LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Mme G... D..., née le [...] à Moudéry (Sénégal) a sollicité la délivrance d'un certificat de nationalité française comme étant née d'un père français ; qu'un refus lui ayant été opposé au motif que le certificat de nationalité française délivré à son père ne pouvait profiter qu'à celui-ci et qu'il n'était pas établi que ce dernier aurait conservé la nationalité française lors de l'accession du Sénégal à l'indépendance, elle a saisi le tribunal de grande instance de Lille d'une action déclaratoire de nationalité ; qu'au cours de cette instance, Mme D... a, par mémoire distinct et motivé, soulevé une question prioritaire de constitutionnalité ;
Attendu que le tribunal a transmis la question ainsi rédigée :
« Ordonne la transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité posée par G... D... et relative à la constitutionnalité des articles 30 et 31-2 du code civil, tels qu'interprétés par le jurisprudence de la Cour de cassation au regard de :
-l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen avec les droits de la défense, l'égalité des armes, le droit au procès équitable, le principe du contradictoire et la sécurité juridique ;
-le principe d'égalité devant la loi et l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen » ;
Attendu que les dispositions légales contestées sont applicables au litige ;
Qu'elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;
Mais attendu que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;
Et attendu qu'elle ne présente pas un caractère sérieux ; qu'en effet, d'abord, si, dans l'interprétation constante qu'en donne la Cour de cassation, l'article 30 du code civil autorise le seul titulaire du certificat de nationalité à s'en prévaloir, cette limitation procède de la nature même du certificat, lequel ne constitue pas un titre de nationalité mais un document destiné à faciliter la preuve de la nationalité française, dont la délivrance dépend des éléments produits par le requérant à l'appui de sa demande et de l'examen par un agent administratif de sa situation individuelle au regard du droit de la nationalité ; qu'ensuite, le législateur a ouvert à toute personne la faculté d'engager l'action prévue à l'article 29-3 du code civil afin d'obtenir, pour elle-même et ses descendants mineurs, une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée la déclarant Française, ce qui est de nature à la prémunir contre le risque d'une contestation ultérieure et d'une déperdition d'éléments de preuve ; qu'enfin, le législateur, en permettant l'acquisition de la nationalité par possession d'état, a entendu tempérer, en cas d'inaction du titulaire du certificat de nationalité, les conséquences pouvant découler de l'imprescriptibilité de l'action négatoire ;
D'où il suit qu'en l'absence d'atteinte aux droits et principes garantis par les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel ;
PAR CES MOTIFS :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille dix-neuf.