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22/05/2019 | FRANCE | N°18-10926

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 mai 2019, 18-10926


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 23 novembre 2017), qu'en mai 2015 la société Transdev s'est vue attribuer par le Conseil départemental de la Côte d'Or un marché de transport scolaire antérieurement dévolu à la société Transports I... ; qu'invoquant l'existence d'un contrat de travail avec cette dernière société, Mme I... a demandé à la société Transdev la reprise de son contrat de travail, ce que cette dernière a refusé ; que Mme I... a saisi la juridiction prud'ho

male d'une demande de paiement de dommages-intérêts dirigée contre la société Tra...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 23 novembre 2017), qu'en mai 2015 la société Transdev s'est vue attribuer par le Conseil départemental de la Côte d'Or un marché de transport scolaire antérieurement dévolu à la société Transports I... ; qu'invoquant l'existence d'un contrat de travail avec cette dernière société, Mme I... a demandé à la société Transdev la reprise de son contrat de travail, ce que cette dernière a refusé ; que Mme I... a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de paiement de dommages-intérêts dirigée contre la société Transdev pour rupture abusive de son contrat ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire le conseil de prud'hommes compétent pour connaître du litige, alors, selon le moyen :

1°/ que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; que l'existence d'un lien de subordination n'est établie que lorsque le prestataire reçoit de son donneur d'ordre des instructions précises et impératives, fait l'objet de critiques sur sa façon d'agir, ne dispose que des moyens de travail mis à sa disposition par la société, est placé sous la dépendance directe d'un supérieur hiérarchique, et ne peut agir que sous ses directives et conformément à ses instructions ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme I... occupait les fonctions de directeur technique, ce dont il s'évinçait qu'elle était en position de supériorité hiérarchique par rapport aux autres employés ; que la société faisait valoir par ailleurs que Mme I... pouvait dans les faits, avec son mari gérant de droit, avoir 50 % des parts dans les décisions, de sorte qu'aucun lien de subordination juridique n'était établi en l'espèce ; que pour juger que la juridiction prud'homale était compétente pour apprécier si le contrat de travail de Mme I... a été transféré de plein droit à la société, la cour d'appel a relevé que Mme I... ne pouvait pas à elle seule décider la révocation de M. X... I..., son époux et gérant de la société Transports I..., et que « ni l'exercice de fonctions de directeur technique, ni la circonstance que ses bulletins de paie ne font pas état de cotisations à l'assurance chômage et à l'assurance de garantie des salaires ne permettent d'exclure qu'elle travaillait et était rémunérée dans le cadre d'une relation de travail » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants et impropres à écarter l'absence de lien de subordination, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si la position de Mme I..., dans les faits, d'associé détenant avec son mari gérant la moitié des parts sociales, dans une entreprise familiale comptant seulement trois associés, n'empêchait pas toute prise de décision sans son accord, ce qui excluait nécessairement tout lien de subordination juridique, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

2°/ que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; que si le fait d'être associé et porteur de parts au sein d'une société n'exclut pas en soi nécessairement d'être dans le même temps salarié de cette même société, les fonctions exercées dans ce cadre doivent avoir un caractère technique précisément identifié, être effectivement rémunérées et surtout exercées dans le cadre d'un lien de subordination à l'égard de la société ; que la société soutenait, comme l'avaient retenu les premiers juges, que ce n'était qu'à compter du mois de mars 2015, et alors que la date limite de remise des offres était fixée au 16 avril 2015, que les bulletins de salaire de Mme I... ont fait apparaître les mentions de « qualification : groupe 1 – coeff 100, emploi : dir techn + chauffeur » ; qu'en jugeant que la juridiction prud'homale était compétente pour apprécier si le contrat de travail de Mme I... a été transféré de plein droit à la société, sans faire ressortir que celle-ci exerçait effectivement les fonctions de chauffeur, et donc des fonctions distinctes de ses fonctions de direction technique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

3°/ qu'en tout état de cause l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; que le salarié totalement indépendant dans l'exercice de ses tâches et soumis à aucun contrôle n'est pas sous la subordination juridique d'un employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il résultait d'une note de la société Transports I... du 16 juillet 2015 qu'il « n'y avait pas de circuits définis pour les cadres et les circuits pouvaient être modifiés suivant « la prédisposition des uns et des autres » ; qu'en concluant pourtant que cette note montrait « seulement que les intéressés bénéficiaient d'une certaine autonomie », quand il ressortait de ses propres constatations que les critères constitutifs de la subordination n'étaient pas réunis en l'espèce, faute d'exercice d'un pouvoir de direction, la cour d'appel a encore violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;

