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10/04/2019 | FRANCE | N°17-19733

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 avril 2019, 17-19733


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 11 avril 2017, RG n°15/01707), que par acte du 10 mai 2006, Mme T... a abandonné à la société Techmeta participations (la société), dont ses quatre enfants étaient les principaux associés, l'usufruit de deux mille cinq cent soixante actions qu'elle détenait dans le capital de la société Techmeta ; que considérant que cet abandon d'usufruit constituait une donation indirecte en faveur de la société, l'administration fiscale a notifié à cette dernière une p

roposition de rectification ; que la société ayant contesté cette propositi...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 11 avril 2017, RG n°15/01707), que par acte du 10 mai 2006, Mme T... a abandonné à la société Techmeta participations (la société), dont ses quatre enfants étaient les principaux associés, l'usufruit de deux mille cinq cent soixante actions qu'elle détenait dans le capital de la société Techmeta ; que considérant que cet abandon d'usufruit constituait une donation indirecte en faveur de la société, l'administration fiscale a notifié à cette dernière une proposition de rectification ; que la société ayant contesté cette proposition, puis demandé son annulation ainsi que celle de l'avis de mise en recouvrement qui avait été établi, une cour d'appel a, par arrêt du 27 novembre 2012, déclaré la procédure suivie irrégulière et annulé l'avis de mise en recouvrement ; que le 13 décembre 2012, l'administration fiscale a notifié à la société et à Mme T... une nouvelle proposition de rectification ; qu'après mise en recouvrement des impositions en résultant et rejet de sa réclamation contentieuse, la société a saisi le tribunal de grande instance afin d'en être déchargée ;

Sur le deuxième moyen, qui est préalable :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de confirmer la décision de rejet de sa réclamation et de la déclarer débitrice des sommes mises en recouvrement le 7 août 2013 alors, selon le moyen :

1°/ que toutes les parties qui ont figuré dans un acte sont tenues solidairement aux droits d'enregistrement auxquels cet acte est soumis ; que si l'administration fiscale peut choisir de notifier les redressements à l'un seulement des redevables solidaires de la dette fiscale, la procédure doit être contradictoire et la loyauté des débats oblige l'administration à notifier, en cours de procédure, à l'ensemble des personnes qui peuvent être poursuivies, les actes de la procédure les concernant ; que dans une donation indirecte, le donataire est partie à l'acte même si l'acte juridique support de la donation n'a été conclu par le donateur qu'avec un tiers interposé, en sorte qu'il doit se voir notifier les actes de la procédure de redressement ; qu'au cas d'espèce, en estimant que seules Mme T... et la société Techmeta participations étaient parties à l' « acte de donation » (abandon d'un usufruit) et que les actes de la procédure n'avaient donc pas à être notifiés aux enfants de Mme T... pour assurer la régularité de la procédure, sans s'expliquer sur le point de savoir si, comme le soutenait la société Techmeta participations, en s'appuyant sur la propre position de l'administration fiscale, lesdits enfants, qui étaient par ailleurs les actionnaires quasi exclusifs de la société Techmeta participations, n'étaient pas les bénéficiaires de la donation qualifiée d'indirecte par l'administration puis les juges du fond, en sorte qu'ils devaient être tenus pour parties à l'acte litigieux et se voir appelés à la procédure de rectification, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1705 du code général des impôts, ensemble les articles 894, 931 et 1103 ancien du code civil ;

2°/ que lorsque l'administration fiscale entend requalifier un acte unilatéral abdicatif de droit en donation indirecte, de manière à lui appliquer les droits d'enregistrement réellement dus, elle doit utiliser la procédure de répression des abus de droit de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales et respecter les garanties de procédure alors prévues au profit du contribuable ; qu'au cas d'espèce, en jugeant que l'administration fiscale avait pu poursuivre le redressement sur le fondement du seul article L. 55 du livre des procédures fiscales, sans avoir besoin de recourir à la procédure de répression des abus de droit, motif pris de ce que l'administration n'invoquait pas la dissimulation d'un acte par un autre mais entendait seulement requalifier en donation indirecte l'acte d'abandon d'usufruit impliquant Mme T... et la société Techmeta participations, sans s'expliquer sur le point de savoir si, comme le soutenait la société Techmeta participations, en s'appuyant sur la propre position de l'administration fiscale, lesdits enfants, qui étaient par ailleurs les actionnaires quasi exclusifs de la société Techmeta participations, n'étaient pas les bénéficiaires de la donation qualifiée d'indirecte, en sorte que la procédure visait bien, selon l'administration, à tenir en échec la dissimulation, sous couvert d'un abandon d'usufruit à la société, d'une donation indirecte de Mme T... faite à ses enfants, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 55 et L. 64 du livre des procédures fiscales, ensemble les articles 894, 931 et 1103 ancien du code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'il résulte de l'article 1705, 5° du code général des impôts que l'obligation au paiement des droits d'enregistrement des actes qu'il vise incombe aux seules parties à l'acte ; qu'ayant relevé que la proposition de rectification notifiée à la société était fondée sur la donation indirecte dont elle avait bénéficié, l'arrêt constate que les enfants de Mme T... ne sont pas parties à l'acte litigieux ; que de ces motifs, la cour d'appel a exactement déduit que, la société étant la seule bénéficiaire de la donation, les actes de la procédure n'avaient pas à être notifiés aux enfants de la donatrice ;

