LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme B... U...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BESANÇON, chambre correctionnelle, en date du 1er juin 2017, qui, pour recel d'exercice illégal de la profession de banquier, l'a condamnée à six mois d'emprisonnement avec sursis, 6 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 30 janvier 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Wyon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller Wyon, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'en décembre 2006, l'organisme Tracfin a signalé au parquet de Strasbourg les agissements de deux associations, la Coopérative d'épargne et de crédit des commerçants Ekonomist Förening (CECCEF), ayant son siège social en Suède, et ayant pour président un ressortissant canadien, M. X... L..., et son équivalent français, la Coopérative d'épargne et de crédit des commerçants et des entrepreneurs (CECCE), dont le siège social se trouvait à Souffelweyersheim, également dirigée par M. L... ; que ces associations proposaient à des personnes désireuses d'emprunter des fonds d'acheter des certificats de dépôt dans la proportion de 10 % de la valeur du prêt sollicité, les sommes ainsi avancées servant de garantie partielle de remboursement des prêts, mais étant également censées rapporter à l'emprunteur un intérêt annuel de près de 10 % ; que selon l'organisme Tracfin, ces associations étaient susceptibles de commettre des escroqueries par le biais de financements fictifs, les avances déposées par les clients, constitutives de commissions anticipées, étant créditées sur le compte de tiers, et n'étant pas suivies du déblocage du prêt promis ; que Maître B... U..., avocat au barreau de Strasbourg, avait conclu une convention d'honoraires avec la CECCEF, lui attribuant une rémunération de 3 500 euros par mois en contrepartie de travaux administratifs et financiers et de conseils ; que Mme U... avait également conclu une convention d'honoraires prévoyant une rémunération identique avec la SARL 0800, société exploitant un snack canadien, qui avait son siège social dans les locaux de la CECCE, et dont le gérant de droit était le chauffeur de M. L... ; que Mme U... a bénéficié en novembre et décembre 2006 de deux chèques de 50 000 euros provenant de la CECCE ou d'une personne en relation avec cette association ; qu'à l'issue de l'information judiciaire, Mme U... a été poursuivie pour complicité et recel des délits d'escroqueries en bande organisée et d'exercice illégal de la profession de banquier reprochés par ailleurs à M. L... ; que par jugement du 10 décembre 2014, le tribunal correctionnel de Besançon a déclaré M. L... coupable des délits qui lui étaient reprochés, a renvoyé Mme U... des fins de la poursuite pour les délits de complicité et recel d'escroqueries en bande organisée, et l'a déclarée coupable de complicité et de recel d'exercice illégal de la profession de banquier, pour la période du 31 octobre 2006 au 31 décembre 2007 ; que Mme U..., ainsi que le ministère public, ont relevé appel de cette décision ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel de Besançon a déclaré Mme U... coupable de recel d'exercice illégal de la profession de banquier et l'a condamnée à la peine de six mois d'emprisonnement assortis du sursis et de 6 000 euros d'amende ;
"aux motifs qu'au visa de l'article 321-1 du code pénal, le délit de recel est constitué si le prévenu avait connaissance de l'origine frauduleuse des objets recelés, même sans une connaissance précise du délit par lequel ont été obtenus les objets du délit ; que les délits d'origine qui ont été reprochés à l'auteur principal M. L... sont ceux d'exercice illégal de la profession de banquier et d'escroquerie en bande organisée ; qu'il a été condamné de ces chefs ; qu'il est établi que Mme U... était dans une situation financière alarmante puisqu'elle était redevable de fortes sommes dans le cadre d'une procédure civile de redressement judiciaire concernant son cabinet devant le tribunal civil de Strasbourg ; que dans la hiérarchie des responsabilités au sein de l'organisation mise en place par M. L..., elle a tenu la place de conseil à propos de deux entreprises, objets de deux conventions d'honoraires à ce sujet ;
