peut prétendre, en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, à des dommages et intérêts distincts de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en cas de comportement fautif de son employeur dans les circonstances de la rupture,

Attendu que madame U... M... soutient que tel est le cas au motif que sa lettre de licenciement a été envoyée à des personnes, non concernés par une telle mesure,

Attendu que le courrier de licenciement de madame U... M... , en date du 27 octobre 2014, qui cite un certain nombre de personnes mises en copie,

Que pour les personnes citées, outre les supérieurs directs de madame U... M... , se trouvent également des personnes des services qui sont concernées lorsqu'une rupture de contrat de travail intervient dans une entreprise, tel que service de paie, service ressource humaine.

Qu'en conséquence de quoi, le Conseil ne fait pas droit à la demande d'indemnité pour licenciement vexatoire » ;

ALORS QUE le bien-fondé d'une demande de dommages-intérêts à raison des conditions vexatoires de la rupture du contrat de travail est indépendants du bien-fondé de la rupture ; qu'en se bornant pour rejeter la demande d'indemnité pour licenciement vexatoire de Mme M... , à relever que le licenciement pour faute était fondé, la cour d'appel a violé l'article 1231-1 du code civil. Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour l'association Institut L... I...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir condamné l'INSTITUT DE CANCEROLOGIE L... I... à payer à Madame U... M... la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

AUX MOTIFS QU'en application des articles L. 1152-1 et suivants du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que selon l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; qu'en cas de litige, en application de l'article L. 1154-1 du Code du travail, dès lors que le salarié concerné établi des faits qui permettent de présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement, il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision se justifie par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures qu'il estime utiles ; que Madame M... expose que l'IGR a manifestement cherché à provoquer chez elle une perte totale de confiance en elle, tentant de la déstabiliser de manière permanente et systématique, au point de la mettre dans l'impossibilité de poursuivre l'exécution de son contrat de travail ; que pour démontrer les faits dont elle a été victime, notamment de la part du docteur X..., l'appelante verse aux débats des attestations ; que Madame K... A..., déléguée syndicale et membre du Comité d'entreprise, relate avoir été contactée le 7 août 2014, « qui était dans une situation de grande souffrance suite aux pressions de son encadrement » et qu'elle lui a conseillé de quitter son service immédiatement ; que si cette attestation n'est ni précise, ni circonstanciée quant à la nature des pressions que l'appelante lui a dit avoir subies et sur la personne à l'origine de ces pressions, tel n'est pas le cas des suivantes ; qu'en effet, Monsieur P... PARIS, prothésiste dentaire et collègue de l'appelante, expose qu'il travaillait avec Madame M... et que, rapidement celle-ci lui a transmis ses connaissances et compétences avec grande simplicité et qu'il appréciait les compétences ; qu'il mentionne que souvent leur supérieur hiérarchique, Monsieur X..., « avait un comportement désagréable vis-à-vis de Madame M... , il ne la regardait même pas et ne s'adressait pas à elle pour certains travaux, je me suis permis un jour de lui faire part de ce malaise que je ressentais dans son attitude, il me répondit « je choisis les personnes avec qui je veux travailler, vous n'avez rien à dire » ; que par ailleurs, après avoir évoqué les relations entre Madame M... et Monsieur O..., qui l'a remplacée lorsqu'il est parti en retraite, Monsieur PARIS indique qu'en 2009, il avait déjà assisté à l'acharnement sur Madame M... de la part de deux dentistes qui refusaient de travailler avec elle et précise que les problèmes étaient si importants que sa collègue avait dû quitter son poste sur l'ordre de la médecine du travail et que la direction était informée de cela ; qu'il ajoute que Madame M... avait du mal à supporter l'indifférence notoire et les reproches constants de la part de la hiérarchie, précisant que le Docteur X... avait montré une certaine réticence pour faire la préface des articles scientifiques que la prothésiste devait publier au motif que ses articles n'avaient rien de scientifique ; qu'il avait quand même fini par faire une préface seulement quand Madame M... lui avait montré un courrier d'acceptation pour publications ; qu'il mentionne aussi le fait d'avoir été informé par d'autres collègues du comportement mal intentionné et pervers du Docteur F..., tant à l'égard de Madame M... qu'à l'égard d'une aide-soignante, Madame Q..., qui avait alerté en vain la direction ce qui avait incité l'appelante à n'effectuer aucune démarche pour ne pas faire d'histoire et par crainte de ne pas être crue ; que Madame Q..., assistante dentaire, fait mention de propos rapportés par Madame M... selon lesquels le Docteur F... a eu des gestes obscènes à son égard alors que celle-ci était derrière une patiente et une autre fois, a évoqué les « mains baladeuses » de ce médecin ajoutant « qu'elle n'avait rien dit car personne ne l'aurait crue et qu'elle ne voulait pas faire d'histoire » ; que cette salariée poursuit son témoignage en relatant les faits dont elle a été victime au cours d'une consultation avec ce même médecin, quelques temps après les faits rapportés par sa collègue et déclare « sachant ce qui était arrivé à Madame M... , je restais prudente durant toute la consultation. Celui-ci commençait par me caresser les mains pendant ses consultations à chaque fois que le lui passais les instruments. Il attendait qu'il n'y ait personne pour faire des propositions indécentes (si je voulais avoir des relations intimes avec lui). Comme pour Madame M... , il n'hésitait pas (...) Pour me caresser les jambes. A chaque fois que je le repoussais, il avait des gestes encore plus obscènes » ; que de son côté, Madame B..., aide-soignante, déclare que ses collègues lui avaient dit d'être vigilante par rapport au comportement du Docteur F... alors qu'elle avait eu à subir à plusieurs reprises des attitudes déplacées et irrespectueuses sur sa personne ; qu'il résulte des éléments qui précèdent que les faits rapportés par Madame M... , confirmés par les attestations précises et circonstanciées des témoins, laissent présumer des faits de harcèlement moral ; que les pièces versées aux débats par l'IGR n'apportent aucun élément matériel probant, remettant en cause l'effectivité des agissements tels que décrits par Madame M... et attestés par les témoignages apportés ; que les faits de harcèlement moral sont établis et ont causé un préjudice à Madame M... qui justifie d'arrêts de travail du fait de la dégradation de son état de santé ; qu'au vu des éléments produits, la cour fixe ce préjudice à la somme de 5 000 euros et condamne l'IGR au paiement de cette somme à titre de dommages et intérêts ; que le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a rejeté cette demande ;

1° ALORS QUE le mécanisme probatoire spécifiquement institué en matière de harcèlement moral, en ce qu'il se traduit par un aménagement de la charge de la preuve favorable au salarié, a pour corollaire l'examen par le juge de l'ensemble des éléments de preuve invoqués par l'employeur pour justifier que les agissements qui lui sont reprochés ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral ; qu'en considérant que la salariée étayait une situation de harcèlement moral, sans examiner les éléments objectifs invoqués par l'employeur pour justifier des agissements reprochés, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

2° ALORS QUE le mécanisme probatoire spécifiquement institué en matière de harcèlement moral, en ce qu'il se traduit par un aménagement de la charge de la preuve favorable au salarié, a pour corollaire l'examen par le juge de l'ensemble des éléments de preuve invoqués par l'employeur pour justifier que les agissements qui lui sont reprochés ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral ; que l'employeur peut démontrer que ses décisions procèdent de l'usage de son pouvoir disciplinaire ou de son pouvoir de direction et sont ainsi étrangères à tout harcèlement ; qu'en considérant que Madame M... étayait une situation de harcèlement moral en ce qu'il était établi que plusieurs médecins refusaient de travailler avec elle sans rechercher si les décisions des médecins n'étaient pas dictées par le comportement irrespectueux et l'incompréhension du pouvoir hiérarchique de la salariée, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

