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17/04/2019 | FRANCE | N°17-17889

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 avril 2019, 17-17889


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 10 mars 2017), que Mme V... a été engagée par contrat à durée indéterminée en date du 23 octobre 2007 par la société Le Bouquet Nantais en qualité d'assistante responsable de fabrication, exerçant à Nantes, après avoir au préalable effectué plusieurs missions d'intérim au cours de l'année 2006 ; que le 12 mai 2012, la société Le Bouquet Nantais a cédé son activité de vente et de commercialisation de fleurs par internet à la société Bloom Trade, avec effet

au 14 mai 2012, et le contrat de travail de la salariée a été transféré au profi...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 10 mars 2017), que Mme V... a été engagée par contrat à durée indéterminée en date du 23 octobre 2007 par la société Le Bouquet Nantais en qualité d'assistante responsable de fabrication, exerçant à Nantes, après avoir au préalable effectué plusieurs missions d'intérim au cours de l'année 2006 ; que le 12 mai 2012, la société Le Bouquet Nantais a cédé son activité de vente et de commercialisation de fleurs par internet à la société Bloom Trade, avec effet au 14 mai 2012, et le contrat de travail de la salariée a été transféré au profit de cette dernière ; que le 14 mai 2012, la société Bloom Trade a proposé la modification du lieu d'exécution du contrat de travail à Orléans à la salariée qui lui a notifié son refus ; que la salariée a été licenciée pour refus de modification du lieu d'exécution de travail ; que contestant le motif personnel de son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale pour voir dire son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et obtenir diverses indemnités, sollicitant en outre la requalification de ses missions d'intérim en contrat à durée indéterminée et la condamnation de la société Bloom Trade à lui verser à ce titre une indemnité de requalification ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen ci-après annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement de la salariée doit être requalifié en licenciement économique et qu'il est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de le condamner à lui verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile alors, selon le moyen :

1°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la société Bloom Trade faisait valoir dans ses conclusions d'appel que les contrats de travail des salariées défenderesses aux pourvois comportaient une clause de mobilité en vertu de laquelle elles s'étaient engagées à accepter un déplacement de leur lieu de travail au nouveau siège social de l'entreprise si bien que leur refus d'accepter le transfert de leur lieu de travail au siège social de la société Bloom Trade à Orléans constituait une faute justifiant leur licenciement pour motif personnel ; qu'en retenant que la société Bloom Trade avait retenu à tort un motif personnel pour licencier les salariées et que leur licenciement était en conséquence dépourvu de cause réelle et sérieuse sans répondre à ce moyen déterminant des conclusions de la société Bloom Trade, la cour d'appel a méconnu les exigences posées par l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que lorsque l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail entraîne une modification du contrat de travail autre que le changement d'employeur, le salarié est en droit de s'y opposer ; qu'il appartient alors au cessionnaire, s'il n'est pas en mesure de maintenir les conditions antérieures, soit de formuler de nouvelles propositions, soit de tirer les conséquences de ce refus en engageant une procédure de licenciement ; que le refus du salarié dans ces circonstances constitue, pour le repreneur, une cause réelle et sérieuse de licenciement ne relevant pas des dispositions relatives au licenciement économique ; qu'en l'espèce, pour considérer que le licenciement de Mme V... présentait un caractère manifestement économique et en déduire qu'il ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse, la société Bloom Trade ayant invoqué à tort un motif personnel, la cour d'appel a retenu qu'il ressortait de la lettre de licenciement de Mme V... que sa mutation s'imposait au regard de la volonté de l'entreprise de ne conserver qu'un seul lieu de production dans un but de réaliser des économies ; qu'en statuant par ces motifs inopérants alors qu'il ressortait de ses propres constatations que le transfert à la société Bloom Trade, située à Orléans, de l'activité de vente et commercialisation de fleurs par internet exploitée jusque-là par la société Le Bouquet Nantais, avait par lui-même entraîné une modification des contrats de travail des salariés transférés à la société Bloom Trade ¿ au nombre desquels Mme V..., cette société ne pouvant maintenir les conditions antérieures de travail de ces salariés faute de disposer d'un établissement dans la région de Nantes, si bien que le refus de Mme V... de poursuivre l'exécution de son contrat de travail à Orléans constituait, pour la société Bloom Trade, une cause réelle et sérieuse de licenciement ne relevant pas des dispositions relatives au licenciement économique, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1221-1, L. 1224-1 et L. 1233-3 du code du travail ;

