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23/05/2019 | FRANCE | N°18-17432

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 23 mai 2019, 18-17432


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. et Mme O... du désistement de leur pourvoi en tant que dirigé contre les sociétés Y... R... et MMA IARD ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 26 mars 2018), que par acte dressé le 12 mai 2010, M. et Mme O... ont vendu à M. et Mme X... une maison d'habitation sur laquelle M. P..., artisan maçon, avait exécuté entre mars 2004 et février 2006 des travaux de maçonnerie, de charpente, de couverture et d'enduits ; que M. et Mme X..., qui s'étaien

t réservés la réalisation des travaux de finition, qu'ils ont confiés à la société...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. et Mme O... du désistement de leur pourvoi en tant que dirigé contre les sociétés Y... R... et MMA IARD ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 26 mars 2018), que par acte dressé le 12 mai 2010, M. et Mme O... ont vendu à M. et Mme X... une maison d'habitation sur laquelle M. P..., artisan maçon, avait exécuté entre mars 2004 et février 2006 des travaux de maçonnerie, de charpente, de couverture et d'enduits ; que M. et Mme X..., qui s'étaient réservés la réalisation des travaux de finition, qu'ils ont confiés à la société Y... R..., alertés sur le mauvais état de l'immeuble, ont fait appel à un expert, la société Cabinet Caac, représentée par M. V..., qui a conclu que l'immeuble était dangereux ; que le 7 juin 2011, M. et Mme X... ont assigné M. et Mme O... en résolution de la vente, laquelle a été prononcée par arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 8 avril 2013, la mauvaise foi des vendeurs étant retenue ; qu'un expert judiciaire a été désigné par cette décision et par une ordonnance du juge des référés saisi par M. et Mme O... ; que l'expert judiciaire a déposé ses rapports les 14 mars 2014 et 8 juillet 2014 ; que le 4 juin 2015, M. et Mme O... ont assigné la société Y... R... et son assureur, la société MMA IARD, ainsi que M. V... pris en sa qualité de liquidateur amiable de la société Cabinet Caac et son assureur, les Souscripteurs du Lloyd's de Londres (le Lloyd's), représentés par la société Lloyd's France, pour voir reconnaître leur responsabilité respective au titre des désordres affectant l'ouvrage et les conséquences préjudiciables pour eux de la résolution de la vente ;

Attendu que M. et Mme O... font grief à l'arrêt de les débouter de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre du Lloyd's, alors, selon le moyen, que :

1°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les éléments de la cause ; que, dans son arrêt rendu le 8 avril 2013, dans l'instance relative à la résolution de la vente conclue entre M. et Mme O... et M. et Mme X..., la cour d'appel de Toulouse a relevé que le vice sur lequel est fondée l'action est constitué par le délabrement de la structure de l‘immeuble préexistant à l'intervention de l'entrepreneur P... qui n'en a été que la révélatrice ; qu'il résulte par ailleurs des termes clairs et précis de cette décision que, pour prononcer la résolution de la vente, la cour d'appel s'est fondée sur les constatations du rapport établi par M. V... du cabinet Caac selon lesquelles « l'ancien support était en état de ruine et c'est avec une parfaite connaissance de ce problème que le maître d'ouvrage, M. O..., a engagé une transformation », cependant qu'elle déduisait seulement du procès-verbal de constat de l'huissier en date du 3 juin 2010 qu'un maître d'oeuvre avait prévu de nouvelles fondations ; qu'en retenant néanmoins, pour débouter M. et Mme O... de leur action en responsabilité contre l'expert, que la recherche des motifs sur lesquels s'était fondée la cour d'appel, s'agissant de l'antériorité du vice et de sa connaissance par les vendeurs, était hypothétique et hasardeuse, pour en déduire que le lien de causalité n'était pas certain entre, d'une part, le caractère erroné du rapport de M. V... et, d'autre part, la résolution de la vente, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes de l'arrêt du 8 avril 2013, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que constitue une perte de chance réparable la disparition d'une probabilité favorable ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que M. et Mme X... ont engagé à l'encontre de M. et Mme O... une action en résolution de la vente sur la foi du rapport établi par M. V... et imputant à l'état de délabrement de la structure, antérieur à la vente et connu des vendeurs, les désordres objet de la résolution de la vente ; qu'il en résultait que si M. V... avait correctement identifié l'origine des désordres, tenant à l'intervention de l'entrepreneur du chef de M. et Mme X..., et préconisé les solutions de reprise adéquates, les acquéreurs n'auraient pu agir en résolution de la vente ou, à tout le moins, pu voir leur demande prospérer ; qu'en retenant néanmoins que le rapport de l'expert M. V... n'avait pas fait perdre à M. et Mme O... une chance sérieuse de ne pas subir les conséquences préjudiciables pour eux de la résolution de la vente, sans tirer les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait, au contraire, que le rapport établi par M. V... avait fait perdre à M. et Mme O... une chance de ne pas être assignés en résolution de la vente ou de ne pas voir cette action prospérer à leur préjudice, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Mais attendu que, dès lors que l'arrêt du 8 avril 2013 se référait tant au constat de l'huissier de justice du 3 juin 2010 qu'au rapport de M. V... pour déterminer l'état de l'immeuble et la connaissance qu'en avait le vendeur, c'est sans dénaturer cet arrêt que la cour d'appel a relevé que le rapport de l'expert n'était qu'un des éléments de preuve sur lesquels cette décision était fondée et a souverainement estimé que la recherche des influences ayant présidé à l'appréciation par la cour d'appel de l'antériorité du vice et de sa connaissance par les vendeurs était hypothétique, ce dont elle a pu déduire l'absence de lien de causalité entre la faute alléguée de l'expert et la perte de chance dont il était réclamé réparation ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme O... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour M. et Mme O...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté les époux O... de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre des Souscripteurs du Lloyd's de Londres (la société Lloyd's France),

Aux motifs qu'il est constant que, comme tout professionnel, l'expert engage sa responsabilité s'il commet une faute dans l'accomplissement de sa mission, notamment s'il se trompe dans son diagnostic ; qu'en l'espèce, il ressort du rapport établi le 10 juin 2010 par M. B... V... de l'EURL Cabinet CAAC que la mission d'expertise privée de celui-ci portait sur les désordres dans les murs extérieurs, les fondations, la toiture, le doublage et les cloisons, la maçonnerie et le chauffage et sur les autres désordres et malfaçons que l'expertise ferait ressortir, au contradictoire notamment des vendeurs, des diverses entreprises et du maître d'oeuvre auxquels ils avaient fait appel pour les travaux d'extension et de surélévation avant la vente, mais pas de la SARL Y... R... ayant réalisé à la demande des acquéreurs les travaux de terrassement et de pose de fosse septique facturés les 1 er et 2 juin 2010, incluant le décapage des terres situées sous la terrasse ; que l'avis de cet expert, qui a estimé que la fissuration évolutive des murs au-dessus de la terrasse rendait l'état de la construction dangereux, pouvait à tout instant provoquer un sinistre majeur et procédait, non pas du dégagement des terres qui ne supportaient rien de la construction, mais de l'inadaptation des fondations à la descente de charge de l'immeuble sur un terrain pentu à 30 % et de l'instabilité de l'ancien support en état de ruine, et que le maître d'ouvrage M. O... avait, en parfaite connaissance du problème, engagé une transformation sans prendre conseil auprès d'un professionnel, est contredit en quasi-totalité par l'expert judiciaire qui considère que cette fissuration évolutive de la zone de fondation et de superstructure au niveau de la terrasse compromet, certes, la solidité de l'immeuble, mais, à l'inverse des fissures côté nord-ouest liées à l'absence de prise en compte de la dilatation entre l'ancien bâtiment et la nouvelle construction, est directement due à l'excavation sous la terrasse, qui ne permet plus d'assurer l'ancrage des massifs de fondation sous les poteaux créés comme sur le mur de soubassement existant, et que l'ouvrage n'était pas en état de ruine avant les travaux de rénovation et d'extension et ne l'est pas davantage actuellement ; qu'en outre, force est de constater que la cour d'appel a, dans la motivation de son arrêt du 8 avril 2013, validée par la cour de cassation, retenu que l'ancien support était en état de ruine et que ce vice, qui compromettait la solidité de l'ouvrage et le rendait impropre à sa destination, était préexistant à l'opération de décaissement, qui n'en a été que la révélatrice, et connu de M. O... ayant engagé sa transformation, alors qu'un maître d'oeuvre avait prévu de nouvelles fondations, pour en déduire que la connaissance par le vendeur de l'état de dangerosité de la construction préexistant à la vente caractérisait sa mauvaise foi et excluait l'application de la clause de non-garantie des vices cachés et prononcer la résolution de la vente ; que toutefois, le rapport de l'expert V... n'est qu'un des éléments de preuve cités à l'appui de cette motivation, avec le constat d'huissier en date du 3 juin 2010 dans lequel le maçon a admis qu'un maître d'oeuvre avait prévu de nouvelles fondations ; que la recherche des influences ayant pu présider à l'appréciation par la cour d'appel de l'antériorité du vice et de sa connaissance par les vendeurs, qui est la cause directe du dommage allégué, est donc nécessairement hypothétique, divise d'ailleurs radicalement les parties et s'avère d'autant plus hasardeuse que le constat d'huissier susvisé et les photographies du chantier fournies par le maçon à l'huissier et à l'expert amiable lors de la réunion contradictoire du 3 juin 2010 ne sont pas versés aux débats par les époux O... A... qui en ont reçu communication par les acquéreurs dans le cadre de l'instance en résolution de la vente ; qu'en l'état, quand bien même l'avis de l'expert V... serait excessivement alarmant sur l'état de la construction, erroné sur l'origine d'une partie des désordres et imprudent sur la connaissance qu'en avait M. T... O..., il n'apparaît pas en lien de causalité certaine, même au travers d'une simple perte de chance, avec les conséquences dommageables de la résolution de la vente ; que le jugement dont appel sera donc infirmé en ce qu'il a condamné les Souscripteurs du Lloyd's de Londres à indemniser les époux O... A... de ces conséquences dommageables, financières et autres, et ces derniers seront déboutés de toutes leurs demandes à l'encontre de cet assureur (arrêt, pp. 7 § 1 – 8 § 4),

