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10/04/2019 | FRANCE | N°17-18665

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 avril 2019, 17-18665


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 24 mars 2017), que M. U..., engagé le 6 juillet 1998 en qualité de technico-commercial, chargé d'affaires, par la société Audio équipement lumière et son, aux droits de laquelle vient la société Videlio IEC, a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la condamnation de l'employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail ; que le salarié a démissionné

le 5 décembre 2014 ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 24 mars 2017), que M. U..., engagé le 6 juillet 1998 en qualité de technico-commercial, chargé d'affaires, par la société Audio équipement lumière et son, aux droits de laquelle vient la société Videlio IEC, a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la condamnation de l'employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail ; que le salarié a démissionné le 5 décembre 2014 ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de rappel de commissions pour les années 2011 à 2015 ;

Mais attendu que la cour d'appel a écarté l'application du contrat de travail prétendument dénaturé par un motif, indépendant de son contenu, tiré de ce que les droits à rémunération variable du salarié étaient régis par le protocole d'accord du 3 novembre 2004 ;

Et attendu que les conséquences juridiques attachées par les juges du fond à ce protocole d'accord ne sont pas susceptibles d'être critiquées par un grief de dénaturation ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :

Attendu que le rejet du premier moyen prive de portée le deuxième moyen qui invoque une cassation par voie de conséquence ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la démission s'analyse en une prise d'acte produisant les effets d'une démission ;

Mais attendu que le rejet des premier et deuxième moyens prive de portée la première branche qui invoque une cassation par voie de conséquence ;

Et attendu que, sous le couvert d'un grief non fondé de violation de la loi, la seconde branche ne tend qu'à contester l'appréciation par la cour d'appel des éléments de fait qui lui étaient soumis dont elle a pu déduire que les manquements invoqués par le salarié n'étaient pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. U... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. U...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande tendant à voir condamner la société Videlio IEC à lui payer les sommes de 139 555 € à titre de rappel de salaires sur commissions pour les années 2011 à 2015 incluse, de 13 955 € au titre des congés payés afférents et de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR condamné le salarié aux dépens d'appel.