Mais attendu, d'une part, que lorsque l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail entraîne une modification du contrat de travail autre que le changement d'employeur, le salarié est en droit de s'y opposer et, d'autre part, que la rupture résultant du refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail, proposée par l'employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la modification du contrat de travail de la salariée s'inscrivait dans la volonté de l'entreprise de ne conserver qu'un seul lieu de production dans le but de réaliser des économies, que l'objectif affiché était la pérennisation de son activité internet et que le motif réel du licenciement résultait donc de la réorganisation de la société cessionnaire Bloom Trade à la suite du rachat d'une branche d'activité de la société Le Bouquet Nantais, en a exactement déduit, sans être tenue de répondre à un moyen que les termes de la lettre de licenciement rendaient inopérant, que le licenciement avait la nature juridique d'un licenciement économique, ce dont il résultait qu'ayant été prononcé pour motif personnel il était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Bloom Trade aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Bloom Trade à payer à Mme V... la somme de 400 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept avril deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Bloom Trade

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Bloom Trade à verser à Madame V... une somme à titre d'indemnité de requalification ainsi qu'une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « L'article L. 124-3 du code du travail, en vigueur jusqu'au 1er mars 2008, dispose que lorsqu'un entrepreneur de travail temporaire met un salarié à la disposition d'un utilisateur, un contrat de mise à disposition liant l'utilisateur à l'entrepreneur de travail temporaire doit être conclu par écrit au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant la mise à disposition. Ce contrat établi pour chaque salarié doit : 1° Mentionner le motif pour lequel il est fait appel au salarié temporaire ; cette mention doit être assortie de justifications précises qui, notamment, dans les cas prévus au 1° de l'article L. 124-2-1, comportent le nom et la qualification de la personne remplacée ou de la personne à remplacer s'il est fait usage des dispositions de l'article L. 124-2-6 ; 2° Fixer le terme de la mission ; 3° Comporter le cas échéant, la clause prévoyant la possibilité de modifier le ternie de la mission dans les conditions prévues à l'article L. 124-2-4 et au deuxième alinéa de l'article L. 124-2-6 ; 4° Préciser les caractéristiques particulières du poste de travail à pourvoir, et notamment si ce poste figure sur la liste prévue à l'article L. 231-3-1, la qualification professionnelle exigée, le lieu de la mission et l'horaire ; 5° Mentionner la nature des équipements de protection individuelle que le salarié doit utiliser et, le cas échéant, préciser si ceux-ci sont fournis par l'entreprise de travail temporaire ; 6° Indiquer le montant de la rémunération avec ses différentes composantes, y compris s'il en existe les primes et accessoires de salaire que percevrait dans l'entreprise utilisatrice après période d'essai un salarié de qualification équivalente occupant le même poste de travail. Il précise également que toute clause tendant à interdire l'embauchage par l'utilisateur du salarié temporaire à l'issue de sa mission est réputée non écrite. L'article L.124-2 du code du travail, en vigueur jusqu'au 1er mars 2008, dispose que lorsque le contrat de travail temporaire, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice et qu'un utilisateur ne peut faire appel aux salariés des entreprises de travail temporaire mentionnés à l'article L. 124-1 que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée "mission", et seulement dans les cas énumérés à l'article L. 124-2-1. En l'espèce, Mme A... V... a signé un contrat