Et attendu, d'autre part, que la procédure prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales n'est pas applicable lorsque l'administration fiscale ne fonde pas son redressement sur une dissimulation d'un acte par un autre, mais entend seulement donner leur effet légal aux actes et conventions tels qu'ils lui ont été soumis ; qu'ayant relevé que l'administration fiscale n'invoquait pas la dissimulation d'un acte par un autre mais qu'elle avait seulement entendu donner à l'acte d'abandon d'usufruit toute sa portée en constatant qu'il s'agissait d'une donation indirecte au profit de la société et non des enfants de Mme T..., ce dont il résultait qu'elle ne s'était pas placée sur le terrain implicite de l'abus de droit pour établir le redressement, la cour d'appel, qui en a déduit que seules les dispositions de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales étaient applicables, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que le juge est tenu de respecter l'objet du litige tel qu'il est déterminé par les conclusions des parties ; qu'au cas d'espèce, la société Techmeta participations et l'administration fiscale s'accordaient sur le fait que l'acte d'abandon d'usufruit du 10 mai 2006, consenti par Mme T... à la société Techmeta participations, à le supposer générateur d'une imposition, l'était en tant qu'il réalisait une donation indirecte, non pas au profit de la société Techmeta participations, mais au profit des quatre enfants de Mme T..., par ailleurs actionnaires quasi exclusifs de la société Techmeta participations, leur propre patrimoine se trouvant censément enrichi par l'augmentation de celui de cette dernière société ; qu'en estimant au contraire être en présence d'une donation indirecte consentie par Mme G... T... à la société Techmeta participations, et non aux enfants de Mme T..., et en fondant tout son raisonnement subséquent sur ce postulat erroné, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/que constitue une donation indirecte l'acte d'appauvrissement définitif, mû par une intention libérale, du patrimoine du donateur au profit du patrimoine du donataire, qui l'accepte, par l'intermédiaire d'un patrimoine tiers ; qu'au cas d'espèce, en n'expliquant pas pour quelles raisons il convenait de considérer que l'acte d'abandon d'usufruit conclu entre Mme G... T... et la société Techmeta participations devait s'analyser en une donation « indirecte » de la première à la seconde, et exclure corrélativement qu'il matérialisât une donation indirecte de Mme T... à ses quatre enfants, par ailleurs actionnaires quasi exclusifs de la société Techmeta participations, tandis au surplus que c'est précisément ce que l'administration fiscale avait soutenu tout au long de la procédure de redressement et que la société Techmeta participations fondait également sa défense sur ce postulat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1705 du code général des impôts, ensemble les articles 894, 931 et 1103 ancien du code civil ;

3°/ que toute donation suppose une intention libérale chez le donateur, laquelle désigne sa volonté de gratifier le donataire et ne se confond donc pas avec son appauvrissement ; qu'au cas d'espèce, en estimant être en présence d'une donation « indirecte » effectuée par Mme G... T... au profit d'une personne morale à but lucratif, soit la société Techmeta participations, excluant ainsi que la prétendue donation « indirecte » eût pour bénéficiaires les quatre enfants de Mme T..., et en fondant tout son raisonnement sur cette idée, sans s'expliquer à aucun moment sur l'intention libérale – laquelle ne se confondait pas avec le seul appauvrissement – qui aurait ainsi pu animer le donateur envers la personne morale, la cour d'appel n'a en tout état de cause pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 894 et 931 du code civil, ensemble l'article 1705 du code général des impôts ;