1° Alors que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les éléments de la cause ; que, dans son arrêt rendu le 8 avril 2013, dans l'instance relative à la résolution de la vente conclue entre les époux O... et les époux X..., la cour d'appel de Toulouse a relevé que le vice sur lequel est fondée l'action est constitué par le délabrement de la structure de l‘immeuble préexistant à l'intervention de l'entrepreneur P... qui n'en a été que la révélatrice ; qu'il résulte par ailleurs des termes clairs et précis de cette décision que, pour prononcer la résolution de la vente, la cour d'appel s'est fondée sur les constatations du rapport établi par M. V... du cabinet CAAC selon lesquelles « l'ancien support était en état de ruine et c'est avec une parfaite connaissance de ce problème que le maître d'ouvrage, M. O..., a engagé une transformation », cependant qu'elle déduisait seulement du procès-verbal de constat de l'huissier en date du 3 juin 2010 qu'un maître d'oeuvre avait prévu de nouvelles fondations (arrêt, p. 5 § 5); qu'en retenant néanmoins, pour débouter les époux O... de leur action en responsabilité contre l'expert, que la recherche des motifs sur lesquels s'était fondée la cour d'appel, s'agissant de l'antériorité du vice et de sa connaissance par les vendeurs, était hypothétique et hasardeuse, pour en déduire que le lien de causalité n'était pas certain entre, d'une part, le caractère erroné du rapport de M. V... et, d'autre part, la résolution de la vente, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes de l'arrêt du 8 avril 2013, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ Alors en toute hypothèse que constitue une perte de chance réparable la disparition d'une probabilité favorable ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que les époux X... ont engagé à l'encontre des époux O... une action en résolution de la vente sur la foi du rapport établi par M. V... et imputant à l'état de délabrement de la structure, antérieur à la vente et connu des vendeurs, les désordres objet de la résolution de la vente ; qu'il en résultait que si M. V... avait correctement identifié l'origine des désordres, tenant à l'intervention de l'entrepreneur du chef des époux X..., et préconisé les solutions de reprise adéquates, les acquéreurs n'auraient pu agir en résolution de la vente ou, à tout le moins, pu voir leur demande prospérer ; qu'en retenant néanmoins que le rapport de l'expert V... n'avait pas fait perdre aux époux O... une chance sérieuse de ne pas subir les conséquences préjudiciables pour eux de la résolution de la vente, sans tirer les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait, au contraire, que le rapport établi par M. V... avait fait perdre aux époux O... une chance de ne pas être assignés en résolution de la vente ou de ne pas voir cette action prospérer à leur préjudice, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-17432
Date de la décision : 23/05/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 26 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 23 mai. 2019, pourvoi n°18-17432


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Ohl et Vexliard

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.17432
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