d'intérim d'une journée le 22 juin 2016 pour remplacer un salarié absent puis elle a effectué, quasiment sans discontinuité, plus de vingt-deux missions depuis le 15 décembre 2006 jusqu'au 29 août 2007 au profit de la société Bloom Trade, à l'exception du mois de janvier 2007. Les motifs invoqués par la société Bloom Trade étaient alternativement les suivants : accroissement d'activité en raison des événements suivants : Noël, Saint-Valentin, Pâques, fête des mères et le remplacement d'un salarié absent pour congés pour plus de la moitié des missions et notamment à compter du mois de mai. La succession des contrats de manière presque ininterrompue, plus précisément à compter du 9 février 2007 pour des motifs révélant que l'embauche de Mme A... V... était destinée à pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de la société Bloom Trade justifie la requalification des contrats de mission d'intérim en contrat à durée indéterminée à effet de la date mentionnée ci-dessus. Mme A... V... peut donc prétendre au versement de l'indemnité de requalification qui lui a été ajuste titre allouée en première instance » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Madame V... a travaillé dans le cadre de plusieurs missions d'intérim en tant que bouquettiste pour le compte de la société Le Bouquet Nantais, entreprise utilisatrice : - le 22 juin 2006, une journée en remplacement d'un salarié absent, - du 15 au 20 décembre 2006, - du 15 au 22 décembre et du 26 au 29 décembre 2007 pour accroissement d'activité, renfort d'effectif aux fêtes de Noël, - du 9 au 15 février 2007 pour accroissement d'activité, renfort d'effectif Saint Valentin, - du 26 février au 2 mars 2007- pour accroissement d'activité, renfort d'effectif Fête des grand-mères, - du 5 au 9 mars 2007 pour accroissement d'activité, renfort d'effectif opération spéciale Yves Rocher, - du 13 au 18 mars 2007 : pour remplacement salarié absent ( congés), - le 30 mars 2007 pour accroissement d'activité, renfort d'effectif Pâques, - le 5 avril 2007 pour remplacement salarié absent (maladie) - du 23 avril au 2 mai 2007 et du 23 avril au 4 mai 2007 pour accroissement d'activité, renfort d'effectif opération muguets, - le 11 mai 2007, pour remplacement salarié absent (congés), - du 14 au 18 mai 2007 pour remplacement salarié absent (congés), - du.25 mai au 4 juin 2007 pour accroissement d'activité, renfort d'effectif fêtes des mères, - le 18 juin 2007 pour remplacement salarié absent (congés), - le 29 juin 2007 pour accroissement d'activité, commandes urgentes à honorer, - du 3 au 5 juillet 2007 pour remplacement salarié absent (congés), - le 12 juillet 2007 pour remplacement salarié absent (congés), - du 16 au 18 juillet 2007 pour remplacement salarié absent (congés), - du 23 au 26 juillet 2007 remplacement salarié absent (congés), - du 30 juillet au 3 août 2007 pour remplacement salarié absent (congés), - du 6 au 10 août 2007 pour remplacement salarié absent (congés), - du 14 au 17 août 2007, remplacement salarié absent (congés), - du 21 au 23 août 2007 pour remplacement salarié absent (congés), - du 27 au 29 août 2007 : remplacement salarié absent (congés). Le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice, selon les dispositions de l'article L 1251-5 du Code du travail. Si l'entreprise utilisatrice peut recourir à des missions de travail intérimaire en cas d'accroissement .temporaire d'activité, force est de constater que l'employeur ne le justifie pas au regard de la multiplicité des contrats conclus avec Madame V... à partir du 15 décembre 2006. Les tâches confiées à Madame V... sur un poste similaire relèvent d'une activité permanente et non occasionnelle de l'entreprise puisqu'elles interviennent régulièrement chaque année sur les mêmes périodes de fêtes. La société Bloom Trade, dernier employeur, est tenu au paiement envers la salariée de l'indemnité de requalification soit la somme nette de 1 849.41 euros sur la base d'un mois de salaire brut » ;