4°/ qu'en considérant tout à la fois que la donation avait pour bénéficiaire la seule société Techmeta participations et non les enfants de Mme T..., par ailleurs associés quasi exclusifs de cette dernière, puis que, sous l'angle de l'intention libérale, « l'opération ne pouvait profiter qu'aux associés en leur permettant de céder leurs actions », ce qui supposait qu'ils fussent donc considérés comme les bénéficiaires de la donation, la cour d'appel, qui a statué par des motifs contradictoires, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt constate que l'usufruit dont Mme T... a fait l'abandon sans contrepartie n'était pas dépourvu de valeur, que cet abandon la privait de tout pouvoir de décision au sein de la société et que, s'il profitait aux associés en leur permettant de céder leurs actions, la société l'avait immédiatement accepté et avait perçu les dividendes lui revenant dès leur mise en distribution ; que de ces motifs, dont il ressort que Mme T... entendait gratifier la société en accroissant la valeur de ses actions et ses biens dès lors que cette dernière était la bénéficiaire de la donation intervenue en sa faveur et non les enfants de Mme T..., la cour d'appel, qui ne s'est pas contredite et n'a pas méconnu l'objet du litige, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que la société fait encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que les bénéfices réalisés par une société ne participent de la nature des fruits que lors de leur attribution sous forme de dividendes, lesquels n'ont pas d'existence juridique avant la constatation de l'existence de sommes distribuables par l'organe social compétent et la détermination de la part attribuée à chaque associé ; qu'au cas d'espèce, à supposer, comme l'a retenu la cour d'appel, que la société Techmeta participations fût bien la bénéficiaire de la « donation indirecte » résultant de l'abandon d'usufruit consenti par Mme T... le 10 mai 2006, en considérant que la société donataire avait donné son acceptation tacite à la donation dès le 10 mai 2006 en percevant les dividendes distribués en 2007 au titre de l'exercice 2006, quand ces dividendes ne pouvaient avoir eu d'existence juridique avant leur constatation par l'assemblée générale et la détermination des parts dues à chaque associé, de sorte que leur perception ne pouvait valoir acceptation implicite de la donation à une date antérieure à la clôture de l'exercice social concerné, la cour d'appel a violé les articles 894 et 1842 du code civil, ensemble l'article 1705 du code général des impôts ;

Mais attendu que l'arrêt constate que la preuve de l'acceptation de la donation du 10 mai 2006 résultait de la perception par la société des dividendes distribués pour l'exercice clos en 2006 ; qu'en l'état de ces motifs dont il ressort, en l'absence de toute contestation de la régularité de cette distribution, que la perception de ces fruits valait acceptation rétroactive et implicite de la donation, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié les éléments de preuve qui lui étaient soumis, a exactement retenu que la donation avait été acceptée par la société ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le pourvoi ;

Condamne la société Techmeta participations aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer au directeur général des finances publiques la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille dix-neuf et signé par lui et Mme Labat, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Techmeta participations

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR confirmé la décision de rejet du 17 février 2014 et d'AVOIR dit en conséquence que la société Techmeta Participations était débitrice des sommes dues en vertu de l'avis de mise en recouvrement du 7 août 2013 pour 578.495 € de droits assortis de l'intérêt de retard pour 180.490 € soit au total 758.995 € ;

