LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. B... W... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. N... W... ;
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 8 septembre 2017), que, par acte du 1er novembre 1971, M. W... a pris à bail des parcelles appartenant à Mmes T... ; que, par acte du 28 avril 2015, celles-ci lui ont délivré congé pour raison d'âge, inexécution des obligations de preneur et cession de bail prohibée ; que, par déclaration du 9 novembre 2015, M. W... a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en annulation du congé ; que Mmes T... ont soulevé l'irrecevablité de sa demande et sollicité reconventionnellement l'établissement des comptes de sortie de ferme ;
Attendu que M. W... fait grief à l'arrêt de le dire forclos en sa contestation et de déclarer sa demande irrecevable ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant énoncé que les dispositions de l'article L. 411-54 du code rural et de la pêche maritime imposaient au preneur d'élever sa contestation dans le délai de quatre mois, constaté que l'expiration de celui-ci était intervenue le 29 août 2015 et retenu, sans se contredire, que l'impossibilité d'agir en temps utile, directement ou par l'intermédiaire d'un conseil, n'était pas établie, la cour d'appel en a exactement déduit que la maladie dont M. W... faisait état ne présentait pas un caractère irrésistible ;
Attendu, d'autre part, que l'obligation de saisir le tribunal en contestation de congé dans un délai de quatre mois, prévue à peine de forclusion de la demande, ne porte pas atteinte à la substance même du droit d'accès au juge, dont elle encadre les conditions d'exercice dans le but légitime d'assurer la sécurité juridique des relations entre bailleur et preneur régies par un statut impératif ; que, le juge exerçant un contrôle de la régularité formelle du congé et conservant le pouvoir de relever le demandeur de la forclusion encourue, il ne résulte pas de cette sanction, en ce qu'elle est assortie de tempéraments, une disproportion dans la considération des intérêts respectifs ; qu'ayant constaté que le congé délivré dans le préavis légal en raison de l'âge du preneur comportait les mentions prévues par l'article L. 411-64 du code rural et de la pêche maritime et retenu que les conditions de la force majeure n'étaient pas réunies, M. W... n'étant pas totalement dépourvu de la faculté d'agir sans retard, la cour d'appel en a justement déduit, sans excès de formalisme, que la demande était irrecevable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. B... W... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mai deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. W...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que M. B... W... était forclos en sa demande, déclaré sa demande irrecevable et ordonné une expertise avant-dire droit ;
AUX MOTIFS QU'« Il est acquis en la cause que le congé émanant des consorts T... concernant le bail rural à double métayage du 1er octobre 1971, d'une période de 9 années renouvelable expirant le 31 octobre 2016, a été donné au visa de l'article L. 411-64 du code rural pour atteinte de l'âge de la retraite, inexécution des obligations du preneur et cession de bail prohibé, et ce par acte d'huissier de justice du 28 avril 2015 délivré à l'égard de l'appelant, contestant sa validité le 9 novembre 2015.
Or il n'est pas davantage discuté que les dispositions de l'article L. 411-54 du code rural et de la pêche maritime, lui imposaient, ès qualité de preneur, d'élever sa contestation dans le délai de 4 mois de l'article R. 411-54 du même code, dont l'expiration de ce délai imparti est intervenue le 29 août 2015, amenant ainsi la juridiction paritaire à déclarer irrecevable la demande de l'intéressé comme atteinte de forclusion.
Sur ce point les conclusions de Monsieur B... W..., tendant à être relevé de la forclusion motifs pris de la gravité de son état de santé actuel, certes navrant et générateur de son retard, ne sont pas de nature à caractériser une quelconque impossibilité d'agir à l'époque de la saisine de la juridiction de première instance, à tout le moins en usant à bon escient du recours de son conseil.
Dès lors c'est à bon droit que le jugement entrepris a retenu que « Monsieur B... W... est forclos en sa demande de contestation du congé afférent à son bail rural du 1er novembre 1971 portant sur des parcelles en nature de vignes appartenant à Mesdames C... et G... T..., sis sur la commun de [...] selon acte d'huissier de justice du 28 avril 2015 au visa de l'article L. 411-64 du code rural, aux lieux-dits [...], [...], [...] et [...] », en sorte qu'il est justifié de le confirmer de ce chef en fonction des données tant factuelles que juridiques » (arrêt attaqué, p. 5 § 6 à 9) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « En application de l'article L411-54 alinéa 1 du code rural et de la pêche maritime : « le congé peut être déféré par le preneur au Tribunal paritaire des baux ruraux dans un délai fixé par décret à dater de sa réception, sous peine de forclusion. La forclusion ne sera pas encourue si le congé est donné hors délai ou s'il ne comporte pas les mentiones exigées à peine de nullité à l'article L411-47 ».
En application de l'article R411-54 du même code ce délai est de 4 mois.
Le congé donné comporte les mentions prévues par l'article L411-64 du même code. Il est régulier en la forme.
M. B... W... a reçu congé le 28 avril 2015. Il l'a contesté le 9 novembre 2015.
Le délai pour contester le congé a expiré le 29 août 2015 » (jugement, p. 2 § 6 à 10) ;
1°) ALORS QU'il y a lieu de relever l'intéressé de la forclusion lorsque la saisine de la juridiction résulte d'un cas de force majeure ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que l'état de santé de M. W... avait généré son retard à saisir la juridiction, la Cour d'appel a considéré qu'il aurait pu saisir la juridiction en faisant appel à son conseil ; qu'en statuant ainsi, sans tirer les conséquences légales de ses propres constatations, dont il résultait que l'écoulement du délai de forclusion était dû à l'impossibilité d'agir, la Cour d'appel a violé l'article 1148 du Code civil, dans sa version applicable à l'espèce, ensemble l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°) ALORS QUE des motifs contradictoires équivalent à un défaut de motifs ; qu'en affirmant en même temps que le grave état de santé de M. W... est la cause de son retard à saisir la juridiction et qu'il aurait pu la saisir la juridiction à temps (arrêt attaqué, p. 5 § 8), la Cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'en vertu de l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme les juridictions ne peuvent faire preuve d'un formalisme excessif qui porte atteinte au droit d'accès à un tribunal ; qu'en l'espèce, M. W... faisait valoir sans être contredit qu'il souffrait de pertes de mémoire et d'une dépression si grave qu'elle nécessitait un suivi psychiatrique ; que la Cour d'appel a jugé forclose la contestation du congé afférent au bail rural de M. W..., au motif qu'en dépit de son grave état de santé, dont elle admettait l'existence, M. W... pouvait agir en usant à bon escient du recours de son conseil ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel qui a fait preuve d'un formalisme excessif, a violé le texte susvisé.