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07/05/2019 | FRANCE | N°17-20967

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 07 mai 2019, 17-20967


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue en la forme des référés par le président d'un tribunal de grande instance (Paris, 30 juin 2017), que la société Gaz réseau distribution France (la société GRDF), gestionnaire du réseau public de distribution de gaz naturel en France, a lancé une procédure de mise en concurrence en vue de la conclusion d'un accord-cadre portant sur des « prestations de facility management sur son parc immobilier » ; qu'informée du rejet de ses offres portant sur les lots n°

1 et 5 de ce marché, la société Steam'O a saisi le juge du référé préc...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue en la forme des référés par le président d'un tribunal de grande instance (Paris, 30 juin 2017), que la société Gaz réseau distribution France (la société GRDF), gestionnaire du réseau public de distribution de gaz naturel en France, a lancé une procédure de mise en concurrence en vue de la conclusion d'un accord-cadre portant sur des « prestations de facility management sur son parc immobilier » ; qu'informée du rejet de ses offres portant sur les lots n° 1 et 5 de ce marché, la société Steam'O a saisi le juge du référé précontractuel en demandant l'annulation de la décision d'attribution et, au besoin, avant dire droit, la communication d'une copie des dossiers techniques déposés par l'attributaire du marché ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Steam'O fait grief à l'ordonnance du rejet de ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ que la qualification de pouvoir adjudicateur, au sens et pour l'application des articles 2 à 4 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009, s'apprécie au regard de l'objet du contrat en cause et non seulement au regard de l'organe ayant passé la commande litigieuse ; que si un opérateur de réseau a en principe la qualité d'entité adjudicatrice, il agit en tant que pouvoir adjudicateur lorsqu'il engage une procédure de passation d'un contrat dont l'objet est sans lien avec cette activité d'opérateur de réseau ; qu'en l'espèce, elle faisait valoir dans ses conclusions que bien que la société GRDF soit un opérateur de réseau au sens de l'article 11 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015, l'objet du marché de prestations de facility management, telles que définies aux articles II.1.4 et II.2.4 de l'avis de marché, était sans lien avec l'activité d'opérateur de réseau de la société GRDF, de sorte que cette dernière avait agi en qualité non d'entité adjudicatrice mais de pouvoir adjudicateur ; qu'en déduisant la qualité d'entité adjudicatrice qu'avait eue la société GRDF de l'exercice par cette dernière d'une activité d'opérateur de réseau, quand cette qualification dépendait également de l'objet du contrat qui devait être en lien avec cette activité, ce qui était contesté, le juge du référé précontractuel a violé les articles 3 et 5 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009, ensemble les articles 11 et 12 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

2°/ que les activités d'opérateur de réseau sont définies à l'article 12 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 comme « la mise à disposition, l'exploitation ou l'alimentation de réseaux fixes destinés à fournir un service au public dans le domaine de la production, du transport ou de la distribution » notamment de gaz, ainsi que « les activités relatives à l'exploitation d'une aire géographique ayant pour objet : a) d'extraire du pétrole ou du gaz (
) » ; qu'en l'espèce, la consultation engagée par la société GRDF portait sur des prestations de services décrites aux articles II.1.4 et II.2.4 de l'avis de marché de la façon suivante : « Astreinte technique FM - Astreinte évènement climatique - Chauffage Ventilation climatisation - Courants Forts - Vidéo surveillance, contrôle d'accès et anti intrusion - Ouvertures automatiques - Petit entretien Technique - Plomberie sanitaire et production eau chaude sanitaire - Protection incendie - Séparateur à hydrocarbure et réseaux divers - Levage, Détection incendie - Toiture terrasse (
) - Dératisation, Désinfection et Désinsectisation - Accueil physique, téléphonique et gestion des salles de réunion - Courrier et colis - Espaces verts - Déneigement - Sécurité et Gardiennage - Nettoyage - Télésurveillance - Distributeur de boissons et fontaines - Gestion des badges - Gestion des postes de travail" ; qu'en affirmant que l'objet du contrat était bien en lien avec l'activité de réseau de la société GRDF, quand les prestations en cause portaient sur la gestion de sites loués par la société GRDF ne correspondant pas à des activités d'exploitation, de mise à disposition ou d'alimentation du réseau géré par cette société, le juge du référé précontractuel a violé l'article 1134 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, nouvel article 1103 du code civil) ensemble les articles 3 et 6 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 ;

