LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à compter de 1996, M. et Mme R... ont conclu des contrats de cogérance non-salariés de succursales de commerce de détail alimentaire avec la société distribution Casino France (la société) ; que Mme R... a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er août 2010 ; que, le 29 juillet 2010, M. R... a conclu avec la société un nouveau contrat de gérance non salarié pour poursuivre seul l'exploitation de la supérette de Cruas ; que, le 1er décembre 2014, les époux R... ont saisi la juridiction prud'homale, aux fins notamment de requalification de leurs contrats de gérance non salariés en contrats de travail et de résiliation judiciaire du contrat de M. R... aux torts de la société ; que suivant avis du médecin du travail du 26 avril 2016, M. R... a été déclaré définitivement inapte à son poste de gérant de la supérette de Cruas ; que le 29 juillet 2016, la société lui a notifié la rupture de son contrat de gérance pour inaptitude et impossibilité d'occuper un autre poste de gérant ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal des gérants :
Attendu que les gérants font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande de rappels de salaire au titre des minima conventionnels alors, selon le moyen ;
1° / que les juges sont tenus de respecter l'objet du litige et les demandes des parties telles qu'elles résultent des écritures fournies par elles ; que pour débouter les époux de leur demande de rappels de salaire, la cour d'appel s'est exclusivement fondée sur l'article 6 de l'accord collectif national du 18 juillet 1963 concernant les gérants non-salariés des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés « gérants mandataires » ; qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune des parties n'avait allégué l'application de cette disposition, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ que l'accord collectif national du 18 juillet 1963 concernant les gérants non-salariés des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés « gérants mandataires » du 18 juillet 1963 prévoit à son article 5 une « une commission mensuelle minimum, tant pour la gérance d'appoint que pour la gérance normale » fixée la « gérance 1ère catégorie » à 1 635 euros par mois et pour la « gérance 2ème catégorie » à 2 380 euros par mois ; que la gérance 2ème catégorie ou « gérance normale » est définie à l'article 4 comme celle « attachée à une succursale nécessitant l'activité effective de plus d'une personne » et qui est « assurée par deux gérants mandataires non-salariés au minimum fait l'objet d'un contrat de cogérance » ; que cependant l'article 7 de l'accord prévoit que « dans le cas de cogérance, le forfait de commission sera réparti entre les cogérants mandataires non-salariés en considération des aménagements convenus entre eux pour la gestion du magasin qui leur est confié pouvant conduire à une activité incomplète de l'un des cogérants mandataires non-salariés » et que « la répartition convenue entre les cogérants mandataires non-salariés est consignée en annexe à leur contrat » ; qu'il s'en évince que le choix d'une répartition des commissions entre les parties doit résulter d'une clause expresse des contrats de gérance, et qu'à défaut d'accord entre les parties, les co-gérants ont droit au versement, chacun, du minimum garanti à l'article 5, à savoir 2 380 euros par mois ; que pour dire le contraire, la cour d'appel a considéré que les cogérants non-salariés fixant eux-mêmes leurs propres conditions de travail, notamment les horaires d'ouverture, ainsi que les modalités de répartition de la commission forfaitaire mensuelle en fonction de l'activité de chacun, les époux R... qui n'établissaient pas les horaires de travail de chacun ne sont pas fondés à soutenir que le minimum conventionnel est dû à chaque cogérant ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 4, 5 et 7 de l'accord collectif national du 18 juillet 1963 concernant les gérants non-salariés des maisons d'alimentation succursales, supermarchés, hypermarchés « gérants mandataires » du 18 juillet 1963 ;
Mais attendu que selon les articles 4, 5, 7 de l'accord collectif national concernant les gérants non salariés des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés « gérants mandataires » du 18 juillet 1963, en cas de gérance normale, le montant de la rémunération garantie s'entend de la rémunération garantie non à chacun des cogérants mais à l'ensemble des cogérants ;
Et attendu qu'ayant retenu que l'article 1er de l'avenant au contrat de cogérance fixait la rémunération des cogérants à une commission de 6 % du chiffre d'affaires brut ayant le caractère d'un forfait de gestion, avec un minimum mensuel garanti de 2 365 euros, que cette commission globale devait être répartie selon les modalités convenues entre les cogérants dès lors que l'un ou l'autre pouvait avoir une activité incomplète, la cour d'appel a fait une exacte application des dispositions conventionnelles ; que le moyen, qui manque par le fait qui lui sert de base en sa première branche, n'est pas fondé ;
Sur les quatrième et cinquième moyens du pourvoi principal des gérants :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal des gérants :
Vu les articles L. 1221-1, L. 7322-1 et L. 7322-2 du code du travail ;
Attendu que pour débouter les gérants de leur demande en requalification du contrat de gérance non salariée en contrat de travail et de leurs demandes afférentes, l'arrêt retient que les stipulations contractuelles conféraient aux intéressés la possibilité d'embaucher du personnel notamment pour les remplacer pendant leurs congés, que ce n'est pas parce qu'ils ne l'ont pas fait qu'ils ne pouvaient le faire, seules les contraintes économiques liées à l'insuffisance du chiffre d'affaires qu'ils réalisaient s'en trouvant à l'origine ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher si les gérants bénéficiaient de la possibilité effective d'embaucher leur propre personnel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen du pourvoi principal des gérants entraîne par voie de conséquence la cassation des chefs de l'arrêt relatifs aux demandes d'heures supplémentaires et de résiliation judiciaire du contrat de M. R... critiqués par les deuxième et sixième moyens de ce même pourvoi ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. et Mme R... de leurs demandes en requalification des contrats de gérance non salariée en contrats de travail, de dommages-intérêts afférents, de rappels de salaires au titre des heures supplémentaires et de résiliation judiciaire du contrat de travail de M. R... et des demandes indemnitaires afférentes à la rupture, l'arrêt rendu le 11 juillet 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société Distribution Casino France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à Payer aux époux R... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mai deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. et Mme R...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le contrat de gérance non salariée ne pouvait être requalifié en contrat de travail et d'AVOIR en conséquence débouté les époux de leurs demandes à titre de dommages et intérêts afférents à la requalification ;
AUX MOTIFS QUE L'article L 7322-2 du code du travail, applicable à l'espèce, dispose en son alinéa 1er : « Est gérant non salarié toute personne qui exploite, moyennant des remises proportionnelles au montant des ventes, les succursales des commerces de détail alimentaire ou des coopératives de consommation, lorsque le contrat intervenu ne fixe pas les conditions de son travail et lui laisse toute latitude d'embaucher des salariés ou de se faire remplacer à ses frais et sous son entière responsabilité ». Dans son préambule, l'accord collectif national du 18juillet 1963 mis à jour le 1er mars 2008, rappelle que ce statut spécifique de gérant mandataire résulte du fait que vis-à-vis de la clientèle, il se comporte comme un commerçant, ce qui implique indépendance du gérant dans la gestion de l'exploitation du fonds, c'est-à-dire autonomie dans l'organisation de son travail et intéressement direct à l'activité du magasin par des commissions calculées sur le montant des ventes, tout en bénéficiant, dans Je cadre de ce mandat d'intérêt commun liant le propriétaire du fonds au gérant qui jouit d'une indépendance, partage les risques de l'exploitation mais bénéficie d'un statut social légal et conventionnel. Le contrat de travail est constitué dès lors que se trouvent réunies trois conditions cumulatives : l'état de subordination juridique vis-à-vis de l'employeur, le versement d'une rémunération et la fourniture d'une prestation de travail ; le lien de subordination juridique se caractérise par J'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Cette subordination juridique ne se confond ni avec la subordination économique ni avec l'intégration dans un service organisé. La qualification d'une relation de travail ne dépend ni de la dénomination donnée par les parties à leur convention ni de la volonté qu'elles ont pu exprimer, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité. En l'espèce, les époux R... ont conclu avec la société DCF une pluralité de contrats de co-gérance dont le dernier en date du 18 septembre 2003 pour la gestion de la supérette de Cruas. Ce contrat est régi par les dispositions des articles L. 782-1 et suivants du code du travail et l'accord collectif national des maisons d'alimentation à succursales du 18 juillet 1963, "le mandat d'assurer à titre tout à fait précaire la gestion et l'exploitation notamment des magasins de vente au détail, pendant la