LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 23 novembre 2017), qu'en mai 2015, la société Transdev s'est vue attribuer par le Conseil départemental de la Côte d'Or un marché de transport scolaire antérieurement dévolu à la société Transports C... ; qu'invoquant l'existence d'un contrat de travail avec cette dernière société, M. C... a demandé à la société Transdev la reprise de son contrat de travail, ce que cette dernière a refusé ; que M. C... a saisi la juridiction prud'homale en sollicitant "sa réintégration sous astreinte" ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire le conseil de prud'hommes compétent pour connaître du litige, alors, selon le moyen :
1°/ alors que le juge ne peut méconnaître l'objet du litige, tels que fixé par les conclusions claires et précises des parties, qu'il ne saurait dénaturer ; qu'en l'espèce, la société faisait valoir dans ses écritures, concernant M. C... : « on ne voit pas de quelle manière il pourrait ainsi être subordonné à quelqu'un d'autre
qu'à lui-même, étant précisé notamment : - que le choix du gérant et sa révocation est décidé à la majorité de plus de la moitié des parts sociales (article 15 des statuts). En d'autres termes, que cette décision ne peut être prise sans lui puisqu'il détient à lui seul 50 % des parts ; - que les décisions ordinaires sont adoptées par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié des parts sociales. Si la majorité n'est pas obtenue, les associés sont, selon les cas, convoqués ou consultés une seconde fois, et les décisions sont prises à la moitié des votes émis. Là encore, même une décision ordinaire ne pourra en principe être prise sans l'accord de M. C... » ; qu'en retenant pourtant « que la société admet elle-même, dans ses conclusions, qu'il n'avait pas la possibilité légale de prendre des décisions de gestion ; qu'alors que, selon l'article 15 des statuts de la société, le gérant n'est révocable que par décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales, M. C... ne détenait que 50 % des parts et ne pouvait donc pas, à lui seul, décider une telle révocation », la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ alors que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; que l'existence d'un lien de subordination n'est établie que lorsque le prestataire reçoit de son donneur d'ordre des instructions précises et impératives, fait l'objet de critiques sur sa façon d'agir, ne dispose que des moyens de travail mis à sa disposition par la société, est placé sous la dépendance directe d'un supérieur hiérarchique, et ne peut agir que sous ses directives et conformément à ses instructions ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que M. C... occupait les fonctions de directeur technique, ce dont il s'évinçait qu'il était en position de supériorité hiérarchique par rapport aux autres employés ; que la société faisait valoir par ailleurs que la révocation, la désignation du gérant de la société Transports C... ou même une décision ordinaire ne pouvait être prise sans l'accord de M. C..., d'où il s'évinçait qu'aucun lien de subordination juridique n'était établi en l'espèce ; que la cour d'appel a pourtant jugé que la juridiction prud'homale était compétente pour apprécier si le contrat de travail de M. C... a été transféré de plein droit à la société, aux motifs que M. C... ne pouvait pas à lui seul décider la révocation de M. L... C..., son père, et gérant de la société Transports C..., et que « ni l'exercice de fonctions de directeur technique, ni la circonstance que ses bulletins de paie ne font pas état de cotisations à l'assurance chômage et à l'assurance de garantie des salaires ne permettent d'exclure qu'il travaillait et était rémunéré dans le cadre d'une relation de travail » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants et impropres à écarter l'absence de lien de subordination, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si la position d'associé égalitaire de M. C..., dans une entreprise familiale comptant seulement trois associés, n'empêchait pas toute prise de décision sans son accord, ce qui excluait nécessairement tout lien de subordination juridique, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
3°/ alors que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; que si le fait d'être associé et porteur de parts au sein d'une société n'exclut pas en soi d'être dans le même temps salarié de cette même société, les fonctions exercées dans ce cadre doivent avoir un caractère technique précisément identifié, être effectivement rémunérées et surtout exercées dans le cadre d'un lien de subordination à l'égard de la société ; que la société soutenait, comme l'avaient retenu les premiers juges, que ce n'était qu'à compter du mois de mars 2015, et alors que la date limite de remise des offres était fixée au 16 avril 2015, que les bulletins de salaire de M. C... avaient -opportunément- fait apparaître les mentions de « qualification : groupe 1 – coeff 100, emploi : dir techn + chauffeur » ; qu'en jugeant que la juridiction prud'homale était compétente pour apprécier si le contrat de travail de M. C... a été transféré de plein droit à la société, sans faire ressortir que ce dernier exerçait effectivement les fonctions de chauffeur, et donc des fonctions distinctes de ses fonctions de direction technique, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
4°/ alors en tout état de cause que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; que le prestataire totalement indépendant dans l'exercice de ses tâches et soumis à aucun contrôle n'est pas sous la subordination juridique d'un employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il résultait d'une note de la société Transports C... du 16 juillet 2015 qu'il « n'y avait pas de circuits définis pour les cadres et les circuits pouvaient être modifiés suivant « la prédisposition des uns et des autres » ; qu'en concluant pourtant que cette note montrait « seulement que les intéressés bénéficiaient d'une certaine autonomie », quand il ressortait de ses propres constatations que les critères constitutifs de la subordination n'étaient pas réunis en l'espèce, faute d'exercice d'un pouvoir de direction, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;
