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13/03/2019 | FRANCE | N°17-28227

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 mars 2019, 17-28227


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les pièces de la procédure, qu'engagé le 5 septembre 2006 en qualité de conducteur de travaux par la société Iss Espaces Verts aux droits de laquelle vient la société Idverde, et exerçant en dernier lieu les fonctions de chargé d'exploitation, M. Y... a été licencié le 10 juin 2013 ;

Sur les premier et troisième moyens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens ci-après annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassati

on ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l'article 1153 du code civil dans sa rédaction ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les pièces de la procédure, qu'engagé le 5 septembre 2006 en qualité de conducteur de travaux par la société Iss Espaces Verts aux droits de laquelle vient la société Idverde, et exerçant en dernier lieu les fonctions de chargé d'exploitation, M. Y... a été licencié le 10 juin 2013 ;

Sur les premier et troisième moyens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens ci-après annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l'article 1153 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu que pour condamner l'employeur au paiement de diverses sommes portant intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2013 au titre des heures supplémentaires effectuées en 2012, d'indemnité compensatrice des congés payés afférents et d'indemnité compensatrice des contreparties obligatoires en terme de repos dues en 2012, l'arrêt retient que le salarié est fondé à obtenir, sur les montants à caractère salarial, les intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2013, date de réception par l'employeur de la première convocation devant le conseil de prud'hommes, laquelle emporte les effets d'une mise en demeure ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des pièces de la procédure que la demande en paiement d'heures supplémentaires ne figurait pas dans l'acte de saisine du conseil de prud'hommes, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que les sommes de 35 724,30 euros bruts en rémunération des heures supplémentaires effectuées en 2012, de 3 572,43 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice des congés payés afférents et de 18 140 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice des contreparties obligatoires en repos dues en 2012 au paiement desquelles il condamne la société Idverde porteront intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2013, l'arrêt rendu le 26 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Idverde.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Idverde à verser à M. O... Y... les sommes de 35 724,30 € bruts en rémunération des heures supplémentaires effectuées en 2012, 3 572,43 € bruts à titre d'indemnité compensatrice des congés payés afférents, 18 140 € bruts à titre d'indemnité compensatrice des contreparties obligatoires en repos dues en 2012, avec les intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2013,

AUX MOTIFS QU'en application de l'article L3171-4 du code du travail, dès lors que le litige vient à porter sur le nombre d'heures accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; (...) qu'en second lieu, M. Y... présente les horaires auxquels il affirme s'être quotidiennement soumis, à savoir de 7h15 à 19h en période hivernale, et de 6h30 à 19h30 en période estivale, avec toujours une coupure méridienne d'une heure ; que M. Y... en déduit que, sous déduction des périodes de congés, il travaillait 55 heures pendant 20 semaines en hiver, soit un total de 1.100 heures, et 60 heures pendant 25 semaines entre le 1er avril et le 15 octobre, soit un total de 1 500 heures ; que néanmoins pour les périodes antérieures à l'année 2012, rien n'étaye les affirmations du salarié ; que pour l'année 2013 qui n'a pas été intégralement accomplie, si le salarié présente son agenda professionnel, il se dispense de tout calcul des heures supplémentaires alors que son temps de travail faisait l'objet d'une annualisation ; qu'en revanche, pour l'année 2012, M. Y... produit l'agenda professionnel dans lequel il a consigné ses rendez-vous et dont les mentions corroborent ses assertions ; que ces éléments précis mettent l'employeur en mesure d'y répondre ; que les demandes sont donc étayées pour l'année 2012 ; que la société Idverde se limite à contester la vraisemblance des éléments produits en invoquant des contradictions avec la description par le salarié de sa journée type, avec les traditions locales en matière de jours fériés, avec l'attestation délivrée par son conducteur de travaux M. T... G..., et avec la réalité du travail de M. O... Y... ; que si elle verse aux débats les bordereaux de pointage mensuels signés par M. Y... entre janvier 2010 et la fin de la relation contractuelle, ceux-ci font ressortir une durée invariable de travail de 7h40 par jour sans mention des horaires de prise et de fin de poste ; que faute pour la société Idverde de présenter elle-même des éléments sur les horaires effectivement accomplis par M. O... Y... en 2012, il s'impose de faire droit aux prétentions du salarié sur la base des demandes qu'il a étayées ; que d'une part, il doit être satisfait à la demande de rémunération des heures supplémentaires effectuées et d'indemnisation des droits à congés payés qui y sont attachés, et ce pour le tiers des montants que le salarié réclame pour trois ans, soit respectivement : 107 172,90 € : 3 = 35 724,30 € ; 10 717,29 € : 3 = 3 572,43 € ; que d'autre part, pour les heures effectuées au-delà du contingent annuel des heures supplémentaires, il doit également être satisfait à la demande d'indemnisation des contreparties obligatoires en repos dues en 2012, et ce pour le tiers du montant que le salarié réclame pour trois ans, soit : 54 420 € : 3 = 18 140 € ;

1. ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en affirmant, pour écarter les bordereaux de pointage mensuels signés par M. Y... produits par l'employeur et faire droit en conséquence à la demande de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2012, qu'ils faisaient ressortir une durée invariable de travail de 7 h 40 par jour, après avoir retenu le décompte du salarié établi dans ses conclusions sur une durée tout aussi invariable de 55 heures pendant 20 semaines en hiver et 60 heures pendant 25 semaines entre le 1er avril et le 15 octobre, la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

2. ALORS en outre QU'en vertu du principe de l'égalité des armes, qui constitue un élément du droit au procès équitable, chaque partie au procès doit se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son ou ses adversaires ; qu'en affirmant, pour écarter les bordereaux de pointage mensuels signés par M. Y... produits par l'employeur et faire droit en conséquence à la demande de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2012, qu'ils faisaient ressortir une durée invariable de travail de 7h40 par jour, après avoir retenu le décompte du salarié établi dans ses conclusions sur une durée tout aussi invariable de 55 heures pendant 20 semaines en hiver et 60 heures pendant 25 semaines entre le 1er avril et le 15 octobre, la cour d'appel a violé le principe susvisé et l'article 6, § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme et de sauvegarde des libertés fondamentales ;

3. ALORS en tout état de cause QUE lorsqu'il estime que le salarié a étayé sa demande en paiement d'heures supplémentaires, le juge est tenu d'examiner l'intégralité des contestations élevées par l'employeur sur le décompte du salarié ; qu'en entérinant le décompte établi par le salarié dans ses conclusions après avoir refusé de prendre en compte les contradictions invoquées par l'employeur entre ce décompte et la description par le salarié lui-même de sa journée type, avec les traditions locales en matière de jours fériés, avec la réalité du travail de M. Y..., ainsi qu'avec l'attestation délivrée par son conducteur de travaux M. G... qui soulignait notamment que M. Y... prenait en moyenne deux heures de pause déjeuner (et non une seule comme indiqué par le salarié) et quittait l'entreprise à 17h le mardi soir, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

4. ALORS de même QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents soumis à son examen ; qu'en l'espèce, M. G... soulignait dans son attestation que M. Y... prenait en moyenne deux heures de pause déjeuner (et non une seule comme indiqué par le salarié) et quittait l'entreprise à 17h le mardi soir ; qu'en affirmant que la société Idverde ne présentait pas d'éléments sur les horaires effectivement accomplis par M. Y... en 2012, la cour d'appel a dénaturé cette attestation en violation du principe susvisé.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Idverde à verser à M. O... Y... les intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2013 sur les sommes de 35 724,30 € bruts en rémunération des heures supplémentaires effectuées en 2012, 3 572,43 € bruts à titre d'indemnité compensatrice des congés payés afférents, 18 140 € bruts à titre d'indemnité compensatrice des contreparties obligatoires en repos dues en 2012, AUX MOTIFS QUE M. O... Y... est fondé à obtenir, sur les montants à caractère salarial, les intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2013, date de réception par l'employeur de la première convocation devant le conseil de prud'hommes, laquelle emporte les effets d'une mise en demeure ;

1. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel oralement soutenues (arrêt, p. 3 ; dispositif de ses conclusions), le salarié ne demandait le paiement des intérêts moratoires que sur le rappel d'heures supplémentaires et de congés payés - et non sur la somme demandée, pour la première fois en cause d'appel, au titre du repos compensateur pour les heures effectuées au-delà du contingent réglementaire d'heures supplémentaires - et il ne demandait ces intérêts qu'à compter de la demande en paiement des heures supplémentaires, dont la société Idverde soulignait (conclusions d'appel, p. 2) qu'elle avait été formulée par conclusions du 18 décembre 2014 et non lors de la saisine du conseil de prud'hommes ; qu'en condamnant la société Idverde à verser à M. Y... les intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2013 sur le rappel d'heures supplémentaires et congés payés afférents et sur l'indemnité compensatrice des contreparties obligatoires en repos, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2. ALORS en tout état de cause QUE les intérêts moratoires d'une créance ne sont dus que du jour de la sommation de payer cette créance, ou d'un autre acte équivalent ; que si la demande en justice vaut sommation de payer, c'est seulement du chef de la créance concernée par la demande ; qu'en l'espèce, la société Idverde soulignait (conclusions d'appel, p. 2) que la demande en rappel d'heures supplémentaires et congés payés afférents avait été formulée par conclusions du 18 décembre 2014 et non lors de la saisine du conseil de prud'hommes en octobre 2013 et que la demande d'indemnité au titre des contreparties obligatoires en repos était nouvelle en cause d'appel (conclusions d'appel, p. 21) ; qu'en condamnant la société Idverde à verser à M. Y... les intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2013 sur le rappel d'heures supplémentaires et congés payés afférents et d'indemnité compensatrice des contreparties obligatoires, au prétexte qu'il s'agissait de la date de réception par l'employeur de la première convocation devant le conseil de prud'hommes, la cour d'appel a violé l'article 1153 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu article 1231-6 dudit code.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et a condamné la société Idverde venant aux droits de la société ISS Espaces Verts à payer à M. O... Y... les sommes de 30 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif et 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, et d'AVOIR ordonné le remboursement à Pôle Emploi, à charge de la société Idverde, des indemnités de chômage servies à M. O... Y..., et ce dans la limite de six mois d'indemnités,