3° ALORS QUE l'employeur est en droit de faire des reproches au salarié si ces reproches sont objectifs quand bien même cela affecterait le salarié ; que de tels reproches ne constituent pas des faits ou agissements constitutifs d'un harcèlement moral ; qu'en considérant que la salariée établissait une situation de harcèlement moral sans caractériser l'existence d'une pratique répétitive persécutrice et fréquente ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

4° ALORS QUE l'existence d'une tension entre le salarié et son employeur n'est pas constitutive de harcèlement moral ; qu'en décidant que la salariée étayait une situation de harcèlement moral quand les éléments versés aux débats ne faisaient état que de l'existence de rapports difficiles entre Madame M... et certains médecins, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales des propres constatations et a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

5° ALORS QU'il appartient au salarié d'établir la matérialité de fait précis et concordants pouvant laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral ou sexuel à son égard ; que les témoignages doivent relater des faits que les témoins ont personnellement vus ou entendus et non pas des ouï-dire ; qu'en énonçant qu'il résultait des éléments versés aux débats que les faits rapportés par Madame M... , confirmés par les attestations précises et circonstanciées des témoins, laissaient présumer des faits de harcèlement moral quand il ressortait de ses propres constatations que les attestations produites relataient soit des propos ou comportements qui ne concernaient pas directement la salariée, soit émanaient de personnes qui reprenaient des propos que la salariée leur avait tenus, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui découlaient de ses constatations desquelles il ressortait que la salariée n'établissait pas la matérialité de fait précis et concordants pouvant laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral ou sexuel à son égard et a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir condamné l'INSTITUT DE CANCEROLOGIE L... I... à payer à Madame U... M... la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

AUX MOTIFS : précédemment visés par le premier moyen de cassation ;

ET AUX MOTIFS QU'il résulte des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail, que l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés ;
qu'en particulier, en matière de harcèlement moral, l'absence de faute de sa part ne peut l'exonérer de sa responsabilité et il est doit répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait, ou de droit, une autorité sur les salariés ; qu'en l'espèce, Madame M... soutient que l'IGR a manqué à ses obligations et produit aux débats des éléments probants établissant que, par l'intermédiaire de représentants du personnel, il avait été informé des faits de harcèlement moral dont elle se plaignait, faits que la cour a considérés comme établis ; qu'il convient de constater que l'IGR ne verse aucun élément matériel probant démontrant qu'il a fait le nécessaire pour apprécier l'effectivité des agissements de harcèlement qui lui étaient rapportés et le cas échéant, pour y remédier ; qu'en agissant ainsi, il a manqué à son obligation de sécurité et a augmenté chez la salariée le sentiment, réel ou supposé, qu'elle avait, de se sentir marginalisée ; qu'en manquant à cette obligation, l'IGR a causé à Madame M... un préjudice qui est fixé à la somme de 10 000 euros. L'IGR est condamné au paiement de cette somme à titre de dommages et intérêts ;

1° ALORS QUE par application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure qui s'attachera au chef de dispositif de l'arrêt ayant condamné l'INSTITUT L... I... à régler à Madame M... la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, entraînera, par voie de conséquence, en l'état d'un lien de dépendance nécessaire, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt attaqué ayant condamné l'employeur au paiement d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

2° ALORS QUE le juge ne doit pas se prononcer par des motifs contradictoires ; qu'en énonçant qu'il convenait d'écarter, d'une part, l'attestation de Madame K... A..., déléguée syndicale et membre du Comité d'entreprise, en ce qu'elle n'était ni précise, ni circonstanciée quant à la nature des pressions que Madame M... lui avait dit avoir subies et sur la personne à l'origine de ces pressions (cf. arrêt attaqué p. 5 § 5 et 6), tout en relevant, d'autre part, que Madame M... produisait aux débats des éléments probants établissant que, par l'intermédiaire de représentants du personnel, l'employeur avait été informé des faits de harcèlement moral dont elle se plaignait (cf. arrêt attaqué p. 7 § 2), la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