période de congés des co-gérants titulaires dont le programme leur sera communiqué chaque début d'année sous réserve de modifications ultérieures dont ils seront informés, avec un délai de prévenance d'au moins JO jours, ou d'un de ses magasins de vente au détail dans 1'attente ou 1'acceptation dudit magasin par un couple de cogérants, de telle sorte que, soit par eux-mêmes, soit par tout tiers qu'ils se substitueront, sous leur responsabilité dans les conditions de l'article 1994 du Code Civil, l'ouverture du magasin soit assurée, conformément aux coutumes locales des commerçants-détaillants d'alimentation générale." Il est constant que les époux R... ont été rémunérés par des commissions déterminées dans les conditions prévues aux articles 9 à 13 du contrat et à 1'article 1er de l'avenant signé le même jour, réparties par moitié. L'article 2 du contrat stipule : "Les co-gérants seront indépendants dans leur gestion, dans la limite dudit mandat. Il leur appartiendra donc à cet effet de se conformer (sous leur responsabilité en cas d'infraction) à toutes les lois, règlements de ville et de police et tous les autres, ainsi qu'aux usages locaux pour ce genre de commerce. De même, ils engageront à leurs frais, pour leur propre compte et sous leur seule responsabilité, le personnel qu'ils estimeront utile à leur exploitation. Ils lui assureront le bénéfice de toutes les lois sociales. Se réservant de choisir eux-mêmes leur assurance, ils feront leur affaire de tous les accidents qui, dans leur gestion, pourraient survenir, soit à leur personnel, soit à quiconque. "L'article 3-F de l'avenant prévoit que "conformément à l'article 31 de l'accord collectif national du 18 juillet 1963, les horaires d'ouverture du magasin sont fixés par les co-gérants, conformément aux coutumes locales". Il est indiqué à l'article 3 du contrat que la clause de fourniture exclusive avec vente à prix imposé constitue une modalité commerciale qui ne modifie en rien la nature juridique du contrat, à l'article 6, que les cogérants "participeront aux actions promotionnelles et publicitaires et plus généralement à la politique commerciale de la Société en apposant le matériel publicitaire fourni par cette dernière et en se conformant à l'utilisation des divers documents qui leur seront transmis dans ce but", et à l'article 7, qu'il sera procédé périodiquement à un inventaire de règlement dans les conditions prévues à l'accord collectif national. L'article 3-E de l'avenant prévoit qu'en raison de leur indépendance, les cogérants ont la faculté de prendre leurs congés (sur la base de 2,5 jours ouvrables par mois de gestion, augmentés des congés d'ancienneté) dans les conditions jugées les plus favorables à la bonne marche du magasin et à l'intérêt commun des parties. L'article 3 de l'avenant précise en outre que du seul point de vue de la législation sociale et en vertu de l'accord collectif national du 18 juillet 1963 et des textes spéciaux visant les cogérants mandataires de supérettes, les cogérants seront assimilés à des salariés et bénéficieront des prestations de la sécurité sociale et des prestations familiales au même titre que les salariés. Au soutien de leur affirmation selon laquelle ils étaient néanmoins privés de toute indépendance et placés dans une situation de subordination vis-à-vis de la société DCF, outre diverses décisions de cours d'appel et de la Cour de cassation, les époux R... se réfèrent aux stipulations contractuelles, selon lesquelles : - ils ne pouvaient pas modifier la nature, la qualité ou la présentation des marchandises (article 3), -ils n'avaient aucun recours contre la société en cas de défaut de livraison des marchandises (article 4), -ils étaient tenus de participer aux actions promotionnelles et publicitaires et plus généralement à la politique commerciale de la société en apposant le matériel publicitaire fourni par cette dernière et en se conformant à 1'utilisation des divers documents qui leur seront transmis dans ce but (article 6), -ils étaient tenus de se soumettre aux différents inventaires imposés par la société, (article 7), -ils étaient limités dans leur possibilité de s'opposer aux décisions de la société, le contrat prévoyant que la non-contestation du bordereau des commissions dans les 8 jours de sa réception impliquait l'approbation plein et entière de cette situation de compte (article 12), - devaient se soumettre à un règlement des inventaires et de tous les comptes entre les parties au siège de la société (article 4). Mais comme ils le précisent eux-mêmes, ces stipulations ont trait à la dépendance commerciale, non à la fixation de leurs conditions de travail. Ils communiquent essentiellement : -la copie d'une carte de visite de M. C..., directeur commercial Petit Casino, sur laquelle est apposée une mention manuscrite "il est 15h00. Pas ouverture ??? " ; rien ne dit que cette pièce ait été glissée sous la porte de la supérette de Cruas ; -la copie d'une lettre adressée à M. O... dont Je contenu intéresse celui-ci et non les époux R... ; - la fiche ''process métier" du manager commercial, indiquant que la mission de ce responsable "consiste à apporter un soutien opérationnel dans la dynamisation commerciale des magasins (de son) secteur en relayant la politique d'enseigne auprès des gérants mandataires non salariés du réseau Petit Casino" - divers courriers adressés à des gérants de succursales dont il ressortirait un contrôle des horaires ; - une copie illisible d'une attestation d'un sieur G... dont il résulterait une pression permanente sur les gérants pour les inciter à ouvrir plus. Or, aucun de ces éléments qui doivent être examinés in concreto ne sont justifiés par eux puisque ces pièces sont produites de manière systématique dans les contentieux sériels initiés contre la société DCF. - copie d'un courrier du 21 février 2011 de M. R..., adressés à des interlocuteurs inconnus, par lequel il se plaignait de menaces de son directeur suite à son refus d'étendre les horaires d'ouverture du magasin - des copies de courriers demandant de manière réitérée sa mutation dans le SudOuest, lesquels seraient demeurés sans réponse par mesure de rétorsion. Ces pièces, qui ne constituent que des allégations non étayées, ne caractérisent pas le lien de subordination. Ils font encore valoir : -l'obligation d'assurer la réception et la livraison des colis CDISCOUNT -l'obligation de passer les commandes aux dates et selon les volumes fixés par la société -les contrôles effectués par le service commercial - 1'évaluation régulière des gérants non-salariés par la société - les opérations commerciales et partenariats imposés -les méthodes d'entretien du magasin - les commandes de matériel obligatoirement passées auprès de la société -l'obligation de port d'une tenue de travail -le contrôle des ventes par la société. Tous ces points intéressent les modalités d'exploitation commerciale de la supérette et donc le contrôle qu'exerce le mandant sur le respect des obligations contractuelles par le mandataire. - les périodes de congés imposées par la société : ils produisent à cet égard copie d'un courrier du 25 novembre 2008 par lequel ils sollicitaient auprès d'interlocuteurs non identifiés des périodes de congés. Le sort réservé à cette demande est inconnu, d'autant plus que les stipulations contractuelles confèrent aux gérants la possibilité d'embaucher du personnel notamment pour les remplacer pendant leurs congés notamment. Ce n'est parce qu'ils ne l'ont pas fait qu'ils ne pouvaient le faire, seules les contraintes économiques liées à l'insuffisance du chiffre d'affaires qu'ils réalisaient s'en trouvant à l'origine. - l'absence de rémunération proportionnelle au montant des ventes : les époux R... considèrent qu'à partir du moment où le montant des commissions basées sur le chiffre d'affaires s'est révélé si faible que la société a dû leur verser le complément de commission prévue par l'accord collectif national du 18 juillet 1963, ils étaient placés dans un lien de subordination économique avec la société. Toutefois, ce faisant, ils reconnaissent se placer sur le plan de la dépendance économique, étrangère à la caractérisation du lien de subordination. Il ne résulte donc pas des éléments mis en exergue ni des quelques éléments apportés in concreto que les époux R... ni dans les clauses du contrat ni dans leur application effective se soient vus imposer les conditions de leur travail par la société et la démonstration du lien de subordination n'est pas apportée. Le jugement sera réformé en ce qu'il a fait droit à cette demande et alloué à chacun des époux la sommes de 20 000 euros de ce chef.
ALORS QUE le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que constitue un élément caractéristique du lien de subordination des gérants dits non-salariés l'impossibilité dans laquelle ils se trouvent d'embaucher de manière effective des salariés pour assurer leur propre remplacement ; qu'en l'espèce les époux soutenaient que leur rythme de congés leur était imposé par la société et qu'ils étaient dans l'impossibilité effective d'embaucher du personnel pour les remplacer durant ces périodes du fait de la faiblesse de leur chiffre d'affaires, dont les conditions étaient déterminés notamment par les obligations imposées par la société ; que pour exclure l'existence d'un lien de subordination, la cour d'appel a considéré que la prise de congé des époux ne leur était pas imposée, cela d'autant plus que le contrat conférait aux époux la possibilité d'embaucher du personnel notamment pour les remplacer pendant leurs congés et que « ce n'est pas parce qu'ils ne l'ont pas fait qu'ils ne pouvaient le faire, les contraintes économiques liées à l'insuffisance du chiffre d'affaires qu'ils réalisaient s'en trouvant à l'origine » ; qu'en statuant par de tels motifs, qui n'étaient pas de nature à exclure le fait que les époux se trouvaient dans l'impossibilité effective d'embaucher des salariés pour les remplacer, la cour d'appel, qui aurait dû rechercher si la faiblesse du chiffre d'affaires ne résultait pas également des contraintes imposées par la société, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les époux de leurs demandes au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents ;
