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17/04/2019 | FRANCE | N°17-17888

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 avril 2019, 17-17888


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 10 mars 2017), que M. F... a été engagé à compter du 15 janvier 2007 par la société le Bouquet Nantais en qualité de réceptionniste, exerçant à Nantes, selon contrat à durée déterminée de cinq mois puis dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; que le 12 mai 2012, la société le Bouquet Nantais a cédé son activité de vente et de commercialisation de fleurs par internet à la société Bloom Trade, avec effet au 14 mai 2012, et le contrat de travail d

u salarié a été transféré au profit de cette dernière ; que le 14 mai 2012, la soc...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 10 mars 2017), que M. F... a été engagé à compter du 15 janvier 2007 par la société le Bouquet Nantais en qualité de réceptionniste, exerçant à Nantes, selon contrat à durée déterminée de cinq mois puis dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; que le 12 mai 2012, la société le Bouquet Nantais a cédé son activité de vente et de commercialisation de fleurs par internet à la société Bloom Trade, avec effet au 14 mai 2012, et le contrat de travail du salarié a été transféré au profit de cette dernière ; que le 14 mai 2012, la société Bloom Trade a proposé la modification du lieu d'exécution du contrat de travail à Orléans au salarié qui lui a notifié son refus ; que le salarié a été licencié pour refus de modification du lieu d'exécution de travail ; que contestant le motif personnel de son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale pour voir dire son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et obtenir diverses indemnités, sollicitant en outre la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et la condamnation de la société Bloom Trade à lui verser à ce titre une indemnité de requalification ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du salarié doit être requalifié en licenciement économique et qu'il est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de le condamner à lui verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile alors, selon le moyen :

1°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la société Bloom Trade faisait valoir dans ses conclusions d'appel que les contrats de travail des salariées défenderesses aux pourvois comportaient une clause de mobilité en vertu de laquelle elles s'étaient engagées à accepter un déplacement de leur lieu de travail au nouveau siège social de l'entreprise si bien que leur refus d'accepter le transfert de leur lieu de travail au siège social de la société Bloom Trade à Orléans constituait une faute justifiant leur licenciement pour motif personnel ; qu'en retenant que la société Bloom Trade avait retenu à tort un motif personnel pour licencier les salariées et que leur licenciement était en conséquence dépourvu de cause réelle et sérieuse sans répondre à ce moyen déterminant des conclusions de l'exposante, la cour d'appel a méconnu les exigences posées par l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que lorsque l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail entraîne une modification du contrat de travail autre que le changement d'employeur, le salarié est en droit de s'y opposer ; qu'il appartient alors au cessionnaire, s'il n'est pas en mesure de maintenir les conditions antérieures, soit de formuler de nouvelles propositions, soit de tirer les conséquences de ce refus en engageant une procédure de licenciement ; que le refus du salarié dans ces circonstances constitue, pour le repreneur, une cause réelle et sérieuse de licenciement ne relevant pas des dispositions relatives au licenciement économique ; qu'en l'espèce, pour considérer que le licenciement de M. F... présentait un caractère manifestement économique et en déduire qu'il ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse, la société Bloom Trade ayant invoqué à tort un motif personnel, la cour d'appel a retenu qu'il ressortait de la lettre de licenciement de M. F... que sa mutation s'imposait au regard de la volonté de l'entreprise de ne conserver qu'un seul lieu de production dans un but de réaliser des économies ; qu'en statuant par ces motifs inopérants alors qu'il ressortait de ses propres constatations que le transfert à la société Bloom Trade, située à Orléans, de l'activité de vente et commercialisation de fleurs par internet exploitée jusque-là par la société le Bouquet Nantais, avait par lui-même entraîné une modification des contrats de travail des salariés transférés à la société Bloom Trade ¿ au nombre desquels M. F..., cette société ne pouvant maintenir les conditions antérieures de travail de ces salariés faute de disposer d'un établissement dans la région de Nantes, si bien que le refus de M. F... de poursuivre l'exécution de son contrat de travail à Orléans constituait, pour la société Bloom Trade, une cause réelle et sérieuse de licenciement ne relevant pas des dispositions relatives au licenciement économique, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1221-1, L. 1224-1 et L. 1233-3 du code du travail ;

