La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/05/2019 | FRANCE | N°17-28068;17-31749

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 mai 2019, 17-28068 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° K 17.28-068 et n° M 17.31-749 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. I... a été engagé, le 23 janvier 2010, par la société Cegelec défense, en qualité de technicien chantier ; qu'après avoir pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 28 novembre 2014, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen du pourvoi du salarié :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses d

emandes au titre des heures supplémentaires et du travail dissimulé alors, selon le moyen ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° K 17.28-068 et n° M 17.31-749 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. I... a été engagé, le 23 janvier 2010, par la société Cegelec défense, en qualité de technicien chantier ; qu'après avoir pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 28 novembre 2014, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen du pourvoi du salarié :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre des heures supplémentaires et du travail dissimulé alors, selon le moyen :

1°/ qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que M. I... avait avancé, pour attester de ce qu'il n'était pas, contrairement aux mentions de son bulletin de paie, en RTT du lundi 30 septembre au vendredi 4 octobre 2013, mais travaillait sur le chantier de Brest de sorte que l'ensemble des heures effectuées à ce titre devait lui être réglées, un certain nombre d'éléments, tels que son rapport d'activité pour cette semaine n° 40 faisant état de 10 heures de travail du lundi au jeudi et 7 heures le vendredi sur le chantier Cranou situé à Brest, ainsi que son relevé de compte bancaire faisant état de paiements par carte bleue le lundi 30 novembre et le vendredi 4 octobre dans cette même région brestoise, dont un paiement pour quatre nuits d'hôtel et il avait souligné qu'alors que la société établissait habituellement des ordres de mission, elle s'était dispensée d'en établir pour cette même semaine, contrairement à ce qu'exigeait la convention collective, de sorte qu'elle l'avait empêché de justifier de son activité au titre de cette même période ; qu'en se bornant néanmoins, pour le débouter de sa demande, à retenir que le rapport d'activité que produisait le salarié n'était pas signé par le responsable de chantier sans exiger de l'employeur qu'il justifie des horaires réellement accomplis, la cour d'appel a fait peser sur le salarié seul le risque de la preuve et a violé les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail ;

2°/ que le relevé bancaire de M. I... faisait état de quatre paiements par carte le lundi 30 septembre 2013 au bénéfice de commerces situés sur la commune de Le Faou (29), dont quatre nuits d'hôtel au bénéfice de l'Hôtel La vieille renommée, ainsi qu'un paiement le 4 octobre 2013 au bénéfice de la pharmacie Lagree dans la même commune ; qu'en affirmant que le paiement par carte « le 2 [4] octobre 2013 au bénéfice de la pharmacie Lagree à Le Faou » était insuffisant pour établir que le salarié aurait travaillé du 30 septembre au 4 octobre sur un chantier de la société Cegelec en Bretagne, sans s'expliquer sur les mentions du relevé faisant état de plusieurs paiements sur cette commune pendant cette semaine, dont un paiement pour plusieurs nuits d'hôtel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail ;

Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments qui lui étaient soumis et sans méconnaître les règles de preuve, la cour d'appel a estimé que le salarié n'étayait pas sa demande d'heures supplémentaires pendant la période considérée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi du salarié :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission et de le débouter de l'ensemble de ses demandes à ce titre alors, selon le moyen :

1°/ que ces motifs seront censurés par voie de conséquence de la cassation à intervenir sur le premier moyen, par application de l'article 625 du code de procédure civile ;

2°/ que la violation par l'employeur de son obligation de prévention des risques sociaux constitue un manquement de nature à justifier la prise d'acte par le salarié de la rupture des relations contractuelles ; qu'en affirmant que l'employeur justifiait avoir pleinement rempli son obligation de sécurité puisqu'il avait évoqué dans plusieurs documents des 6, 9 et 14 octobre 2014, le remplacement prochain de Mme C..., sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée par M. I..., si l'effectivité du remplacement de cette personne à la date du 31 octobre était réellement établie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4121-1 du code du travail ;