AUX MOTIFS QUE Au soutien de leur demande en paiement de la somme, pour M. R... de 110 313,14 euros, pour Mme R... de 35 933,18 euros, pour la période non prescrite la plus large d'octobre 2008 à avril2014, à titre d'heures supplémentaires accomplies, et des congés payés afférents, ils exposent que la taille des magasins et la charge de travail imposait aux deux cogérants de travailler en permanence, et qu'il y a lieu d'ajouter au temps de travail incompressible, représentant en environ 65 heures par semaine, le temps de travail nécessaire à la réalisation de diverses tâches (réception des livraisons, mise en place des produits, contrôle des périmés, clôture des opérations de caisse, passation des commandes, changements des prix de vente, nettoiement et rangement du magasin, consultation de la messagerie électronique et présence durant les inventaires), ce qui augmentait d'environ 25% le temps de travail résultant des horaires d'ouverture. Ils produisent des tableaux annuels, mentionnant, pour chacun, le nombre d'heures de travail réalisées chaque semaine, ainsi qu'un tableau récapitulant le nombre d'heures supplémentaires majorées à 25 % et 50 %, et le total des sommes dues. Cependant, non seulement la preuve n'est pas rapportée que la société Casino leur ait imposé, à titre individuel, 1'exécution d'horaires de travail déterminés, hors les horaires d'ouverture et de fermeture des magasins, mais en outre ces éléments ne sont pas suffisamment précis pour permettre à 1'intimée de répondre. Le jugement sera donc réformé de ce chef en ce qu'il a fait droit aux demandes en louant les sommes de 42 000 et de 12 000 euros, outre les congés payés y afférents ;
1° ALORS QUE, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'en déboutant les époux aux motifs que les éléments produits étaient insuffisamment précis pour permettre à la société d'y répondre quand elle a constaté qu'ils produisent des tableaux annuels, mentionnant, pour chacun, le nombre d'heures de travail réalisées chaque semaine, ainsi qu'un tableau récapitulant le nombre d'heures supplémentaires majorées à 25 % et 50 %, et le total des sommes dues, ce qui permettait à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve exclusivement sur les salariés, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;
2° ALORS au surplus QU'en déboutant les époux aux motifs que la preuve n'était pas rapportée que la société leur ait imposé, à titre individuel, l'exécution d'horaires de travail déterminé, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve exclusivement sur ces derniers, a derechef violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les époux de leur demande de rappels de salaire au titre des minima conventionnels ;
AUX MOTIFS QUE Il est stipulé à1'article 1er de l'avenant au contrat de cogérance que, conformément à l'article 6 de l'accord collectif national du 18 juillet 1963, la rémunération des cogérants consistera en une commission au taux de 6 % calculée sur le chiffre d'affaires brut, qui aura le caractère d'un forfait de gestion, avec un minimum mensuel garanti de 2 365 euros, et que cette "commission globale" sera répartie selon les modalités convenues entre eux, l'un ou l'autre des cogérants pouvant avoir une activité incomplète ; Les cogérants non salariés fixant eux-mêmes leurs propres conditions de travail, notamment les horaires d'ouverture, ainsi que les modalités de répartition de la commission forfaitaire mensuelle en fonction de l'activité de chacun, les époux R... qui n'établissent pas les horaires de travail de chacun ne sont pas fondés à soutenir que le minimum conventionnel est dû à chaque cogérant.
1° ALORS QUE les juges sont tenus de respecter l'objet du litige et les demandes des parties telles qu'elles résultent des écritures fournies par elles ; que pour débouter les époux de leur demande de rappels de salaire, la cour d'appel s'est exclusivement fondée sur l'article 6 de l'accord collectif national du 18 juillet 1963 concernant les gérants non-salariés des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés "gérants mandataires" ; qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune des parties n'avait allégué l'application de cette disposition, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.
