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28/05/2019 | FRANCE | N°18-83951

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 mai 2019, 18-83951


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
Mme B... C..., partie civile,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de REIMS, en date du 19 avril 2018, qui, dans l'information suivie sur sa plainte contre personne non dénommée des chefs d'homicide et blessures involontaires, a confirmé l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 avril 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1

du code de procédure pénale : M. Pers, conseiller doyen faisant fonction de président ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
Mme B... C..., partie civile,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de REIMS, en date du 19 avril 2018, qui, dans l'information suivie sur sa plainte contre personne non dénommée des chefs d'homicide et blessures involontaires, a confirmé l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 avril 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Pers, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Bellenger, conseiller rapporteur, M. Fossier, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de M. le conseiller BELLENGER, les observations de la société civile professionnelle RICARD, BENDEL-VASSEUR, GHNASSIA, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire CABY ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que suite au décès de sa mère Mme M... C..., Mme B... C... a porté plainte et s'est constitué partie civile des chefs d'homicide et blessures involontaires, en raison de négligences imputées par la plaignante à l'établissement pour personnes âgées où sa mère résidait ; que le juge d'instruction a dit n'y avoir lieu à suivre ; que la partie civile a relevé appel de cette décision ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 197, 199, 591 à 593 du code de procédure pénale ;

"en ce qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que « Vu les pièces de la procédure :
- vu l'ordonnance de non-lieu en date du 25 septembre 2017,
- l'appel interjeté par Maître R... au nom de Mme B... C... le 2 octobre 2017,
- la notification de la date d'audience faite le 23 mars 2018 conformément aux prescriptions des articles 197 et 803-1 du code de procédure pénale ; que le dossier déposé au greffe de la chambre de l'instruction et tenu à la disposition des avocats dans le respect des prescriptions de l'article 197 alinéa 3 du code de procédure pénale ; que le réquisitoire écrit du parquet général du 3 avril 2018 ; que le mémoire au nom de Mme B... C... déposé au greffe de la chambre de l'instruction par Maître L... le 3 avril 2018 à 16 heures 45 » ;

"alors que ces énonciations ne permettent pas à la Cour de cassation de vérifier que le dépôt des réquisitions écrites du procureur général a été effectué au plus tard la veille de l'audience qui a eu lieu le 5 avril 2018 ; qu'ainsi la procédure est entachée de nullité" ;

Attendu que, faute d'avoir été proposé devant les juges du second degré, le moyen qui soutient qu'il n'est pas établi que le réquisitoire du procureur général a été déposé au greffe la veille de l'audience, est nouveau et comme tel irrecevable ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 221-6, 222-19 et 222-20 du code pénal, 85, 86, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et de réponse à conclusions, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non-lieu ;

"aux motifs qu'en premier lieu, le grief selon lequel l'information souffrirait de graves carences n'est nullement fondé ; que bien au contraire, de multiples témoins ont été entendus, dont les déclarations sont concordantes pour dire que tant les incidents d'ingestion de shampoing ou de morceaux de ses lunettes par la résidente que le refus de s'alimenter procédaient d'une volonté de cesser de vivre, qui n'est pas rare chez les personnes âgées, qu'elles soient placées dans un Ehpad ou non ; que, dès lors il ne serait pas utile à la manifestation de la vérité d'entendre, plus de cinq ans après le décès de l'intéressé, d'autres témoins supplémentaires dont l'identité n'est pas précisée, tels qu'une « infirmière prénommée O... » ou une « veilleuse de nuit » présente lors de l'ingestion par M... C... d'une partie de ses lunettes, sans plus de précision ; que la partie civile reproche au personnel des deux établissements successifs dans lesquels avait été admise sa mère, de n'avoir pas pris des mesures de sécurité pour empêcher celle-ci de se laisser dépérir ou de commettre des actes confinant à l'autolyse ; que les témoins entendus précisent que Mme B... C... aurait voulu qu'on force sa mère à s'alimenter ou qu'on l'hospitalise pour ce faire ; qu'elle soit surveillée 24 heures sur 24, voire qu'on l'attache, pour éviter toute chute ou geste d'autolyse ; mais il n'entre pas dans la mission d'un Ehpad de se livrer à l'encontre d'un de ses résidents à de tels actes de contrainte, de nature à entraver la liberté d'une personne qui n'est ni malade ni atteinte de démence sénile, mais ne manifeste plus l'envie de vivre ; qu'en toute hypothèse, les actes volontaires de mise en danger auxquels pouvait s'exposer M... C... ne sauraient engager la responsabilité pénale des établissements ou de leurs personnels du chef des infractions de blessures involontaires ou d'homicide involontaire, alors que les prétendus manquements à l'obligation de prudence ou de sécurité, à les supposer établis, ne constituent pas la cause directe du dommage ; que par suite les faits allégués ne sont pas de nature à revêtir une quelconque qualification pénale, ni celle de blessures involontaires, ni celle d'homicide involontaire ;

