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13/03/2019 | FRANCE | N°18-12949

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 mars 2019, 18-12949


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. U... salarié de la société Altran technologies dont la relation de travail relève de la convention collective nationale du personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec, ayant conclu avec son employeur une convention de forfait hebdomadaire assortie d'une limite annuelle en nombre de jours et d'une clause de forfait de salaire, a saisi la juridiction prud'homale de demandes en pai

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. U... salarié de la société Altran technologies dont la relation de travail relève de la convention collective nationale du personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec, ayant conclu avec son employeur une convention de forfait hebdomadaire assortie d'une limite annuelle en nombre de jours et d'une clause de forfait de salaire, a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires sur la base d'une durée du travail de 35 heures hebdomadaires ; que le syndicat des salariés Altran CGT est intervenu volontairement à l'instance ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner l'employeur à verser certaines sommes à titre de rappels de salaires pour heures supplémentaires, congés payés et prime de vacances afférents, l'arrêt retient qu'il n'y a pas lieu de retrancher du montant des demandes en paiement de rappel de salaire pour heures supplémentaires les périodes de congés payés et d'arrêt maladie aux motifs que les salariés établissent qu'ils ont travaillé 38 heures 30 hebdomadaires de façon habituelle en sorte que leur salaire doit être maintenu, et qu'il est établi qu'ils pouvaient prétendre à un maintien de salaire prévu par les dispositions de la convention collective applicable au cours de leurs arrêts maladie ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur soutenait que devaient être déduites du décompte des heures supplémentaires réclamées par les salariés les périodes d'absence pour congés payés et arrêts maladie et qu'aucune des parties n'avait prétendu que le salaire devait être maintenu au cours des périodes de congés payés en raison de l'accomplissement habituel d'heures supplémentaires ou en cas de maladie en raison des dispositions conventionnelles applicables, la cour d'appel, qui a méconnu l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;

Et sur le premier moyen, pris en sa sixième branche :

Vu l'article 1376 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu que pour débouter l'employeur de sa demande en remboursement des jours de récupération du temps de travail accordés, l'arrêt retient que le contrat de travail n'indique pas de forfait de temps de travail en heures hebdomadaire mais la mention d'un temps travaillé annuel de 218 jours, que dès lors l'employeur ne peut obtenir le remboursement des jours RTT alloués qui trouvent leur fondement dans le contrat lequel ne peut être modifié unilatéralement ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié n'avait pas valablement donné son consentement à la conclusion d'un forfait en heures stipulant une durée annuelle de 218 jours travaillés, de sorte que le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention était devenu indu, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Altran technologies à verser à M. U... certaines sommes à titre de rappels de salaire, congés payés et primes de vacances afférents, et des dommages-intérêts au syndicat des salariés Altran CGT et en ce qu'il la déboute de sa demande de remboursement de jours de réduction de temps de travail, l'arrêt rendu le 19 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Altran technologies

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

(Sur le rappel de salaires pour heures supplémentaires)