ALORS en premier lieu QUE des missions d'intérim distinctes et autonomes les unes par rapport aux autres peuvent être réalisées successivement pour assurer le remplacement de salariés absents nommément désignés et qui étaient effectivement absents lors des périodes considérées, pour une cause déterminée, sans que leur succession, même pour un emploi de même nature, ait pour effet de créer entre l'entreprise utilisatrice et le salarié intérimaire une relation de travail à durée indéterminée ; qu'en l'espèce, pour retenir que les contrats de mission d'intérim de Madame V... devaient être requalifiés en contrat à durée indéterminée, la Cour d'appel a relevé que Madame V... avait effectué quasiment sans discontinuité plus de 22 missions d'intérim depuis le 15 décembre 2006 jusqu'au 29 août 2007, à l'exception du mois de janvier 2007 et que, pour plus de la moitié des missions, et notamment à compter du mois de mai, le motif invoqué par la société Bloom Trade était le remplacement d'un salarié absent ; qu'en statuant ainsi alors que la seule succession de ces missions d'intérim n'avait pas pour effet de créer une relation de travail à durée indéterminée entre la société Bloom Trade et Madame V..., en l'absence de contestation sur l'identité et la réalité des absences des salariés remplacés, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 124-2 et L. 124-2-1 (devenus L. 1251-6 et L. 1251-7) du Code du travail dans leur version applicable au moment des faits ;

ALORS en deuxième lieu QU'en cas d'accroissement temporaire d'activité, le recours à des salariés intérimaires est autorisé pour les besoins d'une ou plusieurs tâches résultant du seul accroissement temporaire d'activité de l'entreprise, notamment en cas de variations cycliques de production, sans qu'il soit nécessaire que cet accroissement présente un caractère exceptionnel ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que les différents contrats de mission réalisés par Madame V... avaient notamment pour motif un accroissement d'activité lié aux fêtes de Noël, Saint-Valentin, Pâques et à la fête des mères, la Cour d'appel a, considéré, par motifs adoptés, que les tâches ainsi confiées à Madame V... relevaient de l'activité normale et permanente de l'activité de l'entreprise puisqu'elles intervenaient régulièrement chaque année sur les mêmes périodes ; qu'en statuant par ces motifs inopérants liés au caractère régulier de l'accroissement d'activité invoqué, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 124-2 et L. 124-2-1 (devenus L. 1251-6 et L. 1251-7) du Code du travail dans leur version applicable au moment des faits ;

ALORS enfin QUE les entreprises utilisatrices ont la possibilité de recourir à des missions d'intérim successives avec le même salarié, soit pour remplacer un ou des salariés absents ou dont le contrat de travail est suspendu, soit pour faire face à un accroissement temporaire de son activité, sous réserve que ce recours à l'intérim n'ait pas pour objet ou pour effet de faire face à un besoin structurel de main d'oeuvre et de pourvoir, ce faisant, un emploi lié à leur activité normale et permanente de l'entreprise ; qu'en l'espèce, ayant constaté que les contrats de mission de Madame V... s'étaient succédés de manière presque interrompue du 9 février 2007 au 29 août 2007, avec pour motif, soit un accroissement temporaire d'activité, soit le remplacement d'un salarié absent, la Cour d'appel en a déduit que l'embauche de la salariée était destinée à pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de la société Bloom Trade ; qu'en statuant ainsi, alors que le seul fait de recourir à des missions d'intérim successives avec la même salariée pendant sept mois, sans que la réalité du motif de chacune des missions réalisées ne soit contestée, ne permettait pas de caractériser que la société Bloom Trade avait eu recours au travail intérimaire afin de faire face à un besoin structurel de main d'oeuvre et pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 124-2 et L. 124-2-1 (devenus L. 1251-6 et L. 1251-7) du Code du travail dans leur version applicable au moment des faits.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Madame V... devait être requalifié en licenciement économique et qu'il était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir, en conséquence, condamné la société Bloom Trade à payer à cette salariée diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