"aux motifs adoptés qu'il ne résulte pas de l'information des charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis une infraction ;

"1°) alors qu'un défaut de surveillance ou d'organisation imputable au chef d'établissement ou à son délégataire est susceptible d'engager la responsabilité pénale d'un établissement hébergeant des personnes âgées dépendantes en cas de blessures involontaires ou d'homicide involontaire d'un résident ; qu'en l'espèce, Mme B... C... faisait valoir dans son mémoire d'appel que l'état de santé physique et psychique de sa mère, qui avait été constaté par un certificat médical du docteur Q... du Centre Hospitalier de Troyes en date du 9 mai 2012, justifiait une surveillance particulière et constante qui n'avait pas été mise en place par les établissements qui l'avait hébergée ; que cependant, en confirmant l'ordonnance de non-lieu, au motif qu'il n'entre pas dans la mission d'un Ehpad de se livrer à des actes de contrainte de nature à entraver la liberté d'une personne qui n'est ni malade ni atteinte de démence sénile, bien que le certificat médical avait constaté tant la maladie que l'état de démence sénile dont était atteinte M... Mme C..., la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des textes et principes susvisés ;

"2°) alors qu'en confirmant l'ordonnance de non-lieu, au motif qu'il n'entre pas dans la mission d'un Ehpad de se livrer à des actes de contrainte de nature à entraver la liberté d'une personne qui n'est ni malade ni atteinte de démence sénile, mais sans se prononcer sur le certificat médical qui avait relevé des déficiences physiques et psychiques, notamment un discours peu clair, des oublis et des hallucinations importantes ainsi qu'un déficit cognitif sévère, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"3°) alors que les délits de blessures involontaires et d'homicide involontaire supposent l'existence, entre la faute et le dommage, non pas d'un lien de causalité exclusif, direct ou immédiat, mais uniquement d'un lien de causalité certain ; qu'en l'espèce, en confirmant le non-lieu, en relevant que les prétendus manquements à l'obligation de prudence ou de sécurité, à les supposer établis, ne constituent pas la cause directe du dommage, bien qu'il suffit d'un lien de causalité certain entre la faute et le dommage, qu'il soit direct ou indirect, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"4°) alors que Mme B... C... sollicitait, dans son mémoire régulièrement déposé, la réouverture de l'information, notamment pour permettre l'audition de M. I... D..., médecin généraliste de M... C..., qui n'avait jamais été entendu alors qu'elle en avait fait la demande lors de son audition d'avril 2014 (mémoire d'appel, p.8) ; qu'en confirmant l'ordonnance de non-lieu, en se bornant à relever qu'il ne serait pas utile à la manifestation de la vérité d'entendre, plus de cinq ans après le décès de l'intéressé, d'autres témoins supplémentaires dont l'identité n'est pas précisée, tels qu'une « infirmière prénommée O... » ou une « veilleuse de nuit » présente lors de l'ingestion par M... C... d'une partie de ses lunettes, mais sans répondre à la demande d'audition de M. I... D..., médecin, pourtant essentielle pour déterminer l'état physique et psychique d'M... C..., la chambre de l'instruction a privé sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés" ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance, l'arrêt attaqué énonce qu'il n'y a pas de carences dans l'instruction, que de multiples témoins ont été entendus dont les déclarations démontrent que le refus de la résidente de s'alimenter résultait d'une volonté de cesser de vivre et qu'il n'est pas utile d'entendre, plus de cinq ans après les faits, d'autres témoins supplémentaires dont l'identité n'est pas précisée ; que les juges ajoutent que les actes volontaires de mise en danger auxquels pouvait s'exposer Mme M... C... ne sauraient engager la responsabilité des établissements et de leur personnel pour homicide et blessures involontaires alors que les prétendus manquements à l'obligation de prudence ou de sécurité, à les supposer établis, ne constituent pas la cause directe du dommage ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire de la partie civile appelante, a exposé sans insuffisance ni contradiction les motifs pour lesquels elle a estimé qu'un supplément d'information n'était pas nécessaire et qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis les délits d'homicide et de blessure involontaires, ni toute autre infraction ;

Que, dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit mai deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-83951
Date de la décision : 28/05/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Reims, 19 avril 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 mai. 2019, pourvoi n°18-83951


Composition du Tribunal
Président : M. Pers (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.83951
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