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Altran technologies à verser au défendeur au pourvoi des sommes à titre de rappels de salaire pour heures supplémentaires, de congés payés afférents et de prime de vacances afférente, d'AVOIR débouté la société Altran technologies de sa demande de remboursement des jours de repos et d'AVOIR condamné la société Altran technologies à verser au syndicat des salariés Altran CGT une somme de 200 € à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « la preuve des heures supplémentaires accomplies : A titre préliminaire, il convient de préciser que le forfait étant inopposable il ne peut être utilement soutenu que les heures effectuées entre 35 heures et 38h30 ont été valablement payées. S'il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures supplémentaires effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par la salariée, il appartient à cette dernière de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires. La cour constate qu'il résulte des mentions des bulletins de paie de cette salariée que son temps de travail hebdomadaire reconnu expressément par l'employeur a été de 38h30, jusqu'au 31 décembre 2015, alors que les heures effectuées entre 35 heures et 38h30 n'apparaissent pas réglées sur les bulletins de salaire qui font seulement référence au 'salaire de base'. Cette situation est confirmée par l'avenant au contrat de travail proposé le 1er mars 2016 par lequel l'employeur reconnaît que la salariée se voyait appliquer antérieurement le forfait horaire de 38 heures 30 par semaine sur 218 jours annuellement travaillés soit la 'modalité 2, réalisation de missions' en application de l'accord du 22 juin 1999. La salariée n'avait pas à déclarer précisément les heures effectuées entre 35h et 38h30 puisque l'employeur considérait qu'elles étaient comprises dans le forfait appliqué. La salariée produit en outre plusieurs comptes rendus de réunion (réponses aux questions des délégués du personnels des 27/11/2007-16/06/2009-15/09/2009-11/02/16, PV des réunions du comité d'entreprise des 19/02/2008-08/07/2008, notamment). Elle produit également le document de formation des managers Altran en droit social et un courrier du directeur général d'Altran du 27 février 2013 adressé à un salarié titulaire d'un mandat électif. Il résulte de l'analyse concordante de ces documents que l'employeur a effectivement demandé jusqu'en décembre 2015 à tous ses salariés cadres auxquels était appliquée la modalité 2 d'effectuer systématiquement 38h30 hebdomadaires et qu'il ne s'agissait pas pour la salariée considérée d'une simple éventualité. S'agissant des heures supplémentaires effectivement payées par l'employeur, la cour constate que les justificatifs produits par Altran (pièce 27) concernent la période antérieure au 1er janvier 2016 au cours de laquelle il a appliqué le forfait litigieux et que ces paiements concernent les heures effectuées au-delà de 38h30 hebdomadaires mais non celles réclamées, réalisées entre 35h et 38h30. Le calcul des heures supplémentaires : Dans le système de droit commun, les heures supplémentaires sont les heures effectuées au-delà de la durée légale du travail soit 35 heures hebdomadaires. Elles se décomptent par semaine civile. La société Altran fait valoir que les semaines où la salariée était absente, ne serait-ce qu'un jour, pour maladie, pour congés payés, pour RTT ou du fait d'un jour férié, soit l'équivalent de 7 heures de travail a minima, sa durée de travail ne dépassait pas sur la semaine 31h30. L'employeur considère donc que la demande de paiement d'heures supplémentaires doit être minorée d'autant. La salariée estime que cette minoration est erronée car les jours de congés payés et d'absence doivent être neutralisés dans le décompte des heures supplémentaires, de sorte que les heures supplémentaires restent dues. S'agissant des périodes de congés payés, il y a lieu de retenir que l'indemnité de congés payés est égale au dixième de la rémunération totale au cours de la période de référence mais ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue si la salariée avait continué à travailler. Dès lors, si l'accomplissement d'heures supplémentaires est habituel pendant la période précédant la prise de congés, le maintien du salaire doit tenir compte des heures supplémentaires. En l'espèce, la salariée établit qu'elle a effectivement travaillé 38h30 hebdomadaires de façon habituelle de sorte qu'il n'y a pas lieu à rejet des demandes de paiement d'heures supplémentaires afférantes aux périodes de congés payés. S'agissant des périodes de maladie, il y a lieu de retenir que la convention collective Syntec prévoit le maintien intégral du salaire garanti pendant 3 mois à la condition que la salariée ait acquis au moins un an d'ancienneté. En l'espèce, la salariée a plus d'un an d'ancienneté et les périodes d'arrêt maladie annuelles n'excèdent pas trois mois. Ainsi, il n'y a pas lieu à rejet des demandes de paiement des heures supplémentaires pendant les périodes de maladie. S'agissant des périodes correspondant aux jours fériés, il y a lieu de retenir que : - les jours fériés et chômés, soit le 1er mai, ne peuvent entraîner aucune perte de salaire pour les salariés totalisant au moins trois mois d'ancienneté ; en l'espèce, la salariée ayant plus de trois mois d'ancienneté, aucune réduction de la demande formée au titre des heures supplémentaires pour la journée du 1er mai ne peut effectuée ; - les jours fériés 'classiques', ne peuvent, en l'absence de dispositions légales ou conventionnelles, être assimilés à du temps de travail effectif et ne peuvent être pris en compte pour les droits à majoration pour heures supplémentaires ; de sorte que la réduction des demandes de paiement d'heures supplémentaires de ce chef est bien fondée. De même, les périodes concernant les jours non travaillés (JNT ou RTT) mais payés, le congé sans solde et les autres absences diverses, ne peuvent, faute de dispositions légales ou conventionnelles, être assimilés à du temps de travail effectif et donc pris en compte pour les droits à majoration pour heures supplémentaires. De sorte que la réduction des demandes de paiement d'heures supplémentaires de ces chefs est bien fondée. Les productions de la salariée n'établissent pas qu'elle a procédé au calcul en déduisant de ses réclamations les heures supplémentaires pour les semaines comprenant des jours fériés, des RTT, congés sans solde ou autres absences diverses. Compte tenu des règles applicables, la société Altran doit à cette salariée au titre des heures supplémentaires la somme de 6 971,31 €, outre les congés payés afférents. La société Altran ne conteste pas le mode de calcul de la prime de vacances sollicitée par la salariée. Par application de l'article 31 de la convention collective Syntec, il sera fait droit à cette demande. Le jugement sera réformé de ce chef. Sur la demande de remboursement des jours RTT formée par l'employeur : Il est rappelé que la salariée intimée sollicite uniquement l'inopposabilité du forfait en heures hebdomadaire. En conséquence, il n'y a pas lieu à remboursement sur le fondement d'une nullité qui n'est sollicitée par aucune des parties. La cour relève que l'employeur Altran a été condamné par des arrêts exécutoires dès septembre 2014 à payer des heures supplémentaires à plusieurs salariés en raison de l'inexistence ou de l'irrégularité du forfait en heures hebdomadaire. De sorte que l'attribution de jours RTT par l'employeur à la salariée intimée a bien été volontaire et faite en connaissance de cause de l'irrégularité de la convention de temps de travail en heures hebdomadaire puisqu'il a continué à octroyer les RTT après les condamnations prononcées. Ainsi, l'employeur, qui ne peut invoquer ni l'erreur ni ses propres carences, n'est pas fondé à obtenir le remboursement des RTT alloués à la salariée sur le fondement de la répétition de l'indu » ;

