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03/04/2019 | FRANCE | N°17-17474

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 avril 2019, 17-17474


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de référé, que M. T... a été engagé en qualité d'assistant hôtellerie production à compter du 25 mars 1996 par la société Air France ; qu'il a été nommé aux fonctions de technicien le 1er juillet 2009 et exerçait en dernier lieu les fonctions de technicien service client au sein de l'aéroport d'Orly ; que le 17 décembre 2015, l'employeur lui a remis en main propre une lett

re lui rappelant que la possession du badge d'accès aéroportuaire (titre de circulation...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de référé, que M. T... a été engagé en qualité d'assistant hôtellerie production à compter du 25 mars 1996 par la société Air France ; qu'il a été nommé aux fonctions de technicien le 1er juillet 2009 et exerçait en dernier lieu les fonctions de technicien service client au sein de l'aéroport d'Orly ; que le 17 décembre 2015, l'employeur lui a remis en main propre une lettre lui rappelant que la possession du badge d'accès aéroportuaire (titre de circulation aéroportuaire) était un élément indispensable à la poursuite de son activité professionnelle, et qu'en conséquence il suspendait son contrat de travail ; que le 25 janvier 2016, le préfet du Val-de-Marne a refusé de renouveler l'habilitation de M. T... ; que par décision du 23 février 2016, le préfet a rejeté le recours gracieux du salarié qui a saisi en référé le 30 mars 2016 le tribunal administratif de Versailles d'un recours à l'encontre de cette décision ; que par lettre recommandée du 7 avril 2016, la société Air France a notifié à M. T... la résiliation de son contrat de travail ; que par ordonnance du 14 avril 2016, le tribunal administratif de Versailles a ordonné la suspension de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne en date du 23 février 2016 ; que le 26 avril 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale, en sa formation des référés, de demandes tendant notamment à voir prononcer la nullité de la résiliation judiciaire de son contrat de travail, obtenir sa réintégration, un rappel de salaires ainsi que des dommages-intérêts provisionnels, outre la remise des bulletins de salaires correspondants ;

Attendu que pour condamner la société Air France à verser au salarié la somme de 9 667 euros à titre de provision sur salaire pour la période du 17 décembre 2015 au 10 avril 2016, l'arrêt retient qu'aucune des pièces versées au débat ne prévoit que le salarié était impérativement tenu par une disposition de son contrat de travail d'être en possession d'un titre d'accès aéroportuaire pour l'exercice de ses fonctions, que l'employeur ne justifie nullement que le salarié ne pouvait pas exercer ses fonctions hors de la zone de sûreté à accès réglementé aéroportuaire, que le refus de l'autorité administrative de renouveler son habilitation à M. T... n'empêchait pas la poursuite de la relation de travail comme ce dernier l'a sollicitée, que dès lors, l'obligation de l'employeur de paiement de son salaire au salarié durant la période ci-dessus précisée, n'est pas sérieusement contestable ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les parties s'accordaient sur le fait que le salarié devait détenir pour l'exercice de ses fonctions une habilitation préfectorale dont le renouvellement lui avait été refusé, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne à la société Air France de verser à titre de provisions à M. T... la somme de 9 667 euros à titre de salaire du 17 décembre 2015 au 10 avril 2016, l'arrêt rendu le 2 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. T... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Air France.

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué ;

D'AVOIR condamné la société Air France à verser au salarié la somme de 9 667 euros à titre de provision sur salaire pour la période du 17 décembre 2015 au 10 avril 2016;

AUX MOTIFS QUE « selon l'article R. 1455-5 du code du travail, dans tous les cas d'urgence, la formation des référés peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. Selon l'article R. 1455-6 du même code du travail, la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Il est précisé à l'article R. 1455-7 que dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation des référés peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. La société Air France invoque le caractère sérieusement contestable de la créance salariale de X... T... pour la période du 17 décembre 2015 au 10 avril 2016 dès lors que : X... T... a accepté la suspension de son contrat de travail à titre provisoire le 17 décembre 2015, aucun travail n'a été fourni par celui-ci, il était dans l'impossibilité de répondre à ses obligations contractuelles, il ne peut lui être imposé une obligation de reclassement, c'est à X... T... de justifier du respect de ses obligations contractuelles. X... T... réplique que la société Air France n'apporte pas la preuve d'une absence de poste en zone publique, qu'il ne s'agit pas d'un reclassement mais d'un simple aménagement de poste, que le paiement du salaire constitue une obligation légale d'ordre public, que le fait que l'employeur l'ait contraint à signer un courrier de suspension est contraire à l'ordre public social de protection et que le retrait d'habilitation ne constitue pas un cas de force majeure. Sont versés aux débats : le contrat de travail à durée déterminée initial de X... T... en date du 22 mars 1996 aux termes duquel il a été engagé en qualité d'assistant «hôtellerie production» sans autre condition que celle d'obtenir des "résultats favorables d'une visite d'embauché" et de fournir divers "documents énumérés dans la liste jointe", laquelle n'est produite par aucune des parties, la lettre du 27 avril 1999 informant le salarié de sa promotion en qualité d'«agent hôtelier3» à compter du 1er avril 1999, sans autre précision que celle relative à son coefficient de rémunération et son niveau de classement, des bulletins de salaires montrant qu'il occupait en dernier lieu un poste de «technicien service client». Aucune de ces pièces ne prévoit que X... T... était impérativement tenu par une disposition de son contrat de travail d'être en possession d'un titre d'accès aéroportuaire (Tca) pour l'exercice de ses fonctions.
La société Air France ne justifie nullement que le salarié ne pouvait pas exercer ses fonctions hors de la zone de sûreté à accès réglementé aéroportuaire et ne démontre pas de plus avoir été dans l'impossibilité, non pas de procéder au reclassement de l'intéressé comme elle l'indique dans ses conclusions, mais de lui fournir les moyens lui permettant d'exercer sa prestation de travail telle que résultant de son contrat de travail, entre le 17 décembre 2015 date à laquelle elle l'a informé qu'elle le plaçait "dans un premier temps en absence avec solde (jusqu'à épuisement des soldes CHS et CE disponibles) puis en absence sans solde" et le 10 avril 2016, date de la rupture du contrat de travail. Cela n'empêchait pas la poursuite de la relation de travail comme ce dernier l'a sollicité. Dès lors, l'obligation de la société Air France de paiement de son salaire à X... T... durant la période ci-dessus précisée, n'est pas sérieusement contestable. Il convient par conséquent de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné la société Air France à payer à X... T... ses salaires du 17 décembre 2015 au 10 avril 2016 ».