AUX MOTIFS QUE « La lettre de licenciement adressée à Mme A... V... est rédigée comme suit : "...nous avons pu, à nouveau, vous exposer le fait que notre société a racheté, a effet du 14 mai 2012, à la société Bouquet Nantais, son activité de vente et de commercialisation de fleurs par internet. Par voie de conséquence, votre contrat de travail a été automatiquement transféré 8 notre société conformément à l'article 1224-1 du code du travail. Afin de pérenniser et de développer l'activité internet précédemment exploitée par la société Bouquet Nantais, nous avons décidé de mutualiser sur un seul lieu de production les moyens humains et techniques. C'est ainsi que notre société n 'a pas maintenu d'activité au sein de l'établissement nantais de la société Le Bouquet Nantais. C'est dans ces conditions que, par lettre du 14 mai 2012, nous vous avons informé que votre poste était transféré à Orléans, au siège de notre société. Dans la mesure où notre société ne dispose d'aucun établissement dans la région nantaise, nous vous avons invitée, par ce même courrier, à rejoindre votre poste au sein de notre équipe à notre siège social situé à Orléans. Etant bien conscients des enjeux pouvant découler d'une éventuelle modification de votre lieu de travail, nous vous avons laissé un délai de réflexion d'un mois, afin de nous faire pari de votre réponse. Par un courrier reçu en date du 23 mai 2012, vous nous avez indiqué ne pas vouloir donner suite à notre proposition et ne pas souhaiter continuer d'exercer vos fonctions dans nos locaux situés à Orléans. Au regard de la qualité de votre profil, et de votre savoir-faire, nous ne pouvons que regretter votre décision que toutefois nous comprenons et respectons. Dans ces conditions, nous n'avons aujourd'hui d'autre choix que de procéder à votre licenciement... " Mme A... V... soutient que le motif invoqué n'est pas personnel mais est d'ordre économique. Il résulte de la combinaison des articles L. 1232-6, L. 1233-16, L.1233-17, L. 1233-3 et L. 1233-4 du code du travail, que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit énoncer, lorsqu'un motif économique est évoqué, à la fois la cause économique qui fonde la décision et sa conséquence précise sur l'emploi et le contrat de travail du salarié, qu'il appartient au juge d'apprécier le caractère sérieux du motif économique invoqué par l'employeur ainsi que l'effectivité de l'obligation de reclassement mise à la charge de l'employeur. En l'espèce, la lettre de licenciement met en exergue la récente acquisition par la société Bloom Trade de l'activité de vente et de commercialisation de fleurs par internet appartenant à la société Le Bouquet Nantais et de sa décision de regrouper en un seul lieu de production les moyens humains et techniques dans le but de pérenniser et de développer l'activité internet précédemment exploitée par la société Le Bouquet Nantais. Elle a précisé qu'elle ne disposait d'aucun établissement dans la région nantaise et qu'elle avait décidé de ne pas maintenir d'activité dans cette région. A aucun moment, la société Bloom Trade n'a exposé de motifs tenant à la personne de Mme A... V... pour justifier de sa mutation. La seule référence à son profil et à son savoir-faire, sans autre précision, relève à l'évidence de la clause de style et est insuffisante à démontrer le caractère personnel de la décision de licenciement. Il ressort en revanche de cette lettre que cette mutation s'imposait au regard de la volonté de l'entreprise de ne conserver qu'un seul lieu de production dans un but de réaliser des économies, ce qu'exprimé clairement l'objectif affiché, à savoir la pérennisation de son activité internet. Le motif réel du licenciement résultait donc de la réorganisation de la société Bloom Trade, à la suite du rachat d'une partie de l'activité de la société Le Bouquet Nantais, présentant un caractère manifestement économique, II ne revient pas à la présente juridiction de se prononcer sur le caractère fondé ou non de ce motif dans la mesure où il n'a pas été invoqué par la société Bloom Trade. Il n'en demeure pas moins que la société Bloom Trade a invoqué à tort un motif personnel pour licencier Mme A... V.... Le licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « L'article L. 1233-3 du Code du travail prévoit que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. II est constant que la réorganisation de l'entreprise qui ne serait pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, peut néanmoins constituer une cause économique de licenciement, à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient. La lettre de licenciement du 22 juin 2012 est ainsi libellée : «... Afin de pérenniser et de développer l'activité internet précédemment exploitée par la société Le Bouquet Nantais, nous avons décidé de mutualiser sur un seul lieu de production les moyens humains et techniques. C'est ainsi que notre société n'a pas maintenu d'activité au sein de l'établissement nantais de la société Le Bouquet Nantais ...par lettre du 14 mai 2012, nous vous avons informé que votre poste était transféré à ORLEANS, siège de noire, société. Dans la mesure où notre société ne dispose d'aucun établissement dans la région nantaise, nous vous avons invité à rejoindre votre poste au sein de notre équipe à notre siège social à ORLEANS. Etant bien conscients des enjeux pouvant découler d'une éventuelle modification de votre lieu de travail, nous vous avons laissé un délai de réflexion d'un mois afin de nous faire part de votre réponse.... Vous nous avez indiqué ne pas vouloir donner suite à notre proposition et ne pas souhaiter continuer d'exercer vos fonctions dans nos locaux situés à ORLEANS... dans ces conditions, nous n'avons d'autre choix que de procéder à votre licenciement... ». Lorsqu'un employeur licencie un salarié à la suite de son refus de la modification de son contrat de travail, il doit énoncer dans la lettre de licenciement la raison de cette modification. Le licenciement est d'ordre économique lorsque la modification est envisagée pour un motif non inhérent à la personne du salarié. En l'espèce, le refus de la salariée de la modification de son contrat de travail est lié au transfert des locaux d'exploitation de BOUGUENAIS à ORLEANS et en raison de la fermeture définitive du site de BOUGUENAIS. La fermeture d'un des deux sites et la "mutualisation des moyens techniques et humains" correspondent manifestement à la recherche par la société Bloom Trade d'une réduction de ses charges fixes. Cette réorganisation présente un caractère nécessairement économique afin de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise. La lettre de licenciement de Madame V... énonce à tort un motif personnel alors que le licenciement doit être requalifié en licenciement économique. L'absence d'énonciation du motif économique équivaut à un défaut de motif et la lettre de licenciement fixant les limites du litige, le licenciement doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse » ;