Mais attendu, d'une part, que lorsque l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail entraîne une modification du contrat de travail autre que le changement d'employeur, le salarié est en droit de s'y opposer et, d'autre part, que la rupture résultant du refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail, proposée par l'employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la modification du contrat de travail du salarié s'inscrivait dans la volonté de l'entreprise de ne conserver qu'un seul lieu de production dans le but de réaliser des économies, que l'objectif affiché était la pérennisation de son activité internet et que le motif réel du licenciement résultait donc de la réorganisation de la société cessionnaire Bloom Trade à la suite du rachat d'une branche d'activité de la société le Bouquet Nantais, en a exactement déduit, sans être tenue de répondre à un moyen que les termes de la lettre de licenciement rendaient inopérant, que le licenciement avait la nature juridique d'un licenciement économique, ce dont il résultait qu'ayant été prononcé pour motif personnel, il était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Bloom Trade aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Bloom Trade à payer à M. F... la somme de 400 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept avril deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Bloom Trade

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Bloom Trade à verser à Monsieur F... une somme à titre d'indemnité de requalification ainsi qu'une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « L'article L122-1-1 du code du travail modifié par ordonnance n° 2004-602 du 24 juin 2004, abrogé par ordonnance n°2007-329 du 12 mars 2007 et en vigueur au plus tard jusqu'au 1er mars 2008, précise que le contrat de travail ne peut être conclu pour une durée déterminée que dans les cas suivants : 1° Remplacement d'un salarié en cas d'absence, de passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur, de suspension de son contrat de travail, de départ définitif précédant la suppression de son poste de travail ayant fait l'objet d'une saisine du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'il en existe, ou en cas d'attente de l'entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer; 2° Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ; 3° Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ; 4° Remplacement d'un chef d'entreprise artisanale, industrielle ou commerciale, d'une personne exerçant une profession libérale, de son conjoint participant effectivement à l'activité de l'entreprise à titre professionnel et habituel pu d'un associé non salarié d'une société civile professionnelle, d'une société civile de moyens ou d'une société d'exercice libéral ; 5° Remplacement d'un chef d'exploitation agricole ou d'entreprise tels que définis aux 1° à 4° de l'article L. 722-1 du code rural, d'un aide familial, d'un associé d'exploitation, ou de leur conjoint visé à l'article L. 722-10 du même code dès lors qu'il participe effectivement à l'activité de l'entreprise ou de l'exploitation agricole. Il est constant que le recours d'un employeur à un contrat à durée déterminée ne peut pas avoir pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. En l'espèce, le contrat de travail de M. C... F... précise qu'il a été engagé en qualité d'opérateur polyvalent pour cinq mois à compter du 16 janvier 2007 pour pallier un surcroît de travail résultant de l'informatisation du dépôt ainsi que les surcroîts d'activité ponctuels liés aux fêtes suivantes : Saint-Valentin, fête des mamies, Pâques, 1er mai, fêtes des mères. Les événements invoqués par la société Bloom Trade pour justifier d'un surcroît d'activité ponctuelle interviennent chaque année à la même période de sorte qu'elles correspondent en réalité à son activité permanente et non occasionnelle. Au surplus, la société Bloom Trade n'a pas justifié de l'informatisation du dépôt, ni de la surcharge engendrée par celle-ci. Il s'en déduit que le motif invoqué par l'employeur ne correspond pas aux conditions exigées par l'article énoncé ci-dessus et que la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée s'impose. M. C... F... peut donc prétendre au versement de l'indemnité de requalification qui lui a été ajuste titre allouée en première instance » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Monsieur F... a travaillé dans le cadre d'un contrat à durée déterminée à compter du 15 janvier 2007, durant une période de six mois. Ce contrat mentionne un surcroît de travail résultant de l'informatisation du dépôt et des surcroîts d'activité liés aux fêtes Saint Valentin, fête des mamies, Pâques, 1er mai, fête des mères. Le contrat à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Les tâches confiées à Monsieur F... sur un poste identique relèvent d'une activité permanente et non occasionnelle de l'entreprise puisqu'elles interviennent régulièrement chaque année sur les mêmes périodes de fêtes. La société Bloom Trade, dernier employeur, est tenu au paiement envers la salariée de l'indemnité de requalification soit la somme nette de 1 731.74 euros sur la base d'un mois de salaire brut » ;

