LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, des relations de M. F... et Mme P... sont nées V..., le [...] , et E..., le [...] ;
Attendu que, pour fixer la résidence des deux enfants au domicile de leur mère, l'arrêt retient qu'il apparaît opportun, dans l'intérêt actuel des filles en période de pré-adolescence et de puberté, qu'elles résident auprès de leur mère avec laquelle elles communiquent plus facilement sur des problèmes de tous ordres et intimes mieux que ne pourrait le faire un père ;
Qu'en relevant ainsi d'office le moyen tiré de la meilleure communication des enfants avec leur mère en raison de leur âge, que les parties n'avaient pas invoqué, sans les avoir invitées au préalable à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, autrement composée ;
Condamne Mme P... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept avril deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Krivine et Viaud, avocat aux Conseils, pour M. F...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR rejeté les demandes de M. F... tendant à obtenir la résidence de ses enfants à son domicile, D'AVOIR maintenu la résidence des enfants au domicile de leur mère et D'AVOIR fixé la contribution de M. F... à l'entretien et l'éducation des enfants à la somme de 171 ¿ par mois et par enfant, soit 342 ¿ au total ;
AUX MOTIFS QU'il ressort des documents versés (notamment les mails échangés entre les parents) que le séjour de Mme P... à Mayotte annoncé initialement par Mme P... pour une durée de deux années à Mayotte à compter du mois d'août 2012 s'est prolongé jusqu'en août 2017 et que Mme P... a obtenu dans son intérêt professionnel une mutation à la faculté de Brest en septembre 2017 ; que si M. F... a pu nourrir une sorte d'amertume compréhensible à l'encontre de son ancienne compagne qui, selon lui, privilégie sa carrière professionnelle au détriment des relations entre les filles et leur père, puisque les conditions de vie ont été compliquées pendant plusieurs années par la séparation et l'éloignement géographique et ont limité l'exercice normal des droits de visite au cours de l'année, et s'il présente toutes les qualités pour s'occuper de ses enfants, il apparaît cependant opportun dans l'intérêt actuel des filles en période de préadolescence et de puberté (11 et 10 ans) de fixer leur résidence au domicile de la mère avec laquelle elles communiquent plus facilement sur des problèmes de tous ordres et intimes mieux que ne pourrait le faire un père ; que compte tenu de l'éloignement des parents entre Nantes et Brest et de leurs relations actuelles, la solution de la garde alternée ne semble pas encore envisageable ; qu'en conséquence, il convient de réformer le jugement et de fixer la résidence des deux enfants au domicile de la mère en prévoyant un droit de visite et d'hébergement ;
1°) ALORS QUE le juge doit faire respecter et respecter lui-même le principe de la contradiction en toutes circonstances ; qu'au cas d'espèce, il ne résulte ni de la requête aux fins d'assignation à jour fixe déposée par Mme P... devant la cour d'appel le 22 septembre 2017, ni de son assignation à jour fixe du 10 octobre 2017, ni des conclusions d'appel de M. F..., ni des commémoratifs de l'arrêt attaqué, qu'ait été soulevé le moyen tiré de ce que l'intérêt des enfants commandait que leur résidence fût fixée chez leur mère en raison de leur situation de préadolescence et de puberté et de la communication prétendument plus aisée avec une mère qu'avec un père sur les problèmes personnels et intimes qui peuvent survenir du fait de cette situation ; qu'aussi la cour d'appel, qui a relevé le moyen d'office sans rouvrir les débats pour permettre aux parties de s'expliquer, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; qu'au cas d'espèce, le seul motif donné par l'arrêt attaqué pour justifier que la résidence des filles, âgées de 10 et 11 ans, fût fixée chez la mère, alors même qu'il était retenu que le père « présente toutes les qualités pour s'occuper de ses enfants », est tiré de ce que compte tenu de leur situation de préadolescence et de puberté, elles communiqueraient avec la mère « plus facilement sur des problèmes de tous ordres et intimes mieux que ne pourrait le faire un père » ; qu'un tel motif, qui trahit l'existence d'un stéréotype ou encore d'un préjugé dans l'esprit des magistrats, à savoir les qualités supposées supérieures chez une femme que chez un homme pour s'occuper de filles en état de préadolescence, est de nature à faire naître un doute sérieux sur l'impartialité de la juridiction ; que l'arrêt attaqué doit être censuré pour violation de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°) ALORS QUE toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, dont participe l'exercice de l'autorité parentale ; que la jouissance de ce droit doit être assurée sans discrimination fondée sur le sexe ; qu'au cas d'espèce, en fixant la résidence des enfants chez la mère, nonobstant le fait que le père « présente toutes les qualités pour s'occuper de ses enfants », au motif qu'une femme serait plus à même qu'un homme de s'occuper de filles en état de préadolescence et de puberté en raison d'une communication supposée plus aisée sur les problèmes personnels et intimes pouvant survenir, la cour d'appel, qui a ainsi donné effet à une discrimination du père dans l'exercice de son droit au respect de la vie privée et familiale en seule considération de son sexe, sans aucune justification objective et raisonnable, a violé les article 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°) ALORS QUE lorsqu'il se prononce sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, et notamment sur la résidence de l'enfant, le juge doit se déterminer en fonction de l'intérêt supérieur de l'enfant ; que l'appréciation de cet intérêt doit se faire de manière spéciale et concrète, et non de manière générale et abstraite ; qu'au cas d'espèce, en fixant la résidence des enfants chez la mère, nonobstant le fait que le père « présente toutes les qualités pour s'occuper de ses enfants », au motif général et abstrait qu'une femme serait plus à même qu'un homme de s'occuper de filles en état de préadolescence et de puberté en raison d'une communication supposée plus aisée sur les problèmes personnels et intimes pouvant survenir, la cour d'appel a violé les articles 373-2-8, 373-2-9 et 373-2-11 du code civil ;
5°) ALORS, en tout cas, QUE lorsqu'il se prononce sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, et notamment sur la résidence de l'enfant, le juge doit se déterminer en fonction de l'intérêt supérieur de l'enfant ; qu'en l'espèce, en se bornant à retenir, pour fixer la résidence des enfants chez la mère, nonobstant le fait que le père « présente toutes les qualités pour s'occuper de ses enfants », qu'une femme serait plus à même qu'un homme de s'occuper de filles en état de préadolescence et de puberté en raison d'une communication supposée plus aisée sur les problèmes personnels et intimes pouvant survenir, la cour d'appel, qui a statué par un motif impropre à caractériser en quoi la solution qu'elle retenait était conforme à l'intérêt supérieur des enfants, a violé les articles 373-2-8, 373-2-9 et 373-2-11 du code civil ;
6°) ALORS, enfin, QUE lorsqu'il se prononce sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, le juge doit notamment prendre en considération la pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu'ils avaient pu antérieurement conclure ; qu'au cas d'espèce, M. F... faisait valoir qu'à l'occasion de l'instance ayant conduit à la décision du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nantes du 26 janvier 2012, les parents s'étaient accordés sur le fait que la résidence des enfants serait transférée chez le père dans le cas où la mère se maintiendrait à Mayotte au-delà de deux ans, ce qui avait été expressément constaté par le juge (conclusions d'appel, p. 10-11) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur cet accord conclu entre les parents, qu'elle était pourtant tenue de prendre en considération avant de fixer la résidence des enfants, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 373-2-11 du code civil.