Mais attendu que la qualité d'associé d'une société à responsabilité limitée n'est pas exclusive de celle de salarié ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a retenu l'existence d'un contrat de travail apparent, et constaté que Mme I... effectuait depuis 2001 des Transports scolaires et qu'il n'était pas démontré que l'intéressée se serait immiscée dans le fonctionnement de la société, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Transdev Pays d'Or aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Transdev Pays d'Or à verser à Mme I... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mai deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Transdev Pays d'Or

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR fait droit au contredit formé par Mme N... I..., D'AVOIR dit que le conseil de prud'hommes de Dijon est compétent pour connaître du litige, D'AVOIR renvoyé la cause et les parties devant cette juridiction pour qu'il soit statué au fond et D'AVOIR débouté la société Transdev de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE, attendu que Mme N... I... a bénéficié, entre juin 2014 et juin 2015, de bulletins de paie qui attribuent l'emploi de directeur technique de transport et, à compter de mars 2015 de « directeur technique + chauffeur » ; que ces documents font état d'une ancienneté, au sein de la société Transports I..., depuis le 1er février 2001 ; que diverses attestations émanant de maires et de parents d'élèves, établissent que Mme I... assurait depuis cette date, dans la région de Molesmes et de Laignes et pour le compte de cette société, le transport d'enfants des écoles primaires et du collège ; que l'existence d'un contrat de travail apparent est ainsi suffisamment établie ; attendu qu'il découle des articles L. 1221-1 du code du travail et 1315 du code civil, ce dernier dans sa rédaction applicable en la cause, qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en apporter la preuve ; que l'existence d'un lien de subordination résulte de l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; attendu que ni la qualité d'associé d'une société à responsabilité limitée, ni l'existence d'un lien familial avec le gérant n'est exclusive de la qualité de salarié ; que le fait que Mme N... I... soit à la fois associé de la société Transports I... et épouse de son gérant ne suffit pas à faire présumer qu'elle ne serait pas soumise à un lien de subordination envers cette société ; qu'aucune pièce du dossier n'est de nature à montrer que Mme I... se serait ingérée dans le fonctionnement de la société ; qu'alors que, selon l'article 15 des statuts de la société, le gérant n'est révocable que par décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales, Mme I... ne détenait que 30 % des parts et ne pouvait donc pas, à elle seule, décider une telle révocation ; qu'il est indifférent que les statuts aient théoriquement permis qu'elle bénéficie d'une procuration des autres associés pour voter lors des assemblées générales ; que les clauses de son contrat de travail et le montant de son salaire (2.091,67 euros) ne font apparaître de prérogatives exorbitantes de nature à montrer qu'elle n'aurait pas été une véritable salariée ; que la note de la société Transports I..., datée du 16 juillet 2015, selon laquelle il n'y avait pas de circuits définis pour les cadres et les circuits pouvaient être modifiés suivant « la prédisposition des uns et des autres », montrent seulement que les intéressés bénéficiaient d'une certaine autonomie ; que dans ce contexte, ni l'exercice de fonctions de directeur technique, ni la circonstance que ses bulletins de paie ne font pas été de cotisations à l'assurance chômage et à l'assurance de garantie des salaires ne permettent d'exclure qu'elle travaillait et était rémunérée dans le cadre d'une relation de travail ; que s'il est vrai que, dans l'acte d'assignation devant le tribunal de commerce de Dijon qu'elle a fait signifier le 29 avril 2016 à la société Transdev, la société Transports I... indique qu'elle a licencié ses deux cadres « afin que ceux-ci puissent s'inscrire au chômage, sans toutefois leur permettre de toucher l'allocation chômage en raison de leur statut d'actionnaires », cette affirmation ne vaut aveu, selon la société Transdev, que du fait que des droits à allocation ne pouvaient pas être reconnus à Mme I... par Pôle Emploi ; qu'elle n'est donc nullement assimilable à une reconnaissance de l'absence de lien de subordination et de contrat de travail ; qu'en outre, la cour n'est pas informée des motifs retenus par Pôle Emploi pour justifier un refus d'indemnisation, à supposer que cette institution ait eu à prendre une décision ; attendu que la juridiction prud'homale est donc compétente pour apprécier si le contrat de travail de Mme I... a été transféré de plein droit à la société Transdev et statuer sur la demande de dommages-intérêts ; que, cependant, la présente décision ne peut aucunement préjuger de la question de savoir si Mme I..., qui a constamment été présenté comme cadre par la société Transports I..., remplit les conditions prévues par l'accord collectif du 7 juillet 2009 relatif au changement de prestataire dans le transport urbain de voyageurs, dont l'article 2.3 n'ouvre droit à maintien dans l'emploi qu'au personnel appartenant à une catégorie de conducteur ou classé ouvrier, employé ou agent de maîtrise, à condition qu'il soit affecté exclusivement au marché concerné ; que la cour d'entend pas faire usage de son pouvoir d'évocation ;