AUX MOTIFS PROPRES QU'en application de l'article L1235-1 du code du travail, il revient à la cour d'apprécier le caractère réel et sérieux de la cause du licenciement au vu des éléments apportés aux débats par l'une et l'autre parties ; que la lettre de licenciement fixe les termes du litige ; que par lettre recommandée du 10 juin 2013, la société employeur a notifié à M. Y... son licenciement dans les termes suivants : "Nous sommes par la présente contraints de procéder à la rupture de votre contrat de travail reposant sur la constatation d'une mésentente absolue avec M. K... N..., votre Directeur d'agence entraînant une réelle perturbation de l'activité de cette dernière. Cette mesure repose sur les motifs suivants : Vous êtes au service de notre entreprise depuis le 05 septembre 2006. En novembre 2010, vous avez pris le poste de chargé d'exploitation de l'agence de Mulhouse. En janvier 2011, M. K... N... prend la direction de l'agence et vous êtes placé sous sa hiérarchie. Depuis cette date, malgré des recadrages réalisés avec vous, un certain nombre de difficultés relationnelles émaillent votre collaboration pour arriver à son paroxysme ces dernières semaines où vous ne reportez plus à votre supérieur et n'appliquez plus ses décisions. En effet :
- Chantier Zoo clôture en cours d'achèvement : chantier identifié comme critique car listé en Business Review Agence de mars, vous n'avez fait aucune remontée des dysfonctionnements et de leur traitement préventif auprès de votre Directeur d'agence qui se trouve donc placé devant une dérive importante des dépenses, d'un montant estimé initialement à 11.000 € et ce comme un fait accompli.
- Client Domial et ses filiales: les problématiques chantier ne sont pas également remontées, ce qui implique un impact sur la créance de l'entreprise et une relation client durablement affectée. Ce dernier vient de nous confirmer qu'en aucun cas il ne règlera les encours identifiés par vos soins.
- En votre qualité de relais OSE, vous n'organisez ni tenez les réunions sécurité conformément aux décisions prises en réunions de Direction du 11 avril dernier.
- Le secteur Vosges placé sous votre périmètre d'action ne bénéficie d'aucune écoute ni d'aucune délégation de moyens de votre part. Le conducteur de chantiers doit faire appel à des agences ISS EV tierces (Beaucourt/Besançon) pour trouver des solutions à ses problèmes; ce qui est inadmissible.
La cohésion de l'agence et la maîtrise globale de sa production sont fortement affectées par un non dialogue permanent alors qu'ayant identifié la problématique, j'ai, le 22 mars dernier, imposé une réunion d'exploitation vous réunissant avec votre directeur d'Agence. A ce jour, aucun effet durable n'est constaté.
Enfin j'apprends que vous avez pris en toute liberté vos congés de mai sans en référer à votre supérieur hiérarchique, obligeant les cadres présents sur cette période, à s'organiser pour palier votre absence. Les explications recueillies au cours de notre entretien ne sont pas de nature à modifier notre appréciation des faits. C'est pourquoi, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse" ; qu'en premier lieu les premiers juges ont justement écarté les griefs articulés en termes généraux et tirés d'une mésentente absolue avec le directeur d'agence, de difficultés