LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 9 octobre 2017), que M. Y... a confié à la société Créabois MB, assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa), la construction de hangars, qui, avant achèvement, se sont effondrés sous l'effet d'une bourrasque ; que la société Créabois MB a été placée en liquidation judiciaire ; que M. Y... a assigné M. X..., gérant de la société Créabois MB, et la société Axa en réparation de ses préjudices ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes formées contre la société Axa ;
Mais attendu que c'est sans violer le principe de la contradiction que la cour d'appel a retenu qu'était seule susceptible d'être appelée l'assurance garantissant les dommages en cours de chantier, notamment en cas d'effondrement, laquelle était une assurance de chose, qui, garantissant au bénéfice exclusif de la société Créabois MB les dommages matériels subis en raison de l'effondrement de l'ouvrage avant réception, n'autorisait pas M. Y... à exercer l'action directe contre l'assureur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter les demandes formées à l'encontre de M. X..., l'arrêt retient que M. Y... lui reproche de n'avoir pas fait souscrire par la société Créabois MB une assurance garantissant sa responsabilité décennale couvrant les travaux litigieux et que ce grief est inopérant dès lors que la responsabilité décennale de la société Créabois MB n'est pas engagée ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, M. Y... faisait valoir qu'il n'était pas reproché à M. X... de n'avoir pas souscrit l'assurance obligatoire couvrant la responsabilité décennale de l'entreprise, mais qu'il lui était reproché d'avoir fait réaliser des travaux qui n'étaient pas couverts par l'assurance facultative souscrite par la société, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées par M. Y... à l'encontre de M. X..., l'arrêt rendu le 9 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy, autrement composée ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour M. Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
En ce que l'arrêt attaqué, par confirmation du jugement dont appel, a déclaré irrecevables les demandes formées par Monsieur Y... à l'encontre de la SA Axa France IARD ;
Aux motifs que la société Créabois MB a souscrit auprès de la société Axa un contrat d'assurance "BTPlus" associant une "assurance de dommages en cours de chantier", une "assurance de la responsabilité pour dommages de nature décennale", une "assurance de responsabilité civile, après réception, connexe à celle pour dommages de nature décennale", une "assurance de la responsabilité civile du chef d'entreprise avant ou après réception de travaux" ;
que les dommages invoqués par M. Y... à l'appui de son action contre la société Axa, ont pour origine l'effondrement des hangars dont la construction n'était pas achevée ; qu'est donc seule susceptible d'être appelée l'assurance garantissant les dommages en cours de chantier, notamment en cas d'effondrement "des éléments constitutifs et d'équipement de l'ouvrage réalisés ou mis en oeuvre par l'assuré ou ses sous-traitants" (article 2-1 des conditions générales) ;
que cette assurance, qui est une assurance de chose puisqu'elle garantit, au bénéfice exclusif de la société Créabois MB les dommages matériels qu'il subit en raison de l'effondrement de l'ouvrage avant réception, n'autorise pas M. Y... à exercer l'action directe contre l'assureur » (arrêt attaqué, p. 6, trois premiers attendus) ;
Alors que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office, sans inviter les parties à s'en expliquer, le moyen tiré de ce que seule l'assurance garantissant les dommages en cours de chantier aurait été susceptible d'être appelée en raison de l'origine des dommages et du défaut d'achèvement de la construction lors de leur survenance, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
En ce que l'arrêt attaqué, par confirmation du jugement dont appel, a débouté M. Y... de sa demande indemnitaire formée à l'encontre de M. X... en qualité de dirigeant de la société Créabois ;
Aux motifs propres que M. Y... reproche à M. X... de n'avoir pas fait souscrire par la société Créabois MB une assurance garantissant sa responsabilité décennale couvrant les travaux litigieux et d'avoir communiqué une attestation d'assurance donnant l'impression que l'assurance était acquise ;
que ces griefs sont toutefois inopérants dès lors que la responsabilité décennale de la société Créabois MB n'est pas engagée (arrêt attaqué, p. 8) ;
Et aux motifs adoptés des premiers juges, sur la demande de Monsieur Y... à l'encontre de Monsieur X... en qualité de dirigeant de la société Créabois, qu'aux termes de l'article L.223-22 alinéa 1er du Code de commerce : Les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.
En application de l'article 1315 du Code civil, le demandeur doit démontrer une faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice subi.
En l'espèce, si la société Créabois avait l'obligation de souscrire une assurance en garantie décennale, en toute hypothèse, cette assurance n'aurait pas garanti les préjudices subis par Monsieur Y..., la destruction du hangar ayant eu lieu avant réception de l'ouvrage.
En conséquence, Monsieur Y... sera débouté de sa demande à l'encontre de Monsieur X... es qualité de dirigeant de la société Créabois (jugement dont appel, p. 5) ;
Alors que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que dans ses conclusions d'appel, M. Y... ne reprochait pas à M. X... de n'avoir pas souscrit pour le compte de la société dont il était le dirigeant une assurance garantissant sa responsabilité décennale, mais, s'il s'avérait que la société Axa ne devait pas sa garantie, d'avoir fait réaliser des travaux pour lesquels la société Créabois n'était pas assurée au titre d'une assurance de responsabilité civile couvrant les préjudices causés aux tiers, avant ou après réception, contrairement à ce que laissait accroire une attestation qu'il lui avait remise ; de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile.