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03/04/2019 | FRANCE | N°17-25766

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 avril 2019, 17-25766


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. T... a été engagé le 21 juillet 1992, à effet au 1er octobre 1992, par la société Nouvelle d'affinage des métaux (la société), en qualité de directeur commercial ; qu'il a, le 23 décembre 2010, été licencié et dispensé d'effectuer son préavis de six mois ; qu'il a, le 12 juillet 2011, saisi la juridiction prud'homale afin notamment que la société soit condamnée à verser à la compagnie d'assurance AG le montant des mensualités de son assurance-vie à compter d

u 21 juillet 1992 jusqu'à la date de son licenciement ;

Sur le moyen unique :
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. T... a été engagé le 21 juillet 1992, à effet au 1er octobre 1992, par la société Nouvelle d'affinage des métaux (la société), en qualité de directeur commercial ; qu'il a, le 23 décembre 2010, été licencié et dispensé d'effectuer son préavis de six mois ; qu'il a, le 12 juillet 2011, saisi la juridiction prud'homale afin notamment que la société soit condamnée à verser à la compagnie d'assurance AG le montant des mensualités de son assurance-vie à compter du 21 juillet 1992 jusqu'à la date de son licenciement ;

Sur le moyen unique :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de juger prescrites ses demandes fondées sur l'absence de versement des mensualités de l'assurance-vie par l'employeur depuis 1992 alors, selon le moyen, qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription, le nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'en l'espèce, le délai de prescription applicable à la demande du salarié a été porté de trente à cinq ans par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ayant modifié l'article 2224 du code civil ; qu'en jugeant dès lors que le point de départ de la prescription doit être fixé au 4 mai 1993, ou à tout le moins au 29 septembre 1993, quand elle constatait que le salarié avait saisi la juridiction prud'homale le 12 juillet 2011, de sorte que la prescription de cinq ans désormais applicable a, sans que la durée totale de prescription excède la durée de trente ans antérieurement prévue, couru à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil, ensemble l'article 26 II de la loi du 17 juin 2008 ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 143-14 du code du travail applicable jusqu'au 30 avril 2008 l'action en paiement du salaire se prescrivait par cinq ans conformément à l'article 2277 du code civil et que, selon ce dernier texte, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 19 janvier 2005, se prescrivaient par cinq ans les actions en paiement des salaires et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article 2224 du code civil et l'article L. 3245-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige ;

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes portant sur l'assurance-vie, l'arrêt retient qu'alors que le contrat de travail avec la société a été signé le 21 juillet 1992, l'avenant au 1er avril 1993 (établi le 4 mai 1993) adressé par la Cie AG au salarié continue à mentionner la SC Socser comme employeur, de même qu'un autre document qui lui a été adressé le 9 septembre 1993, ce qui était suffisant pour attirer l'attention du salarié sur l'absence de participation de son nouvel employeur à la relation tripartite et l'inciter à informer la Cie AG et la société sur cette difficulté, que, par ailleurs, il ressort des éléments du dossier que par courrier en date du 29 septembre 1993 adressé au salarié, la Cie AG l'a informé que, suite à son départ de la société Socser SC, les versements relatifs à son contrat n'étaient plus assurés, et que ce contrat en était 'réduit' au sens du droit des assurances, tout en lui offrant la possibilité d'une continuité, notamment par la voie de versements effectués à titre individuel, qu'il en résulte que le point de départ de la prescription doit être fixé au 4 mai 1993, comme l'a jugé le conseil de prud'hommes, ou à tout le moins au 29 septembre 1993, qu'au 12 juillet 2011, date de saisine du conseil de prud'hommes, la prescription de cinq ans était donc acquise, que toutes les demandes du salarié fondées sur l'absence de versement des mensualités de l'assurance-vie par l'employeur depuis 1992 sont atteintes par la prescription, que la demande de condamnation de la SNAM à payer à celui-ci la somme de 514 345,08 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait de l'absence de versement à l'assurance-vie des mensualités par l'employeur depuis 1992 doit en conséquence être rejetée dans la mesure où elle ne peut avoir pour effet de couvrir une demande prescrite sous couvert de dommages-intérêts ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'en matière de créances de nature salariale le délai de prescription ne court qu'à compter de la date d'exigibilité de chacune des fractions de la somme réclamée et que, le salarié ayant saisi le conseil de prud'hommes le 12 juillet 2011, il en résultait que ses demandes fondées sur l'absence de versement des mensualités de l'assurance-vie au cours des cinq années précédentes n'étaient pas atteintes par la prescription quinquennale alors applicable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. T... de ses demandes portant sur l'assurance-vie pour la période de cinq ans précédant la saisine du conseil de prud'hommes, le 12 juillet 2011, l'arrêt rendu le 7 juillet 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Nouvelle d'affinage des métaux aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Nouvelle d'affinage des métaux à payer à M. T... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour M. T...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé prescrites les demandes de M. T... fondées sur l'absence de versement des mensualités de l'assurance vie par l'employeur depuis 1992 ;

