LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 21 novembre 2017), qu'en 2009, la société Sudec industries (la société Sudec) a confié à la société Fisalez ressources humaines (la société Fisalez), une mission d'accompagnement dans la mise en oeuvre de licenciements économiques, notamment pour l'établissement de l'ordre des licenciements et la recherche de postes de reclassement éventuels ; qu'après avoir été condamnée à payer des indemnités à plusieurs salariés en raison du non-respect des critères légaux lors de la fixation de l'ordre des licenciements, la société Sudec a assigné en responsabilité la société Fisalez aux fins d'obtenir le remboursement de ces indemnités ; que la responsabilité de cette société a été retenue au titre de manquements dans ses obligations contractuelles lors de l'établissement de l'ordre des licenciements ; que la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles d'Oc (l'assureur), assureur de responsabilité civile de la société Fisalez au titre d'activités de conseil, intervenue volontairement à l'instance, a dénié sa garantie, en soutenant que cette société avait exercé une activité à caractère juridique dont la couverture était exclue par les conditions générales du contrat d'assurance ;
Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à garantir la société Fisalez de toutes les condamnations prononcées contre lui au bénéfice de la société Sudec, alors, selon le moyen, que l'établissement, par une société de gestion en ressources humaines, d'un ordre des licenciements conforme à la législation en vigueur, constitue une prestation à caractère juridique ; que, pour condamner l'assureur de la société Fisalez à garantir celle-ci des indemnités mises à sa charge, l'arrêt attaqué retient que la mission d'accompagnement de la société Fisalez auprès de la société Sudec n'était pas exclue de la garantie de l'assureur, dès lors qu'elle était limitée au conseil en gestion des ressources humaines et ne pouvait être qualifiée de prestation à caractère juridique au sens de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée ; qu'en statuant ainsi, tout en relevant que la mission confiée à la société Fisalez consistait à "intervenir et accompagner (la société Sudec) sur l'intégralité des étapes de la procédure (de licenciement collectif)", et notamment à établir "l'ordre des critères au vu des postes supprimés et recherche/formalisation des postes de reclassement éventuels", que la société Fisalez était "présente à toutes les étapes de la procédure (de licenciement collectif) pour apporter son expertise et son conseil au chef d'entreprise, pour mettre en place la convention de reclassement et les éventuels licenciements" et que, dans ce contexte, tandis qu'il lui appartenait "d'établir techniquement l'ordre des licenciements en se préoccupant de sa conformité aux normes légales telles que définies par l'article L. 1233-5 du code du travail dans sa version applicable au cas d'espèce", l'application erronée des critères légaux par la société Fisalez avait entraîné la condamnation de la société Sudec en paiement de dommages-intérêts aux salariés licenciés pour non-respect des critères relatifs à l'ordre des licenciements, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, dont il résultait que la société Fisalez s'était livrée à une activité à caractère juridique protégée par les articles 54 et 60 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée et, à ce titre, exclue de la garantie de l'assureur ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés, ensemble l'article L. 113-1 du code des assurances et l'article 1134 du code civil dans sa rédaction alors applicable ;
Mais attendu qu'après avoir examiné la mission d'accompagnement dévolue à la société Fisalez, l'arrêt relève qu'il lui incombait d'établir techniquement l'ordre des licenciements au vu des informations transmises par le chef d'entreprise et en se préoccupant de sa conformité aux critères posés par l'article L. 1233-5 du code du travail, prenant en compte notamment les charges de famille, l'ancienneté de service dans l'entreprise, la situation relative à une réinsertion professionnelle difficile, en particulier le handicap ou l'âge, et les qualités professionnelles appliquées par catégorie ; qu'il ajoute que cette société a manqué à sa mission pour avoir établi l'ordre des licenciements sans appliquer le critère des qualités professionnelles ; que la cour d'appel a pu en déduire que cette mission, limitée au conseil en gestion des ressources humaines, ne pouvait être considérée comme une prestation juridique exclusive de la garantie de l'assureur ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles d'Oc aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mai deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole d'Oc (Groupama d'Oc).