relationnelles aboutissant à une absence de comptes-rendus du salarié à son supérieur et à la non-application des décisions de celui-ci, ou encore d'un non dialogue permanent, lesquels à défaut de reposer sur des faits matériellement vérifiables, ne sont pas suffisamment établis ; qu'au demeurant la société Idverde se réfère aux attestations délivrées par son directeur d'agence M. K... N... et son directeur régional M. H... W... ; que si les signataires ont dénoncé les approximations de M. O... Y... dans ses comptes-rendus et ses attitudes négatives, ils n'ont fait état ni d'une absence de compte-rendu au supérieur hiérarchique, ni d'un refus d'appliquer les consignes ; qu'en second lieu, concernant le chantier du zoo, la société Idverde se limite à justifier des pertes qu'elle a subies dans la réalisation du chantier en cause ; que rien n'atteste des dysfonctionnements qu'elle a reprochés à M. O... Y... pour n'avoir pas rendu compte et prévenu, tandis que le salarié souligne qu'il n'était pas chargé de la rentabilité du chantier; que du reste sa mission consistait d'après sa fiche de poste à "organiser, conduire, gérer et contrôler les chantiers de création d'aménagement paysager ou terrain de sport ou d'entretien et de maintenance d'un secteur ou d'une zone géographique" ; qu'en troisième lieu, concernant le client société Domial et ses filiales, rien n'étaye les assertions de la société Idverde tandis que M. O... Y... produit une lettre par laquelle M. Nabil L..., chargé d'opérations pour le groupe Domial, exprime sa satisfaction pour le travail qu'il a accompli ; qu'en quatrième lieu, concernant le reproche fait à M. Y... en sa qualité de relais QSE, la société Idverde ne justifie pas des décisions prises le 11 avril 2013 ; que rien n'établit le manquement imputé à M. Y... comme ayant été commis entre le 11 avril 2013 et le licenciement du 10 juin 2013 ; qu'en cinquième lieu, concernant la gestion du secteur Vosges, la société Idverde se réfère à l'attestation par laquelle M. U... R..., alors conducteur de travaux en charge du secteur des Vosges, s'est plaint d'avoir été livré à lui-même, de n'avoir pas obtenu les renforts matériels et humains qu'il sollicitait, et de n'avoir reçu qu'une seule fois la visite de son chargé d'exploitation ; que M. O... Y... admet n'avoir pas été en mesure de répondre aux attentes de M. U... R... ; qu'il tente de faire valoir que son agence de Mulhouse était plutôt spécialisée dans les activités de plantation et de végétation tandis que le secteur des Vosges devait assurer des travaux de pavage et de maçonnerie pour lesquels d'autres agences étaient mieux qualifiées ; qu'il ne justifie pas pour autant le désintérêt qui lui a été reproché de sorte que le motif invoqué mérite d'être retenu ; qu'en sixième lieu, concernant la prise des congés, la société Idverde se limite à se référer aux bulletins de salaires sans établir l'irrégularité de l'absence qu'elle a reprochée à M. O... Y... et que ce dernier conteste ; qu'en définitive, une seule faute est établie à l'encontre du salarié à savoir le désintérêt à l'égard du secteur des Vosges; que cependant le licenciement pour cette seule faute s'avère une sanction disproportionnée ; que le jugement mérite donc confirmation en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

