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04/04/2019 | FRANCE | N°18-14350

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 04 avril 2019, 18-14350


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable :

Vu les articles 125 et 480 du code de procédure civile, et 1351, devenu 1355 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., salarié de la société Exide technologies (l'employeur), a été victime, le 27 octobre 2006,
d'un accident pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres (la caisse) au titre de la législation professionnelle ; qu'il a saisi, le 2 octobre 2012, une juridiction

de sécurité sociale d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable :

Vu les articles 125 et 480 du code de procédure civile, et 1351, devenu 1355 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., salarié de la société Exide technologies (l'employeur), a été victime, le 27 octobre 2006,
d'un accident pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres (la caisse) au titre de la législation professionnelle ; qu'il a saisi, le 2 octobre 2012, une juridiction de sécurité sociale d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;

Attendu que, confirmant le jugement déféré mais y ajoutant, l'arrêt décide que l'employeur sera tenu de garantir, auprès de la caisse, les conséquences financières de sa faute inexcusable ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, tout en ordonnant avant dire droit une expertise, le tribunal des affaires de sécurité sociale avait, au cours de la même instance, par jugement rendu le 26 novembre 2013 dont il n'a pas été relevé appel, énoncé dans le dispositif de sa décision que la réparation des préjudices de la victime sera avancée par la caisse sans recours possible contre l'employeur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la société Exide technologies sera tenue de garantir auprès de la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres, les conséquences financières de sa faute inexcusable, l'arrêt rendu le 26 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Exide technologies.

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR dit que la société Exide technologies sera tenue de garantir auprès de la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres les conséquences financières de sa faute inexcusable et de l'AVOIR condamnée à payer à M. Y... des sommes en application de l'article 700 du code de procédure civile.

AUX MOTIFS QUE « Aux termes de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 décembre 2012, et applicable au présent litige, dans le cas mentionné à l'article précédent, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre. Lorsqu'une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité. Lorsqu'une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d'incapacité totale. En cas d'accident suivi de mort, le montant de la majoration est fixé sans que le total des rentes et des majorations servies à l'ensemble des ayants droit puisse dépasser le montant du salaire annuel ; lorsque la rente d'un ayant droit cesse d'être due, le montant de la majoration correspondant à la ou aux dernières rentes servies est ajusté de façon à maintenir le montant global des rentes majorées tel qu'il avait été fixé initialement ; dans le cas où le conjoint, le partenaire d'un pacte civil de solidarité ou le concubin survivant recouvre son droit à la rente en application du troisième alinéa de l'article L. 434-9, la majoration dont il bénéficiait est rétablie à son profit. Le salaire annuel et la majoration visée au troisième et au quatrième alinéa du présent article sont soumis à la revalorisation prévue pour les rentes par l'article L. 434-17. La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le montant par l'imposition d'une cotisation complémentaire dont le taux et la durée sont fixés par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail sur la proposition de la caisse primaire, en accord avec l'employeur, sauf recours devant la juridiction de la sécurité sociale compétente. La cotisation complémentaire ainsi prévue ne peut être perçue au-delà d'une certaine durée et son taux excéder ni une fraction de la cotisation normale de l'employeur, ni une fraction des salaires servant de base à cette cotisation. Dans le cas de cession ou de cessation de l'entreprise, le capital correspondant aux arrérages à échoir est immédiatement exigible. En l'espèce la caisse primaire d'assurance-maladie des Flandres demande à la cour que la société soit condamnée à garantir les conséquences financières de sa faute inexcusable, au motif que l'irrégularité de la procédure ayant conduit à la prise en charge par la caisse, au titre de la législation professionnelle, d'un accident, d'une maladie ou d'une rechute, est sans incidence sur l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, et ne prive pas par la même la caisse du droit de récupérer sur l'employeur, après reconnaissance de cette faute, les compléments de rente et indemnités versées par elle. La société soutient au contraire que les dispositions de l'article L. 452-3-l du code de la sécurité sociale, instaurées par la loi du 17 décembre 2012, et aux termes desquelles, quelles que soient les conditions d'information de l'employeur par la caisse au cours de la procédure d'admission du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte obligation pour celui-ci de s'acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L. 452-1 et L. 452-3, ne sont pas applicables au présent litige. Elle fait valoir à ce titre que lesdites dispositions, qui ont modifié celles antérieurement applicables, ne sont pas d'application rétroactive, en ce qu'elles ne concernent que les actions en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur introduites à compter du 1er janvier 2013, et que la caisse procède à une interprétation contra legem de l'article L. 452-3-l du code de la sécurité sociale, alors même que son contenu est limpide. Toutefois la loi du 17 décembre 2012 n'a que très partiellement modifié l'ancien article L. 452-2 du code de la sécurité sociale en indiquant à la fin du sixième alinéa après le mot " récupère" "le capital représentatif auprès de l'employeur dans des conditions déterminées par décret", et en supprimant les deux derniers alinéas. L'article L.452-3 est quant à lui demeuré inchangé, disposant toujours qu'indépendamment de la majoration de rente quelle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation. De même, en cas d'accident suivi de mort, les ayants droit de la victime mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants ainsi que les ascendants et descendants qui n'ont pas droit à une rente en vertu desdits articles, peuvent demander à l'employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction précitée. La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur. Il apparaît ainsi que la loi du 17 décembre 2012 n'est pas revenue sur des dispositions antérieurement applicables et excluant sans ambiguïté l'action récursoire de la caisse s'agissant de la réparation des préjudices visés par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, lorsque la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident ou de la maladie est inopposable à l'employeur en raison d'une irrégularité de la procédure ayant conduit à cette prise en charge. En effet l'article L. 452-3, en ce qu'il disposait avant la loi du 17 décembre 2012 " la réparation du préjudice est versée au bénéficiaire par la caisse qui récupère le montant auprès de l'employeur ne formulait aucune hypothèse d'exclusion du droit à récupération par la caisse, et ce n'est que par le biais d'une interprétation erronée desdites dispositions, que des caisses ont pu voir leur action récursoire rejetée par des juridictions. Si la loi du 17 décembre 2012, qui a le mérite de régler la question de l'action récursoire des caisses afférentes à celle en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur intentée à compter du 1er janvier 2013, ne peut servir de base à une action récursoire relative à une période antérieure, pour autant une telle action doit être admise dans la mesure où son fondement est différent, en ce qu'il repose sur un principe intangible à ce jour, à savoir l'indépendance des rapports entre une caisse primaire d'assurance-maladie et un assuré d'une part, et les rapports d'autre part entre cette même caisse et l'employeur. Ce principe a pour corollaire que dans les rapports entre le salarié et l‘employeur, ce dernier ne peut pas se prévaloir d'une décision ne concernant que ses rapports avec la caisse. En vertu de ce principe l'employeur conserve la possibilité de contester l'opposabilité à son égard de la décision de prise en charge par la caisse, quand bien même sa faute inexcusable a été définitivement reconnue à l'égard du salarié dans la même instance, et inversement, le jugement constatant l'inopposabilité à l'égard de l'employeur de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle du salarié ne fait pas obstacle à ce que ce salarié puisse engager une action en reconnaissance de la faute inexcusable commise par cet employeur. De même l'employeur, à qui la décision de prise en charge de la maladie ou de l'accident est inopposable, peut contester le caractère professionnel lors d'une action en reconnaissance de sa faute inexcusable. Il apparaît ainsi que l'inopposabilité d'une décision de prise en charge par une caisse d'un accident ou d'une maladie, en raison d'irrégularités de la procédure ayant conduit à une telle décision, n'a de conséquences que dans les rapports entre la caisse et l'employeur, et se traduit par l'impossibilité pour la première d'imputer les dépenses liées à l'accident ou à la maladie sur le compte de l'employeur par le biais de cotisations. En revanche dans ses rapports avec l'assuré, l'employeur demeure responsable des conséquences de la reconnaissance d'une faute inexcusable lui étant imputable, la caisse, qui ne peut être à ce titre condamnée au paiement des sommes allouées, n'ayant pour mission que d'en faire l'avance et bénéficiant d'une subrogation. Il convient, au regard de ces éléments, et plus particulièrement de la reconnaissance d'une faute inexcusable et d'une inopposabilité de la décision de prise en charge de l'accident dont M. Y... a été victime en raison d'une irrégularité de la procédure d'information d'un employeur, de dire que la société sera tenue de garantir auprès de la caisse les conséquences financières de sa faute inexcusable, comme le demande la caisse » ;

