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20/03/2019 | FRANCE | N°18-50005

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 mars 2019, 18-50005


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 18 janvier 2013, M. A... , né le [...] à Tarnante Berkane (Maroc), et Mme G..., son épouse, née le [...] à Mohammedia (Maroc), tous deux de nationalité française, ont sollicité la transcription de l'acte de naissance de l'enfant L... A... , née le [...] à Mohammedia, auprès du service central d'état civil ; que, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes s'y étant opposé, ils l'ont assigné afin d'obtenir, à titre princip

al, l'exequatur du jugement du tribunal de première instance de Mohammedia ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 18 janvier 2013, M. A... , né le [...] à Tarnante Berkane (Maroc), et Mme G..., son épouse, née le [...] à Mohammedia (Maroc), tous deux de nationalité française, ont sollicité la transcription de l'acte de naissance de l'enfant L... A... , née le [...] à Mohammedia, auprès du service central d'état civil ; que, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes s'y étant opposé, ils l'ont assigné afin d'obtenir, à titre principal, l'exequatur du jugement du tribunal de première instance de Mohammedia du 9 octobre 2012 ordonnant la transcription de la naissance de l'enfant L... A... comme étant née le [...] de M. M..., fils de T... A... et de Mme Q..., fille de O... G..., et, à titre subsidiaire, la transcription sur les registres de l'état civil français de l'acte de naissance de l'enfant ;

Sur les deux moyens du pourvoi principal, réunis, ci-après annexés :

Attendu que le procureur général fait grief à l'arrêt d'ordonner la transcription partielle, sur les registres de l'état civil français, de l'acte de naissance dressé par l'officier de l'état civil de Mohammedia, de L... A... , née le [...] à Mohammedia de M. A... ;

Attendu que, la cour d'appel étant saisie, à titre principal, d'une demande d'exequatur du jugement du tribunal de première instance de Mohammedia du 9 octobre 2012 ordonnant la transcription de l'acte de naissance de l'enfant L... A... , elle devait examiner la régularité internationale de ce jugement, au regard des conditions posées par la Convention d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugements et d'extradition entre la France et le Maroc du 5 octobre 1957, avant tout examen de la demande de transcription de l'acte de naissance étranger sur les registres français de l'état civil ; que le moyen, en ce qu'il invoque la violation des articles 47 et 312 du code civil, est inopérant ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 16 et 19 de la Convention d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugements et d'extradition entre la France et le Maroc du 5 octobre 1957 ;

Attendu qu'il résulte du premier de ces textes qu'en matière civile, la décision rendue par une juridiction siégeant au Maroc a de plein droit l'autorité de chose jugée en France si elle émane d'une juridiction compétente, si les parties ont été légalement citées, représentées ou déclarées défaillantes, si elle est, d'après la loi marocaine, passée en force de chose jugée et susceptible d'exécution, si elle ne contient rien de contraire à l'ordre public français et n'est pas contraire à une décision judiciaire française possédant à son égard l'autorité de la chose jugée ; que, selon le second, le juge saisi d'une demande de reconnaissance d'un jugement marocain, qui procède d'office à l'examen des conditions de sa régularité internationale, se borne à vérifier si ces conditions sont réunies ;

Attendu que, pour rejeter la demande d'exequatur du jugement marocain du 9 octobre 2012, l'arrêt retient qu'il existe des doutes sérieux sur la grossesse de Mme G..., épouse A... , de sorte que la décision est contraire à l'ordre public français ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le jugement du tribunal de Mohammedia du 9 octobre 2012 constatait, après enquête, que L... était née de Mme Q... G..., sa mère, la cour d'appel, qui a procédé à la révision au fond du jugement, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen unique du pourvoi incident :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de transcription de l'acte de naissance de l'enfant L... A... , née le [...] à Mohammedia (Maroc), s'agissant de la désignation de Mme G..., épouse A... comme mère de l'enfant, et rejette toute autre demande, l'arrêt rendu le 18 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par le procureur général près la cour d'appel de Rennes

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné la transcription partielle sur les registres de l'état civil français de l'acte de naissance dressé par l'officier de l'état civil de Mohammedia (Maroc) de L... A... née le [...] à Mohammedia (Maroc) de M. M... A... , né le [...] à Tarnante Berkane (Maroc).