Aux motifs propres que « aux termes de l'article 2224 du code civil : « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».

M. T... soutient qu'il n'a découvert les carences de son employeur que lors de son licenciement, qu'il ne pouvait en connaissance puisque le contrat d'assurance était souscrit à son profit mais réglé par l'employeur, que le courrier en date du 29 septembre 1993 n'indique pas expressément que les mensualités ne sont plus prises en charge par la SNAM et que s'il avait eu connaissance de l'absence de versement, il aurait réagi avant.

Le contrat de travail de M. T... ne contient pas directement ou en annexe d'informations sur le nom et les coordonnées de la compagnie d'assurance à laquelle devait s'adresser la SNAM, ni la date initiale du contrat, ni les conditions générales et particulières de ce contrat. Les trois documents émis par la Cie AG afférents à ce contrat (années 1990, 1991, 1993) versés au dossier par M. T... démontrent seulement qu'il s'agit d'un contrat tripartite entre la compagnie belge AG 1824, M. T... et la société belge SOCSER SC.

Il apparaît qu'alors que le contrat de travail avec la SAS SNAM a été signé le 21 juillet 1992, l'avenant au 1er avril 1993 (établi le 4 mai 1993) adressé par la Cie AG à M. T... continue à mentionner la SC SOCSER comme employeur, de même qu'un autre document qui lui a été adressé le 9 septembre 1993, ce qui était suffisant pour attirer l'attention de M. T... sur l'absence de participation de son nouvel employeur à la relation tripartite et l'inciter à informer la Cie AG et la SNAM sur cette difficulté.

Par ailleurs, il ressort des éléments du dossier que par courrier du 29 septembre 1993 adressé à M. T..., la Cie AG l'a informé que, suite à son départ de la société SOSCSER SC, les versements relatifs à son contrat n'étaient plus assurés, et que ce contrat en était « réduit » au sens du droit des assurances, tout en lui offrant la possibilité d'une continuité, notamment par la voie de versements effectués à titre individuel.

Il en résulte que le point de départ de la prescription doit être fixé au 4 mai 1993, comme l'a jugé le Conseil de prud'hommes, ou à tout le moins au 29 septembre 1993.

Au 12 juillet 2011, date de saisine du Conseil de prud'hommes, la prescription de cinq ans était donc acquise.

Toutes les demandes de M. T... fondées sur l'absence de versement des mensualités de l'assurance vie par l'employeur depuis 1992 sont atteintes par la prescription.

La demande de condamnation de la SNAM à payer à M. T... la somme de 514.345,08 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de l'absence de versement à l'assurance vie des mensualités par l'employeur depuis 1992 doit en conséquence être rejetée dans la mesure où elle ne peut avoir pour effet de couvrir une demande prescrite sous couvert de dommages et intérêts.

Le jugement du Conseil de prud'hommes doit être infirmé en ce qu'il a alloué à M. T..., nonobstant la prescription, la somme de 5.169,50 au titre de cinq ans de mensualités » ;

Alors qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription, le nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'en l'espèce, le délai de prescription applicable à la demande du salarié a été porté de trente à cinq ans par la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, ayant modifié l'article 2224 du code civil ; qu'en jugeant dès lors que le point de départ de la prescription doit être fixé au 4 mai 1993, ou à tout le moins au 29 septembre 1993, quand elle constatait que le salarié avait saisi la juridiction prud'homale le 12 juillet 2011, de sorte que la prescription de cinq ans désormais applicable a, sans que la durée totale de prescription excède la durée de trente ans antérieurement prévue, couru à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, la Cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil, ensemble l'article 26 II de la loi du 17 juin 2008.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-25766
Date de la décision : 03/04/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 07 juillet 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 avr. 2019, pourvoi n°17-25766


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.25766
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