3°/ que l'acheteur soumis aux règles de la commande publique doit communiquer au candidat dont l'offre n'a pas été retenue alors qu'elle n'était ni inappropriée, ni irrégulière, ni inacceptable, les caractéristiques et avantages de l'offre retenue ainsi que le nom de l'attributaire du marché public ; qu'en jugeant que dès lors que la société GRDF avait agi en qualité, non de pouvoir adjudicateur, mais d'entité adjudicatrice, il n'avait pas le pouvoir d'ordonner la communication des dossiers techniques déposés par la société attributaire des marchés, le juge du référé précontractuel a violé l'article 6 de l'ordonnance du 7 mai 2009, ensemble l'article 56 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 et l'article 99 du décret du 25 mars 2016 ;

Mais attendu qu'ayant exactement constaté que la société GRDF ne remplit aucun des critères permettant de la qualifier de pouvoir adjudicateur, puisqu'elle n'est ni une personne morale de droit public ni une société commerciale, qu'elle n'exerce pas une activité autre qu'industrielle et commerciale et qu'elle n'a pas été constituée par des pouvoirs adjudicateurs, mais qu'elle est une entité adjudicatrice, dès lors qu'elle bénéficie de droits exclusifs et spéciaux sur sa zone de desserte, c'est à bon droit que le juge des référés précontractuel a dit que les marchés conclus par cette société, peu important leur objet, ne sont pas soumis aux dispositions des articles 2 et 3 de la sous-section 1 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique, de sorte qu'il ne disposait ni du pouvoir d'annuler la décision d'attribution du marché en cause, ni de celui d'ordonner la communication des dossiers techniques déposés par la société attributaire des marchés ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Steam'O fait le même grief à l'ordonnance alors, selon le moyen :

1°/ que le juge doit respecter les termes du litige qui lui est soumis, tels qu'ils résultent des prétentions et moyens des parties ; qu'à l'appui de ses demandes, elle faisait valoir que la société GRDF n'avait pas analysé les offres qu'elle avait formulées de manière objective et cohérente dans la mesure où s'agissant de cinq des sept thèmes composant le volet technique de la consultation, qui correspondaient à des informations générales qu'elle avait traitées de manière rigoureusement identique dans les mémoires qu'elle avait déposés au titre des lots 2 et 6 d'une part, et des lots 1 et 5 d'autre part, elle avait obtenu des notes différentes selon les marchés, ce qui attestait de l'incohérence du système de notation technique mis en oeuvre par la société GRDF et caractérisait une dénaturation des offres qu'elle avait formulées ; qu'en écartant ce moyen au motif que les éléments dont la société Steam'O faisait état ne consistaient « qu'à remettre en cause l'appréciation faite par GRDF de la valeur des dossiers techniques remis par les candidats », quand elle ne contestait pas le bien-fondé de la notation qui lui avait été attribuée mais l'incohérence du système de notation mise en place, le juge du référé précontractuel a dénaturé ses écritures et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que les critères employés pour départager les candidats à la consultation portant sur l'attribution d'un marché privé de la commande publique doivent être objectifs et non-discriminatoires ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'il y était invité, si la circonstance que la société GRDF ait attribué des notes techniques différentes de parfois près de deux points à des thèmes de la consultation formulés dans le CCTP et traités par la société Steam'O de manière strictement identique ne caractérisait pas une méconnaissance par la société GRDF de ses obligations d'égalité, d'impartialité et de transparence, le juge du référé précontractuel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de l'ordonnance du 7 mai 2009, ensemble l'article 42 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 ;

3°/ que le marché privé de la commande publique est attribué au soumissionnaire qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base d'un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution ; que ces critères de sélection doivent être portés à la connaissance des soumissionnaires préalablement à la consultation ; qu'elle faisait valoir que les critères de notation employés par la société GRDF n'étaient pas précisés dans le règlement de consultation qui faisait seulement état d'un pourcentage attribué à chacun des thèmes composant le volet technique de la consultation ; qu'elle soulignait également que l'outil de notation employé n'était pas indiqué et qu'aucune raison n'avait été fournie afin de justifier que la note finale qui lui avait été attribuée comporte trois chiffres après la virgule au lieu de deux pour toutes les autres notes ; qu'en se bornant à retenir qu'elle n'était pas fondée à soutenir que le marché aurait dû lui être attribué en raison du très faible écart de points - 9,205 contre 9,210 - entre les notes globales, dès lors qu'elle ne caractérisait aucunement la méconnaissance d'une règle de mise en concurrence particulière, sans rechercher si la société GRDF n'avait pas méconnu ses obligations d'égal traitement des candidats et de transparence en ne communiquant pas les critères de sélection des offres qui lui seraient présentées ainsi que leurs modalités de mise en oeuvre, le juge du référé précontractuel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de l'ordonnance du 7 mai 2009, ensemble l'article 42 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 ;