Aux motifs que :

- Sur la demande de transcription de l'acte de naissance dressé au Maroc

L'article 47 du code civil dispose que tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ;

Il appartient à la cour de rechercher si les actes étrangers produits font foi au sens de l'article 47 du code civil et satisfont aux conditions essentielles de validité qui y sont énoncées ;

Les premiers juges, pour faire droit à la demande de transcription de l'acte de naissance de L... A... , née le [...] à Mohammedia (Maroc), après avoir rappelé les dispositions de l'article 16 de la Convention d'aide mutuelle judiciaire d'exequatur des jugements et d'extradition entre la France et le Maroc du 5 octobre 1957, ont dit que le procureur de la République ne rapporte pas la preuve que le jugement marocain contient un élément contraire à l'ordre public français, que conformément à la décision judiciaire marocaine du 9 octobre 2012, l'acte de naissance de l'enfant a été établi et transcrit sur les registres d'état civil de la commune de Mohammedia, que le procureur de la République ne rapporte pas la preuve que des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent le cas échéant après toutes vérifications utiles que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité, qu'il n'appartient pas aux époux A... de rapporter la preuve par des attestations ou tout autre moyen de preuve que l'acte n'est pas apocryphe, que s'agissant de la demande subsidiaire d'expertise, le procureur de la République n'établit pas l'existence d'indices tirés de l'acte que la naissance serait invraisemblable, ni de fraude à la loi, que le seul fait que Mme A... ait accouché à l'âge de 49 ans ne saurait suffire et l'expertise ne saurait être un moyen de suppléer la carence du ministère public dans la charge de la preuve ;

Conformément à la décision judiciaire marocaine du 9 octobre 2012, l'acte de naissance de l'enfant a été établi et transcrit sur les registres de la commune de Mohammedia ;

Concernant la désignation de la mère dans l'acte de naissance, la réalité au sens du texte précité, est la réalité de l'accouchement en vertu du principe mater semper certa est ;

En l'espèce, le faisceau d'indices concordants invoqué par le ministère public (âge de la mère : 49 ans au moment de la naissance, aucune preuve de la présence de Mme A... , domiciliée en France, le jour de l'accouchement sur le territoire marocain, absence de suivi médical de la grossesse, non respect des délais de déclaration de l'enfant prévus au Maroc, soit 30 jours suivant la naissance) est suffisant pour dire que l'acte de naissance marocain n'est pas conforme à l'article 47 du code civil, car des données extérieures (doutes sérieux sur la grossesse) établissent que cet acte est irrégulier et que les faits qui y sont déclarés, ne correspondent pas à la réalité ;

Les attestations produites par les intimés (pièces 5 et 16) seront écartées des débats comme non conformes aux exigences posées par l'article 202 du code de procédure civile ;

Les autres attestations (pièces 6 à 9), ne sont pas de nature à établir la certitude de la grossesse et de l'accouchement de Mme A... et sont donc dépourvus de valeur probante ;

Il en résulte que Mme A... n'a pas accouché de l'enfant, si bien que l'acte de naissance dressé à l'étranger, n'est pas conforme à la réalité en ce qu'il la désigne comme mère, de sorte qu'il n'est pas probant et ne peut s'agissant de cette désignation, être transcrit sur les registres de l'état civil français ;

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a dit que le ministère public ne rapporte pas la preuve que les faits déclarés dans l'acte de naissance ne correspondent pas à la réalité au sens de l'article 47 du code civil, s'agissant de la désignation de Mme A... comme mère de l'enfant ;

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande reconventionnelle du ministère public formée à titre subsidiaire, tendant à la mise en oeuvre d'une expertise génétique, dès lors que la cour n'est pas saisie d'une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation ;

Concernant la désignation du père dans l'acte de naissance, la cour étant saisie d'une action aux fins de transcription d'acte de l'état civil étranger, il y a lieu de constater que l'acte de naissance n'est ni irrégulier, ni falsifié, que l'acte de naissance est régulier en la forme, traduit par les autorités compétentes, que le ministère public ne rapporte la preuve d'aucun élément de nature à remettre en cause la force probante de l'acte d'état civil par application de l'article 47 du code civil, ce texte instituant une présomption d'exactitude des mentions de l'état civil établi à l'étranger et d'opposabilité directe de l'acte étranger, sauf en cas de fraude, ce qui n'est pas établi et en l'absence de données extérieures ou d'éléments tirés des actes eux-mêmes qui établiraient que M. A... n'est pas le père ;