1°) ALORS QUE l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; que l'existence d'un lien de subordination n'est établie que lorsque le prestataire reçoit de son donneur d'ordre des instructions précises et impératives, fait l'objet de critiques sur sa façon d'agir, ne dispose que des moyens de travail mis à sa disposition par la société, est placé sous la dépendance directe d'un supérieur hiérarchique, et ne peut agir que sous ses directives et conformément à ses instructions ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme I... occupait les fonctions de directeur technique, ce dont il s'évinçait qu'elle était en position de supériorité hiérarchique par rapport aux autres employés ; que la société Transdev faisait valoir par ailleurs que Mme I... pouvait dans les faits, avec son mari gérant de droit, avoir 50 % des parts dans les décisions, de sorte qu'aucun lien de subordination juridique n'était établi en l'espèce ; que pour juger que la juridiction prud'homale était compétente pour apprécier si le contrat de travail de Mme I... a été transféré de plein droit à la société Transdev, la cour d'appel a relevé que Mme I... ne pouvait pas à elle seule décider la révocation de M. X... I..., son époux et gérant de la société Transports I..., et que « ni l'exercice de fonctions de directeur technique, ni la circonstance que ses bulletins de paie ne font pas état de cotisations à l'assurance chômage et à l'assurance de garantie des salaires ne permettent d'exclure qu'elle travaillait et était rémunérée dans le cadre d'une relation de travail » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants et impropres à écarter l'absence de lien de subordination, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si la position de Mme I..., dans les faits, d'associé détenant avec son mari gérant la moitié des parts sociales, dans une entreprise familiale comptant seulement trois associés, n'empêchait pas toute prise de décision sans son accord, ce qui excluait nécessairement tout lien de subordination juridique, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

2°) ALORS QUE l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; que si le fait d'être associé et porteur de parts au sein d'une société n'exclut pas en soi nécessairement d'être dans le même temps salarié de cette même société, les fonctions exercées dans ce cadre doivent avoir un caractère technique précisément identifié, être effectivement rémunérées et surtout exercées dans le cadre d'un lien de subordination à l'égard de la société ; que la société Transdev soutenait, comme l'avaient retenu les premiers juges, que ce n'était qu'à compter du mois de mars 2015, et alors que la date limite de remise des offres était fixée au 16 avril 2015, que les bulletins de salaire de Mme I... ont fait apparaître les mentions de « qualification : groupe 1 – coeff 100, emploi : dir techn + chauffeur » ; qu'en jugeant que la juridiction prud'homale était compétente pour apprécier si le contrat de travail de Mme I... a été transféré de plein droit à la société Transdev, sans faire ressortir que celle-ci exerçait effectivement les fonctions de chauffeur, et donc des fonctions distinctes de ses fonctions de direction technique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

3°) ALORS en tout état de cause QUE l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; que le salarié totalement indépendant dans l'exercice de ses tâches et soumis à aucun contrôle n'est pas sous la subordination juridique d'un employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il résultait d'une note de la société Transports I... du 16 juillet 2015 qu'il « n'y avait pas de circuits définis pour les cadres et les circuits pouvaient être modifiés suivant « la prédisposition des uns et des autres » » ; qu'en concluant pourtant que cette note montrait « seulement que les intéressés bénéficiaient d'une certaine autonomie », quand il ressortait de ses propres constatations que les critères constitutifs de la subordination n'étaient pas réunis en l'espèce, faute d'exercice d'un pouvoir de direction, la cour d'appel a encore violé l'article L. 1221-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-10926
Date de la décision : 22/05/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 23 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 mai. 2019, pourvoi n°18-10926


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.10926
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