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23/05/2019 | FRANCE | N°18-14437

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 23 mai 2019, 18-14437


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 16 janvier 2018), que, par acte sous seing privé du 27 octobre 2007, rédigé par M. W..., notaire, M. et Mme B... ont conclu avec A... U... un contrat de réservation relatif à la vente d'un bien immobilier en l'état futur d'achèvement ; qu'un dépôt de garantie a été versé sur un compte en l'étude de M. W... ; que ce contrat prévoyait la réalisation de la vente dans un délai maximum d'un an, soit le 27 octobre 2008 ; que la réalisation des travaux a été

confiée à la société Les Jardins de l'immobilier (le constructeur) ; que, po...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 16 janvier 2018), que, par acte sous seing privé du 27 octobre 2007, rédigé par M. W..., notaire, M. et Mme B... ont conclu avec A... U... un contrat de réservation relatif à la vente d'un bien immobilier en l'état futur d'achèvement ; qu'un dépôt de garantie a été versé sur un compte en l'étude de M. W... ; que ce contrat prévoyait la réalisation de la vente dans un délai maximum d'un an, soit le 27 octobre 2008 ; que la réalisation des travaux a été confiée à la société Les Jardins de l'immobilier (le constructeur) ; que, pour financer cette réalisation, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Nord-Est (la CRCAM) a accordé plusieurs prêts à M. et Mme B... ; qu'à la suite de plusieurs appels de fonds du constructeur, la CRCAM a versé les fonds à M. et Mme B... qui les ont reversés au constructeur ; que A... U... est décédé [...] et la société Les Jardins de l'immobilier a été mise en liquidation judiciaire ; que la réalisation de l'acte de vente n'a pas eu lieu ; que M. et Mme B... ont assigné la CRCAM et M. W... en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. et Mme B... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes à l'encontre de la CRCAM ;

Mais attendu qu'ayant, d'une part, relevé que les dispositions des articles L. 231-2 et suivants du code de la construction et de l'habitation ne s'appliquaient pas alors que M. et Mme B... avaient souscrit un contrat de réservation d'un bien immobilier en état futur d'achèvement régi par les dispositions des articles L. 261-1 et suivants du même code, qu'aux termes du contrat de prêt, la banque s'engageait à verser les fonds sur le compte que l'emprunteur aurait ouvert auprès d'elle, sauf si l'emprunteur lui donnait l'ordre de verser directement les fonds au vendeur, et que l'intégralité des fonds avait été versée sur le compte de M. et Mme B... qui les avaient reversés au profit du constructeur, d'autre part, retenu que la banque n'avait pas à s'immiscer dans la gestion de ses clients ni dans l'utilisation des fonds prêtés alors qu'aucune disposition contractuelle ou légale ne lui imposait de s'assurer de la réitération de la vente et de la consignation des fonds avant leur déblocage et qu'il ne lui appartenait pas de vérifier la validité du contrat de réservation rédigé par un notaire, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que la banque aurait débloqué les fonds sur les appels du constructeur, a pu en déduire qu'il ne saurait être reproché à celle-ci d'avoir manqué à ses devoirs de vigilance, de conseil et de mise en garde ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. et Mme B... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes à l'encontre du notaire ;

