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20/03/2019 | FRANCE | N°17-19245

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 mars 2019, 17-19245


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 29 mars 2017), que M. M... a été engagé par la société EDF (EDF) par contrat non statutaire en juillet 1974, puis a été admis comme employé statutaire en juillet 1976 ; que le 26 juin 2000, il a été placé en longue maladie ; que le 1er septembre 2005, il a fait l'objet d'un classement en invalidité 2ème catégorie par la Caisse nationale des industries électriques et gazières et que le 4 mars 2013, il a été placé en inactivité ; qu'

il a saisi la juridiction prud'homale le 20 mars 2013 pour faire constater que son...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 29 mars 2017), que M. M... a été engagé par la société EDF (EDF) par contrat non statutaire en juillet 1974, puis a été admis comme employé statutaire en juillet 1976 ; que le 26 juin 2000, il a été placé en longue maladie ; que le 1er septembre 2005, il a fait l'objet d'un classement en invalidité 2ème catégorie par la Caisse nationale des industries électriques et gazières et que le 4 mars 2013, il a été placé en inactivité ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale le 20 mars 2013 pour faire constater que son placement en inactivité était illicite et constituait un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de certaines sommes ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de toutes ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ qu'il appartient à l'employeur qui se prévaut de la possibilité de rompre le contrat de travail d'un salarié qui peut bénéficier d'une pension de retraite à taux plein de rapporter la preuve de ce que les conditions de sa mise à la retraite sont remplies ; qu'après avoir énoncé que l'agent en invalidité de catégorie 2 pouvait être placé en inactivité d'office, soit parce qu'il avait atteint l'âge de 62 ans, soit parce qu'il avait cotisé suffisamment pour bénéficier d'une pension à taux plein et était arrivé à l'âge d'ouverture de ses droits, la cour d'appel, qui a constaté que la mise en inactivité d'office de M. M... était intervenue avant l'âge de 62 ans, sans avoir relevé qu'il pouvait bénéficier d'une retraite à taux plein, ce qui était contesté par l'agent, a violé l'article 4 de l'annexe du décret n° 46-1541 du 22 juin 1946 approuvant le statut national du personnel des industries électriques et gazières ;

2°/ que les différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un objectif légitime, notamment de politique de l'emploi, et lorsque les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ; qu'en se fondant sur la production par EDF d'un tableau récapitulatif des embauches et départs à la retraite entre 2010 et 2012, inopérante pour établir que les embauches étaient la contrepartie des mises en inactivité d'office, la cour d'appel, après avoir constaté que les niveaux de qualification et de compétences des recrutement n'étaient pas détaillés dans ce tableau, n'a donc pas caractérisé en quoi, pour la catégorie d'emploi de M. M..., la différence de traitement fondée sur l'âge était objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime et que les moyens pour réaliser cet objectif étaient appropriés et nécessaires, a violé l'article 6 § 1 de la Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, ensemble les articles L.1132-1, L.1133-2 du code du travail ;

3°/ que la cour d'appel ne peut infirmer un jugement sans en réfuter les motifs péremptoires que l'intimé est réputé s'être approprié ; qu'en ayant infirmé le jugement qui avait dit que la mise en inactivité de M. M... constituait une mesure discriminatoire fondée sur l'âge, sans avoir réfuté ses motifs déterminants selon lesquels EDF ne démontrait pas de lien certain et direct entre la mise à la retraite contestée et les embauches de salariés plus jeunes qui auraient été réalisées à la suite de cette mesure à des niveaux de qualification et de compétence correspondants, ce dont il résultait que la mise à la retraite de M. M... n'était pas justifiée par un objectif légitime, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, qu'ayant constaté que, dans la région de Corse où exerçait l'agent, EDF a embauché au cours de l'année 2012 cinquante-neuf personnes, dont quarante-six de moins de vingt-cinq ans et que, pour les années précédentes, on constate une corrélation entre le nombre des départs des agents et les arrivées qui permet d'établir que les départs en retraite contribuent au nombre d'embauches, lesquelles sont offertes en grande majorité à des personnes jeunes, et retenu qu'EDF établissait donc qu'elle poursuivait, en procédant à des mises à la retraite, un objectif légitime d'emploi des jeunes, en particulier dans la région où exerçait l'agent, laquelle subissait un contexte économique difficile, que la mesure de mise en inactivité d'office était ainsi justifiée par l'objectif légitime de promouvoir l'accès à l'emploi et par une meilleure distribution de celui-ci entre les générations, que cette mesure n'a pas modifié le mode de vie de l'agent, puisqu'il ne travaillait plus depuis treize ans, qu'il n'aurait pu reprendre son poste de travail au sein de l'entreprise et qu'il n'a subi aucune diminution de revenus, la cour d'appel a pu en déduire que les moyens mis en oeuvre par l'employeur pour atteindre les objectifs légitimes liés à la politique de l'emploi et au marché du travail étaient en l'espèce appropriés et nécessaires et n'avaient pas porté une atteinte disproportionnée aux droits de l'agent, excluant ainsi toute discrimination en raison de l'âge ;

Attendu, ensuite, que le salarié, qui demandait confirmation du jugement concernant l'indemnisation pour discrimination, n'est pas réputé s'être approprié en vertu de l'article 954 alinéa 4 du code de procédure civile les motifs des premiers juges, dès lors qu'au soutien de sa demande, il avait formulé un moyen nouveau tiré de l'absence de motivation formelle de la mise en inactivité d'office ;

D'où il suit que le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit, et partant irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. M... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. M....

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. M... de toutes ses demandes ;

Aux motifs que sur la licéité de la mise en inactivité, l'article 47 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz modifié par la loi 2010-1488 du 7 décembre 2010 dispose qu'un statut national s'applique à tout le personnel de l'industrie électrique et gazière en situation d'activité ou d'inactivité, en particulier celui des entreprises de production, de transport, de distribution, de commercialisation et de fourniture aux clients finals d'électricité ou de gaz naturel, sous réserve qu'une convention collective, qu'un statut national ou qu'un régime conventionnel du secteur de l'énergie ne s'applique pas au sein de l'entreprise ; qu'en conséquence, les articles L. 1237-4 à L. 1237-10 du code du travail sont inapplicables aux agents EDF dont la rupture du contrat pour mise à la retraite est réglementée par l'article 4 du statut national approuvé par décret du 22 juin 1946 plusieurs fois modifié ; que l'article 4 de l'annexe à ce statut, relatif aux agents titulaires, dans sa version applicable à la date des faits, dispose que « l'agent titulaire d'une pension d'invalidité de catégorie 2 ou 3, au sens de l'annexe 3 du présent statut, est mis en inactivité à l'initiative de son employeur à partir de l'âge d'ouverture de ses droits à pension de vieillesse du régime des industries électriques et gazières dès lors qu'il totalise le nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier d'une pension service au taux maximum mentionnés à l'annexe 3 du présent statut ou, au plus tard, à soixante-deux ans » ; qu'il en résulte que l'agent en invalidité de catégorie 2 peut être placé en inactivité d'office soit parce qu'il a atteint l'âge de 62 ans, soit parce qu'il a cotisé suffisamment pour bénéficier d'une pension à taux plein et qu'il est arrivé à l'âge d'ouverture de ses droits, fixé par l'annexe 3 au décret du 22 juin 1946 ; que cette annexe 3 dans sa version en vigueur le 4 mars 2013 dispose en son article 16 que la liquidation de la pension de vieillesse intervient sur demande lorsque l'agent a atteint au moins 62 ans, ou lorsque l'agent a atteint au moins 57 ans s'il totalise 17 ans de services actifs, insalubres et militaires, ou 10 ans de services effectifs insalubres ; que des dispositions transitoires prévues à l'article 45 du statut fixent à 60 ans l'âge d'ouverture du droit à pension pour les agents nés [...] , ce qui est le cas de M. M... né [...] ; qu'en conséquence, il n'y a pas lieu d'invalider la mise en inactivité d'office au motif qu'elle est intervenue avant l'âge de 62 ans ; que sur la motivation formelle de la mise en inactivité d'office, la décision relève du statut spécifique du personnel des industries électriques et gazières et n'est pas soumise aux conditions de forme du licenciement définies aux articles L. 1232-6 et suivants du code du travail ; que la lettre de notification de cette décision n'a pas à être motivée de façon formelle, au-delà de la référence aux dispositions statutaires applicables ; que sur le caractère discriminatoire de la mise en inactivité, l'article L. 1132-1 du code du travail dispose qu'aucune personne ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, en raison de son âge ; que l'article L. 1133-2 précise que les différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un but légitime, notamment pas le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d'assurer leur emploi leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d'emploi, et lorsque les moyens de réaliser ce but sont nécessaires et appropriés ; que ces dispositions transposent en droit interne la Directive n°2000/78/CE du 27 novembre 2000 ; que la SA EDF indique que la mise en inactivité était justifiée par l'objectif légitime de promouvoir l'accès à l'emploi, et par une meilleure distribution de celui-ci entre les générations ; qu'elle produit son bilan social arrêté à mars 2013, pour ses établissements de Corse, faisant état des modifications suivantes de l'effectif : - En 2012, EDF en Corse a embauché 59 personnes, dont 46 de moins de 25 ans ; sur 2012, 52 agents ont quitté l'entreprise en Corse, dont 23 départs en retraite ; - En 2011, elle a embauché 53 personnes, dont 42 de moins de 25 ans ; un total de 52 personnes ont quitté l'entreprise, dont vingt-trois départs en retraite, - En 2010, elle a embauché 49 personnes, dont 35 de moins de 25 ans ; un total de 43 personnes ont quitté l'entreprise, dont 22 départs en retraite ; que si les niveaux de qualification et de compétences de ces recrutement ne sont pas détaillés, on constate une corrélation globale entre les départ et les arrivées, qui permet d'établir que les départs en retraite contribuent au nombre d'embauches, offertes en grande majorité à des personnes jeunes ; que l'accord d'entreprise du 25 janvier 1999 sur la réduction du temps de travail, même ancien, prévoyait notamment de dynamiser la création d'emploi en développant le départ anticipé à la retraite, fondé alors sur le volontariat ; que la SA EDF établit qu'elle poursuivait, en favorisant les départs en retraite, un objectif d'emploi des jeunes, en particulier en Corse, objectif légitime dans un contexte économique difficile ; que M. M... percevait une pension d'invalidité de 6 783,17 euros par trimestre début 2013, soit 2 261,05 euros par mois, perçoit une pension de retraite de 2 295,66 euros, de sorte qu'il n'a pas subi de diminution de ses revenus ; qu'il a perçu le 27 février 2013, une indemnité statutaire de départ de 11 414,37 euros ; que la mise en inactivité d'office n'a pas modifié son mode de vie, puisqu'il ne travaillait plus depuis treize ans et n'aurait pas pu reprendre son poste de travail au sein de l'entreprise ; que l'absence d'incidence financière ou sociale négative pour M. M... permet de considérer que les moyens mis en oeuvre par l'entreprise pour atteindre ses objectifs légitimes, étaient appropriés et n'ont pas porté d'atteinte disproportionnée aux droits de l'agent ; que la rupture du contrat de travail ne revêtant pas, au regard de l'ensemble de ces éléments, de caractère discriminatoire, il n'y pas lieu de la déclarer nulle et qu'il convient d'infirmer le jugement et de débouter M. M... de ses demandes ;