Mais attendu que la qualité d'associé d'une société à responsabilité limitée n'est pas exclusive de celle de salarié ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a retenu l'existence d'un contrat de travail apparent, et constaté que M. C... exerçait des fonctions de directeur technique, et qu'il n'était pas démontré que l'intéressé se serait immiscé dans le fonctionnement de la société, a, sans méconnaître l'objet du litige, légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Transdev Pays d'Or aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Transdev Pays d'Or à payer à M. C... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mai deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Transdev Pays d'Or
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR fait droit au contredit formé par M. B... C..., D'AVOIR dit que le conseil de prud'hommes de Dijon est compétent pour connaître du litige, D'AVOIR renvoyé la cause et les parties devant cette juridiction pour qu'il soit statué au fond et D'AVOIR débouté la société Transdev de ses demandes
AUX MOTIFS QUE sur la compétence ; attendu que M. B... C... communique à la cour une lettre d'embauche, datée du 1er mars 1995, par laquelle la société Transports C..., représentée par son gérant, l'engage comme conducteur receveur de car à temps complet pour une durée indéterminée, en visant la convention collective des Transports routiers et activités auxiliaires du transport ; que la société Transdev communique les bulletins de salaire qui ont été délivrés à M. B... C... entre juin 2014 et juin 2015 qui lui attribuent l'emploi de directeur technique de transport de voyageurs et, à compter de mars 2015, celui de « directeur technique + chauffeur » ; que l'existence d'un contrat de travail apparent est ainsi suffisamment établie ; attendu qu'il découle des articles L. 1221-1 du code du travail et 1315 du code civil, ce dernier dans sa rédaction applicable en la cause, qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en apporter la preuve ; que l'existence d'un lien de subordination résulte de l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; attendu que ni la qualité d'associé d'une société à responsabilité limitée, ni l'existence d'un lien familial avec le gérant n'est exclusive de la qualité de salarié ; que le fait que M. B... C... soit à la fois associé de la société Transports C... et fils de son gérant ne suffit pas à faire présumer qu'il ne serait pas soumis à un lien de subordination envers cette société ; qu'aucune pièce du dossier n'est de nature à montrer que M. B... C... se serait ingéré dans le fonctionnement de la société ; que la société Transdev admet elle-même, dans ses conclusions, qu'il n'avait pas la possibilité légale de prendre des décisions de gestion ; qu'alors que, selon l'article 15 des statuts de la société, le gérant n'est révocable que par décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales, M. B... C... ne détenait que 50 % des parts et ne pouvait donc pas, à lui seul, décider une telle révocation ; que les clauses de son contrat de travail et le montant de son salaire (2.091,67 euros) ne font pas apparaître de prérogatives exorbitantes de nature à montrer qu'il n'aurait pas été un véritable salarié ; que la note de la société Transports C..., datée du 16 juillet 2015, selon laquelle il n'y avait pas de circuits définis pour les cadres et les circuits pouvaient être modifiés suivant « la prédisposition des uns et des autres », montrent seulement que les intéressés bénéficiaient d'une certaine autonomie ; que dans ce contexte, ni l'exercice de fonctions de directeur technique, ni la circonstance que ses bulletins de paie ne font pas été de cotisations à l'assurance chômage et à l'assurance de garantie des salaires ne permettent d'exclure qu'il travaillait et était rémunéré dans le cadre d'une relation de travail ; que s'il est vrai que, dans l'acte d'assignation devant le tribunal de commerce de Dijon qu'elle a fait signifier le 29 avril 2016 à la société Transdev, la société Transports C... indique qu'elle a licencié ses deux cadres « afin que ceux-ci puissent s'inscrire au chômage, sans toutefois leur permettre de toucher l'allocation chômage en raison de leur statut d'actionnaires », cette affirmation ne vaut aveu, selon la société Transdev, que du fait que des droits à allocation ne pouvaient pas être reconnus à M. B... C... par Pôle Emploi ; qu'elle n'est donc nullement assimilable à une reconnaissance de l'absence de lien de subordination et de contrat de travail ; qu'en outre, la cour n'est pas informée des motifs retenus par Pôle Emploi pour justifier un refus d'indemnisation, à supposer que cette institution ait eu à prendre une décision ; attendu que la juridiction prud'homale est donc compétente pour apprécier si le contrat de travail de M. C... a été transféré de plein droit à la société Transdev et statuer sur la demande de réintégration ; que, cependant, la présente décision ne peut aucunement préjuger de la question de savoir si M. C..., qui a constamment été présenté comme cadre par la société Transports C..., remplit les conditions prévues par l'accord collectif du 7 juillet 2009 relatif au changement de prestataire dans le transport urbain de voyageurs, dont l'article 2.3 n'ouvre droit à maintien dans l'emploi qu'au personnel appartenant à une catégorie de conducteur ou classé ouvrier, employé ou agent de maîtrise, à condition qu'il soit affecté exclusivement au marché concerné ; que la cour d'entend pas faire usage de son pouvoir d'évocation ;
