La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2019 | FRANCE | N°18-19336

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 16 mai 2019, 18-19336


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 3 mai 2018), que dans un litige opposant M. et Mme J... à Mme F... et Mme W... relatif à un droit de passage conféré par un acte du 12 août 1977 à M. et Mme J... sur une parcelle appartenant à celles-ci, un arrêt devenu irrévocable, du 19 juin 2014, a débouté ces derniers de leur demande tendant à voir reconnaître le caractère perpétuel de la servitude, a jugé que celle-ci avait la nature d'une servitude légale de passage,

a condamné Mmes F... et W... à enlever tous les obstacles pouvant se trouver sur ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 3 mai 2018), que dans un litige opposant M. et Mme J... à Mme F... et Mme W... relatif à un droit de passage conféré par un acte du 12 août 1977 à M. et Mme J... sur une parcelle appartenant à celles-ci, un arrêt devenu irrévocable, du 19 juin 2014, a débouté ces derniers de leur demande tendant à voir reconnaître le caractère perpétuel de la servitude, a jugé que celle-ci avait la nature d'une servitude légale de passage, a condamné Mmes F... et W... à enlever tous les obstacles pouvant se trouver sur son assiette et dit n'y avoir lieu à astreinte ; que M. et Mme J... ont ultérieurement assigné Mmes F... et W... devant un tribunal de grande instance en sollicitant leur condamnation sous astreinte à supprimer divers éléments/aménagements se trouvant sur l'assiette de la servitude et en entravant l'usage ;

Attendu que M. et Mme J... font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes tendant à voir dire et juger que les obstacles que les consorts F... W... sont condamnées à enlever sur l'assiette de la servitude délimitée par l'expert sont le mur en moellons de quatre rangées, le caniveau entre le mur et la route départementale, le sapin de grande hauteur, le poteau EDF en bois et le renflement en goudron froid et de les débouter de leur demande tendant à la condamnation de leurs voisins à enlever ces obstacles sous astreinte définitive de 500 euros par jour de retard et au versement d'une somme de 10 000 euros au titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ; qu'en l'espèce, la cour d'appel de Chambéry a, par arrêt définitif du 19 juin 2014, condamné Mme F... et Mme W... à enlever « tous obstacles » pouvant se trouver sur l'assiette de légale de passage définie par l'acte du 12 août 1977 et le plan annexé ; que par arrêt du 3 mai 2018, la cour d'appel de Chambéry a néanmoins débouté M. et Mme J... de leur demande tendant à la condamnation sous astreinte de Mme F... et Mme R... à enlever sur l'assiette de la servitude de passage un mur en moellons de quatre rangées, un caniveau entre le mur et la route départementale, un sapin, un poteau EDF et un renflement en goudron froid au motif qu'il n'est pas établi que ces obstacles « auraient été implantés par mesdames F... et qui devraient en supporter l'enlèvement » ; qu'en statuant ainsi bien que l'arrêt de 2014 ayant autorité de la chose jugée avait condamné les consorts F... W... à enlever tous obstacles pouvant se trouver sur l'assiette de cette servitude, la cour d'appel a violé les articles 1351, devenu 1355, du code civil et 480 du code de procédure civile ;

2°/ qu'il incombe aux parties de présenter dès l'instance initiale l'ensemble des moyens qu'elles estiment de nature, soit à fonder la demande, soit à justifier son rejet total ou partiel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que « le fond du dossier a été définitivement jugé par l'arrêt du 19 juin 2014 et il n'y a pas lieu d'y revenir. Le fond de M. et Mme J... bénéficie d'un passage sur les parcelles voisines, et mesdames F... et W... doivent le libérer de tout obstacle pouvant se trouver sur son assiette » ; qu'en déboutant néanmoins M. et Mme J... de leur demande tendant à la condamnation de leurs voisins à enlever à leurs frais les obstacles sous astreinte définitive de 500 euros par jour de retard, la cour d'appel a dit que « le dossier présenté n'établit pas la présence d'obstacles au droit de passage provisoire concédé en 1977 qui auraient été implantés par mesdames F... et qui devraient en supporter l'enlèvement » ; qu'en statuant ainsi, les juges d'appel ont fait droit à l'argumentation des consorts F... W... selon lesquels « les prétendus obstacles sont
des ouvrages à réaliser pour l'exercice de cette servitude de passage » dans la mesure où ils existaient au jour de la constitution de la servitude et qu'il appartenait à M. et Mme J... d'assumer le coût de leur enlèvement ; qu'en faisant droit à ce moyen de défense, après avoir pourtant elle-même constaté que les consorts F... W... avaient été condamnées à libérer le passage de tout obstacle par l'arrêt du 19 juin 2014 et qu'il n'y a pas lieu d'y revenir, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1351, devenu 1355, du code civil et 480 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le premier arrêt n'avait pas défini les obstacles qui entravaient le passage et que les éléments dont il était demandé l'enlèvement devant elle, non évoqués dans la précédente instance, préexistaient à la création de la servitude, qui devait être, aux termes de l'acte constitutif de 1977, établie aux frais exclusifs de M. et Mme J..., c'est sans violer l'autorité de la chose jugée par son précédent arrêt que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme J... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à Mme F... et à Mme W..., la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. et Mme J....