AUX MOTIFS QUE 2– sur la régularité de la procédure : que la société Techmeta participations fait valoir que ses enfants (sic – lire : « les enfants de Mme T... ») seraient les bénéficiaires de la donation indirecte retenue par l'administration, lesquels n'ont pas participé à la procédure de rectification, qu'en effet, les enfants de Mme T... seraient les bénéficiaires de la donation indirecte retenue par l'administration, lesquels n'ont pas participé à la procédure de rectification ; que cependant, selon l'article 1705 du code général des impôts, sont tenus au paiement des droits les parties, pour les actes sous signature privée, et les héritiers, légataires et donataires, leurs tuteurs et curateurs, et les exécuteurs testamentaires, pour les testaments et autres actes de libéralité à cause de mort ; qu'il en résulte en l'espèce que seules les parties à l'acte de donation, c'est-à-dire Mme T... et la société Techmeta participations peuvent être tenus au paiement des droits, de sorte qu'il n'était pas utile d'associer les enfants de Mme T... à la procédure de rectification ; que par ailleurs, selon la société Techmeta participations, s'il fallait analyser la distribution de résultats comme la preuve de l'acceptation par son bénéficiaire de la donation litigieuse, le fait générateur des droits se situerait alors en 2007 ce qui aurait pour conséquence de vicier la procédure de rectification ; que la donation indirecte peut être acceptée par le donataire en l'absence même d'acceptation expresse du seul fait de l'appréhension des fruits, de sorte que l'administration fait valoir à juste titre que la preuve de l'acceptation, intervenue dès le 10 mai 2006, résultait de la perception des dividendes distribués pour l'exercice clos en 2006 ; qu'il est ainsi établi que la donation a été immédiatement acceptée par la société Techmeta participations ; qu'enfin, Mme T... (sic – lire : « la société Techmeta Participations ») se prévaut de la méconnaissance de la procédure prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; mais que l'administration n'invoque pas la dissimulation d'un acte par un autre mais entend seulement requalifier en donation indirecte l'acte d'abandon d'usufruit de sorte que les dispositions de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales sont seules applicables ; 3– sur le bien-fondé de la rectification : que la société Techmeta participations rappelle que la donation indirecte suppose : l'intention libérale du donateur, l'acceptation du donataire, le dessaisissement irrévocable du donateur qui entraîne son appauvrissement ; que selon elle, l'intention libérale ne pourrait exister à défaut d'un lien de parenté entre les parties à l'acte d'abandon d'usufruit, alors en outre que Mme T... avait un intérêt économique à abandonner son usufruit ; que cependant l'administration relève à juste titre que l'usufruit dont Mme T... a fait l'abandon n'était pas dépourvu de valeur, alors en outre que l'abandon avait pour conséquence de priver Mme T... de son pouvoir de décision dans la gestion de la société, et qu'enfin, elle a fait cet abandon sans aucune contrepartie, que l'opération ne pouvait profiter qu'aux associés en leur permettant de céder leurs actions ; qu'il résulte des explications données au précédent paragraphe que la société Techmeta participations a accepté immédiatement la donation indirecte, qu'il en est résulté pour Mme T... un appauvrissement irrévocable ; qu'enfin la société Techmeta participations critique le calcul des droits opérés par application des dispositions des articles 777 et 790 du code général des impôts, lesquelles ne seraient applicables qu'aux personnes physiques ; que selon l'article 777, les droits de mutation à titre gratuit sont fixés aux taux indiqués dans les tableaux ci-après, pour la part nette revenant à chaque ayant droit, et plus particulièrement, selon le tableau III intitulé « tarif des droits applicables en ligne collatérale et entre non parents », « Entre parents au-delà du 4e degré et entre personnes non-parentes, 60 % » ; que pour l'application de ces dispositions, la société Techmeta participations doit être considérée comme une personne non parente de Mme T... ;

1) ALORS QUE le juge est tenu de respecter l'objet du litige tel qu'il est déterminé par les conclusions des parties ; qu'au cas d'espèce, la société Techmeta Participations (conclusions d'appel du 22 décembre 2015) et l'administration fiscale (conclusions d'appel du 22 février 2016) s'accordaient sur le fait que l'acte d'abandon d'usufruit du 10 mai 2006, consenti par Mme T... à la société Techmeta Participations, à le supposer générateur d'une imposition, l'était en tant qu'il réalisait une donation indirecte, non pas au profit de la société Techmeta Participations, mais au profit des quatre enfants de Mme T..., par ailleurs actionnaires quasi exclusifs de la société Techmeta Participations, leur propre patrimoine se trouvant censément enrichi par l'augmentation de celui de cette dernière société ; qu'en estimant au contraire être en présence d'une donation indirecte consentie par Mme G... T... à la société Techmeta Participations, et non aux enfants de Mme T..., et en fondant tout son raisonnement subséquent sur ce postulat erroné, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE constitue une donation indirecte l'acte d'appauvrissement définitif, mû par une intention libérale, du patrimoine du donateur au profit du patrimoine du donataire, qui l'accepte, par l'intermédiaire d'un patrimoine tiers ; qu'au cas d'espèce, en n'expliquant pas pour quelles raisons il convenait de considérer que l'acte d'abandon d'usufruit conclu entre Mme G... T... et la société Techmeta Participations devait s'analyser en une donation « indirecte » de la première à la seconde, et exclure corrélativement qu'il matérialisât une donation indirecte de Mme T... à ses quatre enfants, par ailleurs actionnaires quasi exclusifs de la société Techmeta Participations, tandis au surplus que c'est précisément ce que l'administration fiscale avait soutenu tout au long de la procédure de redressement et que la société Techmeta Participations fondait également sa défense sur ce postulat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1705 du code général des impôts, ensemble les articles 894, 931 et 1103 ancien du code civil ;