1°) ALORS QUE le juge ne peut méconnaître l'objet du litige, tels que fixé par les conclusions claires et précises des parties, qu'il ne saurait dénaturer ;
qu'en l'espèce, la société Transdev faisait valoir dans ses écritures (page 10), concernant M. C... : « on ne voit pas de quelle manière il pourrait ainsi être subordonné à quelqu'un d'autre
qu'à lui-même, étant précisé notamment : - que le choix du gérant et sa révocation est décidé à la majorité de plus de la moitié des parts sociales (article 15 des statuts). En d'autres termes, que cette décision ne peut être prise sans lui puisqu'il détient à lui seul 50 % des parts ; - que les décisions ordinaires sont adoptées par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié des parts sociales. Si la majorité n'est pas obtenue, les associés sont, selon les cas, convoqués ou consultés une seconde fois, et les décisions sont prises à la moitié des votes émis. Là encore, même une décision ordinaire ne pourra en principe être prise sans l'accord de M. C... » ; qu'en retenant pourtant « que la société Transdev admet ellemême, dans ses conclusions, qu'il n'avait pas la possibilité légale de prendre des décisions de gestion ; qu'alors que, selon l'article 15 des statuts de la société, le gérant n'est révocable que par décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales, M. C... ne détenait que 50 % des parts et ne pouvait donc pas, à lui seul, décider une telle révocation » (arrêt p. 3), la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société Transdev et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; que l'existence d'un lien de subordination n'est établie que lorsque le prestataire reçoit de son donneur d'ordre des instructions précises et impératives, fait l'objet de critiques sur sa façon d'agir, ne dispose que des moyens de travail mis à sa disposition par la société, est placé sous la dépendance directe d'un supérieur hiérarchique, et ne peut agir que sous ses directives et conformément à ses instructions ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que M. C... occupait les fonctions de directeur technique, ce dont il s'évinçait qu'il était en position de supériorité hiérarchique par rapport aux autres employés ; que la société Transdev faisait valoir par ailleurs que la révocation, la désignation du gérant de la société Transports C... ou même une décision ordinaire ne pouvait être prise sans l'accord de M. C..., d'où il s'évinçait qu'aucun lien de subordination juridique n'était établi en l'espèce ; que la cour d'appel a pourtant jugé que la juridiction prud'homale était compétente pour apprécier si le contrat de travail de M. C... a été transféré de plein droit à la société Transdev, aux motifs que M. C... ne pouvait pas à lui seul décider la révocation de M. L... C..., son père, et gérant de la société Transports C..., et que « ni l'exercice de fonctions de directeur technique, ni la circonstance que ses bulletins de paie ne font pas état de cotisations à l'assurance chômage et à l'assurance de garantie des salaires ne permettent d'exclure qu'il travaillait et était rémunéré dans le cadre d'une relation de travail » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants et impropres à écarter l'absence de lien de subordination, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si la position d'associé égalitaire de M. C..., dans une entreprise familiale comptant seulement trois associés, n'empêchait pas toute prise de décision sans son accord, ce qui excluait nécessairement tout lien de subordination juridique, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
3°) ALORS QUE l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; que si le fait d'être associé et porteur de parts au sein d'une société n'exclut pas en soi d'être dans le même temps salarié de cette même société, les fonctions exercées dans ce cadre doivent avoir un caractère technique précisément identifié, être effectivement rémunérées et surtout exercées dans le cadre d'un lien de subordination à l'égard de la société ; que la société Transdev soutenait, comme l'avaient retenu les premiers juges, que ce n'était qu'à compter du mois de mars 2015, et alors que la date limite de remise des offres était fixée au 16 avril 2015, que les bulletins de salaire de M. C... avaient – opportunément - fait apparaître les mentions de « qualification : groupe 1 – coeff 100, emploi : dir techn + chauffeur » ; qu'en jugeant que la juridiction prud'homale était compétente pour apprécier si le contrat de travail de M. C... a été transféré de plein droit à la société Transdev, sans faire ressortir que ce dernier exerçait effectivement les fonctions de chauffeur, et donc des fonctions distinctes de ses fonctions de direction technique, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
4°) ALORS en tout état de cause QUE l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; que le prestataire totalement indépendant dans l'exercice de ses tâches et soumis à aucun contrôle n'est pas sous la subordination juridique d'un employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il résultait d'une note de la société Transports C... du 16 juillet 2015 qu'il « n'y avait pas de circuits définis pour les cadres et les circuits pouvaient être modifiés suivant « la prédisposition des uns et des autres » » ; qu'en concluant pourtant que cette note montrait « seulement que les intéressés bénéficiaient d'une certaine autonomie », quand il ressortait de ses propres constatations que les critères constitutifs de la subordination n'étaient pas réunis en l'espèce, faute d'exercice d'un pouvoir de direction, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail.