LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 4 novembre 2014), rendu en référé, que la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural Basse-Normandie, devenue SAFER de Normandie (la SAFER), a acquis des terres dépendant d'une exploitation en liquidation judiciaire ; que, pour l'année culturale 2010, elle a conclu avec M. C... une convention d'occupation précaire, qui a été renouvelée, concernant une parcelle ; que, par lettre du 29 août 2012, la SAFER a fait connaître à M. C... qu'elle ne serait pas reconduite pour l'année culturale 2013 ; qu'en avril 2013, elle a fait dresser un constat mentionnant la présence, sur la parcelle en cause, de cinq bottes de paille et d'un vieil engin agricole et a mis en demeure M. C... de libérer les lieux ; que, par acte du 3 septembre 2013, elle l'a assigné devant le juge des référés en enlèvement sous astreinte et paiement d'une indemnité provisionnelle ;
Attendu que, pour accueillir la demande, l'arrêt retient qu'est considéré comme un trouble manifestement illicite le fait d'occuper un immeuble ou toute entrave à son accès sans droit ni titre, que M. C... a pris possession d'une parcelle au titre d'une convention d'occupation précaire, sans réserve quant à la présence d'un vieux matériel agricole, qu'il n'a émis aucune protestation quand la SAFER lui a demandé le 30 janvier 2013 de libérer la parcelle du matériel agricole et des balles de paille qui y étaient toujours entreposés, qu'au vu du procès-verbal de constat établi le 2 avril 2013, ce vieux matériel agricole est abandonné sur le terrain, entre deux bottes de paille, et que trois autres bottes de paille y sont entreposées ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. C..., qui soutenait, non seulement qu'il incombait à la SAFER d'établir que cet abandon d'objets lui était imputable, mais encore que l'ancien propriétaire de la parcelle avait expressément reconnu être l'auteur de l'entreposage du matériel agricole et des bottes de paille dont la présence sur le côté du terrain n'en gênait nullement l'exploitation, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen, autrement composée ;
Condamne la SAFER de Basse-Normandie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SAFER de Basse-Normandie et la condamne à payer à M. C... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze avril deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. C....
Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite et condamné M. C... à libérer la parcelle cadastrée Section [...] à Verson de tous biens et occupants de son chef, d'avoir condamné M. C... à verser à la SAFER de Basse Normandie les sommes de 1000 € à titre de provision à valoir sur les dommages-intérêts pour occupation illicite et de 319,65 €,
Aux motifs qu'il n'est plus contesté devant la cour que la SAFER de Basse-Normandie est propriétaire du terrain sis au lieu dit "[...]" cadastré sous le numéro [...] pour l'avoir acquis en ayant usé de son droit de préemption suite au jugement d'adjudication du 12 novembre 2009 comme l'a retenu le premier juge ; qu'il n'est pas davantage contesté que dans le cadre de la gestion temporaire de cette parcelle de terre, la SAFER de Basse-Normandie a consenti à M. U... C... le 25 mars 2010 une convention d'occupation précaire pour l'année 2010, moyennant une redevance de 869 €, réglée par M. C... ; que cette convention a été conclue en application de l'article L 142-4 du Code Rural, expressément dérogatoire du statut des baux ruraux une nouvelle convention d'occupation précaire, en application des mêmes dispositions, a été signée pour l'année 2011, moyennant une redevance de 900 €, réglée par M. C... ; que pour l'année 2012, une nouvelle convention d'occupation précaire a été transmise à M. C..., ce par lettre recommandée, précisant expressément qu'à l'issue de l'année culturale 2012,la convention ne serait pas renouvelée pour l'année 2013 ; qu'au 29 août 2012, la redevance due pour cette année culturale n'avait pas été versée ; que M. C... fait valoir que c'est dans ces conditions qu'il a effectué sa dernière récolte de blé en août 2012 puis a cessé toute exploitation, libérant alors la parcelle conformément à la notification de la SAFER ; qu'il indique que la seule présence, attestée par le procès-verbal de constat de Me D..., huissier de justice à Caen, d'un vieux