Il en résulte que les faits qui y sont déclarés correspondent à la réalité, s'agissant de la désignation de M. A... en qualité de père, si bien qu'il sera fait droit à la transcription partielle dudit acte de naissance s'agissant de la filiation paternelle de l'enfant ;

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de transcription de l'acte de naissance au titre de la filiation paternelle de l'enfant ;

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande reconventionnelle du ministère public tendant à la mise en oeuvre d'une expertise génétique, dès lors que la cour n'est pas saisie d'une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation comme souligné ;

- Sur la demande d'exequatur du jugement marocain

Le jugement rendu par le tribunal marocain en date du 9 octobre 2012 statuant en matière d'état civil, décision étrangère qui a la nature pour sa force probante, d'un acte de l'état civil, doit respecter les conditions de régularité internationale : la compétence du juge étranger fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité à l'ordre public international de fond et de procédure et l'absence de fraude à la loi ;

Ledit jugement précise vu le résultat de l'enquête diligentée pour établir la preuve de la véracité des faits relatés au tribunal et ayant conclu que L... est née à Mohammedia le [...] , de son père M... fils de R... A... , né à Douar Tanate, Berkane [...] et de sa mère, Q... fille de O... G..., née à Mohammedia [...] , que cette naissance n'a pas été déclarée dans le délai légal, que l'ordre général impose d'inscrire toute naissance dans les registres de l'état civil, en conséquence, a déclaré que L... est née à Mohammedia le [...] desdits parents, ordonné la transcription de ce document au registre de l'état civil de l'année en cours du lieu de naissance à la date où devait avoir lieu l'inscription ;

Le ministère public invoque à juste titre l'article 16-d de la Convention franco-marocaine du 5 octobre 1957, la décision étrangère étant contraire à l'ordre public français ;

La demande de transcription de l'acte de naissance ayant été rejetée, doit conduire au rejet de la demande d'exequatur sur le fondement de la fraude à la loi, en présence d'une filiation conférée en fraude à la loi.

Alors que :

Premier moyen de cassation, sur la conformité à l'article 47 du code civil :

L'article 47 du code civil accorde foi à tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait dans un pays étranger, sauf si notamment, les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

La réalité citée par l'article 47 du code civil correspond nécessairement à la conformité des énonciations de l'acte d'état civil par rapport aux faits qu'il relate ou au respect d'un processus juridique reconnu.

La cour a retenu que Mme Q... G... épouse A... n'est pas la mère de l'enfant L... en se fondant sur le faisceau d'indices concordants invoqué par le ministère public (âge de la mère : 49 ans au moment de la naissance, aucune preuve de la présence de Mme A... , domiciliée en France, le jour de l'accouchement sur le territoire marocain, absence de suivi médical de la grossesse, non respect des délais de déclaration de l'enfant prévus au Maroc, soit 30 jours suivant la naissance).

La cour en a conclu que l'acte de naissance marocain n'est pas conforme à l'article 47 du code civil, car des données extérieures (doutes sérieux sur la grossesse) établissent que cet acte est irrégulier et que les faits qui y sont déclarés, ne correspondent pas à la réalité.

La cour estime que l'acte de naissance est frauduleux concernant la mère, mais elle le considère conforme à l'article 47 du code civil à l'égard du père, alors que le seul motif juridique qui fonderait la paternité de M. M... A... serait que son épouse soit réellement la mère de l'enfant, ce qui est exclu.

En accordant une transcription partielle de l'acte de naissance, la cour d'appel a violé l'article 47 du code civil.

Second moyen de cassation, sur la violation de l'article 312 du code civil :

L'article 312 du code civil prévoit que « l'enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari. »

Pour que cet article s'applique, encore faut-il que l'épouse soit valablement reconnue comme la mère de l'enfant.

