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20/03/2019 | FRANCE | N°17-22068

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 mars 2019, 17-22068


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 2 juin 2017), que M. I..., engagé par la coopérative agricole Isigny Sainte-Mère (la coopérative) en qualité de directeur des relations humaines le 9 décembre 2002, a été licencié pour faute grave le 30 novembre 2005 ;

Attendu que la coopérative fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner à payer au salarié diverses sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des con

gés payés afférents, des congés de fractionnement, de la prime de fin d'année sur préa...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 2 juin 2017), que M. I..., engagé par la coopérative agricole Isigny Sainte-Mère (la coopérative) en qualité de directeur des relations humaines le 9 décembre 2002, a été licencié pour faute grave le 30 novembre 2005 ;

Attendu que la coopérative fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner à payer au salarié diverses sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, des congés de fractionnement, de la prime de fin d'année sur préavis, de l'intéressement individuel sur préavis, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'ordonner le remboursement par elle, aux organismes concernés, des indemnités chômage versées au salarié dans la limite de six mois, alors, selon le moyen :

1°/ que l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose au juge civil relativement aux faits constatés par le juge pénal ; que l'atteinte au droit à la vie privée d'un salarié, dont la divulgation de ses orientations sexuelles, constitue de la part de son auteur une faute grave ; qu'en l'espèce le licenciement était fondé sur le comportement de M. I... consistant à tenir des «propos très durs et déstabilisants » à l'égard d'un autre salarié, M. V..., et à « énoncer des faits insidieux (
) destinés à lui nuire » ; que la coopérative agricole Isigny Sainte-Mère a développé ce grief de licenciement précis et matériellement vérifiable dans ses écritures d'appel en énonçant que le salarié avait notamment révélé l'homosexualité de M. V... afin de le fragiliser et de l'empêcher d'accéder au poste de directeur général ; que dans son arrêt du 7 avril 2014 la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Caen a relaxé M. I... des poursuites de harcèlement moral, mais a en revanche constaté qu'il était effectivement à l'origine de « la révélation de l'homosexualité » de son collègue, ce dans le but de le déstabiliser ; qu'un tel comportement constaté par le juge pénal était constitutif d'une faute grave ; qu'en décidant au contraire - pour retenir que les « propos très durs et déstabilisants » tenus par M. I... n'étaient « ni définis par la lettre de licenciement, ni justifiés par les pièces versées aux débats » - que les éléments tirés de la procédure pénale ne pouvaient étayer utilement les motifs du licenciement, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil, ensemble les articles L. 1232-1, L. 1235-1 L. 1234-5, L. 1234-9 du code du travail ;

2°/ que la décision du juge pénal prononçant une relaxe et un non-lieu pour les faits de harcèlement moral et de discrimination ne faisait pas obstacle à ce que le juge civil se prononce sur les faits de divulgation de l'homosexualité d'un autre salarié reprochés à M. I... ; qu'en se fondant sur les décisions rendues par le juge pénal pour écarter le motif de licenciement tiré des « propos très durs et déstabilisants » et de l'énonciation par le salarié de « faits insidieux (
) destinés à lui nuire [à son collègue] », et pour écarter les éléments tirés de la procédure pénale, la cour d'appel a derechef violé l'article 1353 du code civil, ensemble les articles L. 1232-1, L. 1235-1 L. 1234-5, L. 1234-9 du code du travail ;

3°/ que dans les motifs de l'arrêt du 7 avril 2014 la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Caen a constaté que M. I... avait « révélé l'homosexualité » de M. V... dans le but de le déstabiliser ; qu'en retenant néanmoins que « les éléments tirés de cette procédure pénale qui ne sont pas judiciairement démontrés ne peuvent étayer utilement les motifs du licenciement», la cour d'appel a dénaturé l'arrêt du 7 avril 2014 la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Caen en violation du principe interdisant au juge de dénaturer les pièces qu'il examine ;