rouleau agricole et de quelques balles de paille, de nombreux mois après l'expiration de la convention, n'est pas de nature à établir la preuve incombant à la SAFER de Basse-Normandie d'une occupation de cette parcelle constitutive d'un trouble manifestement illicite ; qu'il souligne que la SAFER n'établit pas que ce matériel agricole vétuste lui appartient, ce qu'il conteste et a toujours contesté ; que pour autant, force est de relever que M. C... a pris possession de cette parcelle, dans le cadre de la convention d'occupation précaire, sans protestation ni réserve ni contestation quant à la présence d'un vieux matériel agricole ; que de la même manière, il n'a émis ni protestation ni réserve quand la SAFER lui a écrit le 30 janvier 2013 en lui demandant de libérer la parcelle du matériel agricole et des balles de paille qui y étaient toujours entreposés ; qu'il convient de retenir, au vu du procès-verbal de constat établi le 2 avril 2013, que ce vieux matériel agricole est abandonné sur la parcelle litigieuse, entre deux bottes de paille, pour lesquelles, au vu de leur état, la SAFER était bien fondée à penser qu'elle résultait de l'exploitation de cette parcelle en blé par M. C... au titre de la campagne 20l2 ; que trois autres bottes de paille étaient encore entreposées sur cette parcelle au jour du constat et un incident violent a opposé M. S..., ancien propriétaire de cette parcelle, soumis à une procédure collective depuis un jugement du 10 octobre 1990, au fils de l'occupant suivant, venu libérer les lieux à la demande de la SAFER ; qu'à aucun moment, devant le juge des référés, M, C... n'a fait valoir que la parcelle serait libérée, mais a au contraire soutenu l'incompétence de cette juridiction au profit du tribunal paritaire des baux ruraux, en se prévalant d'un bail rural dont il aurait été titulaire ; que s'il produit bien dans ses pièces un acte sous seing privé qui aurait été conclu entre lui-même et M. S... et qui porte clairement en en-tête la date du 29 septembre 1989, et aurait donc été consenti à une époque où M. C... était encore mineur comme étant né le [...] , et qui a été enregistré le [...] , soit postérieurement à la liquidation judiciaire de M. S..., il ne se prévaut plus, devant la cour, de l'existence de ce bail rural ; que c'est donc à juste titre que le juge des référés, qui a rejeté les exceptions développées par M. C..., l'a condamné, lui et tous occupants de son chef, à libérer les lieux, l'information officielle de la libération des lieux n'ayant été portée à la connaissance du conseil de la SAFER que par courrier en date du 1er juin 2014, après signification de la décision ; que bien qu'aucun des éléments de la cause ne permette en l'état de dire à quelle date la parcelle a été effectivement libérée, cette libération est à ce jour effective, dès lors que le nouveau preneur est entré en possession ; que la décision entreprise sera en conséquence confirmée, sans qu'il y ait lieu ni de faire droit à la demande d'augmentation de la provision, ni de prononcé d'astreinte, laquelle est devenue sans objet ; qu'en revanche, il serait inéquitable de laisser à la charge de la SAFER les frais irrépétibles exposés devant la cour ; qu'il lui sera alloué en conséquence une indemnité complémentaire d'un montant de 1 500 € et M. C... sera en outre condamné à lui verser la somme de 319,65 € correspondant au coût du procès-verbal de constat ;
Et aux motifs, à les supposer adoptés du jugement, qu'il ressort notamment du procès-verbal de constat de Maître D... en date du 2 avril 2013 que la parcelle n° [...] est encombrée de différents matériaux et de bottes de paille et que l'engin de M. M... venu libérer les lieux a été volontairement endommagé ; qu'ainsi peut être considéré comme un trouble manifestement illicite, justifiant l'intervention du juge des référés, le fait d'occuper un immeuble sans droit ni titre, ou toute entrave à l'accès de cet immeuble sauf à ce que l'occupant puisse justifier d'un titre ; qu'il est constant que la parcelle litigieuse est occupée par M. U... C... ;
