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10/04/2019 | FRANCE | N°17-17302

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 avril 2019, 17-17302


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 21 mars 2017), que M. L... a été mis à disposition de la société Parefeuilles Provence par la société de travail temporaire Internim, en qualité de cariste dans le cadre de contrats de mission successifs du 7 mars au 7 juin 2008 ; que le 27 mai 2008, le salarié a été victime d'un accident du travail ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la requalification des contrats de mission en un contrat de travail à durée indéterm

inée et le paiement de sommes au titre de la rupture et du manquement de l'em...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 21 mars 2017), que M. L... a été mis à disposition de la société Parefeuilles Provence par la société de travail temporaire Internim, en qualité de cariste dans le cadre de contrats de mission successifs du 7 mars au 7 juin 2008 ; que le 27 mai 2008, le salarié a été victime d'un accident du travail ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la requalification des contrats de mission en un contrat de travail à durée indéterminée et le paiement de sommes au titre de la rupture et du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;

Attendu que la société Parefeuilles Provence fait grief à l'arrêt de requalifier les contrats de missions temporaires du salarié en un contrat de travail à durée indéterminée conclu à compter du 7 mars 2008 auprès de la société utilisatrice, de dire que le terme du dernier contrat de mission produit les effets d'un licenciement nul au 7 juin 2008, de la condamner à verser certaines sommes à titre d'indemnité de requalification et d'indemnité pour licenciement nul et irrégulier, et de mettre hors de cause la société Internim, alors, selon le moyen :

1°/ que le recours à des salariés intérimaires est ainsi autorisé pour les besoins d'une ou plusieurs tâches résultant du seul accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, notamment en cas de variations cycliques, même régulières, de production dues à des pics d'activité non durables, sans qu'il soit nécessaire que cet accroissement présente un caractère exceptionnel, ou que le salarié recruté soit affecté à la réalisation même de ces tâches ; qu'en retenant, pour requalifier les contrats successifs en un contrat de travail à durée indéterminée, que la société n'aurait pas justifié du motif de recours à ces contrats de mission, quand elle avait justifié pour chacun d'entre eux non seulement la réalité de l'accroissement d'activité, mais également son caractère temporaire, la cour d'appel a violé les articles L. 1251-5, L. 1251-6, L. 1251-7 et L. 1251-10 du code du travail ;

2°/ que ne saurait correspondre à la qualification d'emploi durable, l'embauche d'un salarié sous six contrats de mission successifs dont la durée totale n'a pas dépassé trois mois ; qu'en retenant néanmoins, pour affirmer que la durée de la relation de travail n'était pas un élément pertinent pour apprécier le respect ou non par l'employeur de ses obligations, la gravité de l'accident dont le salarié avait été victime au cours de l'exécution du dernier contrat, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision et l'a privée en conséquence de base légale au regard de l'article L. 1251-5 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a retenu que l'employeur ne justifiait pas du motif de recours pour accroissement temporaire d'activité pour chacune des périodes considérées ; qu'ayant ainsi fait ressortir que les contrats avaient été conclus pour les besoins de l'activité normale et permanente de l'entreprise, elle en a exactement déduit, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche, que la relation de travail devait être requalifiée en un contrat à durée indéterminée ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Parefeuilles Provence aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Parefeuilles Provence à payer la somme de 3 000 euros à M. L... et la somme de 1 500 euros à la société Internim ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Parefeuilles Provence

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir requalifié les contrats de missions temporaires de M. L... en un contrat de travail à durée indéterminée conclu à compter du 7 mars 2008 auprès de la société Parefeuilles Provence, dit que le terme du dernier contrat de mission produisait les effets d'un licenciement nul au 7 juin 2008, d'avoir condamné la société à lui verser les sommes de 1 862,45 € nets au titre de l'indemnité de requalification, de 11 200 € nets à titre d'indemnité pour licenciement nul et irrégulier et d'avoir mise hors de cause la société Internim ;