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté les époux J... de leurs demandes tendant à voir dire et juger que les obstacles que les consorts F.../W... sont condamnées à enlever sur l'assiette de la servitude délimitée par l'expert sont le mur en moellons de quatre rangées, le caniveau entre le mur et la route départementale, le sapin de grande hauteur, le poteau EDF en bois et le renflement en goudron froid et de les AVOIR débouté de leur demande tendant à la condamnation de leurs voisins à enlever ces obstacles sous astreinte définitive de 500 euros par jour de retard et au versement d'une somme de 10 000 euros au titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. L'acte de vente passé entre les parties le 12 août 1977, dispose que pour desservir la parcelle vendue, jusqu'au chemin communal numéro 5, le vendeur concède à titre provisoire jusqu'à ce que la servitude de passage soit réglée avec T... K... B... et Monsieur W... au profit de ce fonds dénommé dominant, un droit de passage à tous usages et en tout temps de quatre mètres de large. Ce passage figurant en tiretés au plan annexé à l'acte, devait être établi aux frais exclusifs de l'acquéreur et son entretien aux frais communs de tous les utilisateurs.
Un peu plus loin en marge du même acte, sous la forme d'un rajout manuscrit, il est également indiqué que ce droit de passage s'éteindra de plein droit, lorsque Monsieur J... aura le droit de passage sur les propriétés de Monsieur K... B..., Monsieur et Madame F..., Monsieur W....
Comme l'a rappelé le premier juge dans la décision actuellement soumise à la cour, en date du 7 décembre 2016, le fond du dossier a été définitivement jugé par l'arrêt u 19 juin 2014 et il n'y a pas lieu d'y revenir. Le fonds des époux J... bénéficie d'un passage sur les parcelles voisines, et Mesdames F... et W... doivent le libérer de tout obstacle pouvant se trouver sur son assiette. Mais ces obstacles n'avaient pas été déterminés avec précision, de sorte qu'aucune astreinte n'avait été prononcée par la cour d'appel.
Il doit également être souligné comme l'a fait pour l'essentiel et de manière pertinente le tribunal que :
- les époux J... utilisent depuis des dizaines d'années un accès qui est commun avec une assiette légèrement décalée par rapport au plan de 1977, sans inconvénient notable pour eux, ce qu'illustre parfaitement, le procès-verbal de constat de la Selarl P... du 20 mai 2015 ,
- cet accès ne pose aucune difficulté, il est sûr et d'ailleurs, la création d'un second, à sa proximité immédiate n'est pas acceptée par le conseil général, ce que l'on ne peut reprocher à Mesdames F..., puisqu'elles ont en fit la démarche et en justifient par la pièce n° 19 refus de cette création supplémentaire,
- reprendre l'assiette tirée exigerait d'abattre un arbre qu'on a laissé grandir, un mur implanté depuis des dizaines d'années, de déplacer un poteau Edf, de buser un fossé, pour, encore une fois, l'exercice d'un droit qui n'est que provisoire, et alors que selon l'acte notarié le passage devait être créé aux frais exclusifs du bénéficiaire de cet accès, qui ne l'a pas fait jusqu'à ce jour, alors que Mesdames F..., sans être utilement contredites affirment que l'arbre, le muret, le poteau étaient sur place bien avant la constitution de la servitude, de sorte que comme elles le soutiennent il ne s'agit pas d'obstacles mais de frais de création de la servitude,
- sur les pièces n° 25, 26 clichés datés de 1974 et de 1976, on observe effectivement la présence du poteau, l'implantation de la sortie par rapport à lui,
- les époux J... énoncent clairement dans leurs écritures qu'ils étaient prêts à accepter le déplacement du droit de passage, si on le leur concédait à titre définitif à ce nouvel endroit. Or, l'intention des parties clairement exprimée à l'acte, était d'inscrire l'obligation dans une solution d'attente et non définitive, ce qui constitue une pression, affirmée par eux, pour infléchir la volonté de leurs voisins qui n'ont jamais voulu d'une telle solution. Si l'intention de nuire n'est pas démontrée, elle est évoquée par les intimées qui s'interrogent sur le caractère légitime d'une telle pression juridique.
En définitive le dossier présenté n'établit pas la présence d'obstacles au droit de passage provisoire concédé en 1977 qui auraient été implantés par Mesdames F... et qui devraient en supporter l'enlèvement, mas plutôt l'inaction et l'absence de travaux d'aménagement dont la charge devait, selon l'acte originaire, être assumée exclusivement par les acquéreurs, Monsieur et Madame J..., qui disposant à quelques mètres de la même commodité sans aucun inconvénient, ne les ont pas mis en oeuvre. En conséquence de quoi, il n'y a pas lieu à prononcer d'astreinte à la charge des Mesdames F... et les époux J... seront déboutés de leurs prétentions. On ne saurait davantage condamner Mesdames F... à obtenir de l'administration une autorisation qui ne relève donc pas de leur pouvoir de décision.
Il n'est pas démontré l'existence d'un préjudice justifiant l'allocation de dommages et intérêts. Pas davantage n'est-il justifié du prononcé d'une amende civile » (arrêt pages 5 à 7) ;