- une convention d'honoraires concernant la société 0800 au sein de laquelle elle avait la mission "diligences administratives, vérifications financières et conseil téléphonique hors procédure contentieuse pour le compte de la SARL 0800", ce qui correspondait à sa formation de base en droit du travail, et ce dont il est justifié par les pièces fournies pendant l'instruction ;
- une convention d'honoraires concernant le CECCE avec une mission similaire comprenant également le chapitre des vérifications financières ; que la mission était la même et l'honoraire mensuel de 3 500 euros HT était le même dans les deux conventions, mais le profil de la mission était bien diffèrent puisqu'il concernait une entreprise qui déclarait agir dans le domaine bancaire et du crédit ; que ces deux conventions lui avaient permis de participer à son retour vers une meilleure visibilité sur le plan financier, permettant de rembourser le mandataire judiciaire tout en s'assurant de deux clients sur un moyen ou un long terme ; que la difficulté de ces deux conventions réside dans le fait qu'elles s'adressaient à des sociétés totalement différentes dans leur fonctionnement et exigeaient ainsi - par nature - un profil de responsabilités du conseil qui était diffèrent ; qu'en effet, en s'alliant ainsi comme conseil d'un établissement bancaire, Mme U... se reconnaissait - de facto - une compétence dans le domaine de fonctionnement de ladite entreprise et à minima avec une connaissance de la régularité des opérations effectuées ; que de ce simple fait, Mme U... ne peut s'absoudre aisément en remarquant que son confrère savait tout mais ne lui avait rien dit, ayant ainsi surpris son honorabilité professionnelle ; que ce dernier avait rédigé les statuts la laissant ignorante de leur régularité ; ou que le préfet n'avait pas fait jouer son rôle de contrôle de la légalité des statuts, rendant au final parfaite l'illusion d'une opération parfaitement légale ; qu'à ceci se rajoute le fait que la professionnelle du droit - agissant en cette qualité - n'avait pas su, pu ou voulu lever le voile sur des situations financières complexes qui l'arrangeaient ; qu'en effet, la genèse des liens entre M. L... et Mme U... a appelé l'étonnement de la cour puisqu'un fort lien de dépendance s'était créé immédiatement entre un homme d'affaires possédant une banque en Suède et vivant dans une sphère mondaine d'apparence fortunée et une avocate aux abois, dont le sort professionnel était entre les mains de la justice au vu de ses dettes et de son manque de réussite professionnelle ; qu'il est vrai que la présence d'un avocat donnait de la densité et une plus-value évidente à toute rencontre avec des prospects et futurs clients, la dimension affichée de M. L... et ses expertises ayant besoin d'un vernis de légalité, incarné par une juriste ; que cependant, il s'était agi plus que d'une manipulation ; que Mme U... s'est trouvée enfermée dans une logique qui lui profitait mais dont l'apparence de légalité s'était effritée très vite, même si les remboursements au mandataire permettaient de croire en la pérennité de l'opération dans le temps ; qu'en effet, Mme U... était la seule à se trouver dans une situation qui sortait des cadres mis en place par le banquier M. L... qui l'affranchissait de toute contingence imposée aux clients fortunés, structures entrepreneuriales ou particuliers, d'autant plus étonnamment qu'un établissement bancaire ne prête jamais sans contrepartie, surtout à une cliente financièrement fragilisée ; qu'ainsi, M. L... lui avait promis la somme de 250 000 euros pour renflouer son cabinet, en plusieurs versements, alors qu'une somme de 120 000 euros y aurait suffit ; que l'opération dans son amplitude temporelle révèle des failles importantes sur lesquelles la cour a acquis la conviction que Mme U... a fermé volontairement les yeux plus qu'elle n'a été négligente ou incompétente, défauts que la cour n'aurait pas la discourtoisie de retenir à son égard, au vu de la vigueur des débats devant elle ; qu'ainsi, un premier chèque de 50 000 euros tiré sur le compte Crédit agricole de la CECCE le 9 octobre 2006, était rejeté pour défaut de provision le 18 octobre 2006 et un nouveau chèque remis au mandataire le 7 novembre 2006 ; que cette première opération ne correspondait pas aux exigences du fonctionnement de M. L... sur la mise en place d'un prêt puisque Mme U... n'avait pas eu à verser 10 % de la somme à emprunter et surtout avait fait l'objet d'un rejet pour défaut de provision, situation invraisemblable dans le domaine de la banque lorsque le tireur est le banquier lui-même, les explications de M. L... sur des retards entre banques apparaissant peu à la hauteur des enjeux ; qu'un second chèque de 50 000 euros permettait d'apurer partiellement le passif de son cabinet mais était émis sans qu'elle ne signe aucun document bancaire concernant le crédit, les conditions de remboursement et le tableau d'amortissement ; que ce prêt se muait en avances sur honoraires sans pour autant qu'aucun document ne vienne à l'appui de son affirmation ; que cette situation est d'autant plus douteuse que ce jeu de passe-passe concernait notamment la société 0800 dont les difficultés financières étaient apparues rapidement, le projet initié par M. L... n'étant pas viable et que, malgré cette fragilité, la somme de 50 000 euros correspondait, sans contrepartie à 6 mois d'honoraires (8372 euros par mois) ; que sur ce point, Mme U... convenait qu'elle aurait dû faire deux notes d'honoraires et non une seule, s'agissant de deux entités distinctes ; qu'enfin, cette somme, convertie en avance sur honoraires était répartie en 30 000 euros pour le mandataire, 10 000 euros pour le gérant de l'entreprise 0800 et 10 000 euros pour ses besoins personnels ; que la destination des 10 000 euros pour le chauffeur de M. L... est parfaitement incompréhensible à la lecture du dossier et démontre qu'il n'y a plus de rapport direct entre elle-même et les sommes prêtées ou avancées ; qu'à ceci, l'instruction remarquait que cet habillage ne correspondait pas au terme de l'attestation versée au mandataire le 1er décembre 2006, et que l'on ne sait si une reconnaissance de dette de 40 000 euros avait bien été établie entre M. L... et elle-même puisqu'elle disposait à son cabinet du tampon de M. L... ; que l'ensemble de ces éléments milite non pour une mainmise de M. L... sur "son" avocate, mais sur un aveuglement coupable de Mme U... qui s'éloignait ainsi du cadre légal et ne voulait pas voir ou comprendre des situations qui -en apparence- la sauvaient de la faillite ; que cette attitude d'une professionnelle, placée au sein d'une structure d'exercice illégal de la profession de banquier et d'escroqueries, convainc la cour qu'elle a profité en toute connaissance de cause du produit des infractions reconnues par M. L... et ayant entraîné sa condamnation définitive ; que tous les éléments constitutifs de l'infraction de recel sont constitués, la décision du premier juge sera confirmée ;
Sur la peine : au regard des faits poursuivis et de la personnalité de Mme U..., la Cour la condamnera à la peine de six mois d'emprisonnement assortis du sursis et 6 000 euros d'amende ; que la peine d'amende correspond aux ressources connues de la prévenue ; que le jugement sera reformé sur ce point ;
Sur l'action civile : si Mme U... est renvoyée des fins de la poursuite du chef de complicité d'exercice illégale de la profession de banquier, elle est condamnée du chef de recel et demeure, du fait du lien de connexité entre l'infraction par laquelle les biens ont été obtenus et le délit de recel, tenue des dommages-intérêts envers les parties civiles ; que celles-ci n'ont pas interjeté appel du jugement ; que la cour confirmera sur ce point les sommes allouées par le premier juge et condamnera en outre Mme U... à verser à M. et Mme P... la somme globale de 800 euros pour leurs frais de défense en appel, en application des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale » ;
"alors que le principe d'impartialité s'entend notamment d'une impartialité personnelle en vertu de laquelle le juge ne peut faire preuve de préjugé personnel et, au-delà, ne peut adopter un comportement de nature à susciter un doute légitime chez une partie quant à l'existence de tels préjugés ; qu'en faisant état d'une motivation qui, en ses termes, témoigne de façon manifeste d'une certaine animosité à l'égard de la prévenue, la cour se permettant notamment de formuler des appréciations péjoratives sur la carrière professionnelle de celle-ci et de la désigner par des termes incontestablement désobligeants, la Cour d'appel a violé le principe susvisé" ;