4°/ qu'afin de démontrer la faute grave du salarié, tenant à la tenue de « propos très durs et déstabilisants» dont la divulgation de l'homosexualité de son collègue, la société a produit les pièces de la procédure pénale engagée par M. V... contre M. I... ; qu'en refusant de prendre en compte ces éléments, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ qu'en décidant que les « propos très durs et déstabilisants » et l'énonciation de « faits insidieux (
) destinés à lui nuire » reprochés à M. I... n'étaient « ni définis par la lettre de licenciement, ni justifiés par les pièces versées aux débats », sans s'expliquer sur les propos inacceptables tenus par le salarié dans un courriel du 5 octobre 2015 dans lequel il invoque publiquement les « appels téléphoniques [de M. V...] sur le réseau privé gay » (production), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que l'autorité de chose jugée au pénal sur le civil n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement ; qu'en se fondant sur l'ordonnance de non-lieu rendue au titre de la discrimination pour juger que « les éléments tirés de cette procédure pénale qui ne sont pas judiciairement démontrés ne peuvent étayer utilement les motifs du licenciement », la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil et les articles L. 1232-1, L. 1235-1 L. 1234-5, L. 1234-9 du code du travail ;

7°/ qu'en écartant le témoignage de M. T... aux motifs que selon les termes de son attestation il n'aurait pas été le témoin direct des faits reprochés à M. I..., cependant que dans ladite attestation ce dernier indiquait que « d'autres paroles de la part de M. I... m'ont appris l'homosexualité de M. V... qui selon lui serait néfaste aux intérêts de l'entreprise et à l'ambiance générale », la cour d'appel a dénaturé ladite attestation en violation du principe interdisant au juge de dénaturer les pièces qu'il examine ;

Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, et qui, non tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a relevé que les "propos très durs et déstabilisants" et les "ignominies", prêtés au salarié qui les aurait proférés à l'encontre d'un autre salarié, n'étaient ni définis par la lettre de licenciement ni justifiés par les pièces versées au débat, a pu, par ces seuls motifs, en déduire que la coopérative n'apportait pas la preuve de la réalité des faits reprochés par le salarié ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Isigny Sainte-Mère aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Isigny Sainte-Mère à payer à M. I... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Isigny Sainte-Mère.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Monsieur I..., d'AVOIR condamné la coopérative agricole ISIGNY SAINTE MÈRE à lui payer les sommes de 40.866 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 5.890 € à titre d'indemnité de congés-payés y afférents, 736 € au titre des congés de fractionnement, 3.405 € au titre de la prime de fin d'année sur préavis, 7.000 € au titre de l'intéressement individuel sur préavis, 9.968 € à titre d'indemnité de licenciement et 42.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR ordonné le remboursement par la coopérative agricole ISIGNY SAINTE MÈRE, aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées à Monsieur I... dans la limite de 6 mois ;

AUX MOTIFS QUE « s'agissant d'une faute grave reprochée privative du droit aux indemnités de rupture qu'il appartient à l'employeur seul de démontrer, elle correspond à un fait ou un ensemble de faits qui, imputables au salarié, constituent une violation des obligations du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Dans sa lettre, la coopérative agricole Isigny Ste Mère indique : « vous avez, au cours du mois de septembre, mis en effervescence l'entreprise en tenant, sans aucun consentement de la direction générale, des propos très durs et déstabilisants vis à vis d'un autre cadre occupant des fonctions importantes. Vous avez évoqué l'idée que l'encadrement partageait votre avis, ce que le même encadrement, réuni par mes soins en présence des deux protagonistes le 26 septembre 2005 a totalement rejeté, montrant clairement son soutien à votre opposant. Vous avez cherché à mêler le président et les administrateurs à vos différends avec le directeur commercial général. Ces faits ont alors fait l'objet d'une procédure d'entretien et d'une mise à pied conservatoire. Vous nous avez demandé que soit suspendue la procédure, car vous pensiez pouvoir vous entendre finalement avec le directeur commercial général. Mais suite à l'entretien, vous lui avez adressé le 15 octobre 2005 un courrier qui a démontré que vous ne pouviez-vous entendre avec lui, vous rendant encore coupable d'énoncer des faits insidieux, qui s'ajoutent à d'autres, destinés à lui nuire et à le déstabiliser, certains relevant manifestement d'interdits légaux. Vous avez une nouvelle fois totalement outrepassé vos pouvoirs, en lui proposant un nouvel emploi, ce qui, au regard des motifs de votre entretien, était assez inapproprié, mais surtout en l'accusant de toutes les ignominies ». Pour justifier des fautes reprochées, la coopérative agricole Isigny Ste Mère verse plusieurs attestations - M. G... qui indique de façon générale et nullement circonstanciée que « M. I... a essayé à plusieurs reprises lors des comités de direction de déstabiliser M V.... M I... a attaqué M V... sur les réunions qu'il anime chaque lundi », sans précision de date et des propos tenus, - M. B... qui affirme que «M I... a tenu des propos diffamants au cours de la réunion du 26 septembre (2005?) à 15 heures au sujet des différents points suivants que la totalité des cadres étaient hostiles à M V..., que M V... menaçait et harcelait ses collègues cadre, qu'il avait supprimé les services de contrat, que M V... possédait une entreprise en commun avec M. U... et que M .V... détenait un dossier sur M Q... lui faisait bénéficier d'un régime particulier dans l'entreprise ». - M. T... qui écrit : «M I... a fait pression à la miseptembre 2005 auprès de M U... afin que ce dernier entame une procédure de licenciement envers M V... . D'autres paroles de la part de M I... m'ont appris l'homosexualité de M V... qui selon lui serait néfaste aux intérêts de l'entreprise et à l'ambiance générale et avoir entendu ses paroles de la part de son gourou M N... ». Le témoin n'est donc pas un témoin direct des faits rapportés qui doivent être écartés. - M. K..., qui mentionne la situation à la fin du semestre qui ne peuvent plus être reprochés ; - Mme C... et M. D... qui n'apportent aucun élément sur les faits de la cause niais qui parlent de leur vécu à la coopérative Elle verse un courrier de M. M..., président de la coopérative, du 6 octobre 2005 adressé à M. V... l'informant que le 12 septembre, au cours de la réunion rassemblant M. U..., directeur général, M. O..., directeur général adjoint et M. I..., celuici avait indiqué que 49 cadres de l'entreprise lui (M. V...) étaient opposés et que le fait qu'il (M. V...) reste dans l'entreprise causerait des problèmes pour que l'entreprise puisse fonctionner correctement et que s'adressant à sa personne, il lui avait dit «M M..., savez-vous que M V... est homosexuel ?» Elle produit encore le compte-rendu de la réunion du 26septembre 2005 où il est fait mention que «M. U... lit la lettre que M V... a envoyé à M I... » et que M. U... a déclaré «c'est le devoir que M I... de donner les bonnes informations, l a un rôle de désinformer une rumeur pour la démentir, ce n'est pas de la délation, souhaite la vérité », ce qui ne reprend nullement les propos que M. B... mentionne dans son attestation ; La coopérative agricole Isigny Ste Mère verse enfin une partie de la procédure pénale suivie sur les faits de harcèlement moral et discrimination dénoncés par M. V... à l'encontre de M. I... et qui s'est soldée par une ordonnance de non-lieu du juge d'instruction, après auditions de l'ensemble des protagonistes et mises en examen de MM. I... et U..., ordonnance confirmée par arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen du 12 octobre 2010 en ce qui concerne les faits de harcèlement moral et par un jugement de relaxe du tribunal correctionnel de Caen confirmée par un arrêt de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Caen du 7 avril 2014 en ce qui concerne les faits de discrimination, ceux-ci étant ceux mentionnés dans la lettre de licenciement. Dès lors, les éléments tirés de cette procédure pénale qui ne sont pas judiciairement démontrés ne peuvent étayer utilement les motifs du licenciement alors qu'ils reposent sur les mêmes faits. Dès lors, les prétendues « propos très durs et déstabilisants » tenus par M. I... sur la personne de M. V... et « les ignominies » dont M. I... l'aurait accusé ne sont ni définis par la lettre de licenciement ni justifiés par les pièces versées aux débats de sorte que la coopérative agricole Isigny Ste Mère ne rapporte pas de faits fautifs commis par M. I... en septembre et octobre 2005 à l'encontre de M. V.... En ce qui concerne les autres faits développés par l'employeur dans ses écritures, ils ne peuvent être examinés par la cour, les faits fautifs étant circonscrits par la lettre de licenciement. Ceci ouvre droit au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité pour congés de fractionnement, de la prime de fin d'année, de l'intéressement sur préavis et de l'indemnité de licenciement dont le principe et les montants réclamés par M. I... ne sont pas utilement contestés par la coopérative agricole Isigny Ste Mère Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. I... sollicite le paiement de la somme de 310 000 euros à laquelle s'ajoute la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait des conditions particulièrement brutales et vexatoires dans lesquelles son licenciement serait intervenu. Il ressort des pièces versées que M. I... a été en arrêt maladie entre le 17 octobre et le ter décembre 2005 au titre d'une « déprime suite souci professionnels » et affirme qu'il était toujours, en 2013 suivi pour syndrome anxiodépressif, sans justifier cependant du lien entre les troubles subis en 2005 et ceux existants en 2013. Il expose que le dépôt de plainte de M. V... le 23 décembre 2005 ne l'a été manifestement que sur l'instigation ou, à tout le moins, le vif assentiment du directeur général de la coopérative, M. U..., en réponse à sa saisine du conseil de prud'hommes de Caen quelques jours auparavant, qu'il a perdu la source principale des revenus de sa famille et justifie de ses très nombreuses et vaines recherches d'emploi depuis son licenciement ; il expose qu'il a créé une société le 2 janvier 2007 qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire en novembre 2011 et a été embauché le 4 novembre 2013 en qualité de responsable des relations sociales; il prétend que sa fille Lucie a également subi les contre coups de son licenciement puisqu'elle a été licenciée après avoir été poussée à la démission par son employeur sur ordre de la coopérative. Néanmoins, si la situation personnelle et professionnelle de M. I... a été évidemment bouleversée par ce licenciement sans cause réelle et sérieuse, il ne justifie nullement que le dépôt de plainte de M. V... a été fait à« l'instigation ou le vif assentiment de son ancien employeur », alors que le directeur général de la coopérative à lui aussi été mis en examen sur les faits de harcèlement moral et discrimination dénoncés par M. V... ; enfin, seule sa fille Lucie atteste (pièces 54 et 68) du lien entre les deux licenciements subis par les deux membres de la famille. Cela étant, compte tenu des éléments justifiés, de l'âge du salarié lors de la rupture (48 ans), du montant de son salaire mensuel et de son ancienneté dans l'entreprise, la cour évalue à la somme de 42000 euros le montant des dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice matériel et moral résultant de ce licenciement »;