1) ALORS QUE le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ; que le moyen tiré de la chose jugée est d'ordre public quand, au cours de la même instance, il est statué sur les suites d'une précédente décision passée en force de chose jugée ; qu'en l'espèce, dans un jugement mixte du 26 novembre 2013, le tribunal des affaires de sécurité sociale a notamment dit que la réparation des préjudices de M. Y... sera avancée par la CPAM des Flandres sans recours possible contre la société Exide technologies ; que le tribunal a ensuite rendu un jugement du 16 décembre 2014, ne revenant pas sur la question du recours de la caisse contre l'employeur ; qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué et des conclusions des parties que la cour d'appel était saisie d'un appel contre le seul jugement du 16 décembre 2014 ; qu'en décidant que la société Exide technologies sera tenue de garantir auprès de la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres les conséquences financières de sa faute inexcusable, quand cette question avait été tranchée par le jugement du 26 novembre 2013 passé en force de chose jugée faute d'appel à son encontre, la cour d'appel a violé les articles 125 et 480 du code de procédure civile et 1351, devenu 1355, du code civil.

2) ALORS subsidiairement QU'il résulte de la combinaison des articles L.452-2, L.452-3, R.441-11 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, et 86-II de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 que l'inopposabilité à l'égard de l'employeur, du fait du caractère non contradictoire de la procédure, de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie d'admettre le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie prive la caisse du droit de récupérer sur l'employeur, après reconnaissance de sa faute inexcusable, les compléments de rentes et indemnités versés par elle lorsque l'action en reconnaissance de la faute inexcusable a été introduite devant les tribunaux des affaires de sécurité sociale avant le 1er janvier 2013 ; qu'en l'espèce, la procédure de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident subi par M. Y... s'est déroulée en décembre 2006, la société Exide ayant été invitée le 19 décembre 2006 à consulter le dossier avant le 26 décembre 2006 ; que le salarié a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale le 2 octobre 2012 d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ; qu'il en résultait que le litige était soumis aux dispositions légales et réglementaires antérieures au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 et à la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 ; qu'en décidant que la société Exide technologies sera tenue de garantir auprès de la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres les conséquences financières de sa faute inexcusable, la cour d'appel a violé les articles L.452-2, L.452-3 et R.441-11 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-14350
Date de la décision : 04/04/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 26 janvier 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 04 avr. 2019, pourvoi n°18-14350


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.14350
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