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « le juge des référés est le juge de l'urgence et de l'évidence ; que l'action en paiement des salaires revêt un caractère urgent par nature ; qu'il y a lieu de considérer que la contestation sérieuse de la part de la société AIR France ne peut être accueillie ; qu'elle ne démontre pas qu'aucun poste hors zone de sécurité n'était disponible ; que M. T... n'étant pas responsable de cet état de fait, elle devait continuer à lui payer les salaires ; qu'il y a lieu en conséquence, d'accueillir la demande de M. T... et lui allouer, à titre de provision, la somme de 9 667 euros soit 3 mois à 2 566,60 + 23/30 correspondant aux salaires du 17 décembre 2015 au 10 avril 2016 ».

ALORS QUE le juge ne peut pas méconnaître l'objet du litige fixé par les prétentions des parties; qu'en l'espèce, le salarié ne contestait pas devoir être titulaire d'un titre de circulation délivré et renouvelé par le préfet pour exercer ses fonctions de « technicien service client » au sein de l'aéroport d'Orly et que ce titre lui avait été retiré; que le salarié a affirmé dans ses conclusions, dont la cour d'appel a relevé qu'elles avaient été soutenues oralement à l'audience (page 2), que « son activité nécessit(ait) la détention d'une autorisation administrative à circuler en zone réservée de l'aéroport » et que « le Préfet d'Orly a refusé ce renouvellement le 25 janvier 2016 » (page 3 des conclusions du salarié) ; que pour juger que l'obligation pour la société Air France de paiement d'une provision sur salaires pour la période du 17 décembre 2015 au 10 avril 2016 durant laquelle le salarié ne justifiait pas du renouvellement par le préfet de son titre de circulation aéroportuaire, n'était pas sérieusement contestable, la cour d'appel a considéré qu'il n'était pas démontré que le salarié soit impérativement tenu d'être en possession d'un titre aéroportuaire pour l'exercice de ses fonctions, en sorte que l'employeur avait manqué à son obligation de fourniture d'un travail dans la zone non réservée de l'aéroport; qu'en statuant ainsi, bien que les parties s'accordaient sur le fait que le salarié doive détenir une habilitation préfectorale pour l'exercice de ses fonctions et que cette habilitation lui avait été retirée, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile.

ALORS, en toute hypothèse, QUE le juge des référés ne peut accorder une provision sur salaire que si l'obligation en cause n'est pas sérieusement contestable; qu'est sérieusement contestable l'obligation pour l'employeur de verser des salaires à un salarié qui est dans l'impossibilité d'exécuter les fonctions pour lesquelles il a été engagé faute de justifier de son titre de circulation aéroportuaire et qui a accepté la suspension de son contrat de travail en contresignant la lettre lui notifiant cette suspension le temps de la procédure administrative de renouvellement de ce titre; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article R.1455-7 du code du travail.

ET ALORS, en tout état de cause, QU'est sérieusement contestable l'obligation de l'employeur de proposer un emploi disponible dans la zone non réservée de l'aéroport au salarié qui s'est vu retirer le titre de circulation aéroportuaire lui permettant d'exercer ses fonctions dans la zone réservée en raison d'un comportement contraire aux impératifs de sécurité; que la cour d'appel a jugé que la société Air France ne justifiait pas que le salarié ne puisse pas exercer ses fonctions hors de la zone de sûreté à accès réglementé aéroportuaire et d'avoir mis ce dernier en mesure d'exercer sa prestation de travail dans la zone non réservée de l'aéroport; que la cour d'appel qui s'est prononcée sur une obligation sérieusement contestable a violé l'article R.1455-7 du code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-17474
Date de la décision : 03/04/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 02 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 avr. 2019, pourvoi n°17-17474


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.17474
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