3°/ que subsidiairement, M. I... avait souligné, qu'à supposer même que Mme C... ait réellement été remplacée à son poste à compter du 1er novembre 2014, la société Cegelec défense avait en toute hypothèse omis de l'informer de l'évolution de la situation et des démarches entreprises pour répondre aux préconisations formulées par le médecin du travail le 25 septembre 2014, de sorte qu'elle n'avait fait qu'aggraver son anxiété à la perspective de reprendre son activité professionnelle ; qu'en affirmant que l'employeur avait satisfait à son obligation de sécurité, sans examiner, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, s'il n'avait pas commis un manquement à son obligation de prévention des risques sociaux, faute d'avoir mis un terme à l'angoisse éprouvée par le salarié en l'informant des démarches entreprises, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4121-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté que l'employeur justifiait avoir remplacé, le 31 octobre 2014, la salariée avec laquelle M. I... soutenait avoir des difficultés relationnelles, et que ce dernier avait été informé, le 9 octobre 2014, des démarches entreprises pour le remplacement de l'intéressée, la cour d'appel, procédant aux recherches prétendument omises, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu que le rejet du premier moyen rend sans portée le second moyen pris en sa première branche en ce qu'il invoque une cassation par voie de conséquence ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi de l'employeur :

Vu l'article L. 1237-1 du code du travail, ensemble l'article 8.1 de la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise des travaux publics du 12 juillet 2006 ;

Attendu que pour débouter l'employeur de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt retient que l'employeur, qui ne justifiait pas avoir demandé à son salarié d'exécuter un préavis, ni le refus qui lui aurait été opposé, n'était pas fondé à solliciter la condamnation de M. I... au paiement d'une indemnité correspondant au préavis que le salarié n'avait pas exécuté ;

Qu'en statuant ainsi, sans constater la volonté non équivoque de l'employeur de dispenser le salarié de l'exécution de son préavis, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société Cegelec défense de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt rendu le 27 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée ;

Condamne M. I... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mai deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi n° K 17-28.068 par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. I...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. I... de ses demandes au titre des heures supplémentaires et du travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE « sur les heures supplémentaires et le travail dissimulé : aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ;
La preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, lorsque ce dernier fournit des éléments de nature à étayer sa demande ;
Il résulte des dispositions de l'article L.3121-4 du code du travail, dans leur version applicable au présent litige, que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif ; que s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière, qui est déterminée par convention ou accord collectif de travail ou à défaut par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnels, s'il en existe, la part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte financière ; Qu'au sein de la société Cegelec défense deux accords d'entreprise en date des 22 décembre 2000 et 30 juin 2014, ont défini les modalités d'aménagement du temps de travail sous forme de modulation dont il résulte que :
- la période de modulation est fixée du 1er avril de l'année N au 31 mars de l'année N+1,
- pour la catégorie Etam dont relève le salarié, toutes les heures effectuées de 37,75 heures à 42 heures alimentent un compteur de modulation permettant soit de récupérer les heures soit de se les faire payer sur le bulletin de salaire d'avril de l'année N+1, majorées de 25 %,
- toutes les heures effectuées au-delà de 42 heures sont payées sur le bulletin de salaire du mois suivant celui au cours duquel elles ont été réalisées,
- les heures de trajet qui ne sont pas des heures de temps de travail effectif n'entrent pas dans le calcul de la modulation ou des heures supplémentaires ;

Que M. I... soutient avoir effectué 46 heures supplémentaires entre le 19 août 2013 et le 30 septembre 2013 pour le chantier Cranou qui ne lui ont pas été payées, pour lesquelles il sollicite la somme brute de 923,80 € ; qu'il ajoute que ce chantier étant situé à Brest, il a accepté de demeurer sur cette ville à la demande de son employeur afin que les délais d'exécution du chantier soient respectés en contrepartie de l'indemnisation par la société Cegelec défense des frais correspondant sous forme de trajet-voyage à hauteur de 55 heures ; qu'il verse aux débats les rapports d'activités qu'il avait établis à la demande de son employeur, ajoutant que ces heures n'ont pas donné lieu à récupération ;
Qu'il résulte cependant de ses décomptes (pièce 19) qu'il intègre dans le calcul des heures effectuées, et par suite des heures supplémentaires dont il demande le paiement, des temps de trajets effectués pendant les heures de travail mais aussi des heures de trajet effectuées en dehors de ses heures de travail pour un total de 53 heures, ainsi que l'ont retenu les premiers juges dans leurs calculs détaillés et précis que le salarié ne critique pas et dont la cour confirme la pertinence ;
Qu'or, il résulte des bulletins de paye que l'employeur a payé à M. I... en septembre 2013, 40 heures "voyage-trajet", outre 10 et 5 heures "voyage-trajet" respectivement en octobre et en novembre 2013, de sorte que ces heures ont été intégralement payées au salarié qui le reconnaît d'ailleurs ; qu'il ne peut solliciter, sur la base de son décompte, paiement de 18 heures supplémentaires pour août et de 28 heures supplémentaires pour septembre 2013, alors qu'il se contente de déduire de ses décomptes les seules 37,75 heures hebdomadaires prises en considération par la modulation ;
Que concernant le rappel de salaire sollicité pour la semaine 40 (du 30 septembre au 4 octobre 2013), l'employeur oppose la prescription, en soutenant que cette demande n'a été formulée pour la première fois que dans le cadre des conclusions qui lui ont été communiquées le 1er août 2017 ;
Qu'il résulte de l'article L.3245-1 du code du travail que l'action en paiement du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits permettant de l'exercer ;
Que contrairement à ce que soutient la société Cegelec défense, la demande de rappel de salaire, et d'indemnité de grands déplacements y afférents, n'est pas prescrite ; que le délai de prescription des salaires ne court qu'à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible ;
Que pour les salaires payés au mois, la date d'exigibilité correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré ;
Qu'en l'espèce, la date d'exigibilité des salaires et ses accessoires de la période du 30 septembre au 4 octobre 2013 a pour point de départ la date d'exigibilité du salaire d'octobre 2013 ; que toutefois la prescription a été interrompue par la saisine du conseil de prud'hommes le 11 décembre 2014, peu important que le salarié n'ait formulé explicitement sa demande de rappel de salaires et accessoires que dans le cadre de ses conclusions déposées le 30 juillet 2017 ;
Que le rapport d'activité dont se prévaut le salarié pour établir qu'il a travaillé sur le chantier sur Brest et n'était pas, comme l'a retenu l'employeur sur son bulletin de paye, en RTT du 1er au 6 octobre 2013, n'est pas signé par le responsable de chantier, alors que l'employeur justifie par les rapports d'activité des semaines 33, 34 et 35 que le chef de chantier mentionnait son nom et contresignait habituellement les rapports d'activités du salarié, et la cour constate que la société Cegelec justifie avoir régularisé la mention erronée du bulletin d'octobre 2013 relative aux jours de RTT de la période du 7 au 13 octobre sur le bulletin de paye de novembre 2013 ;
Que M. I... n'étaye donc pas sa demande quant à la réalité des heures supplémentaires sollicitées pour cette période ; que si son relevé de compte bancaire met en évidence un paiement par carte le 2 octobre 2013 au bénéfice de la pharmacie Lagree à Le Faou (29), cet élément est insuffisant pour établir qu'il a travaillé du 30 septembre au 4 octobre sur un chantier de la société Cegelec en Bretagne ;
Que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. I... de ses demandes de rappel de salaires, indemnités de grands déplacements et indemnité de travail dissimulé ».