Mais attendu qu'ayant constaté que le contrat de réservation comportait toutes les mentions exigées par la loi et retenu que les réservataires n'établissaient pas que le notaire fût intervenu à la signature de l'acte ni qu'il eût connaissance des appels de fonds ultérieurs au dépôt de garantie initial, la cour d'appel, qui n'était pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire que le notaire n'était pas tenu à une obligation de conseil et de mise en garde à l'égard de M. et Mme B... et n'avait pas commis de faute engageant sa responsabilité ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme B... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour M. et Mme B...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR débouté M. et Mme B... de leurs demandes à l'encontre de la CRCAM ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L. 261-12 du code de la construction et de l'habitation, le vendeur d'une vente en l'état d'état futur d'achèvement ne peut exiger ni accepter aucun versement, aucun dépôt, aucune souscription ou acceptation d'effets de commerce avant la signature du contrat ; que le contrat de vente à terme peut seulement stipuler que des dépôts de garantie seront faits au fur et à mesure de l'avancement des travaux à un compte spécial ouvert au nom de l'acquéreur par un organisme habilité à cet effet ; que les fonds ainsi déposés sont incessibles, insaisissables, indisponibles dans la limite des sommes dues par l'acheteur, sauf le paiement du prix ; que sur le respect, ou non, par la banque de ses obligations contractuelles à l'égard de M. et Mme B..., il convient d'observer que les articles L.231-2 et suivants du code de la construction et de l'habitation ne s'appliquent pas en l'espèce car ils concernent le financement de la construction de maisons individuelles avec fourniture de plans et non celui de la vente en état futur d'achèvement, le contrat de construction de maison individuelle est conclu entre un constructeur et un maître de l'ouvrage et porte sur l'édification d'une construction sur un terrain dont le maître de l'ouvrage est propriétaire et s'analyse comme un contrat de louage d'ouvrage, alors qu'il s'agit en l'espèce, d'un contrat de réservation d'un bien immobilier en état futur d'achèvement, régi par les dispositions des articles L.261-15 et suivants du code de la construction et de l'habitation ; que la banque n'a donc pas violé les dispositions des articles L. 231-2 et suivants du code de la construction et de l'habitation en débloquant les fonds avant justification d'une attestation de garantie de livraison ; que d'autre part, le contrat de réservation mentionnait des conditions préalables à la réalisation du programme, dont l'acquisition du terrain, et le contrat avait pour objet, en cas de réalisation du programme, la proposition au réservataire, par préférence à tout autre, d'acquérir les biens désignés aux conditions particulières ; que la seule lecture de l'acte, signé par les réservataires, permettait de voir qu'il ne générait pas de transfert de propriété ; que si le contrat de prêt stipulait que la banque pouvait être amenée à vérifier que les fonds à verser correspondaient à l'avancement des travaux, il ne s'agissait pas d'une obligation, la banque s'engageant par le contrat de prêt à verser les fonds, ce qu'elle a fait directement sur le compte des consorts B... E... ; qu'il était prévu au contrat que les fonds seraient versés sur le compte que l'emprunteur aurait ouvert auprès du prêteur sauf si l'emprunteur donnait ordre au prêteur de verser directement les fonds à la société de construction-vente, que l'intégralité des fonds a été versée sur le compte des emprunteurs qui les ont versés entre les mains de la Sarl Les Jardins de l'Immobilier, que la banque n'avait pas à s'immiscer dans la gestion de ses clients et leur utilisation des fonds prêtés, qu'aucune disposition contractuelle ou légale citée par les acquéreurs n'imposait à la banque de s'assurer de la réitération de la vente et de la consignation des fonds avant le déblocage des fonds, qu'il ne lui appartenait pas non plus de vérifier la validité du contrat de réservation rédigé par un notaire, il ne saurait donc être reproché à la banque d'avoir manqué à ses devoirs de vigilance, de conseil et de mise en garde ; que les dispositions de la décision entreprise ayant condamné la CRCAM à payer à M. et Mme B... les sommes de 101 750 € au titre du déblocage des fonds, 15 000 € au titre des loyers, 10 000 € chacun au titre de leur préjudice moral respectif, rappelé qu'en vertu des articles 1153 et 1153-1 du code civil, ces sommes sont productives d'intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2012, date de la mise en demeure, seront infirmées ;

ALORS QUE le banquier à qui est demandé un prêt destiné à financer la construction d'un appartement dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement doit mettre en garde l'emprunteur sur les risques du projet financé et révélés par les documents qui lui sont remis ; en jugeant qu'aucun manquement à son devoir de mise en garde ne pouvait être reproché à la banque dès lors que les fonds prêtés avaient permis de financer la construction d'une maison individuelle dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement qui ne relevait pas des articles L. 231-2 et suivants du code de la construction et de l'habitation, de sorte qu'elle n'avait pas à attirer l'attention des emprunteurs sur la nécessité de la réitération de la vente et la consignation des fonds avant le déblocage des fonds, quand il résultait de ses propres constatations que la banque savait que ces fonds étaient destinés au financement, par les époux B..., d'un contrat de construction de maison individuelle et qu'elle avait débloqué les fonds sur les appels de fonds délivrés par le promoteur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction application à la cause.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'AVOIR débouté M. et Mme B... de leurs demandes à l'encontre de Me W... ;