Alors 1°) qu'il appartient à l'employeur qui se prévaut de la possibilité de rompre le contrat de travail d'un salarié qui peut bénéficier d'une pension de retraite à taux plein de rapporter la preuve de ce que les conditions de sa mise à la retraite sont remplies ; qu'après avoir énoncé que l'agent en invalidité de catégorie 2 pouvait être placé en inactivité d'office, soit parce qu'il avait atteint l'âge de 62 ans, soit parce qu'il avait cotisé suffisamment pour bénéficier d'une pension à taux plein et était arrivé à l'âge d'ouverture de ses droits, la cour d'appel, qui a constaté que la mise en inactivité d'office de M. M... était intervenue avant l'âge de 62 ans, sans avoir relevé qu'il pouvait bénéficier d'une retraite à taux plein, ce qui était contesté par l'agent, a violé l'article 4 de l'annexe du décret n° 46-1541 du 22 juin 1946 approuvant le statut national du personnel des industries électriques et gazières ;

Alors 2°) que les différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un objectif légitime, notamment de politique de l'emploi, et lorsque les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ; qu'en se fondant sur la production par la SA EDF d'un tableau récapitulatif des embauches et départs à la retraite entre 2010 et 2012, inopérante pour établir que les embauches étaient la contrepartie des mises en inactivité d'office, la cour d'appel, après avoir constaté que les niveaux de qualification et de compétences des recrutement n'étaient pas détaillés dans ce tableau, n'a donc pas caractérisé en quoi, pour la catégorie d'emploi de M. M..., la différence de traitement fondée sur l'âge était objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime et que les moyens pour réaliser cet objectif étaient appropriés et nécessaires, a violé l'article 6 § 1 de la Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, ensemble les articles 1132-1, 1133-2 du code du travail ;

Alors 3°) que la cour d'appel ne peut infirmer un jugement sans en réfuter les motifs péremptoires que l'intimé est réputé s'être approprié ; qu'en ayant infirmé le jugement qui avait dit que la mise en inactivité de M. M... constituait une mesure discriminatoire fondée sur l'âge, sans avoir réfuté ses motifs déterminants selon lesquels la SA EDF ne démontrait pas de lien certain et direct entre la mise à la retraite contestée et les embauches de salariés plus jeunes qui auraient été réalisées à la suite de cette mesure à des niveaux de qualification et de compétence correspondants, ce dont il résultait que la mise à la retraite de M. M... n'était pas justifiée par un objectif légitime, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-19245
Date de la décision : 20/03/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 29 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 mar. 2019, pourvoi n°17-19245


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.19245
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