LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, tel que reproduit en annexe :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 10 octobre 2017), que la banque Kolb (la banque) a engagé des poursuites de saisie immobilière à l'encontre de la SCI Gallieni 119 (la SCI), sur le fondement d'un acte notarié de prêt du 30 juin 2010, en délivrant à celle-ci un commandement de payer valant saisie immobilière le 10 février 2016 ; qu'à l'audience d'orientation, la SCI a soutenu que la créance était prescrite par application de la prescription biennale prévue à l'article L. 137-2 du code de la consommation ;
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de déclarer l'action de la banque recevable ;
Mais attendu qu'il se déduit de l'article L. 137-2 du code de la consommation, devenu L. 218-2 du même code, que seuls les consommateurs peuvent invoquer la prescription biennale instituée par cette disposition ; que ceux-ci sont nécessairement des personnes physiques ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que le prêt litigieux a été consenti à une société civile immobilière, de sorte qu'il n'était pas soumis à la prescription biennale mais à la prescription quinquennale de droit commun ; que, par ce motif de pur droit suggéré par la défense, substitué à ceux critiqués par le moyen, l'arrêt, qui a retenu sans être contredit que la déchéance du terme avait été prononcée le 5 juillet 2013 et que la seule échéance impayée était celle du mois de juin 2013, se trouve légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI Gallieni 119 aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la banque Kolb la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Gallieni 119.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable l'action de la Banque Kolb,
Aux motifs propres que « sur la prescription, la société Gallieni 119 invoque la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle s'agissant d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacun de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l'action en paiement des mensualités se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité ; qu'elle fait valoir que le capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, en l'espèce en 2013, que les paiements effectués par un tiers en vertu d'une saisie-attribution n'a aucun effet suspensif, et que la prescription biennale de l'article L. 137-2 du code de la consommation est applicable en l'espèce, de sorte que la prescription est acquise ; que la Banque Kolb soutient que son action n'est nullement prescrite, puisque plusieurs actes interruptifs de prescription sont intervenus en 2013. Elle explique que les effets d'une saisie- attribution à exécution successive perdurent sur les sommes échues y compris en cas d'ouverture d'une procédure collective à l'encontre du débiteur ; qu'en l'espèce la saisie-attribution du 20 décembre 2013 a vu ses effets se prolonger jusqu'au mois de juillet 2015, date du dernier versement en découlant ; qu'elle justifie en outre d'une reconnaissance de la dette par le débiteur par courrier du 7 janvier 2015 qui est également interruptive de la prescription en vertu de l'article 2240 du Code civil ; que les parties ne discutent pas l'applicabilité de l'article L. 137-2 du code de la consommation qui instaure un délai de prescription de deux ans ; que, s'agissant d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l'action en paiement des mensualités se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité ; qu'en l'espèce, le délai de prescription biennal a donc commencé à courir à compter du 5 juillet 2013, date de déchéance du terme, pour le capital restant dû (312 370,06 euros), l'indemnité de résiliation (25 135,45 euros) et les intérêts de retard ; que les parties ne produisent aucun décompte permettant de connaître les dates des échéances impayées, et donc le point de départ du délai de prescription pour chacune des échéances ; qu'il résulte du contrat de prêt et du tableau d'amortissement que les mensualités de remboursement s'élevaient à 2 183,62 euros, de sorte que le montant des échéances impayées, soit 1 823,05 euros, correspond à moins d'une mensualité ; que l'échéance impayée est donc nécessairement, compte tenu des règles d'imputation des paiements, celle de juin 2013 ; que le créancier poursuivant a fait délivrer à la société civile Gallieni 119 un commandement de payer valant saisie immobilière en date du 10 février 2016, puis une assignation à l'audience d'orientation du juge de l'exécution le 31 mai 2016, soit au-delà du délai de deux ans pour l'ensemble de la créance ; que, cependant, il résulte de l'article 2244 du code civil que le délai de prescription est interrompu par un acte d'exécution forcée ; que, par ailleurs, aux termes de l'article 2240 du code civil, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ; qu'en l'espèce, la Banque Kolb justifie avoir accompli les actes d'exécution forcée suivants : - procès-verbal de saisie-attribution du 14 novembre 2013, - procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du 15 novembre 2013, - commandement aux fins de saisievente du 27 novembre 2013, - procès-verbal de saisie-attribution du 20 décembre 2013, - réquisition de la force publique du 4 février 2014 (pour l'immobilisation du véhicule) ; que, contrairement à ce que soutient la Banque Kolb, ce n'est pas le paiement par le tiers saisi qui interrompt ou suspend la prescription ; que c'est la signification de l'acte ou la dénonciation au débiteur saisi qui interrompt la prescription, soit en l'espèce : - la dénonciation du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du 18 novembre 2013, - les dénonciations de saisie-attribution en date du 22 novembre 2013, - le commandement aux fins de saisie-vente du 27 novembre 2013, - la dénonciation de saisie-attribution du 26 décembre 2013 ; que, par ailleurs, le créancier poursuivant produit le courrier de Me M... Q..., conseil de la société civile Gallieni 119, en date du 7 janvier 2015 par lequel il fait état d'une proposition de son client de payer à la banque la somme de 180 000 euros à titre forfaitaire et définitif ; que cette proposition de paiement, même partiel, constitue une reconnaissance de la société civile Gallieni 119 du droit de créance de la Banque Kolb, de sorte qu'elle interrompt la prescription ; qu'enfin, le commandement de payer valant saisie immobilière, acte d'exécution forcée interruptif de prescription, a été délivré le 10 février 2016 ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il ne s'est jamais écoulé un délai de plus de deux ans entre deux actes interruptifs de prescription ; qu'ainsi, la procédure engagée par la Banque Kolb ne se heurte à aucune prescription, et ce pour l'ensemble de la créance ; qu'il convient donc de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à corriger l'erreur matérielle invoquée à juste titre par le créancier » ;
Et aux motifs adoptés que « sur la prescription, l'article 2244 du code civil dispose que le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée ; qu'en l'espèce, une saisie-attribution a été effectuée par la Banque Kolb le 20 décembre 2013 et des versements sont intervenus à ce titre mensuellement jusqu'en juillet 2015, de sorte que la prescription a été valablement interrompue ; que la présente action est donc recevable » ;
Alors 1°) que, suivant l'article L. 137-2 du code de la consommation, devenu l'article L. 218-2 du même code, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que la prescription biennale a commencé à courir compter du juillet 2013, date de déchéance du terme, pour le capital restant dû, l'indemnité de résiliation et les intérêts de retard ; que, pour déclarer non prescrite l'action de la Banque Kolb, la cour d'appel s'est fondée sur la dénonciation du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du 18 novembre 2013, les dénonciations de saisie-attribution en date du 22 novembre 2013, le commandement aux fins de saisie-vente du 27 novembre 2013 et la dénonciation de saisie-attribution du 26 décembre 2013 ; qu'en statuant ainsi, cependant que la date d'interruption de la prescription la plus tardive retenue par la cour d'appel état le 26 décembre 2013, la prescription était acquise le décembre 2015, et donc à la date de la délivrance par la banque du commandement valant saisie immobilière, le 10 février 2016, la cour d'appel a violé l'article L. 137-2 du code de la consommation, devenu l'article L. 218-2 du même code, ensemble les articles 2231 et 2244 du code civil ;
Alors 2°) que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ; que, pour déclarer non prescrite l'action de la Banque Kolb, la cour d'appel s'est fondée sur un courrier du 7 janvier 2015 par lequel il était fait état d'une proposition de payer à la banque la somme de 180 000 euros à titre forfaitaire et définitif, ce dont elle a déduit que cette proposition constituait une reconnaissance de la SCI du droit de créance de la banque ; qu'en statuant ainsi, cependant que ce courrier mentionnait une offre de la part de « mon client », c'est-à-dire de M. J. G... (cf. Référence du dossier sur le courrier), qui plus est « à l'aide de sa soeur et de son beau-frère », ce dont il résultait que ladite proposition de règlement ne pouvait émaner de la SCI, personne morale, et donc du débiteur lui-même, la cour d'appel a violé l'article 2240 du code civil ;
Alors 3°) que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que, pour déclarer non prescrite l'action de la Banque Kolb, la cour d'appel s'est fondée sur un courrier du conseil de la SCI Gallieni 119, du 7 janvier 2015 par lequel il était fait état d'une proposition de payer à la banque la somme de 180 000 euros à titre forfaitaire et définitif, ce dont elle a déduit que cette proposition constituait une reconnaissance de la SCI du droit de créance de la banque ; qu'en statuant ainsi, cependant que ce courrier ne comportait aucune référence à la SCI Gallieni, mentionnait une offre de la part de « mon client », c'est-à-dire de M. J. G... (cf. Référence du dossier sur le courrier), qui plus est « à l'aide de sa soeur et de son beau-frère », ce dont il résultait que ladite proposition de règlement ne pouvait émaner de la SCI, personne morale, et donc du débiteur lui-même, la cour d'appel qui a dénaturé ce courrier a violé le principe susvisé ;
Alors 4°) et en toute hypothèse que des pourparlers transactionnels ne sont pas constitutifs d'une reconnaissance de dette interruptive du délai de prescription ; que, pour déclarer non prescrite l'action de la Banque Kolb, la cour d'appel s'est fondée sur un courrier du 7 janvier 2015 par lequel il était fait état d'une proposition de payer à la banque la somme de 180 000 euros à titre forfaitaire et définitif, ce dont elle a déduit que cette proposition constituait une reconnaissance de la SCI du droit de créance de la banque ; qu'en statuant ainsi cependant qu'il résultait de ces énonciations que ce courrier ne formulait qu'une proposition de pourparlers, et ne pouvait donc valoir reconnaissance de dette, la cour d'appel a violé l'article 2240 du code civil ;
Alors 5°) et en toute hypothèse que, suivant l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou celui de la défense, les correspondances émanant de l'avocat d'une des parties au litige sont couvertes par le secret professionnel et ne peuvent donc être produites en justice pour établir un acte interruptif de prescription ; qu'en se fondant sur un courrier du conseil du débiteur pour retenir l'interruption de la prescription, la cour d'appel a violé l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971.