1) Alors que, d'une part, seule l'existence d'un trouble manifestement illicite permet au juge, même en présence d'une contestation sérieuse, de prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent ; que comme l'a soutenu M. C..., la présence sur le côté d'une parcelle de terre, d'une surface supérieure à 5 ha, de quelques bottes de paille et d'un vieil engin agricole qui ne gênaient absolument pas l'exploitation de la parcelle ne pouvait constituer un trouble manifestement illicite nécessitant la mise en oeuvre de mesures urgentes pour le faire cesser ; qu'en admettant que constituait un trouble manifestement illicite le fait d'occuper un immeuble sans droit ni titre, sans caractériser en fait cette occupation illicite contestée par l'exposant, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile ;
2) Alors que, d'autre part, seule l'existence d'un trouble manifestement illicite imputable à la personne poursuivie permet au juge, même en présence d'une contestation sérieuse, de prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que c'est l'ancien propriétaire de la parcelle qui s'était opposé au fils de l'occupant, M. M..., venu libérer les lieux à la demande de la SAFER ; qu'en décidant que constituait un trouble manifestement illicite le fait d'occuper un immeuble sans droit ni titre, ainsi que toute entrave à l'accès de cet immeuble, quand cet obstacle n'était pas le fait de M. C..., la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile ;
3) Alors qu'en outre, il incombe au demandeur à l'action d'apporter la preuve des éléments nécessaires au succès de ses prétentions ; qu'il appartenait, en l'espèce, à la SAFER, sollicitant la libération des lieux par M. C... et sa condamnation pour occupation illicite, d'établir que celui-ci était propriétaire des biens occupant la parcelle ; qu'en faisant droit à la demande de la SAFER aux motifs que M. C... n'aurait émis ni protestation ni réserve ni contestation quant à la présence de matériel agricole et de bottes de paille lorsqu'il avait pris possession de la parcelle litigieuse, dans le cadre de la convention d'occupation précaire, ni quand la SAFER lui avait demandé de la libérer, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 du code civil et 809 du code de procédure civile ;
4) Alors que, de plus, le juge ne peut accorder une provision que si elle ne se heurte à aucune contestation sérieuse ; que la paille et le matériel agricole, immeubles par destination en application de l'article 529 du code civil, relèvent des règles applicables aux immeubles et suivent le fonds auquel ils sont attachés ; que ces immeubles par destination sont donc présumés appartenir au propriétaire du fonds auquel ils se trouvent affectés ; qu'en l'espèce, il appartenait en conséquence à la SAFER, propriétaire de la parcelle litigieuse, de démontrer qu'elle n'était pas propriétaire du matériel agricole et de la paille entreposés sur sa parcelle et que ce dépôt était le fait de M. C... ; qu'en condamnant M. C..., occupant à titre précaire de la parcelle, à la libérer et à verser une provision à valoir sur les dommages-intérêts dus pour occupation illicite, la cour d'appel, qui a tranché une contestation sérieuse sur la propriété de ces biens, a violé l'article 809 du code de procédure civile ;
5) Alors que, par ailleurs, M. C... a fait valoir dans ses conclusions d'appel que l'ancien propriétaire de la parcelle litigieuse avait reconnu être l'auteur de l'entreposage du matériel agricole et des bottes de paille ; qu'en refusant de prendre en considération son attestation aux motifs inopérants qu'au vu du procès-verbal de constat établi le 2 avril 2013, la SAFER était bien fondée à penser que le matériel agricole était abandonné et que les bottes de paille résultaient de l'exploitation de cette parcelle par M. C..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6) Alors qu'enfin, et en toute hypothèse, M. C... a fait valoir dans ses conclusions d'appel que la présence d'un vieux matériel agricole et de quelques bottes de pailles sur le côté du terrain ne gênaient nullement l'exploitation de la parcelle d'une surface totale de 5 ha 79 a 40 ca ; d'où il suivait que la SAFER, ou l'agriculteur à qui elle avait confié l'exploitation de la parcelle, ne pouvait subir aucun préjudice résultant de l'entreposage de ce matériel et de ces bottes ; qu'en condamnant M. C... à libérer la parcelle et à verser une indemnité provisionnelle de 1000 € à valoir sur la réparation du préjudice résultant de l'occupation illicite des lieux, sans répondre aux conclusions d'appel de l'exposant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.