ALORS en premier lieu QU'en cas d'accroissement temporaire d'activité, le recours à des embauches sous contrat à durée déterminée est autorisé pour les besoins d'une ou plusieurs tâches résultant du seul accroissement temporaire d'activité de l'entreprise, notamment en cas de variations cycliques de production, sans qu'il soit nécessaire que cet accroissement présente un caractère exceptionnel ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que le contrat de travail à durée déterminée conclu par Monsieur F... avait notamment pour motif des surcroît d'activité ponctuels liés aux fêtes suivantes : Saint-Valentin, fête des mamies, Pâques, 1er mai, fête des mères, la Cour d'appel a considéré que les événements invoqués par la société Bloom Trade pour justifier d'un surcroît d'activité ponctuelle correspondaient en réalité à l'activité permanente et non occasionnelle de la société dès lors qu'ils intervenaient chaque année à la même période ; qu'en statuant par ces motifs inopérants liés au caractère régulier de l'accroissement d'activité invoqué, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 122-1 et L. 122-1-1 et L. 124-2-1 (devenus L. 1242-1 et L. 1242-2) du Code du travail dans leur version applicable au moment des faits ;

ALORS en second lieu QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, si Monsieur F... faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que le surcroît temporaire d'activité invoqué par la société employeur pour justifier la conclusion d'un contrat à durée déterminée, correspondait en réalité à l'activité normale et permanente de cette entreprise, il ne contestait ni le fait que le dépôt ait été informatisé, ni que cette informatisation ait entraîné une surcharge de travail ; qu'en relevant, pour faire droit à la demande de requalification de ce contrat en contrat à durée indéterminée, que la société Bloom Trade ne justifiait pas de l'informatisation du dépôt ni de la surcharge engendrée par celle-ci, la Cour d'appel a méconnu les termes du litiges en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Monsieur F... devait être requalifié en licenciement économique et qu'il était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir, en conséquence, condamné la société Bloom Trade à payer à ce salarié diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