AUX MOTIFS QUE ni le contrat de travail du 6 juillet 1998 ni aucun avenant postérieur ne précise expressément à quel stade de la commercialisation des produits le salarié devait avoir contribué à la réalisation du chiffre d'affaires qui constitue l'assiette de sa rémunération variable ; que Z... U... était chargé tant de la prospection de la clientèle que du suivi commercial des affaires ; qu'il y a donc lieu de considérer que l'appelant peut prétendre à des commissions sur les affaires dans lesquelles il a assumé l'ensemble de ses missions contractuelles ; qu'en signant le protocole d'accord du 3 novembre 2004, Z... U... a accepté que sa rémunération soit modifiée dans les conditions définies par ce protocole si, dans les trois mois, le groupe Avest S.A. faisait l'acquisition de la majorité des actions constituant le capital de la société Audio Equipement ; que les nouvelles conditions de rémunération de Z... U... devaient, dans ce cas, être reprises dans un avenant au contrat de travail du 6 juillet 1998 ; que le 2 février 2005, la société Avest a acquis la majorité du capital de la société Audio Equipement ; que dès lors, le protocole du 3 novembre 2004 doit produire son plein et entier effet ; que les droits de Z... U... à rappel de rémunération variable doivent être appréciés au regard des clauses sur lesquelles s'était réalisé, à cette date, l'accord écrit des parties ; qu'il n'importe que ces clauses n'aient pas été reprises ensuite dans un avenant contractuel ; qu'en effet, la condition suspensive dont il était assorti ayant été levée dans les trois mois, le protocole valait lui-même avenant au contrat de travail initial ; que Z... U... n'est pas fondé à soutenir que son employeur avait reconnu par écrit, les 31 janvier et 18 mars 2008, que les conditions de rémunération du contrat de travail initial devaient continuer à s'appliquer ; que l'interdépendance des obligations réciproques des parties qui caractérise les contrats synallagmatiques ne permet pas à la partie qui a refusé d'accepter de signer un avenant contractuel d'opposer à l'autre partie l'accord qu'elle a donné à cet avenant ; qu'au demeurant, les projets d'avenant contractuel contenant un nouveau système de rémunération, la référence qu'ils faisaient aux clauses non modifiées du contrat de travail initial est sans portée pour l'appréciation du droit de l'appelant à rappel de rémunération variable ; que lorsque le contrat de travail prévoit le versement au salarié d'une rémunération variable en fonction de la réalisation d'objectifs fixés chaque année du commun accord des parties et qu'aucun objectif n'a été arrêté pour un ou plusieurs exercices, il y a lieu de fixer la rémunération variable du salarié pour le ou les exercices en cause par référence aux objectifs fixés d'un commun accord pour l'année précédente ; qu'en l'espèce, il a été convenu dans le protocole du 3 novembre 2004 que les objectifs qu'il contient seraient réévalués annuellement d'un commun accord ; que l'accord des parties ne s'étant réalisé sur aucun objectif au cours des années postérieures, les droits de Z... U... à rémunération variable doivent être déterminés au regard des objectifs fixés le 3 novembre 2004 ; que Z... U... revendique des droits à commissions sur les affaires suivantes : Opéra de Lausanne, Silos d'Arenc pour la Mairie de Marseille, Salle de spectacle de Cergy, Café de la plage à Maurepas ; que la société Videlio IEC impute des avoirs à Z... U... sur l'affaire dite de Tunis pour un montant de 250 000 € ; que sur l'affaire Opéra de Lausanne : que le marché de la rénovation de la scène de l'Opéra de Lausanne a été attribué à la société Audio Equipement par adjudication le 26 janvier 2011 ; qu'il a donné lieu à l'émission d'une facture le 30 janvier 2012 ; que Z... U... prétend établir par les pièces qu'il produit qu'il était l'apporteur de l'affaire et qu'il a suivi le chantier pendant toute sa durée ; que les attestations qu'il communique démontrent que le salarié a été l'interlocuteur commercial (pièce 18) ou l'un des interlocuteurs qui s'occupaient de la partie commerciale et financière de l'opération (pièce 99), qu'il a participé à des réunions et assisté à des rendez-vous de chantier ; qu'il a été sur le terrain l'unique représentant de la société Audio Equipement pendant ce chantier qui lui a imposé des déplacements réguliers en Suisse ; qu'il est beaucoup plus évasif sur sa qualité d'apporteur d'affaire, se bornant à insinuer que si intervention il y a avant le dossier de candidature, elle doit par nature demeurer occulte ; que la réalisation des marchés sur appel d'offres ne résulte pourtant que de la comparaison des offres effectuées par les entreprises concernées, le représentant de l'entreprise soumissionnaire n'y ayant aucune part, ni sa personnalité ni celle de l'entreprise n'étant prise en considération ; que le salarié communique une attestation établie le 9 octobre 2015 par A... O..., ancienne assistante commerciale de la société Audio Equipement, qui certifie que Z... U... avait bien été l'apporteur du marché de l'Opéra de Lausanne ; qu'elle avait auparavant, dans la base Navision, associé à cette affaire le nom de H... V... qui était chargé de la partie « technique et études » sans mesurer l'importance des conséquences de cette mention (sic) ; que cette ancienne salariée ne précise pas comment elle a su que Z... U... était l'apporteur de l'affaire sinon par l'appelant lui-même puisque l'intervention de ce dernier aurait été « occulte » ; qu'il n'existe aucun élément sérieux permettant de reconnaître à Z... U... la qualité d'apporteur d'affaire ; que celui-ci ne peut donc prétendre inclure le marché de l'Opéra de Lausanne dans l'assiette de calcul de ses droits à rémunération variable ; que sur l'affaire Silos d'Arenc (Mairie de Marseille) : que la société Videlio IEC communique le marché de restructuration de l'ex-silo à céréales d'Arenc qui a été signé au nom de cette société par D... L... en qualité de directeur commercial ; que la thèse selon laquelle D... L... aurait été le directeur général de la société Audio Equipement et n'aurait exercé aucune fonction commerciale est démentie par l'attestation du directeur commercial de la société W... (pièce 112) ; qu'elle n'est pas soutenue devant la Cour ; que Z... U... explique que D... L... était seul habilité à engager la société par sa signature ; qu'il est regrettable que le salarié, qui produit deux attestations de D... L... (pièces 89 et 100), la plus récente du 1er mars 2016, n'ait pas invité ce témoin à prendre position sur le pouvoir qu'avait ou non Z... U... d'engager la société ; que s'il est intervenu sur le chantier en qualité de chargé d'affaires, l'appelant n'avance aucun élément laissant supposer qu'il est à l'origine du marché des silos d'Arenc, ce que D... L... n'a confirmé ni en 2015 ni en 2016 ; qu'il ne peut donc prétendre percevoir une rémunération variable sur cette affaire ; que sur le Marché de la salle de spectacle de Cergy : que selon Z... U..., deux lots ont été attribués à la société Audio Equipement : • le lot écran géant traité en direct par D... L..., • le lot scénique confié à Z... U... qui sollicite des commissions sur le chiffre d'affaires afférent à ce lot ; que selon Laurent W..., la société Audio Equipement était sous-traitante de la société W... dans l'affaire de la construction de l'équipement culturel des Hauts de Cergy, dans le cadre de laquelle Z... U... était l'unique interlocuteur commercial de la société W... ; que X... K..., ancien salarié de la société Audio Equipement, a confirmé en 2016 que Z... U... était le chargé d'affaires de la salle de spectacle de Cergy pour les lots scéniques 82 et 83, étant d'ailleurs observé que les équipements d'éclairage scénique audiovisuel et vidéo constituaient le lot S5 (pièce 113) ; que par ailleurs, Z... U... n'explique pas le sens de son courriel du 12 mars 2012 contenant la liste des affaires le concernant, dans lequel il a écrit : « Cergy avec W... et Avab pour la partie Neuilly ne me concernent pas, je les ai mis en jaune et à zéro dans le tableau » ; qu'il semble bien qu'à l'époque, Z... U... considérait qu'il ne pouvait prétendre à des commissions sur le marché de la salle de spectacle de Cergy ; qu'en tout cas, il ne soutient pas qu'il a été l'apporteur de cette affaire ; que ce marché sera donc exclu de l'assiette de calcul des droits de Z... U... à commissions ; que sur l'affaire du Café de la plage à Maurepas : que la même observation peut être faite au sujet du marché du Café de la plage à Maurepas (78) ; qu'en effet, l'intervention de Z... U... en qualité de chargé d'affaire commercial, attestée en 2016 par B... E... et N... J..., et comme interlocuteur de la société W... n'implique pas qu'il était initialement l'apporteur d'affaire ; que sur l'affaire dite de Tunis : que Z... U... ne revendique aucun droit à commission sur ce marché ; que les prétentions de Z... U... ont été constamment évolutives non seulement dans leur montant, mais aussi quant aux marchés sur lesquels il a revendiqué des droits à commission ; qu'à titre d'exemple, dans ses premières conclusions d'appelant, parvenues au greffe le 9 décembre 2015, il soutenait encore son droit à commission dans l'affaire du siège de la région Rhône-Alpes ; que les affaires salle de spectacle de Cergy et Café de la plage ne figurent pas dans le jugement parmi les affaires en litige (il s'agissait alors de la Mairie de Neuilly) ; que pour les dossiers demeurant en litige en cause d'appel, il ne résulte pas des pièces et des débats que Z... U... ait effectué l'ensemble des missions contractuelles auxquelles était subordonnée l'ouverture du droit à commission ; qu'il sera donc débouté de ce chef de demande, le jugement entrepris étant confirmé.

