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22/05/2019 | FRANCE | N°17-87558

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 mai 2019, 17-87558


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme C... L..., épouse J...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 5 décembre 2017 qui, pour abus de faiblesse, l'a condamnée à un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 27 mars 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soular

d, président, Mme Carbonaro, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

G...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme C... L..., épouse J...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 5 décembre 2017 qui, pour abus de faiblesse, l'a condamnée à un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 27 mars 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Carbonaro, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Darcheux ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARBONARO, les observations de la société civile professionnelle DELVOLVÉ et TRICHET, la société civile professionnelle BOULLEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 223-15-2 du code pénal, 1315, 1341 et 1892 du code civil, les deux premiers dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Mme L..., épouse J..., coupable d'avoir entre le 1er octobre 2010 et le 1er décembre 2010 frauduleusement abusé de l'ignorance ou de la faiblesse de Mme P..., veuve G..., personne vulnérable, pour la conduire à un acte ou à une abstention préjudiciable, en l'espèce lui avoir soutiré 44 000 euros et d'avoir prononcé sur les actions publique et civile ;
"aux motifs que « les faits sont établis par les constatations régulières des procès-verbaux et l'infraction est caractérisée en tous ses éléments malgré les dénégations de la prévenue ; qu'en effet il ressort de l'expertise psychiatrique réalisée par M. Q..., médecin, que la victime âgée de 86 ans au moment des faits était isolée, susceptible de faire confiance pour ne pas rester seule et pouvait être manipulée ; que les éléments du dossier démontrent un isolément affectif certain de la victime, veuve, fâchée avec sa fille adoptive, qui n'avait plus comme interlocuteur que la prévenue qui s'était rendue indispensable ; que cette situation de dépendance psychologique s'était accentuée après le déménagement de la victime au CRES en octobre 2010, où elle avait perdu tous ses repères ; qu'en conséquence la particulière vulnérabilité de la victime est établie et était connue de sa seule amie Mme L..., qui ne pouvait ignorer les difficultés et la solitude de celle qu'elle considérait comme une deuxième mère ; que la poursuite vise deux actes abusifs contestés par la prévenue - Une somme de 19 000 euros ; qu'il n'est pas contesté que Mme G... a remis à la prévenue 19 000 euros en espèce en novembre 2010 ; que la victime affirme avoir prêté cette somme pour permettre à son amie d' acheter une nouvelle voiture ; que la prévenue prétend qu'il s'agit d'un cadeau pour ses soixante ans ; que Mme L..., épouse J..., est née le [...] , elle a donc eu soixante ans le [...] et non en novembre 2010 lors de la remise de l'argent ; qu'au vu des ressources de la victime, 23 500 euros annuels, un cadeau de 19 000 euros parait démesuré et démontre à lui seul l'état de faiblesse de la victime ; qu'en outre, la prévenue déclare en audition que la victime ne lui faisait jamais de gros cadeau ce qui est en contradiction avec un don de 19 000 euros ; - L'argent au coffre : qu'il n'est pas contesté que la prévenue a ouvert un coffre à son nom à [...] pour que la victime puisse l'utiliser ; qu'il existe un doute sur le montant total des sommes déposées, entre 25 000 et 28 000 euros, la victime étant imprécise, ce qui démontre à nouveau sa vulnérabilité ; que lors de la perquisition du coffre 18 450 euros ont été retrouvés et restitués à la victime ; que la somme de 6 550 euros, retenue par les premiers juges, a donc disparu du coffre alors que seule la prévenue en avait la clé ; qu'il est établi en outre que la prévenue n'a pas rendu l'argent à la victime après qu'elles se soient brouillées, en mai 2011, ce qui est très surprenant puisqu'elle affirme qu'elle ne voulait pas voler cet argent, et démontre une volonté d'appropriation ; que les deux sommes contestées représentent un préjudice financier de 25 550 euros pour une personne ayant 23 500 euros de revenus annuels ; que les deux actes abusifs ont en conséquence occasionné un grave préjudice à la victime » ;

"et aux motifs supposes adoptés qu'« il résulte des éléments du dossier que les faits reprochés à Mme L..., épouse J..., sont établis ; qu'il convient de l'en déclarer coupable et d'entrer en voie de condamnation » ;

"1°) alors que l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse d'une personne particulièrement vulnérable s'apprécie au moment des faits ; que pour considérer que la particulière vulnérabilité de Mme G... était caractérisée, la cour d'appel a retenu qu'il ressortait de l'expertise psychiatrique réalisée par M. Q..., médecin, que la victime âgée de 86 ans au moment des faits était isolée, susceptible de faire confiance pour ne pas rester seule et pouvait être manipulée, quand M. Q..., médecin, ne précisait aucunement l'état psychique ou mentale de la partie civile à la fin des années 2010, période de prévention, la cour d'appel, qui s'est contredite, violant les textes visés au moyen ;

"2°) alors que la preuve de la remise de fonds à une personne ne suffit pas à justifier l'obligation pour celle-ci de les restituer ; que pour retenir Mme L..., épouse J..., dans les liens de la prévention, la cour d'appel a déduit l'obligation de la prévenue de restituer et, à défaut, sa volonté d'appropriation frauduleuse de la somme en cause, de la seule remise des fonds et de l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait d'établir la cause de ce versement ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes au moyen ;