3) ALORS QUE toute donation suppose une intention libérale chez le donateur, laquelle désigne sa volonté de gratifier le donataire et ne se confond donc pas avec son appauvrissement ; qu'au cas d'espèce, en estimant être en présence d'une donation « indirecte » effectuée par Mme G... T... au profit d'une personne morale à but lucratif, soit la société Techmeta Participations, excluant ainsi que la prétendue donation «indirecte» eût pour bénéficiaires les quatre enfants de Mme T..., et en fondant tout son raisonnement sur cette idée, sans s'expliquer à aucun moment sur l'intention libérale – laquelle ne se confondait pas avec le seul appauvrissement – qui aurait ainsi pu animer le donateur envers la personne morale, la cour d'appel n'a en tout état de cause pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 894 et 931 du code civil, ensemble l'article 1705 du code général des impôts ;

4) ALORS, en tout cas, QU'en considérant tout à la fois que la donation avait pour bénéficiaire la seule société Techmeta Participations et non les enfants de Mme T..., par ailleurs associés quasi exclusifs de cette dernière, puis que, sous l'angle de l'intention libérale, « l'opération ne pouvait profiter qu'aux associés en leur permettant de céder leurs actions » (arrêt p. 4, alinéa 10), ce qui supposait qu'ils fussent donc considérés comme les bénéficiaires de la donation, la cour d'appel, qui a statué par des motifs contradictoires, a violé l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR confirmé la décision de rejet du 17 février 2014 et d'AVOIR dit en conséquence que la société Techmeta participations était débitrice des sommes dues en vertu de l'avis de mise en recouvrement du 7 août 2013 pour 578.495 € de droits assortis de l'intérêt de retard pour 180.490 € soit au total 758.995 € ;

AUX MOTIFS QUE 2– sur la régularité de la procédure : que la société Techmeta participations fait valoir que ses enfants (sic – lire : « les enfants de Mme T... ») seraient les bénéficiaires de la donation indirecte retenue par l'administration, lesquels n'ont pas participé à la procédure de rectification, qu'en effet, les enfants de Mme T... seraient les bénéficiaires de la donation indirecte retenue par l'administration, lesquels n'ont pas participé à la procédure de rectification ; que cependant, selon l'article 1705 du code général des impôts, sont tenus au paiement des droits les parties, pour les actes sous signature privée, et les héritiers, légataires et donataires, leurs tuteurs et curateurs, et les exécuteurs testamentaires, pour les testaments et autres actes de libéralité à cause de mort ; qu'il en résulte en l'espèce que seules les parties à l'acte de donation, c'est-à-dire Mme T... et la société Techmeta participations peuvent être tenus au paiement des droits, de sorte qu'il n'était pas utile d'associer les enfants de Mme T... à la procédure de rectification ; (
)qu'enfin, Mme T... (sic – lire : « la société Techmeta Participations ») se prévaut de la méconnaissance de la procédure prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; mais que l'administration n'invoque pas la dissimulation d'un acte par un autre mais entend seulement requalifier en donation indirecte l'acte d'abandon d'usufruit de sorte que les dispositions de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales sont seules applicables ;

1) ALORS QUE toutes les parties qui ont figuré dans un acte sont tenues solidairement aux droits d'enregistrement auxquels cet acte est soumis ; que si l'administration fiscale peut choisir de notifier les redressements à l'un seulement des redevables solidaires de la dette fiscale, la procédure doit être contradictoire et la loyauté des débats oblige l'administration à notifier, en cours de procédure, à l'ensemble des personnes qui peuvent être poursuivies, les actes de la procédure les concernant ; que dans une donation indirecte, le donataire est partie à l'acte même si l'acte juridique support de la donation n'a été conclu par le donateur qu'avec un tiers interposé, en sorte qu'il doit se voir notifier les actes de la procédure de redressement ; qu'au cas d'espèce, en estimant que seules Mme T... et la société Techmeta Participations étaient parties à l' « acte de donation» (abandon d'un usufruit) et que les actes de la procédure n'avaient donc pas à être notifiés aux enfants de Mme T... pour assurer la régularité de la procédure, sans s'expliquer sur le point de savoir si, comme le soutenait la société Techmeta Participations (conclusions d'appel du 22 décembre 2015, p. 13 et s.), en s'appuyant sur la propre position de l'administration fiscale, lesdits enfants, qui étaient par ailleurs les actionnaires quasi exclusifs de la société Techmeta Participations, n'étaient pas les bénéficiaires de la donation qualifiée d'indirecte par l'administration puis les juges du fond, en sorte qu'ils devaient être tenus pour parties à l'acte litigieux et se voir appelés à la procédure de rectification, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1705 du code général des impôts, ensemble les articles 894, 931 et 1103 ancien du code civil ;