AUX MOTIFS QUE « sur la requalification des contrats de mission en une relation de travail à durée indéterminée : aux termes de l'article L.1251-40 du code du travail, "lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions de articles L.1251-5 ) L.1251-7, L.1251-10 à L.1251-12, L.1251-30 et L.1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission" ;
Que l'article L.1251-5 du code du travail dispose que le "contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice" ;
Que suivant l'article L.1251-6, sous réserve des dispositions de l'article L.1251-7, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée "mission" et seulement dans les cas suivants :
1) remplacement d'un salarié en cas d'absence ou de suspension de son contrat de travail notamment,
2) accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise,
3) emplois à caractère saisonnier,
4) remplacement d'un chef d'entreprise (
) ;
Qu'en cas de litige sur le motif du recours, il incombe à l'entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé ;
Qu'en l'espèce, M. L... fait observer qu'il a travaillé du 7 mars au 27 mai date de son accident du travail, sans interruption au titre de 11 contrats de mission motivés par un accroissement d'activité ; qu'il résulte de leur examen qu'en réalité les parties ont conclu six contrats, dont les cinq premiers ont donné lieu à prolongation, le motif "d'accroissement temporaire d'activité" visé par chacun de ces contrats étant ainsi détaillé :
1 – premier contrat du 7 mars 2008 au 14 mars 2008, au titre d'un accroissement temporaire d'activité lié "au renfort de personnel suite à une nouvelle gamme de produits" ; que ce contrat a été prolongé du 15 mars 2008 au 22 mars 2008 pour le même motif ;
2 – second contrat du 24 mars 2008 au 29 mars 2008, l'accroissement temporaire d'activité étant lié "à un renfort de personnel suite à la mise en place de nouveau matériel" ; que ce contrat a été prolongé du 30 mars 2008 au 4 avril 2008 pour le même motif ;
3 – troisième contrat du 7 avril 2008 au 11 avril 2008, l'accroissement temporaire d'activité étant lié "au renfort de personnel suite au lancement de la nouvelle collection" ; que ce contrat a été prolongé du 12 avril 2008 au 20 avril 2008 pour le même motif ;
4 – quatrième contrat du 21 avril 2008 au 3 mai 2008, l'accroissement temporaire d'activité étant lié "au renfort de personnel suite au décalage des plannings" ; que ce contrat a ensuite été prolongé du 4 mai 2008 au 9 mai 2008 pour le même motif ;
5 – cinquième contrat du 12 mai 2008 au 17 mai 2008, l'accroissement temporaire d'activité étant lié "au lancement d'une nouvelle collection" ; que ce contrat a été prolongé du 18 mai 2008 au 24 mai 2008 pour le même motif ;
6 – enfin sixième contrat du 26 mai 2008 avec terme du 7 juin 2008, l'accroissement temporaire d'activité étant lié "à un décalage des plannings nécessitant un renfort du personnel" ;
Que l'accident du travail de M. L... est survenu le 27 mai 2008, au cours de l'exécution de ce dernier contrat ; que cet accident a entraîné l'amputation partielle de deux doigts de la main droite ;
Qu'observation faite que du 7 mars au 7 juin 2008, M. L... a été embauché de manière continue, selon un rythme caractérisé par la conclusion de contrats de mission de très courte durée (une ou deux semaines), lesquels étaient, jusqu'à la date de l'accident, systématiquement prolongés d'une semaine, le fait que la relation de travail, appréciée de manière globale, n'ait duré, en tout et pour tout, que trois mois, n'est pas de nature à étayer l'hypothèse défendue par l'entreprise selon laquelle ces contrats n'avaient pas pour objet ni pour effet d'occuper durablement un poste permanent de l'entreprise ; qu'en d'autres termes, en raison de la gravité de l'accident du travail dont a été victime le salarié au cours de l'exécution du sixième et dernier contrat, la durée de la relation de travail n'est pas un élément pertinent pour apprécier le respect ou non de l'employeur à ses obligations en la matière ;
Que le salarié soutient que l'employeur "ne justifie pas d'un accroissement temporaire de son activité" ;
Que la société Parefeuilles Provence, à qui il appartient de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé, fournit les éléments suivants :
- des certificats d'arrêt de travail concernant M. D..., cariste, pour la période du 20 mars au 11 avril 2008 ; que les contrats de mission n'ayant pas été motivés par le remplacement de ce salarié, ces pièces sont inopérantes ;

