LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 1232-6 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. V..., engagé à compter du 11 mai 1998 en qualité de responsable service après-vente par la société Socar, devenue la société Espace 3000, a été licencié le 18 mars 2011 pour faute grave ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que, pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur au paiement de diverses sommes, l'arrêt retient que la lettre de licenciement ne présente pas l'énoncé des motifs prévu par la loi dès lors qu'elle se limite à se référer aux aveux du salarié sans énoncer clairement le motif du licenciement et qu'elle le qualifie juridiquement au-delà de ce qui a été reconnu ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la lettre de licenciement faisait état des aveux écrits du salarié quant au harcèlement sexuel commis envers une autre salariée précisément dénommée et qualifiait ce fait de faute grave, ce dont il résultait que la lettre de licenciement invoquait un grief de harcèlement sexuel, lequel constituait un motif précis et matériellement vérifiable, pouvant être précisé et discuté devant les juges du fond, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'appel interjeté par M. V..., l'arrêt rendu le 22 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne M. V... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Espace 3000 Mulhouse
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR jugé que le licenciement de M. V... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et D'AVOIR condamné la société Espace 3000 venant aux droits de la société Socar à payer à M. V... les sommes de 47 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 8 930 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 893,07 euros à titre d'indemnité de congés payés y afférents, 9 013,39 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, 139,74 euros à titre d'indemnité de congés payés y afférents, et de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible la poursuite des relations de travail ; L'employeur supporte la charge de la preuve de la faute grave et son imputation certaine au salarié ; La lettre de licenciement fixe les limites du litige ; En l'espèce, Monsieur G... V... a été licencié par un courrier daté du 18 mars 2011 ainsi libellé : « Nous faisons suite à l'entretien préalable du 14 mars 2011 au cours duquel vous ne nous avez fourni aucune explication supplémentaire à vos aveux écrits quant au harcèlement sexuel envers Mademoiselle I... N.... Ce fait constituant une faute grave, nous vous notifions par les présentes votre licenciement avec effet immédiat. Votre solde de tout compte, votre attestation Assedic ainsi que votre certificat de travail vous serons adressés parallèlement dans quelques jours (
) ». L'employeur se fonde essentiellement sur un document rédigé et signé par Monsieur V... le 1er mars 2011 rédigé comme suit : « Je soussigné G... V... admet avoir eu des propos et gestes à caractère sexuel sur Madame N... I... mécanicienne chez Socar. Pour faire valoir ce que de droit. Signé V.... ». Il résulte des débats que ce courrier a été rédigé dans les locaux de la société Socar en présence de Monsieur F... S..., responsable du site de [...] à la demande de Madame J... N... né T..., mère de I... N..., venue dénoncer avec sa fille, les faits reprochés à Monsieur V.... Il est établi que dès le 4 mars 2011, Monsieur V... a porté plainte contre Madame J... N... née T..., mère de I... N..., pour menace sous condition, estimant avoir écrit ces aveux sous la menace de cette dernière ce que Monsieur S... a confirmé tant devant les gendarmes en précisant que l'intéressé a rédigé ce courrier sous la contrainte, menacé d'être frappé s'il ne le faisait pas. Il est constant que la lettre de licenciement est particulièrement succincte et qu'elle se limite à se référer aux aveux de Monsieur V..., sans énoncer clairement le motif du licenciement et en le qualifiant juridiquement, au-delà de ce qui a été reconnu. Il doit en être déduit que, faute de présenter l'énoncé des motifs prévu par la loi, le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, peu important l'aveu prétendu du salarié et l'admission des faits reprochés dans une procédure prud'homale parallèle entre la société Socar et Madame I... N... au cours de laquelle M. V... a été mis hors de cause.
1°) ALORS QU'en cas de licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d'instructions qu'il estime utiles ; que l'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif ; qu'en l'espèce, en jugeant que la lettre de licenciement était particulièrement succincte et qu'elle se limitait à se référer aux aveux de Monsieur V..., sans énoncer clairement le motif du licenciement et en le qualifiant juridiquement, au-delà de ce qui a été reconnu, et qu'il devait en être déduit que la lettre ne présentait pas l'énoncé des motifs prévu par la loi, peu important l'aveu prétendu du salarié et l'admission des faits reprochés dans une procédure prud'homale parallèle entre la société Socar et Mlle I... N... au cours de laquelle M. V... a été mis hors de cause, tandis que la lettre de licenciement mentionnait clairement que M. V... avait été licencié pour avoir commis des actes de harcèlement sexuel à l'encontre de Mlle I... N..., motif suffisamment précis et matériellement vérifiable, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail ;
2°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement mentionnait de manière claire et non équivoque que M. V... était licencié pour avoir commis des faits de harcèlement sexuel sur la personne de Mme N... (cf. production) ; qu'en affirmant pourtant, pour juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, que la lettre de licenciement ne présentait pas l'énoncé des motifs prévus par la loi, la cour d'appel en a dénaturé le sens et la portée clairs et non équivoques, et violé le principe interdisant aux juges du fond de dénaturer les documents de la cause ;
3°) ALORS QUE le juge ne peut rejeter les prétentions des parties sans examiner les éléments produits à leur appui, ; qu'en l'espèce, il ressortait du jugement définitif du conseil de prud'hommes de Mulhouse du 20 mai 2014 (production) que Mlle N... avait été victime de harcèlement sexuel de la part de M. V... ; qu'en jugeant néanmoins dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour harcèlement sexuel de M. V... à l'encontre de Mlle N..., sans aucunement prendre en considération le jugement définitif du conseil de prud'hommes de Mulhouse du 20 mai 2014 (production) ayant retenu l'existence d'un harcèlement sexuel commis par M. V... à l'encontre de Mme N..., ce dont s'évinçait le caractère matériellement vérifiable, et au demeurant acquis, du motif énoncé dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, il ressortait du jugement définitif du conseil de prud'hommes de Mulhouse du 20 mai 2014 (production) que Mlle N... avait été victime de harcèlement sexuel de la part de M. V... ; qu'en jugeant néanmoins dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour harcèlement sexuel de M. V... à l'encontre de Mlle N..., peu important l'admission des faits reprochés dans une procédure prud'homale parallèle entre la société Socar et Mlle I... N... au cours de laquelle M. V... a été mis hors de cause, la cour d'appel a dénaturé le jugement du conseil de prud'hommes de Mulhouse du 20 mai 2014 (production) et violé le principe interdisant au juge de dénaturer les éléments de la cause.