Attendu que l'arrêt énonce dans ses motifs que la genèse des liens entre M. L... et Mme U... a appelé l'étonnement de la cour puisqu'un fort lien de dépendance s'était créé immédiatement entre un homme d'affaires possédant une banque en Suède et vivant dans une sphère mondaine d'apparence fortunée et une avocate aux abois, dont le sort professionnel était entre les mains de la justice au vu de ses dettes et de son manque de réussite professionnelle ; que la cour d'appel relève par ailleurs qu'elle a acquis la conviction que Mme U... a fermé volontairement les yeux plus qu'elle n'a été négligente ou incompétente, défauts qu'elle n'aurait pas la discourtoisie de retenir à son égard, au vu de la vigueur des débats devant elle ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que les termes employés ne suffisent pas à établir une animosité ou des préjugés personnels des juges à l'égard de la prévenue, et ne sont pas incompatibles avec l'exigence d'impartialité, l'arrêt n'encourt pas les griefs du moyen ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4, 121-3, 321-1 du Code pénal, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré Mme U... coupable de recel d'exercice illégal de la profession de banquier ;
"aux motifs qu'« au visa de l'article 321-1 du code pénal, le délit de recel est constitué si le prévenu avait connaissance de l'origine frauduleuse des objets recelés, même sans une connaissance précise du délit par lequel ont été obtenus les objets du délit ; que les délits d'origine qui ont été reprochés à l'auteur principal M. L... sont ceux d'exercice illégal de la profession de banquier et d'escroquerie en bande organisée ; qu'il a été condamné de ces chefs ; qu'il est établi que Mme U... était dans une situation financière alarmante puisqu'elle était redevable de fortes sommes dans le cadre d'une procédure civile de redressement judiciaire concernant son cabinet devant le tribunal civil de Strasbourg ; que dans la hiérarchie des responsabilités au sein de l'organisation mise en place par M. L..., elle a tenu la place de conseil à propos de deux entreprises, objets de deux conventions d'honoraires à ce sujet ;
- une convention d'honoraires concernant la société 0800 au sein de laquelle elle avait la mission "diligences administratives, vérifications financières et conseil téléphonique hors procédure contentieuse pour le compte de la SARL 0800", ce qui correspondait à sa formation de base en droit du travail, et ce dont il est justifié par les pièces fournies pendant l'instruction ;
- une convention d'honoraires concernant le CECCE avec une mission similaire comprenant également le chapitre des vérifications financières ; que la mission était la même et l'honoraire mensuel de 3 500 euros HT était le même dans les deux conventions, mais le profil de la mission était bien diffèrent puisqu'il concernait une entreprise qui déclarait agir dans le domaine bancaire et du crédit ; que ces deux conventions lui avaient permis de participer à son retour vers une meilleure visibilité sur le plan financier, permettant de rembourser le mandataire judiciaire tout en s'assurant de deux clients sur un moyen ou un long terme ; que la difficulté de ces deux conventions réside dans le fait qu'elles s'adressaient à des sociétés totalement différentes dans leur fonctionnement et exigeaient ainsi - par nature - un profil de responsabilités du conseil qui était diffèrent ; qu'en effet, en s'alliant ainsi comme conseil d'un établissement bancaire, Mme U... se reconnaissait - de facto - une compétence dans le domaine de fonctionnement de ladite entreprise et à minima avec une connaissance de la régularité des opérations effectuées ; de ce simple fait, Mme U... ne peut s'absoudre aisément en remarquant que son confrère savait tout mais ne lui avait rien dit, ayant ainsi surpris son honorabilité professionnelle ; que ce dernier avait rédigé les statuts la laissant ignorante de leur régularité ; ou que le préfet n'avait pas fait jouer son rôle de contrôle de la légalité des statuts, rendant au final parfaite l'illusion d'une opération parfaitement légale ; qu'à ceci se rajoute le fait que la professionnelle du droit - agissant en cette qualité - n'avait pas su, pu ou voulu lever le voile sur des situations financières complexes qui l'arrangeaient ; qu'en effet, la genèse des liens entre M. L... et Mme U... a appelé l' étonnement de la cour puisqu'un fort lien de dépendance s'était créé immédiatement entre un homme d'affaires possédant une banque en Suède et vivant dans une sphère mondaine d'apparence fortunée et une avocate aux abois, dont le sort professionnel était entre les mains de la justice au vu de ses dettes et de son manque de réussite professionnelle ; qu'il est vrai que la présence d'un avocat donnait de la densité et une plus-value évidente à toute rencontre avec des prospects et futurs clients, la dimension affichée de M. L... et ses expertises ayant besoin d'un vernis de légalité, incarné par une juriste ; que cependant, il s'était agi plus que d'une manipulation ; que Mme U... s'est trouvée enfermée dans une logique qui lui profitait mais dont l'apparence de légalité s'était effritée très vite, même si les remboursements au mandataire permettaient de croire en la pérennité de l'opération dans le temps ; qu'en effet, Mme U... était la seule à se trouver dans une situation qui sortait des cadres mis en place par le banquier M. L... qui l'affranchissait de toute contingence imposée aux clients fortunés, structures entrepreneuriales ou particuliers, d'autant plus étonnamment qu'un établissement bancaire ne prête jamais sans contrepartie, surtout à une cliente financièrement fragilisée ; qu'ainsi, M. L... lui avait promis la somme de 250 000 euros pour renflouer son cabinet, en plusieurs versements, alors qu'une somme de 120 000 euros y aurait suffit ; que
l'opération dans son amplitude temporelle révèle des failles importantes sur lesquelles la cour a acquis la conviction que Mme U... a fermé volontairement les yeux plus qu'elle n'a été négligente ou incompétente, défauts que la cour n'aurait pas la discourtoisie de retenir à son égard, au vu de la vigueur des débats devant elle ; qu'ainsi, un premier chèque de 50 000 euros tiré sur le compte Crédit agricole de la CECCE le 9 octobre 2006, était rejeté pour défaut de provision le 18 octobre 2006 et un nouveau chèque remis au mandataire le 7 novembre 2006 ; que cette première opération ne correspondait pas aux exigences du fonctionnement de M. L... sur la mise en place d'un prêt puisque Mme U... n'avait pas eu à verser 10 % de la somme à emprunter et surtout avait fait l'objet d'un rejet pour défaut de provision, situation invraisemblable dans le domaine de la banque lorsque le tireur est le banquier lui-même, les explications de M. L... sur des retards entre banques apparaissant peu à la hauteur des enjeux ; qu'un second chèque de 50 000 euros permettait d'apurer partiellement le passif de son cabinet mais était émis sans qu'elle ne signe aucun document bancaire concernant le crédit, les conditions de remboursement et le tableau d'amortissement ; que ce prêt se muait en avances sur honoraires sans pour autant qu'aucun document ne vienne à l'appui de son affirmation ; que cette situation est d'autant plus douteuse que ce jeu de passe-passe concernait notamment la société 0800 dont les difficultés financières étaient apparues rapidement, le projet initié par M. L... n'étant pas viable et que, malgré cette fragilité, la somme de 50 000 euros correspondait, sans contrepartie à six mois d'honoraires (8 372 euros par mois) ; que sur ce point, Mme U... convenait qu'elle aurait dû faire deux notes d'honoraires et non une seule, s'agissant de deux entités distinctes ; qu'enfin, cette somme, convertie en avance sur honoraires était répartie en 30 000 euros pour le mandataire, 10 000 euros pour le gérant de l'entreprise 0800 et 10 000 euros pour ses besoins personnels ; que la destination des 10 000 euros pour le chauffeur de M L... est parfaitement incompréhensible à la lecture du dossier et démontre qu'il n'y a plus de rapport direct entre elle-même et les sommes prêtées ou avancées ; qu'à ceci, l'instruction remarquait que cet habillage ne correspondait pas au terme de l'attestation versée au mandataire le 1er décembre 2006, et que l'on ne sait si une reconnaissance de dette de 40 000 