2° ALORS ENCORE QUE, l'accord collectif national du 18 juillet 1963 concernant les gérants non-salariés des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés « gérants mandataires » du 18 juillet 1963 prévoit à son article 5 une « une commission mensuelle minimum, tant pour la gérance d'appoint que pour la gérance normale » fixée la « gérance 1ère catégorie » à 1 635 euros par mois et pour la « gérance 2ème catégorie » à 2 380 euros par mois ; que la gérance 2ème catégorie ou « gérance normale » est définie à l'article 4 comme celle « attachée à une succursale nécessitant l'activité effective de plus d'une personne» et qui est « assurée par deux gérants mandataires non-salariés au minimum fait l'objet d'un contrat de cogérance » ; que cependant l'article 7 de l'accord prévoit que « dans le cas de cogérance, le forfait de commission sera réparti entre les cogérants mandataires non-salariés en considération des aménagements convenus entre eux pour la gestion du magasin qui leur est confié pouvant conduire à une activité incomplète de l'un des cogérants mandataires non-salariés » et que « la répartition convenue entre les cogérants mandataires non-salariés est consignée en annexe à leur contrat » ; qu'il s'en évince que le choix d'une répartition des commissions entre les parties doit résulter d'une clause expresse des contrats de gérance, et qu'à défaut d'accord entre les parties, les co-gérants ont droit au versement, chacun, du minimum garanti à l'article 5, à savoir 2 380 euros par mois ; que pour dire le contraire, la cour d'appel a considéré que les cogérants non-salariés fixant eux-mêmes leurs propres conditions de travail, notamment les horaires d'ouverture, ainsi que les modalités de répartition de la commission forfaitaire mensuelle en fonction de 1'activité de chacun, les époux R... qui n'établissaient pas les horaires de travail de chacun ne sont pas fondés à soutenir que le minimum conventionnel est dû à chaque cogérant ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 4, 5 et 7 de l'accord collectif national du 18 juillet 1963 concernant les gérants non-salariés des maisons d'alimentation aÌ succursales, supermarchés, hypermarchés « gérants mandataires» du 18 juillet 1963
QUATRIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les époux de leur demande au titre du non-respect de l'obligation de formation ;
AUX MOTIFS QUE L'article 3 de l'accord du 18 juillet 1963 fait peser sur les entreprises une obligation de formation des gérants mandataires non-salariés, comprenant un "perfectionnement professionnel pouvant être nécessité, notamment par l'introduction de nouvelles technologies ou la commercialisation de nouveaux produits." Si les époux R... déclarent n'avoir jamais reçu de formation de perfectionnement suite à la mise en place par la société, dans des circonstances qu'ils ne précisent pas, des caisses informatisées et des logiciels de gestion des commandes de marchandises, ils ne produisent aucun élément prouvant la nécessité d'un perfectionnement professionnel pour l'utilisation de ces outils informatiques, qu'elle n'apparaît pas d'ailleurs avoir jamais sollicité, tandis que la société Distribution Casino France justifie que les cogérants bénéficiaient de l'assistance commerciale et professionnelle nécessaire de la part de leur manager commercial, et se voyaient adresser les documents utiles, y compris dans le domaine informatique. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté, fusse implicitement, cette demande.
1° ALORS QUE, les juges sont tenus de respecter les demandes des parties ; que l'article 3 de l'accord collectif national du 18 juillet 1963 concernant les gérants non-salariés des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés "gérants mandataires" distingue entre trois types de formation : initiale, complémentaire, et de perfectionnement ; qu'en l'espèce, les époux se prévalaient de la violation par la société de son obligation de formation, non seulement dite de perfectionnement, mais également de formation complémentaire ; qu'en examinant seulement les conditions de mise en oeuvre de la formation de perfectionnement sans rechercher si la société avait manqué à la mise en oeuvre de son obligation de formation complémentaire, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 3 de l'accord collectif national du 18 juillet 1963 concernant les gérants non-salariés des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés "gérants mandataires" ;
2° ALORS QU'il résulte de l'article 3 de l'accord collectif national du 18 juillet 1963 concernant les gérants non-salariés des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés "gérants mandataires" que la formation complémentaire est obligatoire et ne nécessite aucune sollicitation de la part des gérants ; qu'en considérant que les époux ne produisaient aucun élément prouvant la nécessité d'un perfectionnement professionnel pour l'utilisation des outils informatiques et qu'elle n'apparaissait pas avoir été sollicité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
3° ALORS QU' en considérant que les époux avaient bénéficié de1'assistance commerciale et professionnelle nécessaire de la part de leur manager commercial et s'étaient vus adresser les documents utiles, y compris dans le domaine informatique, quand l'article 3 de l'accord collectif national du 18 juillet 1963 concernant les gérants non-salariés des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés "gérants mandataires" distingue la formation complémentaire et l'assistance commerciale et professionnelle, la cour d'appel a derechef violé ce texte ;
4° ALORS à tout le moins, QU'en statuant ainsi, sans expliquer en quoi l'assistance commerciale et professionnelle pouvait correspondre à l'obligation de formation complémentaire prévue à l'article 3 B de l'accord collectif national du 18 juillet 1963 concernant les gérants non-salariés des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés "gérants mandataires", la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard du texte susvisé.
CINQUIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les époux de leur demande au titre du prêt de main d'oeuvre illicite ;
AUX MOTIFS QUE L'article L. 8241-1 du code du travail prévoit que toute opération ayant pour objet exclusif prêt de main-d'oeuvre est interdite. L'activité Cdiscount consistant à conserver un colis en dépôt jusqu'à son retrait par son destinataire, pendant les horaires d'ouverture du magasin, moyennant une indemnisation de 30 centimes par colis, avec pour conséquence un apport de clientèle, dans le cadre de la politique commerciale définie par la société Casino, il convient de rejeter cette demande, nouvelle en cause d'appel.
ALORS QUE constitue une opération de prêt de main d'oeuvre illicite toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'oeuvre ; que pour rejeter la demande des époux, la cour d'appel a considéré que l'activité de gestion des colis Cdiscount était rétribuée et qu'elle était de nature à développer le chiffre d'affaires de la supérette ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à exclure l'existence d'un prêt de main d'oeuvre illicite, la cour d'appel a violé l'article L. 8241-1 du code du travail.
SIXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. R... de sa demande de résiliation judiciaire aux torts exclusifs de la société et de l'AVOIR en conséquence débouté de l'ensemble de ses demandes de ce chef ;
AUX MOTIFS QUE celui-ci fait valoir divers manquements de la société DCF au soutien de cette demande : 1° il n'a pas bénéficié d'une assistance commerciale et professionnelle au départ en retraite de son épouse, quand il a dû poursuivre seul l'exploitation de la supérette ; 2° il a perçu une rémunération inférieure au minimum conventionnel pour la gérance d'une supérette 2ème catégorie ; 3° il a été contraint de travailler plus de 48 heures par semaine en violation de la législation relative à la durée du travail ; 4° il a été victime d'un prêt de main d'oeuvre illicite au bénéfice de la société Cdiscount ; 5° la société n'a pas donné suite à ses demandes répétées de mutation dans le SudOuest ; 6° la société a retardé le versement des indemnités journalières du 28 août au 28 novembre 2015 en raison de la procédure prud'homale ; 7° il n'a pas bénéficié de formations. Il a été vu ci-dessus que les griefs 2, 3, 4 et 7 ne sont pas fondés. Sur le grief 1, à aucun moment il ne justifie avoir sollicité la moindre assistance commerciale et professionnelle ; Sur le grief 5, la société a répondu aux demandes de mutation dans le Sud Ouest en formulant deux offres sur la ville de Toulouse qui ont été refusées par les époux R... ; la société a pris acte des demandes de M. R... en lui répondant ne pouvoir satisfaire à ses demandes en raison de l'indisponibilité de Petit Casino en zone rurale répondant à ses demandes. Il ne référence aucune pièce sur son allégation d'avoir attiré l'attention sur trois magasins remplissant les critères recherchés. Sur le grief 6, il apparaît que la société a procédé aux diligences requises dès qu'elle a été mise en possession par M. R... des pièces nécessaires au versement des indemnités journalières qui ne lui ont été transmises que le 20 novembre 2015 ; La demande de résiliation judiciaire n'est pas fondée en l'absence de manquements de l'employeur dans ses obligations.
ALORS QUE le non-respect par l'employeur de ses engagements contractuels ou conventionnels justifient le prononcé de la résiliation judiciaire aux torts exclusifs de celui qui y a manqué ; que pour dire que la demande de résiliation judiciaire n'était pas fondée, la cour d'appel a considéré que les griefs de non-respect des minima conventionnels, de violation de la législation sur le temps de travail, de violation des dispositions relatives au prêt de main d'oeuvre, et de violation de l'obligation de formation prévue à l'article 3 de l'accord de 1963 n'étaient pas avérés ; que la cassation à intervenir aux deuxième et/ ou troisième et/ou quatrième et/cinquième moyens entrainera l'annulation par voie de conséquence du chef querellé au présent moyen par application de l'article 624 du code de procédure civile, Moyen produit au pourvoi incident par la SCP SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Distribution Casino France
Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR dit que la rupture abusive du contrat du 29 juillet 2010 par la société DCF produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au préjudice de M. K... R..., d'AVOIR en conséquence condamné la société DCF à lui payer les sommes de 4730 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis 473 euros au titre des congés payés y afférents, 12 942 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, 35 500 euros à titre de dommages et intérêts, et d'AVOIR ordonné le remboursement par la société DCF aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, et dit qu'une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes conformément aux dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail, et d'AVOIR condamné la société DCF aux dépens et à verser à M. R... une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « La société a procédé à la résiliation du contrat de M. R... au motif de son inaptitude à occuper son poste suite aux deux visites de reprise des 11 et 16 avril 2016, le médecin du travail concluant à l'inaptitude définitive au poste de gérant de la supérette de Cruas et à son aptitude à un autre poste.