AUX MOTIFS ADOPTES QU'il ressort de ce qui précède que l'absence de mention ou de visa de l'article L261-12 du Code de la Construction et de l'Urbanisme, ainsi que la rédaction des clauses relatives aux modalités de versement ont directement induit en erreur M. et Mme B... et les ont conduit à procéder à des versements injustifiés auprès du promoteur ; que toutefois, le contrat de réservation n'avait pas la forme authentique, et Me W... n'a pas recueilli la signature des demandeurs ; qu'il n'est par ailleurs pas établi l'intervention de Me W... comme mandataire du promoteur, ni son implication dans les appels de fonds ultérieurs au dépôt de garantie initial ; qu'en sa qualité non contestée de rédacteur du contrat de réservation, Maître T... W... n'a pas engagé sa responsabilité, dès lors d'une part que les mentions légalement requises figuraient dans ledit contrat, et que d'autre part aucun texte ne prescrit l'obligation de citer ou deviser les dispositions de l'article L. 261-12 du code de la construction et de l'urbanisme ; que de ce fait si la rédaction du contrat du contrat de réservation a clairement induit M. et Mme B... en erreur, ces circonstances ne sont pas pour autant caractéristiques d'une faute au sens de l'article 1382 du code civil, de nature à engager la responsabilité du notaire ; qu'en conséquence, M. et Mme B... seront déboutés de leurs prétentions à ce titre ;

ET AUX MOTIFS PROPRES QUE le contrat de réservation qui n'avait pas forme authentique, comportait toutes les mentions exigées par la loi ; qu'aucun texte cité par les parties n'exige que soit portée la mention de l'article L 261-12 du code de la construction ; que, de plus, il est mentionné dans le contrat, page 11, que le prix devait être payé en fonction de l'avancement des travaux, 5% à la réservation (représentant le dépôt de garantie) et 20% à la déclaration d'ouverture du chantier, que le contrat de réservation mentionnait des conditions préalables à la réalisation du programme, dont l'acquisition du terrain ; qu'il était également mentionné dans l'acte que le contrat avait pour objet, en cas de réalisation du programme, la proposition au réservataire, par préférence à tout autre, d'acquérir les biens désignés aux conditions particulières ; que les réservataires ne pouvaient donc ignorer que l'appel de fonds de 20% n'était payable qu'au moment de l'ouverture du chantier ni l'objet du contrat de réservation ; que les consorts B... n'établissent pas que Me W... est intervenu à la signature de l'acte ni qu'il avait connaissance des appels de fonds ultérieurs au dépôt de garantie initial ; que le notaire n'est donc intervenu, à la seule demande de M. U..., que comme rédacteur d'un acte qui n'avait pas la forme authentique et il n'était pas contractuellement lié aux consorts B... ; que ces derniers ne démontrent pas que l'acte rédigé n'était pas efficace puisqu'il comporte toutes les mentions légales ; que le notaire n'avait en conséquence pas d'obligation de conseil et de mise en garde à leur égard et n'a pas commis de faute susceptibles d'engager sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;

1/ ALORS QU'il incombe au notaire rédacteur d'un acte, fût-il sous seing privé, d'éclairer les parties et d'appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets de l'acte auquel il prête son concours, de les informer sur les risques des engagements qu'ils se proposent de souscrire ; qu'en relevant, pour écarter toute responsabilité de Me W..., que le contrat de réservation était un acte sous seing privé et que M. W... n'avait pas recueilli les signatures de ces derniers, quand elle avait constaté que l'acte avait été rédigé par Me W... et que ses mentions avaient induit en erreur les époux B..., la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code.

2/ ALORS QUE M. et Mme B... faisaient valoir dans leurs conclusions d'appel que Me W... avait commis une faute à leur égard en leur notifiant le délai de rétractation permettant à M. U... de procéder aux appels de fonds qui avaient été faits sous son contrôle, Me W... étant le rédacteur de l'ensemble des actes juridiques de l'opération, dont le contrat de réservation ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-14437
Date de la décision : 23/05/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 16 janvier 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 23 mai. 2019, pourvoi n°18-14437


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Marc Lévis, SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.14437
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