1°/ ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; que s'agissant de la rémunération due au salarié, le contrat de travail du 6 juillet 1998 stipulait : « Salaire de base fixe : 13 000 F brut mensuel sur 12 mois (pour 39 heures hebdomadaires de travail). Commission de base : 1,5 % du chiffre d'affaires facturé. La prime est facturée toutes les fins de mois et versée sur le salaire du mois suivant. Toute facture impayée entraînera une réintégration de la commission y afférente. Objectif annuel/mensuel : L'objectif est de 3 000 KF soit 275 KF mensuel sur 11 mois. Marges : La marge brute minimum affaire par affaire est de 25 %. La marge brute minimum mensuelle est de 35 %. La marge brute minimum donnant droit à surprime est de 38 %. Surprime de fin d'année liée au CA : Si objectifs dépassés de 1 à 1 000 KF : 0,5 % sur la totalité du CA. Si objectifs dépassés de plus de 1 000 KF : 1 % sur la totalité du CA. Surprime de fin d'année liée à la marge : Une surprime de 0,5 % du CA global objectif atteint ou non pour une marge brute de 35 % au moins. Une surprime de 1 % du CA global objectif atteint ou non pour une marge brute de 38 % au moins. La marge est calculée chaque mois. La prime est versée le premier mois de l'année fiscale suivante. » ; que pour débouter le salarié de sa demande en paiement de rappel de salaires sur commissions, après avoir relevé que ni le contrat de travail du 6 juillet 1998 ni aucun avenant postérieur ne précise expressément à quel stade de la commercialisation des produits le salarié devait avoir contribué à la réalisation du chiffre d'affaires qui constitue l'assiette de sa rémunération variable, l'arrêt retient que le salarié était chargé tant de la prospection de la clientèle que du suivi commercial des affaires, qu'il y a donc lieu de considérer qu'il peut prétendre à des commissions sur les affaires dans lesquelles il a assumé l'ensemble de ses missions contractuelles et qu'il ne résulte pas des pièces et des débats qu'il ait effectué l'ensemble des missions contractuelles auxquelles était subordonnée l'ouverture du droit à commission ; qu'en statuant ainsi, alors que ni le contrat de travail, ni aucun avenant postérieur ne subordonnait le droit à commissions à une condition d'apport d'affaires par le salarié, la cour d'appel a dénaturé, par adjonction des conditions qu'il ne comportait pas, le contrat de travail, en violation du principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause et de l'article 1134 du code civil, alors applicable.