Mais attendu, en premier lieu, que la société Steam'O ayant soutenu dans ses conclusions que la société GRDF avait dénaturé les termes de son offre pour n'avoir pas analysé celle-ci de manière cohérente et que la méthode de notation était entachée d'irrégularité en raison de son défaut d'objectivité et d'homogénéité, c'est sans modifier l'objet du litige que le juge des référés a retenu que les éléments dont elle faisait état consistaient à remettre en cause l'appréciation faite par l'entité adjudicatrice de la valeur des dossiers techniques remis, dès lors que c'était en raison de cette appréciation et non de la méconnaissance du contenu de ses offres, que le marché ne lui avait pas été attribué ;

Et attendu, en second lieu, que l'ordonnance relève que le marché devait être attribué à l'offre économiquement la plus avantageuse sur la moyenne de deux critères, financier et technique, le premier comptant pour 75 % et le second pour 25 % ; qu'elle retient ensuite que la société Steam'O ne pouvait soutenir qu'elle aurait dû être l'attributaire du marché en raison du très faible écart entre les notes globales, dès lors qu'elle ne caractérisait pas la méconnaissance d'une règle particulière de mise en concurrence ; que de ces motifs dont il ressort que ces critères objectifs de sélection des offres étaient connus des soumissionnaires, le juge des référés, qui a procédé aux recherches prétendument omises, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Steam'O aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Gaz réseau distribution France la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Steam'O