ET AUX MOTIFS à les supposer ADOPTES QUE l'employeur tient de son pouvoir de direction de licencier un salarié, mais l'article L.1232-1 du Code du travail exige que le licenciement pour motif personnel d'un salarié soit justifié par une cause réelle et sérieuse ; que la jurisprudence précise de plus que le motif inhérent au salarié doit être fondé sur des éléments objectifs imputables au salarié (cass. soc. 7 décembre 1993) ; que le salarié peut contester en justice la régularité de son licenciement et l'article L. 1235-1 dispose que: « ... le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné au besoin toutes les mesures d'instructions qu'il estime utiles » ; que cet article prévoit enfin que: « si un doute subsiste, il profite au salarié » ; que dans les faits, la lettre licenciement qui, d'après une jurisprudence constante, fixe les limites du litige (cass. soc. 19 juin 1991, n° 89-40.843; cassooc: 4 juillet 2012, n" 11-17.469), reproche à M. Y... différents griefs énoncés dans ces termes : «Nous sommes par la présente contraints de procéder à la rupture de votre contrat de travail reposant sur la constatation d'une mésentente absolue avec M. K... N..., votre Directeur d'agence, entraînant une réelle perturbation de l'activité de cette dernière. Celle mesure repose sur les motifs suivants: Vos êtes au service de notre entreprise depuis le 05 septembre 2006. En novembre 2010, vous avez pris le poste de chargé d'exploitation de l'agence de Mulhouse. En janvier 2011, M. K... N... prend la direction de l'agence et vous êtes placé sous sa hiérarchie. Depuis cette date, malgré les recadrages réalisés avec vous, un certain nombre de difficultés relationnelles émaillent votre collaboration pour arriver à son paroxysme ces dernières semaines où vous ne reportez plus à votre supérieur et n'appliquez plus ses décisions. En effet :
-Chantier Zoo clôture en cours d'achèvement: chantier identifié comme critique car listé en Business Review Agence de mars, vous n 'avez fait aucune remontée des dysfonctionnements et de leur traitement préventif auprès de votre Directeur d'agence qui se trouve donc placé devant une dérive importante des dépenses, d'un montant estimé initialement à 11.000 € et ce comme un fait accompli.
-Client DOMIAL et ses filiales: les problématiques chantier ne sont pas également remontées, ce qui implique un impact sur la créance de l'entreprise et une relation client durablement affectée. Ce dernier vient nous confirmer qu'en aucun cas il ne règlera les en cours identifiés par vos soins.
-En votre qualité de relai QSE : vous n'organisez ni ne tenez les réunions sécurité conformément aux décisions prises en réunion de Direction du 11 avril dernier.
-Le secteur Vosges placé sous votre périmètre d'action ne bénéficie d'aucune écoute ni d'aucune délégation de moyens de votre part. Le conducteur de chantiers doit faire appel à des agences ISS tierces (Beaucourt/ Besançon) pour trouver des solutions à ses problèmes; ce qui est inadmissible.
La cohésion de l'agence et la maîtrise globale de sa production sont fortement affectées par un non dialogue permanent alors qu'ayant identifié la problématique, j'ai, le 22 mars dernier, imposé une réunion d'exploitation vous réunissant avec votre directeur d'Agence. A ce jour, aucun effet durable n'est constaté. Enfin, j'apprends que vous avez pris en toute liberté vos congés de mai sans en référer à votre supérieur hiérarchique, obligeant les cadres présents sur cette période, à s'organiser pour palier votre absence. Les explications recueillies au cours de notre entretien ne sont pas de nature à modifier notre appréciation des faits. C'est pourquoi, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse ... » ; que les griefs suivants parce qu'ils sont énoncés de manière générale dans la lettre de licenciement, à savoir: mésentente absolue, difficultés relationnelles, absence de reporting au supérieur hiérarchique, non application de ses directives, non dialogue permanent et qu'ils ne sont pas illustrés par des faits matériellement vérifiables, seront écartés ; que le Conseil a examiné les reproches pour lesquels l'employeur fournit des explications, et qui sont relatifs à:
- La gestion du chantier du Zoo
- La gestion du client DOMIAL
- La prise de congé
- La gestion du secteur Vosges.
Qu'en premier lieu, la société ISS reproche à M. Y... de n'avoir pas fait remonter les dysfonctionnements de ce chantier, ce qui a abouti à une perte de 11.000 euros ; qu'à l'appui de ce grief, la société défenderesse fournit des témoignages de M. N..., directeur d'agence (pièce n° 14), et de M. W..., directeur régional (pièce n° 15) qui écrivent respectivement, parlant du demandeur que : « Ces compte rendus oraux restaient très évasifs quand je les demandais. Spontanément, je n'avais aucune information sur ce qui se passait sur le chantier ». Et: « Lors des business revues Agences mensuelles auxquelles j'assistai, je me rendais compte d'une absence de remontées d'information par M. Y..., ou des informations inexactes et de sa non communication avec son directeur d'agence ... » ; que cependant le Conseil note que M. N... était