1. ALORS QU'en cas de litige relatif au nombre d'heures travaillées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, dès lors que ce dernier a préalablement apporté des éléments de nature à étayer sa demande ; que le défendeur au pourvoi sollicitait le paiement de rappel d'heures supplémentaires (salaire de base + majorations) au titre des heures effectuées entre la 35ème et la 38ème heure 30 hebdomadaires au motif que la convention de forfait en heures pour 38 heures 30 appliquée par l'employeur était inexistante ; qu'en allouant au défendeur au pourvoi un rappel de salaire au titre des heures accomplies entre la 35ème et la 38ème heure 30 hebdomadaires, comprenant la majoration horaire de 25 % mais également le salaire de base afférent à ces heures, au motif que « le forfait étant inexistant il ne peut être utilement soutenu que les heures effectuées entre 35 heures et 38h30 ont été valablement payées », cependant qu'il ressort de ses propres constatations que selon les mentions portées sur les bulletins de paie, le défendeur au pourvoi était déjà rémunéré sur une base de 38 heures 30 hebdomadaires, la cour d'appel, qui a condamné l'employeur à payer deux fois les mêmes heures de travail, a violé les articles L. 3171-4 et L. 3121-1 du code du travail tels qu'applicables au litige et l'article 1234 du code civil ;