2°/ ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; que le protocole d'accord du 3 novembre 2004 stipulait : « Ce protocole est valable trois mois francs à partir de sa date de signature par les deux parties. (
) Dans ces conditions et sous réserve de votre accord sur ce protocole un avenant à votre contrat sera établi sur les bases de nos accords figurants ci-après sur ce protocole. Il est bien entendu que cet avenant ne pourra être mis en oeuvre explicitement qu'en cas de reprise majoritaire de l'entreprise par le groupe AVEST SA. Dans le cas contraire ce protocole sera réputé comme caduque et sans suite. Pour ce faire nous souhaitons vous proposer l'évolution de votre contrat de travail selon les termes ci-après et à dater de la reprise effective éventuelle des parts de Audio Equipement SA par AVEST SA (ou filiale). (
). Nous vous prions donc de bien vouloir prendre connaissance et d'accepter les termes d'un éventuel avenant à votre contrat qui serait rédigé conformément aux termes ci-après : « Compte tenu des explications préalablement exprimées nous vous proposons dans le cadre d'un avenant à votre présent contrat de travail à durée indéterminée un emploi de Technico Commercial rattaché au collège des cadres avec un niveau 2 coefficient 120 et toujours soumis aux dispositions de la convention collective de la métallurgie dont l'entreprise dépend. Cet avenant deviendra effectif à la signature du document établi sur les mêmes termes que ceux de ce protocole d'accord sauf à convenir communément de toute autre disposition que l'évolution du contexte pourrait générer. (
) » ; qu'il résulte de ces termes clairs et précis que le protocole d'accord d'une durée déterminée de trois mois subordonnait la mise en oeuvre de la modification du contrat de travail du salarié notamment à la signature d'un avenant, laquelle n'est pas intervenue ; qu'en retenant, pour dire que les droits du salarié à rappel de rémunération variable devaient être appréciés au regard du protocole d'accord du 3 novembre 2004, que ledit protocole d'accord valait lui-même avenant au contrat de travail initial, la cour d'appel a dénaturé le protocole d'accord du 3 novembre 2004, en violation du principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause et de l'article 1134 du code civil, alors applicable.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande tendant à voir condamner la société Videlio IEC à lui payer les sommes de 14 672,36 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR condamné le salarié aux dépens d'appel.

AUX MOTIFS QUE Z... U... fonde exclusivement ce chef de demande sur l'absence de régularisation des commissions ; que la Cour considérant que Z... U... a été rempli de ses droits, aucun manquement de l'employeur à l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail ne peut justifier l'octroi de dommages-intérêts au salarié.

