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17/04/2019 | FRANCE | N°17-28846

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 avril 2019, 17-28846


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 4612-8 du code du travail alors en vigueur ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. R..., engagé le 11 février 2003 par la société Sarp Ouest en qualité d'opérateur chauffeur, a été licencié pour cause réelle et sérieuse le 3 juillet 2013 ;

Attendu que pour dire que le système de géo-localisation mis en place par l'employeur est illicite, juger le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner en conséquence l'employ

eur au paiement de dommages et intérêts à ce titre, l'arrêt retient qu'il est de principe qu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 4612-8 du code du travail alors en vigueur ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. R..., engagé le 11 février 2003 par la société Sarp Ouest en qualité d'opérateur chauffeur, a été licencié pour cause réelle et sérieuse le 3 juillet 2013 ;

Attendu que pour dire que le système de géo-localisation mis en place par l'employeur est illicite, juger le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner en conséquence l'employeur au paiement de dommages et intérêts à ce titre, l'arrêt retient qu'il est de principe que l'installation d'un système de géo-localisation sur les véhicules de la société permettant à tout moment de les localiser constitue un projet important nécessitant la consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), que l'objectif clairement affiché était, pour l'employeur, d'assurer un meilleur contrôle sur l'organisation du travail et sur la productivité des employés et qu'un tel projet impliquant une modification importante des conditions de travail aurait dû être soumis à la consultation du CHSCT, lequel aurait pu mettre en oeuvre les moyens mis à sa disposition pour analyser l'impact de l'installation du dispositif sur les salariés ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le CHSCT n'avait pas sollicité la suspension des effets de la mesure prise par l'employeur sans consultation préalable, de sorte que cette mesure était opposable au salarié, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;

Condamne M. R... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept avril deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Sarp Ouest

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le système de géolocalisation mis en place par la SAS Sarp Ouest est illicite, d'AVOIR jugé le licenciement de M. R... dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné en conséquence la société à verser à ce dernier les sommes de 11.000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 3.000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre le remboursement aux organismes concernés de trois mois d'allocations chômage ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la consultation du CHSCT : que l'article L. 4612 -8 du code du travail prévoit que "le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail" ; qu'il est de principe que l'installation d'un système de géolocalisation sur les véhicules de la société permettant à tout moment de les localiser constitue un projet important nécessitant la consultation du CHSCT ; qu'en l'espèce, l'employeur, après avoir procédé à une déclaration auprès de la CNIL et présenté le projet au comité d'entreprise, a informé individuellement les salariés de la mise en place du système de géolocalisation sur les véhicules de l'entreprise, notamment M. N... R... par courrier en date du 9 octobre 2009 ; que l'employeur , en revanche, n'a pas consulté le CHSCT ; que pourtant, l'installation d'un tel système avait pour but, selon le PowerPoint de présentation du projet, "d'améliorer la traçabilité du travail réalisé", d'améliorer la transmission des informations, d'optimiser les tournées, de faire des économies de carburant et de diminuer l'utilisation du papier (temps passés par intervention, kilomètres parcourus...) ; que l'objectif clairement affiché était donc, pour l'employeur, d'assurer un meilleur contrôle sur l'organisation du travail et sur la productivité des employés ; que par conséquent, un tel projet impliquant une modification. importante des conditions de travail aurait dû être soumis à la consultation du CHSCT, lequel aurait pu mettre en oeuvre les moyens mis à sa disposition pour analyser l'impact de l'installation du dispositif sur les salariés ; qu'ainsi, le système de géolocalisation mis en place doit être considéré comme illicite ;
Sur les conséquences de l'illicéité du dispositif de géolocalisation sur le licenciement : que selon les dispositions de l'article L. 1232 - 1 du code du travail, tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; qu'il est de principe que l'employeur a le pouvoir de contrôler et de surveiller l'activité de son personnel pendant le temps de travail ; que cependant, en l'espèce, l'employeur a procédé à la surveillance de l'activité de M. N... R... au moyen d'un système illicite puis qu'il a utilisé les données recueillies par ce système pour justifier le licenciement ; que le fait que le salarié ait reconnu, dans le cadre de la procédure judiciaire, avoir fait un détour non signalé pour vidanger la fosse septique d'un particulier, est sans effet sur l'impossibilité pour l'employeur d'utiliser des informations sur le salarié recueillies de manière illicite ; que prendre en considération l'aveu judiciaire reviendrait à faire échec à l'application des dispositions de l'article L. 4612 -8 du code du travail et à l'obligation de consultation du CHSCT ; qu'elle aurait également des conséquences sur d'.autres salariés de l'entreprise se trouvant dans la même situation que M. N... R..., étant précisé que face aux données informatiques recueillies de manière illicite, il est difficile d'opposer toute forme de contestation ; que par conséquent, le licenciement doit être considéré sans cause réelle et sérieuse et le jugement de première instance doit être infirmé en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes présentées par M. N... R... ; Sur l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'au terme des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie une indemnité aux salariés qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; qu'en l'espèce, M. N... R... sollicite une indemnité à hauteur de 30 000 euros ; que les bulletins de salaire produits font état d'une rémunération brute de 1820,76 euros ; que par conséquent, M. N... R... doit être indemnisé à hauteur de 11 000 ¿ ; Sur le remboursement des allocations de chômage : que l'article L. 1235-4 du code du travail prévoit que lorsque l'effectif de l'entreprise est au moins égal à 11 salariés et que le salarié licencié a deux ans d'ancienneté au moins, le juge ordonne le remboursement, par l'employeur fautif, aux organismes concernés de tout ou partie des allocations de chômage payées au salarié du jour de son licenciement au jour du jugement, dans la limite d'au maximum 6 mois d'allocations de chômage par salarié concerné ; qu'il est de principe que le juge du fond apprécie souverainement, dans la limite prévue par la loi, la part d'indemnités de chômage devant être remboursée aux organismes concernés ; qu'en l'espèce, la SAS Sarp Ouest est donc condamnée à verser aux organismes con..cernés trois mois d'allocations de chômage ; Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile : Que la société Sarp Ouest sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel ; qu'elle sera également condamnée à verser à M. N... R... la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de ·procédure civile, au titre des frais de première instance et d'appel » ;