La cour d'appel ayant retenu la fraude à l'encontre de la maternité de Mme Q... G... épouse A... , elle ne pouvait accorder le statut de père à son mari M. M... A... , en l'absence de reconnaissance de l'enfant.

En statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 312 du code civil. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour M. et Mme A...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Mme A... , née le [...] à Mohammedia (Maroc), de sa demande de transcription de l'acte de naissance de L... A... née le [...] à Mohammedia (Maroc), s'agissant de sa désignation comme mère de l'enfant et rejeté toute autre demande ;

AUX MOTIFS QUE, sur la demande de transcription de l'acte de naissance dressé au Maroc : l'article 47 du code civil dispose que tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toute vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; qu'il appartient à la cour de rechercher si les actes étrangers produits font foi au sens de l'article 47 du code civil et satisfont aux conditions essentielles de validité qui y sont énoncées ; que les premiers juges, pour faire droit à la demande de transcription de l'acte de naissance de L... A... , née le [...] à Mohammedia (Maroc), après avoir rappelé les dispositions de l'article 16 de la Convention d'aide mutuelle judiciaire d'exequatur des jugements et d'extradition entre la France et le Maroc du 5 octobre 1957, ont dit que le procureur de la République ne rapporte pas la preuve que cette décision contienne un élément contraire à l'ordre public français, que conformément à la décision judiciaire marocaine du 9 octobre 2012, l'acte de naissance de l'enfant a été établi et transcrit sur les registres d'état civil de la commune de Mohammedia, que le procureur de la République ne rapporte pas la preuve que des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent le cas échéant après toutes vérifications utiles que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité, qu'il n'appartient pas aux époux A... de rapporter la preuve par des attestations ou tout autre moyen de preuve que l'acte n'est pas apocryphe, que s'agissant de la demande subsidiaire d'expertise, le procureur de la République n'établit pas l'existence d'indices tirés de l'acte de naissance la rendant invraisemblable, ni de fraude à la loi, que le seul fait que Mme A... ait accouché à l'âge de 49 ans ne saurait suffire et l'expertise ne saurait être un moyen de suppléer la carence du ministère public dans la charge de la preuve ; que, conformément à la décision judiciaire marocaine du 9 octobre 2012, l'acte de naissance de l'enfant a été établi et transcrit sur les registres de la commune de Mohammedia ; que, concernant la désignation de la mère dans l'acte de naissance, la réalité au sens du texte précité, est la réalité de l'accouchement en vertu du principe mater semper certa est ; qu'en l'espèce, le faisceau d'indices concordants invoqué par le ministère public (âge de la mère : 49 ans au moment de la naissance, aucune preuve de la présence de Mme A... , domiciliée en France, le jour de l'accouchement sur le territoire marocain, absence de suivi médical de la grossesse, non-respect des délais de déclaration de l'enfant prévus au Maroc, soit 30 jours suivant la naissance), est suffisant pour dire que l'acte de naissance marocain n'est pas conforme à l'article 47 du code civil, car des données extérieures (doutes sérieux sur la grossesse) établissent que cet acte est irrégulier et que les faits qui y sont déclarés, ne correspondent pas à la réalité ; que les attestations produites par les intimés (pièces 5 et 16) seront écartées des débats comme non conformes aux exigences posées par l'article 202 du code de procédure civile ; que les autres attestations (pièces 6 à 9), ne sont pas de nature à établir la certitude de la grossesse et de l'accouchement de Mme A... et sont donc dépourvues de valeur probante ; qu'il en résulte que Mme A... n'a pas accouché de l'enfant, si bien que l'acte de naissance dressé à l'étranger, n'est pas conforme à la réalité en ce qu'il la désigne comme mère, de sorte qu'il n'est pas probant et ne peut s'agissant de cette désignation, être transcrit sur les registres de l'état civil français ; que le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a dit que le ministère public ne rapporte pas la preuve que les faits déclarés dans l'acte de naissance ne correspondent pas à la réalité au sens de l'article 47 du code civil, s'agissant de la désignation de Mme A... comme mère de l'enfant ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande reconventionnelle du ministère public formée à titre subsidiaire, tendant à la mise en oeuvre d'une expertise génétique, dès lors que la cour n'est pas saisie d'une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation ;