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir débouté la société Steam'O de l'ensemble de ses demandes, et d'avoir condamné la société Steam'O aux dépens ainsi qu'à payer à la société GRDF une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs que « l'article 1441-1 du code de procédure civile dispose : Les demandes présentées en vertu des articles 2 à 20 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique sont formées, instruites et jugées comme en matière de référés. Le juge qui envisage de prendre d'office une des mesures prévues aux articles 3, 6 et 15 à 18 de cette ordonnance doit, au préalable, inviter les parties à présenter leurs observations. Les décisions prises en application des articles 2 à 20 de cette ordonnance sont rendues en dernier ressort. Elles sont susceptibles de pourvoi en cassation dans les quinze jours de leur notification. Toutefois, la décision qui liquide une astreinte est susceptible d'un appel dans les quinze jours de sa notification. L'appel est formé, instruit et jugé selon les règles applicables à la procédure ordinaire avec représentation obligatoire. Par ailleurs, l'ordonnance n°2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique, à laquelle se réfère les parties, distingue les procédures applicables aux contrats passés par les pouvoirs adjudicateurs et ceux passés par une entité adjudicatrice. Il est ainsi disposé dans une sous-section 1, intitulée : contrats passés par les pouvoirs adjudicateurs : Article 2 En cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par des pouvoirs adjudicateurs des contrats de droit privé ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, les personnes ayant intérêt conclure l'un de ces contrats et susceptibles d'être lésées par ce manquement peuvent saisir le juge avant la conclusion du contrat. La demande est portée devant la juridiction judiciaire. Article 3 A la demande du requérant, le juge peut prendre les mesures provisoires tendant à ce qu'il soit ordonné à la personne morale responsable du manquement de se conformer à ses obligations et, le cas échéant, à ce que soit suspendue la procédure de passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts en présence et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. Le requérant peut également demander l'annulation des décisions qui se rapportent à la passation du contrat et la suppression des clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent les obligations mentionnées à l'article 2. La sous-section 2, intitulée : contrats passés par les entités adjudicatrices, dispose quant à elle : Article 5 En cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par des entités adjudicatrices des contrats de droit privé ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, les personnes ayant intérêt à conclure l'un de ces contrats et susceptibles d'être lésées par ce manquement peuvent saisir le juge avant la conclusion du contrat. La demande est portée devant la juridiction judiciaire. Article 6 A la demande du requérant, le juge peut prendre des mesures tendant à ce que la personne morale responsable du manquement se conforme à ses obligations, dans un délai qu'il fixe, et à ce que soit suspendue l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat. Il peut, en outre, prononcer une astreinte provisoire courant à compter de l'expiration des délais impartis. Le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. Si, à la liquidation de l'astreinte provisoire, le manquement constaté n'a pas été corrigé, le juge peut prononcer une astreinte définitive. L'astreinte, qu'elle soit provisoire ou définitive, est indépendante des dommages et intérêts. L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que GRDF est la société gestionnaire du réseau public de distribution de gaz naturel, activité qui lui a été dévolue par le législateur en totale indépendance vis-à-vis des opérateurs intervenant sur le marché concurrentiel de la fourniture de gaz naturel. Les articles 10 et 11 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 définissent les notions de « pouvoir adjudicateur » et « d'entité adjudicatrice », sur lesquelles les parties s'opposent. L'article 10 dispose que « Les pouvoirs adjudicateurs sont : 1° Les personnes morales de droit public ; 2° Les personnes morales de droit privé qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial, dont : Soit l'activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur ; Soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur ; Soit l'organe d'administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur ;
3° Les organismes de droit privé dotés de la personnalité juridique constitués par des pouvoirs adjudicateurs en vue de réaliser certaines activités en commun » ; que force est de constater que GRDF n'entre dans aucune de ces catégories, n'étant pas une personne morale de droit public, mais une société commerciale, n'exerçant pas une activité autre qu'industrielle et commerciale mais satisfaisant au contraire des besoins de nature commerciale, et enfin, n'est pas une entité constituée par des pouvoirs adjudicateurs ; qu'à l'inverse, GRDF est bien une entité adjudicatrice en application du 3° de l'article 11 de l'ordonnance précitée, dès lors qu'elle bénéficie de droits exclusifs et spéciaux sur sa zone de desserte ; qu'il en résulte que dans la mesure où GRDF n'est pas un pouvoir adjudicateur, la conclusion de ses marchés ou contrats n'est pas soumise aux dispositions des articles et 3 de la sous-section 1 de l'ordonnance n°2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique, GRDF pouvant en revanche être soumise aux dispositions des articles 5 à 8 de la même ordonnance (Sous-section II) qui concernent les contrats passés par les entités adjudicatrices ; qu'au regard de la nature du marché querellé, telle que cela ressort des pièces versées aux débats, il apparaît que l'objet du contrat est bien en lien avec l'activité de réseau de la société GRDF ; qu'il en résulte que le marché litigieux entre nécessairement dans le champ d'application du référé précontractuel, les mesures susceptibles d'être prononcées étant celles énumérées limitativement par l'article 6 de l'ordonnance du 7 mai 2009 précité, applicable aux contrats passé par les entités adjudicataires ; qu'or, si cet article 6 autorise le juge à prendre des mesures tendant à ce que la personne morale responsable du manquement se conforme à ses obligations, il ne l'autorise en revanche aucunement à annuler les mesures prises par l'autorité adjudicatrice. Il ne l'autorise pas plus à ordonner la communication des dossiers techniques déposés par l'attributaire du marché aux fins de permettre au candidat évincé d'effectuer des vérifications et contrôles ; qu'il en résulte que les demandes de la société STEAM'O visant à voir annuler la décision de rejet de l'offre, annuler la décision d'attribution du marché, annuler la procédure de passation du marché et visant à voir communiquer sous astreinte et avant-dire-droit des pièces concernant le marché doivent être rejetées ; qu'il s'en suit qu'il n'entre dans les limites des pouvoirs du juge saisi, au sens de l'article 6 précédemment cité, que de prendre des mesures tendant à ce que la personne morale responsable du manquement se conforme à ses obligations, ce qui suppose que ces manquements soient démontrés et établis ; qu'il est constant que le marché devait être attribué à l'offre économiquement la plus avantageuse, sur la moyenne de deux critères : financier et technique, le volet financier comptant pour 75 % dans la notation et le volet technique pour 25% ; qu'or, si la société STEAM'O soutient que le contenu de son offre a été dénaturée, à savoir que GRDF aurait modifié le sens clair et précis de son offre, pour l'écarter, elle n'en rapporte pas la preuve, alors que les éléments dont elle fait état à ce titre en réalité consistent à remettre en cause l'appréciation faite par GRDF de la valeur des dossiers techniques remis par les candidats, puisque c'est en raison de cette appréciation que le marché ne lui a pas été attribué ; qu'enfin, la société STEAM'O n'est pas fondée à soutenir que le marché aurait dû lui être attribué en raison du très faible écart de points – 9,205 contre 9,210 – entre les notes globales, alors qu'elle ne caractérise aucunement la méconnaissance d'une règle de mise en concurrence particulière » ;