1. ALORS QUE l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose au juge civil relativement aux faits constatés par le juge pénal ; que l'atteinte au droit à la vie privée d'un salarié, dont la divulgation de ses orientations sexuelles, constitue de la part de son auteur une faute grave ; qu'en l'espèce le licenciement était fondé sur le comportement de Monsieur I... consistant à tenir des « propos très durs et déstabilisants » à l'égard d'un autre salarié, Monsieur V..., et à « énoncer des faits insidieux (
) destinés à lui nuire » ; que la coopérative agricole ISIGNY SAINTE MÈRE a développé ce grief de licenciement précis et matériellement vérifiable dans ses écritures d'appel en énonçant que le salarié avait notamment révélé l'homosexualité de Monsieur V... afin de le fragiliser et de l'empêcher d'accéder au poste de directeur général ; que dans son arrêt du 7 avril 2014 la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Caen a relaxé Monsieur I... des poursuites de harcèlement moral, mais a en revanche constaté qu'il était effectivement à l'origine de « la révélation de l'homosexualité » de son collègue, ce dans le but de le déstabiliser ; qu'un tel comportement constaté par le juge pénal était constitutif d'une faute grave ; qu'en décidant au contraire - pour retenir que les « propos très durs et déstabilisants » tenus par Monsieur I... n'étaient « ni définis par la lettre de licenciement, ni justifiés par les pièces versées aux débats » - que les éléments tirés de la procédure pénale ne pouvaient étayer utilement les motifs du licenciement, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil, ensemble les articles L. 1232-1, L. 1235-1 L. 1234-5, L. 1234-9 du code du travail ;