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la compagnie d'assurances Groupama d'Oc à garantir la société Fisalez Ressources Humaines de toutes condamnations prononcées contre elle au bénéfice de la société Sudec Industries,
Aux motifs que : Sur les manquements de la société FISALEZ RESSOURCES HUMAINES à sa mission de conseil, les relations contractuelles des parties et le périmètre d'intervention de la société FISALEZ RESSOURCES HUMAINES sont déterminés par le devis adressé le 19 juin 2009 complété le 2 juillet 2009, qui comporte une description de la mission confiée par la société SUDEC INDUSTRIES à la société FISALEZ RESSOURCES HUMAINES ; que, dès lors que cette proposition de la société FISALEZ RESSOURCES HUMAINES a été acceptée sans réserve par la société SUDEC INDUSTRIES, que la mission a été exécutée jusqu'à son terme et que la prestation a été intégralement payée, il y a lieu de considérer que ce document fait la loi des parties ; que le champ d'intervention de la société FISALEZ RESSOURCES HUMAINES est ainsi défini : 'intervenir et accompagner l'entreprise sur l'intégralité des étapes de la procédure' concernant 18 licenciements et notamment dans 'l'établissement de l'ordre des critères au vu des postes supprimés et recherche/formalisation des postes de reclassement éventuels' ; que la description détaillée de la prestation et de la chronologie de la procédure démontre que la mission de la société FISALEZ RESSOURCES HUMAINES ne se limitait pas à réaliser la mise en forme des documents nécessaires à la procédure de licenciement collectif mais qu'elle était présente à toutes les étapes de la procédure pour apporter son expertise et son conseil au chef d'entreprise, pour mettre en place la convention de reclassement et les éventuels licenciements ; qu'il lui appartenait donc d'établir son tableau selon les prescriptions légales et de le soumettre au chef d'entreprise et à l'administrateur qui étaient bien évidemment les seuls à pouvoir mettre en oeuvre les licenciements ; qu'ainsi, et sans que cela puisse être assimilé à du conseil juridique tel que défini par la loi du 31 décembre 1971, il incombait à la société FISALEZ RESSOURCES HUMAINES, au vu des documents transmis par le chef d'entreprise, d'établir techniquement l'ordre des licenciements en se préoccupant de sa conformité aux normes légales telles que définies par l'article L.1233-5 du code du travail dans sa version applicable au cas d'espèce ; que ce texte prévoit en effet, sans que cela puisse donner lieu à interprétation que 'Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Ces critères prennent notamment en compte : 1º Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ; 2º L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ; 3º La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ; 4º Les qualités professionnelles appréciées par catégorie' ; que la société FISALEZ RESSOURCES HUMAINES, en tant que spécialiste des ressources humaines qui a proposé non seulement son accompagnement mais également son intervention dans la mise en oeuvre de la procédure de licenciement économique collectif avait l'obligation de solliciter auprès du chef d'entreprise l'ensemble des éléments lui permettant de faire une proposition prenant en compte les critères légaux et le cas échéant, en cas de désaccord, d'attirer l'attention du chef d'entreprise sur les risques encourus en cas de non-respect de ses préconisations ; que, dans l'accomplissement de cette mission, elle devait, ainsi que le souligne le premier juge, apporter tout le soin nécessaire pour satisfaire à sa mission et notamment recueillir auprès de son client et des organismes publics toutes les informations nécessaires à la réalisation de sa mission ; que cependant, de toute évidence, la société FISALEZ RESSOURCES HUMAINES a failli dans sa mission de conseil en ressources humaines puisqu'elle a établi, pour fixer l'ordre des licenciements, un tableau comportant le nom de 49 salariés, sans appliquer le critère des qualités professionnelles et sans solliciter de l'employeur les informations nécessaires pour remplir sa mission ; que cette erreur de présentation dans le document soumis au contrôle de la cour d'appel de Pau, qui a d'ailleurs relevé que la colonne 'compétence' ne pouvait pas être assimilée au critère des qualités professionnelles, a conduit cette dernière à condamner l'employeur à payer divers dommages-intérêts à messieurs B... S..., Y... L..., U... O..., J... X... pour un total de 79 000 euros et pour monsieur Q... R..., la somme de 25 000 euros ; que la cour a très précisément critiqué le tableau d'application des critères élaborés par la société FISALEZ RESSOURCES HUMAINES, qui ne lui permettait pas de contrôler si les critères légaux avaient été correctement appliqués ; que, par conséquent, il est démontré que la société FISALEZ RESSOURCES HUMAINES a manqué à ses obligations contractuelles et que c'est bien ces manquements dans l'établissement de l'ordre des licenciements tel qu'il figure dans le tableau litigieux établi par ses soins, qui a conduit à la condamnation de la société SUDEC INDUSTRIES ; que, par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société FISALEZ RESSOURCES HUMAINES à payer à la société SUDEC INDUSTRIES une somme de 79 000 euros pour messieurs B... S..., Y... L..., U... O... et J... X... et la somme de 25 000 euros pour monsieur Q... R... ; qu'en revanche, il est impossible d'imputer à la société FISALEZ RESSOURCES HUMAINES la condamnation de la société SUDEC INDUSTRIES au paiement d'une indemnité prononcée au bénéfice de monsieur A..., en contrepartie de la clause de non-concurrence ; qu'en effet, l'examen et l'analyse des clauses d'un contrat de travail, et de l'option à prendre s'agissant d'une clause de non-concurrence, relèvent clairement d'une mission de conseil juridique qui ne rentrait pas dans le champ des prestations convenues entre les parties, ainsi qu'elles ont été rappelée plus haut ; que le jugement sera en conséquence réformé sur ce point (arrêt attaqué, pp. 8 à 10),
Et aux motifs que Sur la garantie de la compagnie d'assurances GROUPAMA D'OC, l'intervention volontaire de la compagnie d'assurances GROUPAMA D'OC en cause d'appel doit être déclarée recevable au regard des articles 554 et 325 du code de procédure civile ; qu'il ressort des pièces versées aux débats que la société FISALEZ RESSOURCES HUMAINES a souscrit auprès de la compagnie d'assurances GROUPAMA D'OC le 18 avril 2012 un contrat d'assurance multirisque professionnel 'ACCOMPLIR' (ACTIVITES DE CONSEIL - Formule 'CLE EN MAIN') ; que, pour dénier sa garantie, la compagnie d'assurances GROUPAMA D'OC soutient que l'activité exercée par la société FISALEZ RESSOURCES HUMAINES à l'égard de la société SUDEC INDUSTRIES ferait partie des exclusions prévues au contrat, s'agissant d'une activité de consultation juridique ; que, cependant, il a été démontré que la mission d'accompagnement de la société FISALEZ RESSOURCES HUMAINES était limitée au conseil en gestion des ressources humaines et ne pouvait être qualifiée de conseil juridique au sens de la loi du 31 décembre 1971, ce qui a d'ailleurs conduit la cour à ne pas reconnaître l'imputabilité d'une faute à la société de conseil s'agissant du cas de monsieur A... ; que, par conséquent, toute l'argumentation développée par la compagnie d'assurances GROUPAMA D'OC tendant à démontrer que la société FISALEZ RESSOURCES HUMAINES ne détiendrait pas les autorisations légales et administratives pour accomplir cette activité de conseil juridique est inopérante ; que la compagnie d'assurances GROUPAMA D'OC ne justifie pas du montant du plafond de garantie qu'elle pourrait opposer à la société FISALEZ RESSOURCES HUMAINES ; qu'à cet égard, elle ne produit pas le tableau auquel elle fait référence dans ses écritures, de telle sorte que sa demande à ce titre sera rejetée, aucun document contractuel produit ne portant mention d'une quelconque limitation de garantie (arrêt attaqué, p. 10),
Alors que l'établissement, par une société de gestion en ressources humaines, d'un ordre des licenciements conforme à la législation en vigueur, constitue une prestation à caractère juridique ; que, pour condamner Groupama d'Oc, assureur de la société Fisalez Ressources Humaines, à garantir celle-ci des indemnités mises à sa charge, l'arrêt attaqué retient que la mission d'accompagnement de la société Fisalez Ressources Humaines auprès de la société Sudec Industries n'était pas exclue de la garantie de l'assureur, dès lors qu'elle était limitée au conseil en gestion des ressources humaines et ne pouvait être qualifiée de prestation à caractère juridique au sens de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée ; qu'en statuant ainsi, tout en relevant que la mission confiée à la société Fisalez Ressources Humaines consistait à « intervenir et accompagner [la société Sudec Industries] sur l'intégralité des étapes de la procédure [de licenciement collectif] », et notamment à établir « l'ordre des critères au vu des postes supprimés et recherche/formalisation des postes de reclassement éventuels », que la société Fisalez Ressources Humaines était « présente à toutes les étapes de la procédure [de licenciement collectif] pour apporter son expertise et son conseil au chef d'entreprise, pour mettre en place la convention de reclassement et les éventuels licenciements » et que, dans ce contexte, tandis qu'il lui appartenait « d'établir techniquement l'ordre des licenciements en se préoccupant de sa conformité aux normes légales telles que définies par l'article L.1233-5 du code du travail dans sa version applicable au cas d'espèce », l'application erronée des critères légaux par la société Fisalez Ressources Humaines avait entraîné la condamnation de la société Sudec Industries en paiement de dommages-intérêts aux salariés licenciés pour non-respect des critères relatifs à l'ordre des licenciements, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, dont il résultait que la société Fisalez Ressources Humaines s'était livrée à une activité à caractère juridique protégée par les articles 54 et 60 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée et, à ce titre, exclue de la garantie de l'assureur ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés, ensemble l'article L. 113-1 du code des assurances et l'article 1134 du code civil dans sa rédaction alors applicable.