ALORS QUE par application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure qui s'attachera au premier moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence, en l'état d'un lien de dépendance nécessaire, la cassation de chef de dispositif de l'arrêt attaqué ayant débouté le salarié de sa demande tendant à voir condamner la société Videlio IEC à lui payer de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la démission du salarié en raison de faits qu'il reprochait à la société Videlio IEC s'analysait en une prise d'acte qui produisait les effets d'une démission et, en conséquence, d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes tendant à voir condamner la société Videlio IEC à lui payer les sommes de 24 208,80 € à titre d'indemnité de préavis et de congés payés y afférents, de 7 336,18 € à titre des dommages et intérêts pour perte de chance d'utiliser le DIF, de 51 718,80 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, de 44 017 € à titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR condamné le salarié à payer à la société Videlio IEC la somme de 11 315,58 € à titre d'indemnité de brusque rupture et aux dépens d'appel.

AUX MOTIFS QUE la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission ; qu'en l'espèce, le fait que Z... U... ait rompu unilatéralement son contrat de travail pendant le délibéré du Conseil de prud'hommes qu'il avait saisi d'une demande de résiliation judiciaire du même contrat suffit à rendre équivoque la « démission » du 5 décembre 2014 ; que celle-ci s'analyse en une prise d'acte de la rupture ; que la prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à l'employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail en sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant ; que s'il appartient alors au juge de se prononcer sur la seule prise d'acte, il doit fonder sa décision sur les manquements de l'employeur invoqués par le salarié tant à l'appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu'à l'appui de la prise d'acte ; qu'en l'espèce, seule était de nature à rendre impossible la poursuite de l'exécution du contrat de travail qui liait Z... U... à la société Videlio IEC l'impatience du futur employeur du salarié de la voir rejoindre ses effectifs ainsi que Z... U... l'a écrit avec une certaine ingénuité dans son courrier du 5 décembre 2014 ; que dans les rapports de ce dernier avec la société intimée, il n'existait à la date de la rupture aucun manquement de la société Videlio IEC à ses obligations, suffisamment important pour faire obstacle au maintien de la relation contractuelle ; qu'en conséquence, la prise d'acte produit les effets d'une démission ;

AUX MOTIFS QUE l'indemnité de brusque rupture, due par le salarié démissionnaire en cas de non-respect du préavis qu'il devait à son employeur, constitue la réparation forfaitaire du préjudice subi par ce dernier ; que l'employeur n'est donc pas tenu de rapporter la preuve d'un préjudice particulier ; que le montant de l'indemnité est égal à la rémunération qui aurait été perçue par le salarié pendant l'exécution du préavis ; qu'en l'espèce, par lettres recommandées des 9 décembre 2014 et 12 janvier 2015, la société Videlio IEC a informé Z... U... de ce qu'elle ne le dispensait pas de l'exécution du préavis et l'a mis en demeure de lui verser une indemnité compensatrice correspondant aux trois mois de préavis ; que l'article 27 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie fixant à trois mois la durée du préavis des cadres occupant la position II, Z... U... sera condamné à payer à la société intimée une indemnité brute de 11 315,58 € ;

ET AUX MOTIFS QUE jusqu'en 2013, Z... U... a été rémunéré sur la base de 39 heures hebdomadaires de travail, sans majoration des heures supplémentaires et sans compensation de celles-ci par un nombre d'heures de réduction du temps de travail correspondant au dépassement de la durée légale du travail ; que le Conseil de prud'hommes était donc fondé à lui allouer un rappel de salaire de 13 428,96 € sur les années 2008 à 2013 ; que le jugement sera confirmé sur ce point ; qu'en cause d'appel, Z... U... présente au titre de l'année 2014 une demande de rappel de salaire calculée sur les mêmes bases ; qu'il ressort pourtant de ses bulletins de paie qu'il n'était plus rémunéré sur la base de 39 heures hebdomadaires, mais de 1 638 heures travaillées par an (cf. bulletin de décembre 2014), soit 36,16 heures hebdomadaires et 7 jours de réduction du temps de travail par an, conformément à un accord collectif conclu au sein de la société Videlio IEC ; qu'il sera donc débouté de sa demande nouvelle au titre de l'année 2014.