2. ALORS QUE la décision du juge pénal prononçant une relaxe et un nonlieu pour les faits de harcèlement moral et de discrimination ne faisait pas obstacle à ce que le juge civil se prononce sur les faits de divulgation de l'homosexualité d'un autre salarié reprochés à Monsieur I... ; qu'en se fondant sur les décisions rendues par le juge pénal pour écarter le motif de licenciement tiré des « propos très durs et déstabilisants » et de l'énonciation par le salarié de « faits insidieux (
) destinés à lui nuire [à son collègue]», et pour écarter les éléments tirés de la procédure pénale, la cour d'appel a derechef violé l'article 1353 du code civil, ensemble les articles L. 1232-1, L. 1235-1 L. 1234-5, L. 1234-9 du code du travail ;

3. ALORS QUE dans les motifs de l'arrêt du 7 avril 2014 la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Caen a constaté que Monsieur I... avait « révélé l'homosexualité » de Monsieur V... dans le but de le déstabiliser (voir arrêt susvisé p. 7 § 3 et suiv.) ; qu'en retenant néanmoins que « les éléments tirés de cette procédure pénale qui ne sont pas judiciairement démontrés ne peuvent étayer utilement les motifs du licenciement », la cour d'appel a dénaturé l'arrêt du 7 avril 2014 la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Caen en violation du principe interdisant au juge de dénaturer les pièces qu'il examine ;

4. ALORS QU'afin de démontrer la faute grave du salarié, tenant à la tenue de « propos très durs et déstabilisants » dont la divulgation de l'homosexualité de son collègue, la société a produit les pièces de la procédure pénale engagée par Monsieur V... contre Monsieur I... ; qu'en refusant de prendre en compte ces éléments, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5. ALORS QU'en décidant que les « propos très durs et déstabilisants » et l'énonciation de « faits insidieux (
) destinés à lui nuire » reprochés à Monsieur I... n'étaient « ni définis par la lettre de licenciement, ni justifiés par les pièces versées aux débats », sans s'expliquer sur les propos inacceptables tenus par le salarié dans un courriel du 5 octobre 2015 dans lequel il invoque publiquement les « appels téléphoniques [de Monsieur V...] sur le réseau privé gay » (production), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6. ALORS, QUE l'autorité de chose jugée au pénal sur le civil n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement ; qu'en se fondant sur l'ordonnance de non-lieu rendue au titre de la discrimination pour juger que « les éléments tirés de cette procédure pénale qui ne sont pas judiciairement démontrés ne peuvent étayer utilement les motifs du licenciement », la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil et les articles L. 1232-1, L. 1235-1 L. 1234-5, L. 1234-9 du code du travail ;

7. ALORS ENFIN QU'en écartant le témoignage de Monsieur T... aux motifs que selon les termes de son attestation il n'aurait pas été le témoin direct des faits reprochés à Monsieur I..., cependant que dans ladite attestation ce dernier indiquait que « d'autres paroles de la part de M. I... m'ont appris l'homosexualité de M.V... qui selon lui serait néfaste aux intérêts de l'entreprise et à l'ambiance générale », la cour d'appel a dénaturé ladite attestation en violation du principe interdisant au juge de dénaturer les pièces qu'il examine.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-22068
Date de la décision : 20/03/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 02 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 mar. 2019, pourvoi n°17-22068


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.22068
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