1/ ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que M. I... avait avancé, pour attester de ce qu'il n'était pas, contrairement aux mentions de son bulletin de paie, en RTT du lundi 30 septembre au vendredi 4 octobre 2013, mais travaillait sur le chantier de Brest de sorte que l'ensemble des heures effectuées à ce titre devait lui être réglées, un certain nombre d'éléments, tels que son rapport d'activité pour cette semaine n° 40 faisant état de 10 heures de travail du lundi au jeudi et 7 heures le vendredi sur le chantier Cranou (pièce n° 42) situé à Brest, ainsi que son relevé de compte bancaire faisant état de paiements par carte bleue le lundi 30 novembre et le vendredi 4 octobre dans cette même région brestoise, dont un paiement pour quatre nuits d'hôtel (pièce n° 43) et il avait souligné (conclusions p. 10) qu'alors que la société établissait habituellement des ordres de mission, elle s'était dispensée d'en établir pour cette même semaine, contrairement à ce qu'exigeait la convention collective, de sorte qu'elle l'avait empêché de justifier de son activité au titre de cette même période ; qu'en se bornant néanmoins, pour le débouter de sa demande, à retenir que le rapport d'activité que produisait le salarié n'était pas signé par le responsable de chantier sans exiger de l'employeur qu'il justifie des horaires réellement accomplis, la cour d'appel a fait peser sur le salarié seul le risque de la preuve et a violé les dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail ;

2/ ALORS QUE le relevé bancaire de M. I... faisait état de quatre paiements par carte le lundi 30 septembre 2013 au bénéfice de commerces situés sur la commune de Le Faou (29), dont 4 nuits d'hôtel au bénéfice de l'Hôtel La vieille renommée, ainsi qu'un paiement le 4 octobre 2013 au bénéfice de la pharmacie Lagree dans la même commune ; qu'en affirmant que le paiement par carte « le 2 [4] octobre 2013 au bénéfice de la pharmacie Lagree à Le Faou » était insuffisant pour établir que le salarié aurait travaillé du 30 septembre au 4 octobre sur un chantier de la société Cegelec en Bretagne, sans s'expliquer sur les mentions du relevé faisant état de plusieurs paiement sur cette commune pendant cette semaine, dont un paiement pour plusieurs nuits d'hôtel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.3171-4 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la prise d'acte de la rupture par M. I... produisait les effets d'une démission et d'avoir débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes à ce titre ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la rupture du contrat de travail : la prise d'acte s'analyse comme un mode de rupture du contrat de travail, à l'initiative du salarié, qui se fonde sur des manquements imputés à son employeur dans l'exécution de ses obligations ; qu'elle ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si les manquements reprochés sont actuels et d'une gravité incompatible avec la poursuite du contrat de travail ; que dans le cas contraire, elle produit les effets d'une démission ;
Qu'il incombe au salarié d'établir la matérialité des faits qu'il invoque ;
Que l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture ne fixe pas les limites du litige, le juge est donc tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit ;
Qu'il appartient à la cour d'examiner la réalité et la gravité des manquements dénoncés par M. I... à l'encontre de son employeur et de dire si ces manquements justifient que soit déclarée fondée la prise d'acte de la rupture du contrat de travail intervenue et qu'elle s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Que dans sa lettre de prise d'acte en date du 28 novembre 2014, rédigée sur quatre pages, M. I... écrit avoir été victime depuis le mois d'octobre 2013, d'agissements et de propos à connotation sexuelle de la part de la secrétaire d'accueil en sous-traitance faisant partie de la société Phone Régie ; qu'il y fait référence à son précédent courrier du 17 juillet 2014, rédigé sur trois pages dans lequel il écrivait à son employeur avoir été déstabilisé psychologiquement par son relationnel avec Melle C... et que son médecin lui avait conseillé de suivre une thérapie parce que selon lui il souffrait d'une "obsession amoureuse" ;
Que dans sa lettre de prise d'acte, comme dans ses conclusions d'appelant, le salarié reproche à son employeur d'avoir considéré dans sa réponse du 23 juillet 2014, qu'il s'agissait d'une situation relevant d'un ordre strictement personnel et privé, et du fait de son inaction de ne pas avoir respecté son obligation de prévention des risques professionnels liés au harcèlement en entreprise, ce qui a aggravé son état de santé, puis de ne pas avoir appliqué les préconisations du médecin du travail en date du 25 septembre 2014, ce qui ne lui a pas permis de reprendre ses activités professionnelles ;
Qu'il soutient ne pas avoir été informé téléphoniquement par son employeur de ce que Melle C... a cessé d'intervenir dans les locaux de la société Cegelec défense et que ce comportement déloyal a aggravé son anxiété à reprendre son activité professionnelle ;
Qu'il estime en outre avoir été rétrogradé, ayant dû en 2013 et 2014 effectuer sur des chantiers des activités de montage qui ne relevaient pas de son niveau de qualification étant ETAM alors que ces attributions relevaient de fonctions d'ouvriers ; qu'enfin il invoque le non-paiement d'heures supplémentaires ;
Que la cour ayant jugé que M. I... avait été rempli de ses droits et qu'il ne lui était pas dû de rappel de salaire, ce dernier grief n'est pas établi ; que la situation de rétrogradation alléguée n'est pas davantage étayée par un élément quelconque ;
Que reste la situation longuement développée dans ses écrits des 17 juillet et 28 novembre 2014 par M. I... sur son relationnel avec Melle C... ; que la description qu'il fait de ce relationnel, tout en évoquant "la fragilité de son couple"après 32 ans de vie commune avec la mère de ses enfants, n'est pas celle d'une personne victime d'un harcèlement, mais celle d'une personne éprouvant un sentiment amoureux passionnel, non réciproque, à l'égard d'une personne, employée par une autre société, et travaillant à l'accueil ; que cette situation correspond tout à fait à une "obsession amoureuse", avec sentiment de dépit par suite du rejet manifesté ou ressenti comme tel ;
Que l'employeur ne se trouvait donc pas, à la lecture de la lettre du salarié du 17 juillet 2014, dans la situation de faits portés à sa connaissance, dont son salarié aurait été victime, relevant de la définition d'un harcèlement, et auquel il lui incombait non seulement du fait de son obligation de sécurité mais surtout de l'obligation posée par les dispositions de l'article 1152-4 du code du travail, d'y mettre un terme ;
Que l'employeur justifie en outre par les attestations qu'il verse aux débats qu'aucun salarié n'a constaté un comportement déplacé de Melle C... à l'égard de M. I... ;
Que le médecin du travail n'a pas émis de préconisation particulière pour ce qui est d'un relationnel à éviter à M. I... avant son avis d'aptitude avec réserve du 25 juillet 2014, puisque lors de la visite périodique du 15 mai 2014, il l'avait déclaré apte sans aucune réserve, ni préconisation particulière, alors que cette visite se situait dans la période de temps évoquée dans la lettre du 17 juillet 2014 ;