euros avait bien été établie entre M. L... et elle-même puisqu'elle disposait à son cabinet du tampon de M. L... ; que l'ensemble de ces éléments milite non pour une mainmise de M. L... sur "son" avocate, mais sur un aveuglement coupable de Mme U... qui s'éloignait ainsi du cadre légal et ne voulait pas voir ou comprendre des situations qui -en apparence-la sauvaient de la faillite ; que cette attitude d'une professionnelle, placée au sein d'une structure d'exercice illégal de la profession de banquier et d'escroqueries, convainc la cour qu'elle a profité en toute connaissance de cause du produit des infractions reconnues par M. L... et ayant entraîné sa condamnation définitive ; que tous les éléments constitutifs de l'infraction de recel sont constitués, la décision du premier juge sera confirmée » ;
"1°) alors que les juges ne peuvent entrer en voie de condamnation sans avoir constaté l'existence de tous les éléments constitutifs de l'infraction ; que l'élément moral du délit de recel suppose la connaissance par le prévenu de l'origine délictueuse des objets recelés ; qu'en retenant que le délit de recel était caractérisé sans justifier de la connaissance certaine par la prévenue de l'origine délictueuse des fonds prétendument recelés, la cour d'appel a violé l'article 321-1 du code pénal ;
" 2°) alors qu'en retenant la culpabilité de la prévenue du délit de recel lorsqu'elle constatait de sa part « un aveuglement coupable », ce qui n'équivaut en rien à la connaissance certaine de l'origine frauduleuse des fonds, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;
"3°) alors que la demanderesse a établi qu'elle disposait de la possibilité de bénéficier d'une procédure d'effacement de dettes que propose le droit local d'Alsace-Moselle, de sorte que celle-ci ne trouvait aucun intérêt à la commission de l'infraction de recel et qu'il était impossible de se fonder sur les difficultés financières de la prévenue et la nécessité de rembourser le mandataire judiciaire de la procédure qui la visait pour établir sa volonté de commettre l'infraction et en déduire un aveuglement coupable quant à l'origine litigieuse des fonds ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire contenu dans les conclusions dont était régulièrement saisie la cour d'appel, celle-ci n'a pas justifié sa décision ;
" 4°) alors que tout jugement ou arrêt devant être motivé à peine de nullité, la contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait sans se contredire affirmer dans un premier temps que l'existence de la convention d'honoraire concernant la société 0800 et des missions conférées à ce titre était justifiée par les pièces fournies pendant l'instruction, puis soutenir dans un second temps que la somme de 50 000 euros versée à Mme U... en avances sur honoraires l'a été sans contrepartie" ;
Attendu que pour déclarer Mme U... coupable de recel d'exercice illégal de la profession de banquier, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, par des motifs suffisants relevant de son appréciation souveraine, a déduit de l'accumulation de circonstances de fait la connaissance par la prévenue, professionnelle du droit, de l'origine frauduleuse des fonds qu'elle a perçus, la connaissance de la nature exacte des infractions d'origine n'étant pas nécessaire ;
Que dès lors le moyen, inopérant en ses deuxième, troisième et quatrième branches, en ce qu'elles ne critiquent pas des motifs péremptoires, ne saurait être accueilli ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 203, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel de Besançon a confirmé le jugement sur les dispositions civiles ;
"aux motifs que si Mme U... est renvoyée des fins de la poursuite du chef de complicité d'exercice illégale de la profession de banquier, elle est condamnée du chef de recel et demeure, du fait du lien de connexité entre l'infraction par laquelle les biens ont été obtenus et le délit de recel, tenue des dommages-intérêts envers les parties civiles ; que celles-ci n'ont pas interjeté appel du jugement ; que la cour confirmera sur ce point les sommes allouées par le premier juge et condamnera en outre Mme U... à verser à M. et Mme P... la somme globale de 800 euros pour leur frais de défense en appel, en application des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