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE M. U... travaillait contractuellement 39 heures par semaine (article 11 du contrat de travail) ; que M. U... n'aura pas bénéficié de 11 jours de RTT par an, contrairement aux salariés embauchés dans l'entreprise après la loi sur les 35 heures, mais de 1,73 heure par mois de repos compensateur ; que M. U... et d'autres cadres dans sa situation avaient cherché à comprendre cette différence de traitement et ont interrogé sur ce point leur employeur par un courrier recommandé en date du 12 janvier 2012 ; que la Direction des Ressources Humaines confirme, par courriel du 23 janvier 2012, qu'elle était bien consciente de ces éléments et avait entamé une politique d'uniformisation de l'ensemble des règles d'organisation du temps de travail dans les différentes filiales du Groupe ; que l'employeur n'est jamais revenu vers les salariés depuis ce courriel ; que la société Audio Equipement a fusionné avec la société Videlio IEC en septembre 2013 ; que, si aucun accord sur le temps de travail n'était applicable dans la société Audio Equipement, l'ensemble des salariés sont soumis, après la fusion, à l'accord de temps de travail applicable au sein de Videlio IEC, sinon ils seront soumis à cet accord applicable au sein de Videlio IEC un an après la mise en application ; que la société Videlio IEC, qui se défend d'avoir eu à appliquer la loi des 35 heures pour M. U..., prétend qu'il s'agissait d'un usage jamais contesté par les salariés auparavant ; que la non application d'une règle de droit par l'employeur au détriment de son salarié ne saurait en aucun cas constituer un usage ; qu'ainsi, que la société Videlio IEC refuse d'appliquer à M. U... la réparation de la non application des 35 heures de travail ; que le nombre d'heures que M. U... aurait dû effectuer était de 1 607 heures par an, qu'il aurait dû lui permettre de bénéficier de 11 jours de RTT par an, soit 77 heures par an et non 1,73 heure par mois, soit 20,76 heures par an ; que, pour chaque année de travail depuis le 12 janvier 2007, soit 5 ans avant la dénonciation de ce préjudice, M. U... aura perçu un solde de 56,24 heures de travail ; que, pour valoriser chaque heure de travail à indemniser, il convient de prendre le salaire annuel moyen et de diviser ce dernier par 1607, tel que M. U... le propose ; que ces heures de travail interviennent sur le temps de travail au-delà de 35 heures et doivent entrer à ce titre dans la législation des heures supplémentaires ; qu'elles doivent également ouvrir droit au paiement d'une indemnité de congés payés afférentes ; qu'ainsi, le solde des heures à indemniser sera calculé de 2008 à 2013 pour un montant total de 13 428,96 € bruts ; qu'il conviendra au Conseil de condamner la société Videlio IEC à la somme de 13 428,96 € bruts à titre de rappel de salaires sur la réduction du temps de travail.

ET AUX MOTIFS VISES AU PREMIER MOYEN

1°/ ALORS QUE la cassation à intervenir sur les premier et deuxième moyens entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, l'annulation de l'arrêt en ce qu'il a jugé que la prise d'acte du salarié s'analysait en une démission et, en conséquence, débouté le salarié de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture de son contrat de travail et l'a condamné à payer à la société Videlio IEC une somme à titre d'indemnité de brusque rupture.

2°/ ALORS QUE la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ; que constitue un manquement suffisamment grave empêchant la poursuite du contrat de travail, le refus par l'employeur de payer les heures supplémentaires effectuées toutes les semaines pendant au moins cinq ans ; qu'en décidant le contraire après avoir pourtant constaté que pendant au moins cinq ans, le salarié a été rémunéré sur la base de 39 heures hebdomadaires de travail, sans majoration des heures supplémentaires et sans compensation de celles-ci par un nombre d'heures de réduction du temps de travail correspondant au dépassement de la durée légale du travail et que la société Videlio IEC, interrogée sur ce point par le salarié et autres cadres, se défendait d'avoir eu à appliquer la loi des 35 heures pour le salarié en prétendant qu'il s'agissait d'un usage jamais contesté par les salariés auparavant, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 1231-1, L. 1235-1 et L. 1237-2 du code du travail, alors applicable.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-18665
Date de la décision : 10/04/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 24 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 avr. 2019, pourvoi n°17-18665


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.18665
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