AUX MOTIFS QUE « La lettre de licenciement adressée à M. C... F... est rédigée comme suit : "...nous avons pu, à nouveau, vous exposer le fait que notre société a racheté, a effet du 14 mai 2012, à la société Bouquet Nantais, son activité de vente et de commercialisation de fleurs par internet. Par voie de conséquence, votre contrat de travail a été automatiquement transféré 8 notre société conformément à l'article 1224-1 du code du travail. Afin de pérenniser et de développer l'activité internet précédemment exploitée par la société Bouquet Nantais, nous avons décidé de mutualiser sur un seul lieu de production les moyens humains et techniques. C'est ainsi que notre société n 'a pas maintenu d'activité au sein de l'établissement nantais de la société le Bouquet Nantais. C'est dans ces conditions que, par lettre du 14 mai 2012, nous vous avons informé que votre poste était transféré à Orléans, au siège de notre société. Dans la mesure où notre société ne dispose d'aucun établissement dans la région nantaise, nous vous avons invitée, par ce même courrier, à rejoindre votre poste au sein de notre équipe à notre siège social situé à Orléans. Etant bien conscients des enjeux pouvant découler d'une éventuelle modification de votre lieu de travail, nous vous avons laissé un délai de réflexion d'un mois, afin de nous faire pari de votre réponse. Par un courrier reçu en date du 23 mai 2012, vous nous avez indiqué ne pas vouloir donner suite à notre proposition et ne pas souhaiter continuer d'exercer vos fonctions dans nos locaux situés à Orléans. Au regard de la qualité de votre profil, et de votre savoir-faire, nous ne pouvons que regretter votre décision que toutefois nous comprenons et respectons. Dans ces conditions, nous n'avons aujourd'hui d'autre choix que de procéder à votre licenciement... " M. C... F... soutient que le motif invoqué n'est pas personnel mais est d'ordre économique. Il résulte de la combinaison des articles L. 1232-6, L. 1233-16, L.1233-17, L. 1233-3 et L. 1233-4 du code du travail, que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit énoncer, lorsqu'un motif économique est évoqué, à la fois la cause économique qui fonde la décision et sa conséquence précise sur l'emploi et le contrat de travail du salarié, qu'il appartient au juge d'apprécier le caractère sérieux du motif économique invoqué par l'employeur ainsi que l'effectivité de l'obligation de reclassement mise à la charge de l'employeur. En l'espèce, la lettre de licenciement met en exergue la récente acquisition par la société Bloom Trade de l'activité de vente et de commercialisation de fleurs par internet appartenant à la société le Bouquet Nantais et de sa décision de regrouper en un seul lieu de production les moyens humains et techniques dans le but de pérenniser et de développer l'activité internet précédemment exploitée par la société le Bouquet Nantais. Elle a précisé qu'elle ne disposait d'aucun établissement dans la région nantaise et qu'elle avait décidé de ne pas maintenir d'activité dans cette région. A aucun moment, la société Bloom Trade n'a exposé de motifs tenant à la personne de M. C... F... pour justifier de sa mutation. La seule référence à son profil et à son savoir-faire, sans autre précision, relève à l'évidence de la clause de style et est insuffisante à démontrer le caractère personnel de la décision de licenciement. Il ressort en revanche de cette lettre que cette mutation s'imposait au regard de la volonté de l'entreprise de ne conserver qu'un seul lieu de production dans un but de réaliser des économies, ce qu'exprimé clairement l'objectif affiché, à savoir la pérennisation de son activité internet. Le motif réel du licenciement résultait donc de la réorganisation de la société Bloom Trade, à la suite du rachat d'une partie de l'activité de la société le Bouquet Nantais, présentant un caractère manifestement économique, Il ne revient pas à la présente juridiction de se prononcer sur le caractère fondé ou non de ce motif dans la mesure où il n'a pas été invoqué par la société Bloom Trade. Il n'en demeure pas moins que la société Bloom Trade a invoqué à tort un motif personnel pour licencier M. C... F.... Le licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « L'article L. 1233-3 du Code du travail prévoit que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. II est constant que la réorganisation de l'entreprise qui ne serait pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, peut néanmoins constituer une cause économique de licenciement, à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient. La lettre de licenciement du 22 juin 2012 est ainsi libellée : «... Afin de pérenniser et de développer l'activité internet précédemment exploitée par la société le Bouquet Nantais, nous avons décidé de mutualiser sur un seul lieu de production les moyens humains et techniques. C'est ainsi que notre société n'a pas maintenu d'activité au sein de l'établissement nantais de la société le Bouquet Nantais ...par lettre du 14 mai 2012, nous vous avons informé que votre poste était transféré à ORLEANS, siège de noire, société. Dans la mesure où notre société ne dispose d'aucun établissement dans la région nantaise, nous vous avons invité à rejoindre votre poste au sein de notre équipe à notre siège social à ORLEANS. Etant bien conscients des enjeux pouvant découler d'une éventuelle modification de votre lieu de travail, nous vous avons laissé un délai de réflexion d'un mois afin de nous faire part de votre réponse.... Vous nous avez indiqué ne pas vouloir donner suite à notre proposition et ne pas souhaiter continuer d'exercer vos fonctions dans nos locaux situés à ORLEANS... dans ces conditions, nous n'avons d'autre choix que de procéder à votre licenciement... ». Lorsqu'un employeur licencie un salarié à la suite de son refus de la modification de son contrat de travail, il doit énoncer dans la lettre de licenciement la raison de cette modification. Le licenciement est d'ordre économique lorsque la modification est envisagée pour un motif non inhérent à la personne du salarié. En l'espèce, le refus du salarié de la modification de son contrat de travail est lié au transfert des locaux d'exploitation de BOUGUENAIS à ORLEANS et en raison de la fermeture définitive du site de BOUGUENAIS. La fermeture d'un des deux sites et la "mutualisation des moyens techniques et humains" correspondent manifestement à la recherche par la société Bloom Trade d'une réduction de ses charges fixes. Cette réorganisation présente un caractère nécessairement économique afin de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise. La lettre de licenciement de Monsieur F... énonce à tort un motif personnel alors que le licenciement doit être requalifié en licenciement économique. L'absence d'énonciation du motif économique équivaut à un défaut de motif et la lettre de licenciement fixant les limites du litige, le licenciement doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse » ;