"alors que la responsabilité civile d'un prévenu résulte de la faute civile caractérisée à son égard, ce qui suppose des juges du fond une motivation expresse, et ce tout particulièrement dans l'hypothèse où une relaxe à l'égard du prévenu a été prononcée ; qu'en se bornant à mentionner l'existence d'un lien de connexité entre l'infraction par laquelle les biens ont été obtenus et le délit de recel duquel Mme U... était déclarée coupable, pour justifier le maintien à l'identique de la responsabilité civile de Mme U... lorsque celle-ci bénéficiait pourtant d'une relaxe partielle, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision" ;
Attendu que pour confirmer les dispositions du jugement sur l'action civile à l'encontre de Mme U..., l'arrêt énonce que si cette dernière est renvoyée des fins de la poursuite du chef de complicité d'exercice illégal de la profession de banquier, elle est condamnée du chef de recel et demeure, du fait du lien de connexité entre l'infraction par laquelle les biens ont été obtenus et le délit de recel, tenue des dommages-intérêts envers les parties civiles ;
Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors qu'en raison de la connexité qui s'étend du délit originaire au recel, le receleur est solidairement responsable des dommages-intérêts avec l'auteur de l'infraction originaire, peu important que Mme U... ait été relaxée du chef de complicité de ce délit d'origine, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'ainsi le moyen ne peut qu'être écarté ;
Mais sur le troisième moyen, pris de la violation des articles 132-1, 132-20 du code pénal, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel de Besançon a condamné Mme U... à la peine de six mois d'emprisonnement assortis du sursis et de 6 000 euros d'amende ;
"aux motifs qu' « au regard des faits poursuivis et de la personnalité de Mme U..., la cour la condamnera à la peine de six mois d'emprisonnement assortis du sursis et 6 000 euros d'amende ; que la peine d'amende correspond aux ressources connues de la prévenue ; que le jugement sera réformé sur ce point » ;
"1°) alors qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine d'emprisonnement doit motiver sa décision en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; qu'en condamnant Mme U... à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis sans s'expliquer sur aucun de ces éléments et en se bornant à mentionner les « faits poursuivis » et « la personnalité de Mme U... », la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle ;
"2°) alors qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ; qu'en se bornant à affirmer que la peine de 6 000 euros d'amende qu'elle prononçait correspondait aux ressources connues de la prévenue, sans s'expliquer davantage sur les ressources et les charges de celle-ci, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle" ;
Vu les articles 130-1, 132-1 et 132-20, alinéa 2, du code pénal, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur ; que le juge qui prononce une amende doit, en outre, motiver sa décision en tenant compte des ressources et des charges du prévenu ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que pour condamner Mme U... à six mois d'emprisonnement avec sursis et 6 000 euros d'amende, l'arrêt énonce qu'au regard des faits poursuivis et de la personnalité de Mme U..., la cour la condamnera à la peine de six mois d'emprisonnement assortis du sursis et 6 000 euros d'amende, la peine d'amende correspondant aux ressources connues de la prévenue ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans mieux s'expliquer sur la gravité des faits, la personnalité de la prévenue, sa situation personnelle et le montant de ses ressources comme de ses charges, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée à la peine, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Besançon, en date du 1er juin 2017, mais en ses seules dispositions relatives à la peine, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Besançon, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Besançon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt mars deux mille dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.