Que dans cet avis du 25 juillet 2014 le médecin du travail pose une restriction à l'avis d'aptitude (pas de trajets VL supérieurs à 1h30 autour de Toulouse) et une recommandation "éloignement d'une personne recommandé" ;
Que dans son courrier du 17 juillet 2014, le salarié demande à son employeur de revoir sérieusement son problème, écrivant : "le cabinet sous-traitant dont dépend Melle C... peut très bien nous envoyer une autre personne à sa place comme il le fait lorsque celle-ci est absente" ;
Que l'employeur justifie avoir écrit le 6 octobre 2014 au médecin du travail :
"concernant le sujet de la proximité avec une personne, sans polémique, nous avons fait en sorte que cette personne ne soit plus dans nos locaux au plus tard le 31 octobre 2014" et sollicite un avis complémentaire, sur la restriction liée aux trajets en lui demandant de se prononcer sur son aptitude ou inaptitude au poste de technicien, compte tenu des précisions apportées sur les déplacements inhérents à ce poste ;
Que par ailleurs l'employeur verse aux débats un courriel de Mme E... (service paie, ressources humaines), en date du 9 octobre 2014 faisant part d'un appel téléphonique de M. I... reçu le matin même, et indiquant lui avoir dit que "les démarches étaient en cours" mais que "nous n'avions pas de date précise du départ de Sitta", et un courriel de Mme V..., responsable de comptes au sein de la société Phone régie, en date du 14 octobre 2014, confirmant "le départ de Sita le 31 octobre prochain comme convenu, nous lui avons remis son avenant d'affectation hier" ;
Que l'employeur justifie également, compte tenu de son secteur d'activité, avoir formalisé auprès du ministère de la défense le 15 octobre 2014, une "demande de contrôle élémentaire" concernant la personne pressentie pour remplacer Melle C..., puis avoir répondu, par lettre du 3 décembre 2014, à la lettre de prise d'acte de M. I... en détaillant les démarches entreprises, au regard du mal-être dont il avait fait état et des prescriptions de la médecine du travail, en précisant que depuis le 31 octobre il y avait une autre hôtesse d'accueil, et en l'invitant à confirmer s'il persistait "dans (son) analyse quant à la prise d'acte de la rupture de (son) contrat", ajoutant "si c'est le cas, cela constituerait une démission" et lui rappelant la liste des outils mis à sa disposition en lui demandant de prendre contact avec le gestionnaire des moyens pour la restitution ;
Que l'employeur justifie ainsi avoir pleinement rempli son obligation de sécurité ;
Que c'est donc par des motifs pertinents que les premiers juges ont jugé que la prise d'acte produisait les effets d'une démission ».