- ses catalogues 2007 et 2008, de l'examen comparé desquels il ressort que l'entreprise a proposé à sa clientèle pour l'année 2008 des gammes de carrelage qui n'existaient pas l'année précédente ; que pour autant, l'employeur ne fournit ni explication, ni aucun élément de nature à étayer la thèse développée selon laquelle le renouvellement partiel de sa gamme de produits entraînerait un accroissement temporaire d'activité ;
Qu'il s'ensuit que l'accroissement temporaire d'activité visé par le premier, le troisième et le cinquième contrat de mission n'est pas justifié ;
- des factures de livraison de matériels éditées par diverses sociétés italiennes au cours de la période litigieuse, à savoir FDS Ettmar, en date du 29 février, relative à des tampons en acier pour un montant de 9 200 €, Trebax en date du 21 avril, visant des tampons pour 4 375 €, Marfin, en date du 30 avril concernant la livraison d'un four, d'une cercleuse horizontale et d'une armoire électrique pour la somme de 54 830 € et SCR en date du 30 mai 2008 portant sur des pièces pour presse pour un montant de 11 958 € ;
Qu'il ne résulte pas de ces factures que la société ait été confrontée à la mise en oeuvre de nouveau matériel sur la période courant du 24 mars au 4 avril 2008 ; que la seule facture portant sur des machines, éditée par la société Marfin, est postérieure à la période considérée ;
Que la preuve de l'accroissement temporaire d'activité visé par le deuxième contrat de mission n'est pas rapportée,
- des plannings des caristes relatifs aux années 2007 à 211 ; que si ces documents confirment les dires du salarié selon lesquels il a occupé le même emploi sur toute la période considérée, en l'absence de la moindre explication fournie par l'entreprise, il ne résulte pas de l'examen de ces documents l'existence d'un décalage des plannings justifiant le recours à un renfort de personnel ;
Que l'organisation d'une formation à la conduite des chariots automoteurs "le vendredi 30 mai 2008" ne saurait justifier un décalage de planning sur toute la semaine considérée ;
Que s'agissant de la formation sur l'habilitation électrique en date des 19 et 20 juin, celle-ci a été prévue en dehors de la période visée par la relation de travail ;
Qu'au vu de ces éléments, l'accroissement temporaire d'activité invoqué par l'employeur au titre des quatrième et sixième contrats n'est pas avérée ;
Que l'employeur ne justifiant pas du motif de recours à ces contrats de mission, le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté M. L... de sa demande de requalification de la relation de travail en un contrat de travail à durée indéterminée ayant pris effet au 7 mars 2008, laquelle sera accueillie, conformément aux dispositions de l'article L.1251-10 du code du travail ;
Que le salaire du dernier mois travaillé s'est élevé à 1 713,69 € ;
Que la société Parefeuilles Provence sera condamnée à verser à M. L... la somme de 1 862,45 € à titre d'indemnité de requalification » ;

ET QUE « Sur la rupture du contrat de travail : la rupture de la relation de travail résultant du seul fait de l'arrivée du terme d'un contrat improprement qualifié de contrat de mission, sans l'envoi d'une lettre de licenciement motivée s'analyse en un licenciement abusif ;
Qu'il ressort de la correspondance de la Caisse primaire d'assurance malade versée aux débats par le salarié que suite à l'accident du travail dont il a été victime le 27 mai 2008, le salarié a été arrêté jusqu'au 15 mai 2009, date à laquelle son état de santé a été jugé consolidé ;
Que la rupture de la relation de travail étant donc intervenue au cours de la suspension du contrat de travail de M. L..., motivée par un arrêt pour accident du travail, et par application des dispositions des articles L.1226-9 et L.1226-13 du code du travail, ce licenciement est nul ;
Que sur l'indemnisation du licenciement, faute pour le salarié de développer un quelconque moyen au soutien de sa demande de condamnation in solidum visant la société d'intérim contre laquelle il ne caractérise aucun manquement, ses demandes seront rejetées en ce qu'elle vise la société Internim ;
Qu'au jour de la rupture, M. L..., âgé de 28 ans, bénéficiait d'une ancienneté de trois mois au sein de l'entreprise qui employait plus de dix salariés ; qu'il avait perçu au cours de la relation de travail un salaire brut globale de 5 587,37 € ;
Qu'alors que son ancienneté est inférieure à six mois, M. L... sollicite le paiement d'une indemnité de préavis représentant un mois de salaire, sans préciser le fondement légal ou conventionnel de sa prétention qui sera en conséquence rejetée, ainsi que l'incidence de congés payés y afférente ;
Que M. L..., qui ne demande pas sa réintégration, a droit à une indemnité qui est au moins égale à six mois de salaire ; qu'il convient de lui allouer une indemnité de 11 200 € pour licenciement nul et irrégulier ».

1/ ALORS QUE le recours à des salariés intérimaires est ainsi autorisé pour les besoins d'une ou plusieurs tâches résultant du seul accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, notamment en cas de variations cycliques, même régulières, de production dues à des pics d'activité non durables, sans qu'il soit nécessaire que cet accroissement présente un caractère exceptionnel, ou que le salarié recruté soit affecté à la réalisation même de ces tâches ; qu'en retenant, pour requalifier les contrats successifs en un contrat de travail à durée indéterminée, que la société n'aurait pas justifié du motif de recours à ces contrats de mission, quand elle avait justifié pour chacun d'entre eux non seulement la réalité de l'accroissement d'activité, mais également son caractère temporaire, la cour d'appel a violé les articles L.1251-5, L.1251-6, L.1251-7 et L.1251-10 du code du travail ;

2/ ALORS QUE ne saurait correspondre à la qualification d'emploi durable, l'embauche d'un salarié sous six contrats de mission successifs dont la durée totale n'a pas dépassé trois mois ; qu'en retenant néanmoins, pour affirmer que la durée de la relation de travail n'était pas un élément pertinent pour apprécier le respect ou non par l'employeur de ses obligations, la gravité de l'accident dont le salarié avait été victime au cours de l'exécution du dernier contrat, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision et l'a privée en conséquence de base légale au regard de l'article L.1251-5 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-17302
Date de la décision : 10/04/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 21 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 avr. 2019, pourvoi n°17-17302


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.17302
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