1. ALORS QUE, à la supposer établie, la violation de l'obligation de consultation préalable du CHSCT ne saurait être une cause de nullité de la décision de l'employeur, pas plus qu'elle n'entraîne l'inopposabilité de cette décision aux salariés ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la mise en place du système de géolocalisation litigieux avait fait l'objet d'une information individuelle du salarié et d'une déclaration auprès de la CNIL, seules conditions de validité de son utilisation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a fait une fausse application des dispositions de l'article L. 4612-8 du code du travail en vigueur au moment des faits ;

2. ALORS, AU SURPLUS, QU'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la mise en place du système de géolocalisation litigieux avait fait l'objet d'une information préalable des salariés concernés - M. R... en ayant été informé par courrier du 9 octobre 2009 - ainsi que du comité d'entreprise ; qu'il est également constaté que ce mode de géolocalisation a fait l'objet d'une déclaration auprès de la CNIL ; qu'il en résulte que l'employeur pouvait y avoir recours et utiliser les informations ainsi recueillies pour établir la cause réelle et sérieuse de licenciement de M. R... ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

3. ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE l'utilisation d'un moyen de preuve illicite n'a pas d'incidence sur le litige dont l'issue repose sur des faits dont la réalité n'est contestée par aucune des parties ; qu'en jugeant que la circonstance que le salarié ait reconnu avoir fait un détour pour effectuer une opération auprès d'un client à son profit personnel et aux frais de l'entreprise est sans effet en raison de l'irrégularité du système de géolocalisation utilisé et que le licenciement doit en conséquence être jugé sans cause réelle et sérieuse, quand le système de géolocalisation mis en place permettait tout au plus de révéler un détour effectué par le salarié, mais non son motif et l'étendue de la faute du salarié, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-28846
Date de la décision : 17/04/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 17 octobre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 avr. 2019, pourvoi n°17-28846


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.28846
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