1/ ALORS QUE ces motifs seront censurés par voie de conséquence de la cassation à intervenir sur le premier moyen, par application de l'article 625 du code de procédure civile ;

2/ ALORS QUE la violation par l'employeur de son obligation de prévention des risques sociaux constitue un manquement de nature à justifier la prise d'acte par le salarié de la rupture des relations contractuelles ; qu'en affirmant que l'employeur justifiait avoir pleinement rempli son obligation de sécurité puisqu'il avait évoqué dans plusieurs documents des 6, 9 et 14 octobre 2014, le remplacement prochain de Mme C..., sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée (conclusions p. 16) par M. I..., si l'effectivité du remplacement de cette personne à la date du 31 octobre était réellement établie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.4121-1 du code du travail ;

3/ ALORS (subsidiairement) QUE M. I... avait souligné (conclusions p. 16), qu'à supposer même que Mme C... ait réellement été remplacée à son poste à compter du 1er novembre 2014, la société Cegelec défense avait en toute hypothèse omis de l'informer de l'évolution de la situation et des démarches entreprises pour répondre aux préconisations formulées par le médecin du travail le 25 septembre 2014, de sorte qu'elle n'avait fait qu'aggraver son anxiété à la perspective de reprendre son activité professionnelle ; qu'en affirmant que l'employeur avait satisfait à son obligation de sécurité, sans examiner, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, s'il n'avait pas commis un manquement à son obligation de prévention des risques sociaux, faute d'avoir mis un terme à l'angoisse éprouvée par le salarié en l'informant des démarches entreprises, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L.4121-1 du code du travail. Moyen produit au pourvoi n° M 17-31.749 par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société Cegelec défense

Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR écarté la demande formée par la société CEGELEC DEFENSE afin d'obtenir le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis ;

AUX MOTIFS QUE l'employeur qui ne justifie pas avoir demandé à son salarié d'exécuter un préavis, ni le refus qui lui aurait été opposé, n'est pas fondé à solliciter la condamnation de M. I... au paiement d'une indemnité correspondant au préavis que le salarié n'a pas exécuté ; que le jugement entrepris sera infirmé à cet égard ;

ALORS QUE la prise d'acte de la rupture du contrat qui n'est pas justifiée produit les effets d'une démission ; qu'il en résulte que le salarié doit à l'employeur le montant de l'indemnité compensatrice de préavis résultant de l'application de l'article L. 1237-1 du code du travail, sans que l'employeur soit tenu de justifier qu'il lui avait demandé d'exécuter le préavis, ni qu'il s'y est opposé ; qu'en dispensant M. I... de s'en acquitter sur la seule considération que la société CEGELEC DEFENSE ne justifiait pas avoir demandé à son salarié d'exécuter un préavis, ni son refus de l'exécuter, quand M. I... était tenu d'exécuter le préavis du seul fait qu'il n'en avait pas été dispensé après sa prise d'acte produisant les effets d'une démission, la Cour d'appel qui a déduit un motif inopérant, a violé l'article L 1237-1 du Code du travail, ensemble l'article 8-1 de la convention collective des travaux publics.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-28068;17-31749
Date de la décision : 22/05/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 27 octobre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 mai. 2019, pourvoi n°17-28068;17-31749


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boullez, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.28068
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award