ALORS D'UNE PART QUE le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel de Chambéry a, par arrêt définitif du 19 juin 2014, condamné Mme F... et Mme W... à enlever « tous obstacles » pouvant se trouver sur l'assiette de légale de passage définie par l'acte du 12 août 1977 et le plan annexé ; que par arrêt du 3 mai 2018, la Cour d'appel de Chambéry a néanmoins débouté les époux J... de leur demande tendant à la condamnation sous astreinte de Mme F... et Mme R... à enlever sur l'assiette de la servitude de passage un mur en moellons de quatre rangées, un caniveau entre le mur et la route départementale, un sapin, un poteau Edf et un renflement en goudron froid au motif qu'il n'est pas établi que ces obstacles « auraient été implantés par mesdames F... et qui devraient en supporter l'enlèvement » (arrêt page 6, dernier §) ; qu'en statuant ainsi bien que l'arrêt de 2014 ayant autorité de la chose jugée avait condamné les consorts F.../W... à enlever tous obstacles pouvant se trouver sur l'assiette de cette servitude, la Cour d'appel a violé les articles 1351 devenu 1355 du Code civil et 480 du Code de procédure civile ;

ALORS D'AUTRE PART QU' il incombe aux parties de présenter dès l'instance initiale l'ensemble des moyens qu'elles estiment de nature, soit à fonder la demande, soit à justifier son rejet total ou partiel ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a expressément constaté que « le fond du dossier a été définitivement jugé par l'arrêt du 19 juin 2014 et il n'y a pas lieu d'y revenir. Le fond des époux J... bénéficie d'un passage sur les parcelles voisines, et mesdames F... et W... doivent le libérer de tout obstacle pouvant se trouver sur son assiette » (arrêt attaqué page 5, dernier §) ; qu'en déboutant néanmoins les époux J... de leur demande tendant à la condamnation de leurs voisins à enlever à leurs frais les obstacles sous astreinte définitive de 500 euros par jour de retard, la Cour d'appel a dit que « le dossier présenté n'établit pas la présence d'obstacles au droit de passage provisoire concédé en 1977 qui auraient été implantés par mesdames F... et qui devraient en supporter l'enlèvement » (arrêt attaqué, page 6, § 7) ; qu'en statuant ainsi, les juges d'appel ont fait droit à l'argumentation des consorts F.../W... selon lesquels « les prétendus obstacles sont
des ouvrages à réaliser pour l'exercice de cette servitude de passage » dans la mesure où ils existaient au jour de la constitution de la servitude et qu'il appartenait aux exposants d'assumer le coût de leur enlèvement (conclusions adverses page 15) ; qu'en faisant droit à ce moyen de défense, après avoir pourtant elle-même constaté que les consorts F.../W... avaient été condamnées à libérer le passage de tout obstacle par l'arrêt du 19 juin 2014 et qu'il n'y a pas lieu d'y revenir, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1351, devenu 1355 du Code civil et 480 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-19336
Date de la décision : 16/05/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 03 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 16 mai. 2019, pourvoi n°18-19336


Composition du Tribunal
Président : Mme Maunand (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.19336
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award