"3°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que la cour d'appel a constaté qu'il existait un doute sur le montant de la somme placé par la partie civile dans un coffre, qui s'élevait, selon cette dernière, soit à 25 000 euros, soit à 28 000 euros, et que les accusations relatives à la soustraction de la totalité de la somme placée avait été contredites par la perquisition de ce coffre qui avait permis de retrouver 18 450 euros, restituée à Mme G... ; qu'en retenant Mme L..., épouse J..., dans les liens de la prévention pour avoir soustrait de ce coffre une somme de 6 550 euros, sans relever aucun élément de nature à conforter les allégations de la partie civile selon lesquelles il s'y trouvait une somme d'au moins 25 000 euros à la date des faits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen ;

"4°) alors que l'abus de l'état d'ignorance ou de faiblesse suppose l'exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer le jugement de la personne considérée, entraînant un état de sujétion psychologique, l'ayant amenée à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables ; qu'en s'abstenant de préciser les faits caractérisant des pressions graves ou réitérées ou les techniques propres à altérer le jugement mises en oeuvre par Mme L..., épouse J..., pour amener Mme G... à commettre des actes gravement préjudiciables pour cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"5°) alors que le délit d'abus de l'état d'ignorance ou de faiblesse suppose rapportée la preuve qu'une personne particulièrement vulnérable a été conduite à un acte ou une abstention qui lui sont gravement préjudiciables au regard de sa situation au moment des faits ; que la cour d'appel a constaté qu'au moment des faits, Mme G... disposait d'une somme de 19 000 euros prétendument prêtée à Mme L..., épouse J..., et d'une autre d'un montant de 25 000 ou 28 000 euros en liquide placée dans un coffre ; qu'en retenant l'existence d'actes gravement préjudiciables au détriment de la partie civile, motif pris que « les deux sommes contestées représentent un préjudice financier de 25 550 euros pour une personne ayant 23 500 euros de revenus annuels », quand elle devait apprécier le patrimoine global de la partie civile à la date des faits pour déterminer si la condition relative au caractère gravement préjudiciable des actes imputés à Mme L..., épouse J..., était remplie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Mme J... a été poursuivie devant le tribunal correctionnel du chef d'abus de faiblesse commis à l'encontre de Mme G..., entre le 1er octobre et le 1er décembre 2010 ; que les juges du premier degré ont déclaré la prévenue coupable de ce délit, l'ont condamnée à un an d'emprisonnement avec sursis et ont prononcé sur les intérêts civils ; que Mme J... et le ministère public ont relevé appel de cette décision ;

Attendu que, pour dire établi le délit d'abus de faiblesse, l'arrêt énonce que l'état de vulnérabilité de la victime âgée de quatre-vingt six ans au moment des faits et décrite par l'expert psychiatre comme pouvant être manipulée, résultait de son isolement affectif certain alors que, veuve, fâchée avec sa fille adoptive et venant de déménager, elle n'avait plus comme interlocuteur que la prévenue qui s'était rendue indispensable, tous ces éléments constituant une situation de dépendance psychologique ; que les juges ajoutent que la somme de 19 000 euros remise par Mme G... à la prévenue, qui invoque un cadeau pour son anniversaire, est disproportionnée par rapport aux ressources de la partie civile et n'a pas été remise à la date de cet anniversaire, Mme J... déclarant par ailleurs que la partie civile ne lui faisait jamais de gros cadeau ; qu'ils relèvent, s'agissant de la somme remise au coffre, que les premiers juges ont retenu qu'une somme de 6 550 euros avait disparu sur un total de 25 000 euros, la prévenue n'ayant pas rendu le solde restant à Mme G... en dépit de leur brouille, ce qui démontrait une volonté d'appropriation ; qu'ils retiennent que, suite à ces deux actes abusifs, le préjudice global de 25 550 euros est grave pour Mme G... qui dispose de 23 500 euros de revenus annuels ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'articles 593 du code de procédure pénale, manque de base légale et omission de statuer ;

"en ce que l'arrêt attaqué a omis de statuer dans le dispositif de son arrêt sur la durée du délai d'épreuve assortissant la peine d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve prononcée à l'encontre de Mme L..., épouse J... ;

"alors que l'omission de statuer sur un chef de demande ou sur un chef de l'action publique dans le dispositif d'un arrêt ouvre droit à cassation ; que seul le dispositif indique ce qui a été tranché ; que constitue une omission de statuer l'omission, par le juge, de reprendre dans le dispositif une prétention ou un élément de l'action publique sur lequel il s'est expliqué dans les motifs de sa décision ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui, dans ses motifs, a fixé à deux ans le délai d'épreuve assortissant la peine d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve prononcée à l'encontre de Mme L..., épouse J..., a omis de statuer sur ce délai dans le dispositif de sa décision ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte visé au moyen" ;

Attendu que l'arrêt attaqué, tant dans ses motifs que dans le dispositif, mentionne que le délai d'épreuve est de deux années ;

D'où il suit que le moyen manque en fait ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme que Mme J... devra payer à Mme G... en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux mai deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-87558
Date de la décision : 22/05/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 05 décembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 mai. 2019, pourvoi n°17-87558


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Boullez, SCP Delvolvé et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.87558
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