2. ALORS QUE seules les heures de travail effectif accomplies au-delà de 35 heures hebdomadaires constituent des heures supplémentaires devant être rémunérées comme telles ; qu'en l'absence de dispositions conventionnelles en ce sens, les jours d'arrêts maladie et de congés payés ne sont pas assimilés à du temps de travail effectif et ne sauraient donc être pris en compte pour le décompte des heures de travail accomplies et de l'assiette des droits à majoration pour heures supplémentaires ; qu'au cas présent, la société Altran technologies faisait valoir que le salarié ne pouvait solliciter un rappel de salaire pour un horaire systématique de 38 heures 30 hebdomadaires et qu'il convenait notamment de neutraliser les semaines au cours desquelles le défendeur au pourvoi avait été absent pour congés payés et/ou maladie, et au cours desquelles il n'avait donc pas pu accomplir d'heures supplémentaires ; qu'en se fondant sur des motifs inopérants relatifs au calcul de l'indemnité de congés payés et au maintien conventionnel des salaires en cas d'arrêt maladie qui étaient sans rapport avec le calcul de la durée du travail, pour décider qu'il n'y avait pas lieu de rejeter les demandes de paiement d'heures supplémentaires pour les semaines affectées par des journées de congés payés ou des arrêts maladie, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-1, L. 3121-20 et L. 3121-22 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi du 8 août 2016, applicable au litige ;

3. ALORS QUE le moyen de défense de la société Altran technologies portait sur la neutralisation des semaines au cours desquelles le défendeur au pourvoi avait été absent pour congés payés et/ou maladie, et au cours desquelles il n'avait donc pas pu accomplir d'heures supplémentaires ; qu'il ne portait nullement sur la rémunération des périodes de congés payés et d'arrêts maladie ; qu'en écartant les prétentions de l'employeur au motif que l'accomplissement habituel d'heures supplémentaires devait être pris en compte pour le calcul de l'indemnité de congés payés et pour le droit au maintien de salaire en cas d'arrêt maladie, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

4. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'il incombe donc au salarié qui, en raison de l'inexistence d'une convention de forfait en heures conclue avec l'employeur, sollicite un rappel de salaire au titre d'heures de travail qui ne lui auraient pas été rémunérées, d'étayer sa demande en établissant un décompte précis des jours travaillés et des horaires effectués ; qu'à défaut, l'employeur n'est pas en mesure de répondre aux prétentions du salarié ; qu'au cas présent, la société Altran technologies faisait valoir que le défendeur au pourvoi se bornait à postuler l'accomplissement d'heures supplémentaires, sans produire le moindre élément relatif à sa situation personnelle et ne produisait que des éléments généraux impropres à étayer les horaires de travail personnellement réalisés ; que, pour dispenser le défendeur au pourvoi de justifier d'éléments précis quant aux horaires effectivement réalisés, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que la société Altran technologies aurait « effectivement demandé jusqu'en décembre 2015 à tous ses salariés cadres auxquels était appliquée la modalité 2 d'effectuer systématiquement 38 heures 30 hebdomadaires et qu'il ne s'agissait pas pour [le défendeur au pourvoi] d'une éventualité » ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

5. ALORS QUE la société Altran technologies faisait également valoir que les éléments généraux produits par le défendeur au pourvoi pour justifier de l'accomplissement d'un horaire hebdomadaire étaient des comptes rendus de réunion des représentants du personnel entre 2007 et 2009 et ne concernaient donc pas la période pour laquelle le paiement d'heures supplémentaires était demandé qui était postérieure à 2010 ; qu'en faisant droit aux demandes de rappel de salaires pour heures supplémentaires, sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

6. ALORS QU'il résulte des termes des conventions conclues par la société Altran technologies avec chacun des défendeurs aux pourvois que l'attribution de jours de repos avait pour cause la rémunération forfaitaire du travail accompli, dont elle était indivisible ; que l'inapplication du forfait doit donner lieu au remboursement par le salarié d'une somme correspondant aux jours de repos dont il avait bénéficié en application du forfait, qui présentaient alors un caractère indu ; qu'en déboutant la société Altran de sa demande relative au remboursement des jours de repos dont le salarié avait bénéficié en contrepartie d'une rémunération forfaitaire, dont l'application était écartée, la cour d'appel a violé les articles 1131 et 1376 du code civil, dans leur version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