3° ALORS QUE le juge ne peut se déterminer sans indiquer, ni analyser, même sommairement, les éléments de preuve sur lesquels il fonde sa décision ; qu'en affirmant, que Madame M... produisait aux débats des éléments probants établissant que, par l'intermédiaire de représentants du personnel, l'employeur avait été informé des faits de harcèlement moral dont elle se plaignait, sans indiquer et, encore moins analyser, ne serait-ce que sommairement, les éléments de preuve sur lesquels elle s'était fondée pour procéder à une telle affirmation, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences résultant des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

4° ALORS QUE la responsabilité de l'employeur est encourue au titre de son obligation de sécurité lorsqu'il est établi qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés et n'a pas pris les mesures immédiates propres à faire cesser le harcèlement moral dès qu'il a été informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un tel harcèlement ; qu'en décidant que l'employeur avait méconnu son obligation de sécurité aux motifs que l'IGR ne versait aucun élément matériel probant démontrant qu'il avait fait le nécessaire pour apprécier l'effectivité des agissements de harcèlement qui lui étaient rapportés et le cas échéant, pour y remédier quand l'employeur faisait valoir qu'aucun fait ne lui avait été rapportés par la salariée ou par les représentants du personnel, la cour d'appel a privé sa décision base légale au regard de l'article L. 4121-1 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir condamné l'INSTITUT DE CANCEROLOGIE L... I... à payer à Madame U... M... la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour comportement fautif s'agissant de la prévoyance ;

AUX MOTIFS QUE Madame M... expose que l'employeur a eu un comportement fautif concernant le dossier de prévoyance ce qui l'a contrainte à saisir le juge des référés aux fins d'obtenir les pièces administratives nécessaires à la constitution de son dossier de prévoyance pour pouvoir bénéficier de la perception d'indemnités journalières complémentaires de prévoyance et obtenir leur versement ; qu'elle demande la confirmation de la décision déférée en ce qu'il lui a été accordé la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ; que l'IGR conteste le bien fondé de la demande et expose que la demande pour bénéficier de garanties de salaire pour la période ultérieure au licenciement est peu compréhensible et que, s'il reconnaît avoir omis d'établir le certificat de salaire nécessaire au déclenchement de la prévoyance, la situation a été régularisée dès lors que l'erreur a été rectifiée ce qui a permis à l'appelante de faire valoir ses droits et de bénéficier de prestations au titre de la garantie de prévoyance ; que l'intimé précise que Madame M... n'a subi aucun préjudice ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que si la faute de l'IGR a retardé la mise en oeuvre de la garantie prévoyance, la situation a été régularisée et que l'appelante dispose de toutes les pièces pour faire valoir ses droits ; que cette situation a causé à Madame M... un préjudice qui est fixé à la somme de 1 000 euros au paiement de laquelle L'IGR est condamné à titre de dommages et intérêts ;

1° ALORS QUE le mise en oeuvre tardive du dossier de prévoyance ne peut entraîner une condamnation à des dommages et intérêts de l'employeur qu'à la condition que le salarié rapporte la preuve de son préjudice ; qu'en affirmant qu'il résulte des pièces versées aux débats que si la faute de l'IGR a retardé la mise en oeuvre de la garantie prévoyance, la situation a été régularisée et que l'appelante dispose de toutes les pièces pour faire valoir ses droits pour en déduire que cette situation a causé à Madame M... un préjudice qui est fixé à la somme de 1 000 euros au paiement de laquelle l'IGR est condamné à titre de dommages et intérêts, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé en quoi cette situation causait un préjudice a violé l'article 1382, devenu l'article 1242 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-21790
Date de la décision : 29/05/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 29 mai. 2019, pourvoi n°17-21790


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.21790
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