ET AUX MOTIFS QUE, sur la demande d'exequatur du jugement marocain : le jugement rendu par le tribunal marocain en date du 9 octobre 2012 statuant en matière d'état civil, décision étrangère qui a la nature pour sa force probante, d'un acte de l'état civil, doit respecter les conditions de régularité internationale : la compétence du juge étranger fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité à l'ordre public international de fond et de procédure et l'absence de fraude à la loi ; que ledit jugement précise « vu le résultat de l'enquête diligentée pour établir la preuve de la véracité des faits relatés au tribunal et ayant conclu que L... est née à Mohammedia le [...] , de son père M... fils de R... A... , né à Douar Tanate, Berkane [...] et de sa mère, Q... fille de O... G..., née à Mohammedia [...] , que cette naissance n'a pas été déclarée dans le délai légal, que l'ordre général impose d'inscrire toute naissance dans les registres de l'état civil, en conséquence, a déclaré que L... est née à Mohammedia le [...] desdits parents, ordonné la transcription de ce document au registre de l'état civil de l'année en cours du lieu de naissance à la date où devait avoir lieu l'inscription » ; que le ministère public invoque à juste titre l'article 16-d de la Convention franco-marocaine du 5 octobre 1957, la décision étrangère étant contraire à l'ordre public français ; que la demande de transcription de l'acte de naissance ayant été rejetée, doit conduire au rejet de la demande d'exequatur sur le fondement de la fraude à la loi, en présence d'une filiation conférée en fraude à la loi ;

1°) ALORS QUE tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; que, concernant la désignation de la mère dans les actes de naissance, la réalité, au sens de ce texte, est la réalité de l'accouchement ; qu'en retenant la seule existence de doutes sérieux sur la grossesse de Mme A... pour exclure que l'acte de naissance marocain l'attestant fasse foi du lien de filiation à son égard, la cour d'appel a violé l'article 47 du code civil ;

2°) ALORS QUE l'efficacité des jugements étrangers concernant l'état des personnes est reconnue en France, sous réserve du contrôle de leur régularité internationale ; qu'en refusant de donner effet au jugement du tribunal de Mohammedia du 9 octobre 2012, ayant établi l'acte de naissance selon ses constatations « après enquête pour établir la preuve de la véracité des faits relatés au tribunal et ayant conclu que L... est née (
) de sa mère Q... fille de O... G... » épouse A... , au prétexte d'une fraude à la loi qu'elle ne caractérisait pas, puisqu'elle avait seulement relevé l'existence d'un « doute sérieux » sur la maternité de Mme A... , la cour d'appel a violé les articles 47 du code civil, 509 du code de procédure civile et 16 de la convention franco-marocaine du 5 octobre 1957 d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugements et d'extradition ;

3°) ALORS, à titre subsidiaire, QU'en estimant à la fois qu'il existait des doutes sérieux sur l'accouchement de Mme A... , non confirmés par d'autres constatations, et une certitude que cette dernière n'avait pas accouché de l'enfant, la cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS, à titre subsidiaire, QU'en toute hypothèse, en énonçant que Mme A... n'aurait pas accouché de l'enfant et que l'acte d'état civil étranger ne serait pas conforme à la réalité, sans expliciter d'où elle tirait cette conviction, ayant seulement retenu l'existence de « doutes sérieux sur la grossesse » et l'absence de preuve de la certitude de l'accouchement de Mme A... , la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 47 du code civil ;

5°) ALORS QU'en cas d'inobservation des règles de forme prévues par l'article 202 du code de procédure civile pour la validité des attestations produites en justice, non prescrites à peine de nullité, les juges du fond apprécient souverainement la valeur probante de l'attestation irrégulière ; qu'ils ne peuvent donc écarter des attestations au seul prétexte de leur non-conformité et doivent rechercher si leur contenu pouvait emporter leur conviction ; qu'en jugeant le contraire pour écarter, sans les examiner, les attestations produites par M. et Mme A... pour établir la filiation de cette dernière à l'égard de L..., la cour d'appel a violé, par fausse application, la disposition précitée.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-50005
Date de la décision : 20/03/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 18 décembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 20 mar. 2019, pourvoi n°18-50005, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.50005
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