Alors 1°) que la qualification de pouvoir adjudicateur, au sens et pour l'application des articles 2 à 4 de l'ordonnance n°2009-515 du 7 mai 2009, s'apprécie au regard de l'objet du contrat en cause et non seulement au regard de l'organe ayant passé la commande litigieuse ; que si un opérateur de réseau a en principe la qualité d'entité adjudicatrice, il agit en tant que pouvoir adjudicateur lorsqu'il engage une procédure de passation d'un contrat dont l'objet est sans lien avec cette activité d'opérateur de réseau ; qu'en l'espèce, la société Steam'O faisait valoir dans ses conclusions (p. 5-6) que bien que la société GRDF soit un opérateur de réseau au sens de l'article 11 de l'ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015, l'objet du marché de prestations de facility management, telles que définies aux articles II.1.4 et II.2.4 de l'avis de marché, était sans lien avec l'activité d'opérateur de réseau de la société GRDF, de sorte que cette dernière avait agi en qualité non d'entité adjudicatrice mais de pouvoir adjudicateur ; qu'en déduisant la qualité d'entité adjudicatrice qu'avait eue la société GRDF de l'exercice par cette dernière d'une activité d'opérateur de réseau, quand cette qualification dépendait également de l'objet du contrat qui devait être en lien avec cette activité, ce que contestait l'exposante, le juge du référé précontractuel a violé les articles 3 et 5 de l'ordonnance n°2009-515 du 7 mai 2009, ensemble les articles 11 et 12 de l'ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015 ;

Alors 2°) que les activités d'opérateur de réseau sont définies à l'article 12 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 comme « la mise à disposition, l'exploitation ou l'alimentation de réseaux fixes destinés à fournir un service au public dans le domaine de la production, du transport ou de la distribution » notamment de gaz, ainsi que « les activités relatives à l'exploitation d'une aire géographique ayant pour objet : a) D'extraire du pétrole ou du gaz (
) » ; qu'en l'espèce, la consultation engagée par la société GRDF portait sur des prestations de services décrites aux articles II.1.4 et II.2.4 de l'avis de marché de la façon suivante : « Astreinte technique FM - Astreinte évènement climatique - Chauffage Ventilation climatisation - Courants Forts - Vidéo surveillance, contrôle d'accès et anti intrusion - Ouvertures automatiques - Petit entretien Technique - Plomberie sanitaire et production eau chaude sanitaire - Protection incendie - Séparateur à hydrocarbure et réseaux divers - Levage * Détection incendie - Toiture terrasse (
) - Dératisation, Désinfection et Désinsectisation - Accueil physique, téléphonique et gestion des salles de réunion - Courrier et colis - Espaces verts - Déneigement - Sécurité et Gardiennage - Nettoyage - Télésurveillance - Distributeur de boissons et fontaines - Gestion des badges - Gestion des postes de travail » ; qu'en affirmant que l'objet du contrat était bien en lien avec l'activité de réseau de la société GRDF, quand les prestations en cause portaient sur la gestion de sites loués par la société GRDF ne correspondant pas à des activités d'exploitation, de mise à disposition ou d'alimentation du réseau géré par cette société, le juge du référé précontractuel a violé l'article 1134 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, nouvel article 1103 du code civil) ensemble les articles 3 et 6 de l'ordonnance n°2009-515 du 7 mai 2009 ;

Alors 3°) que l'acheteur soumis aux règles de la commande publique doit communiquer au candidat dont l'offre n'a pas été retenue alors qu'elle n'était ni inappropriée, ni irrégulière, ni inacceptable, les caractéristiques et avantages de l'offre retenue ainsi que le nom de l'attributaire du marché public ; qu'en jugeant que dès lors que la société GRDF avait agi en qualité, non de pouvoir adjudicateur, mais d'entité adjudicatrice, il n'avait pas le pouvoir d'ordonner la communication des dossiers techniques déposés par la société attributaire des marchés, le juge du référé précontractuel a violé l'article 6 de l'ordonnance du 7 mai 2009, ensemble l'article 56 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 et l'article 99 du décret du 25 mars 2016.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir débouté la société Steam'O de l'ensemble de ses demandes, et d'avoir condamné la société Steam'O aux dépens ainsi qu'à payer à la société GRDF une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, Aux motifs qu'« il est constant que le marché devait être attribué à l'offre économiquement la plus avantageuse, sur la moyenne de deux critères : financier et technique, le volet financier comptant pour 75 % dans la notation et le volet technique pour 25% ; qu'or, si la société STEAM'O soutient que le contenu de son offre a été dénaturée, à savoir que GRDF aurait modifié le sens clair et précis de son offre, pour l'écarter, elle n'en rapporte pas la preuve, alors que les éléments dont elle fait état à ce titre en réalité consistent à remettre en cause l'appréciation faite par GRDF de la valeur des dossiers techniques remis par les candidats, puisque c'est en raison de cette appréciation que le marché ne lui a pas été attribué ; qu'enfin, la Société STEAM'O n'est pas fondée à soutenir que le marché aurait dû lui être attribué en raison du très faible écart de points - 9,205 contre 9,210 - entre les notes globales, alors qu'elle ne caractérise aucunement la méconnaissance d'une règle de mise en concurrence particulière ; qu'il s'ensuit que la société STEAM'O doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes » ;