(clause de loyauté)

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Altran technologies à payer au défendeur au pourvoi une somme de dommages-intérêts au titre de la clause de loyauté requalifiée en clause de non-concurrence et annulée ;

AUX MOTIFS QUE « sur la demande relative à la requalification de la clause de loyauté : La non-recevabilité de cette demande n'est pas argumentée par la société Altran, cette demande sera écartée. Les premiers juges ont justement retenu qu'il résulte des termes de la clause litigieuse, rappelés dans le jugement, qu'elle a vocation à s'appliquer après la rupture du contrat de travail et à limiter la liberté de travailler de la salariée auprès d'un client de l'employeur, ce qui en fait une clause de non-concurrence. Or cette clause ne respecte pas les conditions de validité d'une clause de non-concurrence faute de limitation dans le temps, dans l'espace et de contre-partie financière. Cette clause est donc nulle. Cette clause de loyauté requalifiée en clause de non-concurrence a interdit à la salariée de chercher à quitter l'employeur Altran pour exercer une activité prohibée à tort, lui causant ainsi un préjudice certain. L'existence concomitante d'une autre clause de non-concurrence dans le contrat de travail de la salariée prévoyant effectivement des limitations dans le temps et l'espace et une contre-partie financière ne fait pas disparaître la nullité de la clause de loyauté litigieuse requalifiée ni le préjudice subi par cette clause qui n'a jamais été levée. En l'absence de justificatif particulier établissant que la salariée a effectivement reçu des propositions d'emploi auprès d'un client de l'employeur, le préjudice subi du fait de la clause de loyauté requalifiée en clause de non-concurrence nulle a été justement réparé par l'allocation de la somme de 3 000 €. Le jugement sera confirmé de ce chef » ;

1. ALORS QUE le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu ; que le principe de la réparation intégrale du préjudice interdit au juge de verser à la victime d'un préjudice une indemnisation excédant la valeur du préjudice et de procurer un enrichissement à la victime ; qu'il en résulte que le juge ne peut déduire l'existence d'un préjudice de la seule constatation d'un manquement de l'employeur et qu'il ne peut, en cas de contestation, allouer une somme de dommages-intérêts sans avoir préalablement caractérisé un préjudice résultant du manquement constaté ; que la stipulation dans le contrat de travail d'une clause de non-concurrence illicite ne peut donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts s'il n'est pas matériellement établi qu'elle a empêché le salarié de quitter l'entreprise ou qu'elle a entravé sa liberté d'exercer une activité professionnelle postérieurement à la rupture du contrat de travail ; qu'en allouant au défendeur au pourvoi une somme à titre de dommages-intérêts au titre de la clause de loyauté requalifiée en clause de non-concurrence et annulée, cependant qu'elle constatait qu'il n'était produit aucun justificatif établissant qu'il aurait recherché ou obtenu des propositions d'emploi auprès d'un concurrent ou client de l'employeur, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, en violation de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

2. ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à une absence de motif ;
qu'en énonçant que la clause litigieuse aurait causé au défendeur au pourvoi un préjudice certain en leur interdisant de chercher à quitter l'entreprise, cependant qu'elle constatait que le salariés ne produisait aucun justificatif établissant qu'il aurait recherché ou obtenu des propositions d'emploi auprès d'un concurrent ou client de l'employeur, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'il résulte des constatations de l'arrêt que le contrat de travail du défendeur au pourvoi stipulait, outre la clause de loyauté litigieuse, une clause de non-concurrence dont la licéité n'était nullement contestée ; qu'en se bornant à relever, pour allouer au salarié des dommages-intérêts, que la clause de loyauté, requalifiée en clause de non-concurrence, leur aurait interdit de chercher à quitter l'entreprise, sans caractériser l'existence d'un engagement de nature différente de celui résultant de la clause de non-concurrence licite également stipulée par le contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 et du principe de la réparation intégrale du préjudice.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-12949
Date de la décision : 13/03/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 19 janvier 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 mar. 2019, pourvoi n°18-12949


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.12949
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