ALORS en premier lieu QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la société Bloom Trade faisait valoir dans ses conclusions d'appel que le contrat de travail de Madame V... comportait une clause de mobilité en vertu de laquelle elle s'était engagée à accepter un déplacement de son lieu de travail au nouveau siège social de l'entreprise si bien que son refus d'accepter le transfert de son lieu de travail au siège social de la société Bloom Trade à Orléans constituait une faute justifiant son licenciement pour motif personnel ; qu'en retenant que la société Bloom Trade avait retenu à tort un motif personnel pour licencier la salariée et que son licenciement était en conséquence dépourvu de cause réelle et sérieuse sans répondre à ce moyen déterminant des conclusions de l'exposante, la Cour d'appel a méconnu les exigences posées par l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS en second lieu et en toute hypothèse QUE lorsque l'application de l'article L. 1224-1 du Code du travail entraîne une modification du contrat de travail autre que le changement d'employeur, le salarié est en droit de s'y opposer ; qu'il appartient alors au cessionnaire, s'il n'est pas en mesure de maintenir les conditions antérieures, soit de formuler de nouvelles propositions, soit de tirer les conséquences de ce refus en engageant une procédure de licenciement ; que le refus du salarié dans ces circonstances constitue, pour le repreneur, une cause réelle et sérieuse de licenciement ne relevant pas des dispositions relatives au licenciement économique ; qu'en l'espèce, pour considérer que le licenciement de Madame V... présentait un caractère manifestement économique et en déduire qu'il ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse, la société Bloom Trade ayant invoqué à tort un motif personnel, la Cour d'appel a retenu qu'il ressortait de la lettre de licenciement de Madame V... que sa mutation s'imposait au regard de la volonté de l'entreprise de ne conserver qu'un seul lieu de production dans un but de réaliser des économies ; qu'en statuant par ces motifs inopérants alors qu'il ressortait de ses propres constatations que le transfert à la société Bloom Trade, située à Orléans, de l'activité de vente et commercialisation de fleurs par internet exploitée jusque-là par la société Le Bouquet Nantais, avait par lui-même entraîné une modification des contrats de travail des salariés transférés à la société Bloom Trade ¿ au nombre desquels Madame V..., cette société ne pouvant maintenir les conditions antérieures de travail de ces salariés faute de disposer d'un établissement dans la région de Nantes, si bien que le refus de Madame V... de poursuivre l'exécution de son contrat de travail à Orléans constituait, pour la société Bloom Trade, une cause réelle et sérieuse de licenciement ne relevant pas des dispositions relatives au licenciement économique, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1221-1, L. 1224-1 et L. 1233-3 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-17889
Date de la décision : 17/04/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 10 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 avr. 2019, pourvoi n°17-17889


Composition du Tribunal
Président : M. Cathala (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.17889
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