M. R... demande de requalifier cette rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, faisant valoir le manquement de la société à son obligation de sécurité, ne l'ayant soumis à aucune visite médicale avant la visite de pré-reprise du 29 mars 2016, que l'origine de son inaptitude se trouve dans les conditions de travail imposées par la société qui l'a fait travailler seul dans une succursale de 2éme catégorie ouverte 7 jours sur 7 et que la société n'a pas respecté l'obligation de reclassement.
La société conteste en faisant valoir les spécificités de l'accord du 18 juillet 1963 quant à la responsabilité propre du gérant à se soumettre à un contrôle de santé annuel, M. R... n'ayant jamais organisé ses visites médicales devant le médecin du travail ou sollicité son aide pour le faire ; elle conteste toute menace pour l'obliger à ouvrir 7 jours sur 7 ; elle précise que la revendication de M. R... en application des dispositions du code du travail relatives à la rupture est inopportune.
Toutefois, il est de jurisprudence établie qu'il résulte de l'article L. 7322-1 du code du travail que les dispositions de ce code bénéficiant aux salariés s'appliquent en principe aux gérants non-salariés de succursales de commerce de détail alimentaire et qu'il en résulte que les dispositions des articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail leur sont applicables (Cass soc 15 mai 2007 n° 0640872, récemment rappelée le 5 octobre 2016 n° 1522730).
La société soutient que cette extension des mesures de protection édictées par le code du travail ne pourrait bénéficier au gérant non-salarié que sous réserve des aménagements expressément prévus par les dispositions particulières le concernant, argument par lequel elle entend limiter la recherche de reclassement à un unique poste de gérant non salarié sous peine de dénaturer la relation contractuelle.
Or, qu'il s'agisse en l'espèce des dispositions de l'article L1226-2 ou de celle de l'article L 1226-l0 du code du travail, la société était tenue après déclaration d'inaptitude de proposer à M. R... un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et aussi comparables que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail.
Il est constant que la société DCF n'a effectué aucune recherche de reclassement à l'intérieur du groupe.
Elle ajoute aux dispositions de la loi puisque l'emploi recherché dans le cadre de l'exécution loyale et sérieuse de reclassement doit être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé mais non identique et sous même statut.
La rupture sans recherche de reclassement loyale et sérieuse est abusive et ouvre droit au profit de M. R... à l'allocation de :
-l'indemnité de préavis à hauteur de deux mois de rémunération, soit 4730 euros, outre congés payés y afférents
- l'indemnité légale de licenciement calculée sans discussion sur le quantum par la société de 12 942 euros
- une indemnité pour rupture abusive qui, au regard de l'ancienneté et de l'âge de M. R... au jour de la rupture s'évalue à la somme de 35 500 euros »
ALORS QU'aux termes de l'article L. 7322-1 du code du travail, les dispositions de ce code bénéficiant aux salariés s'appliquent en principe aux gérants non-salariés de succursales de commerce de détail alimentaire, sous réserve des aménagements expressément prévus par les dispositions particulières les concernant ; que l'article L 7322-2 du code du travail définit le gérant non-salarié comme celui qui exploite, moyennant des remises proportionnelles au montant des ventes, les succursales des commerces de détail alimentaire ou des coopératives de consommation lorsque le contrat intervenu ne fixe pas les conditions de son travail et lui laisse toute latitude d'embaucher des salariés ou de se faire remplacer à ses frais et sous son entière responsabilité ; qu'il en résulte que dans le cadre de son obligation de reclassement en cas d'inaptitude du gérant non-salarié à son poste, la succursale qui doit rechercher un reclassement sur un « emploi le plus comparable possible au poste précédemment occupé » par application des articles L 1226-2 et L 1226-10 du Code du travail, n'est tenue de rechercher ce reclassement que parmi les « postes » de gérants non-salarié ; qu'en l'espèce, M. R... ayant été déclaré inapte à un tel poste, la société Casino en déduisait que son reclassement était impossible (ses conclusions d'appel p 41) ; qu'en jugeant que la société Casino n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement au motif qu'elle aurait dû envisager un reclassement à un poste sous statut différent (sous-entendu un poste de salarié) et procéder à des recherches en ce sens au sein du groupe dont elle fait partie, la cour d'appel a violé les articles L 7322-1, L 7322-2, L 1226-10 et L 1226-12 du Code du travail.