Alors 1°) que le juge doit respecter les termes du litige qui lui est soumis, tels qu'ils résultent des prétentions et moyens des parties ; qu'à l'appui de ses demandes, la société Steam'O faisait valoir (ses conclusions, p. 11-12) que la société GRDF n'avait pas analysé les offres qu'elle avait formulées de manière objective et cohérente dans la mesure où s'agissant de cinq des sept thèmes composant le volet technique de la consultation, qui correspondaient à des informations générales qu'elle avait traitées de manière rigoureusement identique dans les mémoires qu'elle avait déposés au titre des lots 2 et 6 d'une part, et des lots 1 et 5 d'autre part, elle avait obtenu des notes différentes selon les marchés, ce qui attestait de l'incohérence du système de notation technique mis en oeuvre par la société GRDF et caractérisait une dénaturation des offres qu'elle avait formulées ; qu'en écartant ce moyen au motif que les éléments dont la société Steam'O faisait état ne consistaient qu'« à remettre en cause l'appréciation faite par GRDF de la valeur des dossiers techniques remis par les candidats », quand l'exposante ne contestait pas le bien-fondé de la notation qui lui avait été attribuée mais l'incohérence du système de notation mise en place, le juge du référé précontractuel a dénaturé ses écritures et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Alors 2°) que les critères employés pour départager les candidats à la consultation portant sur l'attribution d'un marché privé de la commande publique doivent être objectifs et non-discriminatoires ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'il y était invité par les conclusions de la société Steam'O (p. 11-12), si la circonstance que la société GRDF ait attribué des notes techniques différentes de parfois près de deux points à des thèmes de la consultation formulés dans le CCTP et traités par la société Steam'O de manière strictement identique ne caractérisait pas une méconnaissance par la société GRDF de ses obligations d'égalité, d'impartialité et de transparence, le juge du référé précontractuel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de l'ordonnance du 7 mai 2009, ensemble l'article 42 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 ;

Alors 3°) que le marché privé de la commande publique est attribué au soumissionnaire qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base d'un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution ; que ces critères de sélection doivent être portés à la connaissance des soumissionnaires préalablement à la consultation ; que la société Steam'O faisait valoir que les critères de notation employés par la société GRDF (ses conclusions, p. 15) n'étaient pas précisés dans le règlement de consultation qui faisait seulement état d'un pourcentage attribué à chacun des thèmes composant le volet technique de la consultation ; qu'elle soulignait également que l'outil de notation employé n'était pas indiqué et qu'aucune raison n'avait été fournie afin de justifier que la note finale qui lui avait été attribuée comporte trois chiffres après la virgule au lieu de deux pour toutes les autres notes ; qu'en se bornant à retenir que la société Steam'O n'était pas fondée à soutenir que le marché aurait dû lui être attribué en raison du très faible écart de points – 9,205 contre 9,210 – entre les notes globales, dès lors qu'elle ne caractérisait aucunement la méconnaissance d'une règle de mise en concurrence particulière, sans rechercher si la société GRDF n'avait pas méconnu ses obligations d'égal traitement des candidats et de transparence en ne communiquant pas les critères de sélection des offres qui lui seraient présentées ainsi que leurs modalités de mise en oeuvre, le juge du référé précontractuel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de l'ordonnance du 7 mai 2009, ensemble l'article 42 de l'ordonnance du 23 juillet 2015.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-20967
Date de la décision : 07/05/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Paris, 30 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 07 mai. 2019, pourvoi n°17-20967


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Jean-Philippe Caston, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.20967
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