2) ALORS QUE lorsque l'administration fiscale entend requalifier un acte unilatéral abdicatif de droit en donation indirecte, de manière à lui appliquer les droits d'enregistrement réellement dus, elle doit utiliser la procédure de répression des abus de droit de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales et respecter les garanties de procédure alors prévues au profit du contribuable ; qu'au cas d'espèce, en jugeant que l'administration fiscale avait pu poursuivre le redressement sur le fondement du seul article L. 55 du LPF, sans avoir besoin de recourir à la procédure de répression des abus de droit, motif pris de ce que l'administration n'invoquait pas la dissimulation d'un acte par un autre mais entendait seulement requalifier en donation indirecte l'acte d'abandon d'usufruit impliquant Mme T... et la société Techmeta Participations, sans s'expliquer sur le point de savoir si, comme le soutenait la société Techmeta Participations (conclusions d'appel du 22 décembre 2015, p. 19 et s.), en s'appuyant sur la propre position de l'administration fiscale, lesdits enfants, qui étaient par ailleurs les actionnaires quasi exclusifs de la société Techmeta Participations, n'étaient pas les bénéficiaires de la donation qualifiée d'indirecte, en sorte que la procédure visait bien, selon l'administration, à tenir en échec la dissimulation, sous couvert d'un abandon d'usufruit à la société, d'une donation indirecte de Mme T... faite à ses enfants, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 55 et L. 64 du livre des procédures fiscales, ensemble les articles 894, 931 et 1103 ancien du code civil.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR confirmé la décision de rejet du 17 février 2014 et d'AVOIR dit en conséquence que la société Techmeta participations était débitrice des sommes dues en vertu de l'avis de mise en recouvrement du 7 août 2013 pour 578.495 € de droits assortis de l'intérêt de retard pour 180.490 € soit au total 758.995 € ;

AUX MOTIFS QUE par ailleurs, selon la société Techmeta participations, s'il fallait analyser la distribution de résultats comme la preuve de l'acceptation par son bénéficiaire de la donation litigieuse, le fait générateur des droits se situerait alors en 2007 ce qui aurait pour conséquence de vicier la procédure de rectification ; que la donation indirecte peut être acceptée par le donataire en l'absence même d'acceptation expresse du seul fait de l'appréhension des fruits, de sorte que l'administration fait valoir à juste titre que la preuve de l'acceptation, intervenue dès le 10 mai 2006, résultait de la perception des dividendes distribués pour l'exercice clos en 2006 ; qu'il est ainsi établi que la donation a été immédiatement acceptée par la société Techmeta participations ;

ALORS QUE les bénéfices réalisés par une société ne participent de la nature des fruits que lors de leur attribution sous forme de dividendes, lesquels n'ont pas d'existence juridique avant la constatation de l'existence de sommes distribuables par l'organe social compétent et la détermination de la part attribuée à chaque associé ; qu'au cas d'espèce, à supposer, comme l'a retenu la cour d'appel, que la société Techmeta Participations fût bien la bénéficiaire de la « donation indirecte » résultant de l'abandon d'usufruit consenti par Mme T... le 10 mai 2006, en considérant que la société donataire avait donné son acceptation tacite à la donation dès le 10 mai 2006 en percevant les dividendes distribués en 2007 au titre de l'exercice 2006, quand ces dividendes ne pouvaient avoir eu d'existence juridique avant leur constatation par l'assemblée générale et la détermination des parts dues à chaque associé, de sorte que leur perception ne pouvait valoir acceptation implicite de la donation à une date antérieure à la clôture de l'exercice social concerné, la cour d'appel a violé les articles 894 et 1842 du code civil, ensemble l'article 1705 du code général des impôts.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-19733
Date de la décision : 10/04/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 11 avril 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 avr. 2019, pourvoi n°17-19733


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.19733
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