ALORS en premier lieu QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la société Bloom Trade faisait valoir dans ses conclusions d'appel que le contrat de travail de Monsieur F... comportait une clause de mobilité en vertu de laquelle il s'était engagé à accepter un déplacement de son lieu de travail au nouveau siège social de l'entreprise si bien que son refus d'accepter le transfert de son lieu de travail au siège social de la société Bloom Trade à Orléans constituait une faute justifiant son licenciement pour motif personnel ; qu'en retenant que la société Bloom Trade avait retenu à tort un motif personnel pour licencier le salarié et que son licenciement était en conséquence dépourvu de cause réelle et sérieuse sans répondre à ce moyen déterminant des conclusions de l'exposante, la Cour d'appel a méconnu les exigences posées par l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS en second lieu et en toute hypothèse QUE lorsque l'application de l'article L. 1224-1 du Code du travail entraîne une modification du contrat de travail autre que le changement d'employeur, le salarié est en droit de s'y opposer ; qu'il appartient alors au cessionnaire, s'il n'est pas en mesure de maintenir les conditions antérieures, soit de formuler de nouvelles propositions, soit de tirer les conséquences de ce refus en engageant une procédure de licenciement ; que le refus du salarié dans ces circonstances constitue, pour le repreneur, une cause réelle et sérieuse de licenciement ne relevant pas des dispositions relatives au licenciement économique ; qu'en l'espèce, pour considérer que le licenciement de Monsieur F... présentait un caractère manifestement économique et en déduire qu'il ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse, la société Bloom Trade ayant invoqué à tort un motif personnel, la Cour d'appel a retenu qu'il ressortait de la lettre de licenciement de Monsieur F... que sa mutation s'imposait au regard de la volonté de l'entreprise de ne conserver qu'un seul lieu de production dans un but de réaliser des économies ; qu'en statuant par ces motifs inopérants alors qu'il ressortait de ses propres constatations que le transfert à la société Bloom Trade, située à Orléans, de l'activité de vente et commercialisation de fleurs par internet exploitée jusque-là par la société le Bouquet Nantais, avait par lui-même entraîné une modification des contrats de travail des salariés transférés à la société Bloom Trade ¿ au nombre desquels Monsieur F..., cette société ne pouvant maintenir les conditions antérieures de travail de ces salariés faute de disposer d'un établissement dans la région de Nantes, si bien que le refus de Monsieur F... de poursuivre l'exécution de son contrat de travail à Orléans constituait, pour la société Bloom Trade, une cause réelle et sérieuse de licenciement ne relevant pas des dispositions relatives au licenciement économique, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1221-1, L. 1224-1 et L. 1233-3 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-17888
Date de la décision : 17/04/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 10 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 avr. 2019, pourvoi n°17-17888


Composition du Tribunal
Président : M. Cathala (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.17888
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