le responsable direct du demandeur, et M. W... le signataire de la lettre de licenciement et représentant légal de l'entreprise, partie à cette instance ; que le Conseil considère que ces témoignages, qui ne font que reprendre le grief exposé, n'apportent aucun élément factuel permettant de l'étayer de manière indépendante et impartiale ; que la partie demanderesse expose au contraire que les difficultés du chantier résultaient d'un mauvais chiffrage du bureau d'étude, et qu'elles étaient connues de toute l'agence dès le début d'octobre 2012 ; que la partie défenderesse n'apporte aucun document permettant de contester cela ; que la fiche de fonction (pièce n° 27 de la partie défenderesse) ne met pas à la charge du chargé d'exploitation une quelconque responsabilité en matière de devis ou de chiffrage des chantiers ; que le demandeur produit un document de l'entreprise de janvier 2013 listant les 10 plus mauvaises affaires en terme de marge brute (cf. pièce n° 9 ) et intitulé « Flop 10 marges brutes de l'exercice» ; ce document fait apparaître le chantier du Zoo avec un taux de marge brute de - 53%, mais qui n'est pas, et de loin, la pire affaire de l'année 2012 (par exemple le chantier Guebwiller résine ressort à -183% de marge brute, et celui attribué au directeur d'agence, M. N... à - 119%) ; que pour le Conseil, ce document montre que l'employeur connaissait parfaitement, et ce au moins depuis janvier 2013, la situation réelle de ce chantier ; que dès lors, il ne peut pas, quatre mois plus tard, reprocher au demandeur de ne pas lui en avoir fait remonter les difficultés et les dysfonctionnements ; que si une faute était imputable au demandeur et qui aurait conduit directement ou indirectement, à une perte pour le chantier du Zoo, pourquoi l'employeur, qui en était au courant dès janvier 2013, aurait-il attendu fin mai pour le lui reprocher et le licencier ? De plus, l'entretien annuel de M. Y... pour l'année 2012, document transmis par note en délibéré, ne fait état d'aucune insuffisance ou reproche dans le domaine du management et plus particulièrement de la remontée des informations des chantiers ; que le Conseil, en conséquence, écartera ce grief comme non avéré. 2° Le deuxième reproche concerne le client DOMIAL et ses filiales. Dans la lettre de licenciement, l'employeur indique que « les problématiques de chantiers ne sont pas remontées », conduisant à « un impact sur les créances de l'entreprise et une relation client durablement affectée » ; que cependant, le Conseil constate que la société défenderesse n'apporte pas d'éléments circonstanciés permettant d'étayer ces griefs relatifs au client précité ; que l'attestation de M. G... (produite par l'employeur, pièce n° 20), embauché en décembre 2012 comme conducteur de travaux sous l'autorité du demandeur, si elle évoque des problèmes d'organisation et d'absence de planning, ou de chantiers avec des malfaçons ou des surfacturations ou encours erronés, ne le fait que de manière très générale et sans que l'on puisse imputer ces problèmes personnellement à M. Y..., ni les relier au deuxième volet de griefs exposés dans la lettre de licenciement et concernant DOMIAL ou ses filiales ; que la partie demanderesse produit au contraire une attestation de bonne exécution des travaux datée du 12 juin 2013 adressée à la société ISS ESPACE VERTS par la société DOMIAL, et dans laquelle le signataire, M. L..., chargé d'opération chez DOMIAL, se déclarait satisfait du travail de M. Y... qu'il côtoyait lors de plusieurs opérations immobilières (cf. pièce n° 12) ; que le Conseil dira en conséquence que ce second grief n'est pas suffisamment étayé et l'écartera ;
3° La société ISS ESPACE VERTS reproche en troisième lieu à M. Y... de ne pas organiser des réunions de sécurité malgré les directives reçues ; que d'une part, et comme pour le premier grief, l'entretien annuel d'évaluation de l'année 2012 ne fait pas état d'un quelconque manquement de M. Y... dans ce domaine ; que de plus, le Conseil constate que la partie demanderesse apporte aux débats une vingtaine de documents (cf. pièces n° 15 à 36) qui se rapportent à autant d'interventions ou d'actions menées en majeure partie par M. Y... dans le domaine de la sécurité et de la qualité (visite de sécurité des chantiers ou des installations, causeries de sécurité avec le personnel, accueil sécurité au poste de travail de nouveaux collaborateurs et questionnaires associés, fiches de progrès) ; que ces pièces, dont l'authenticité n'est pas contestée, combattent efficacement le grief contenu dans la lettre de licenciement ; qu'enfin, parmi ces actions, plusieurs ont eu lieu au cours de l'année 2013, comme par exemple la causerie de sécurité tenue le 21 janvier (cf. pièce n° I8), ou encore la visite de sécurité des installations du dépôt de Remiremont effectuée le 7 mars (cf. pièce n° 24), contredisant ainsi l'argumentation développée par la société défenderesse dans ses conclusions et tendant à circonscrire les reprochés à l'année 2013, alors que la lettre de licenciement, dont les termes fixent les limites du litige, ne faisait pas mention d'une telle restriction ; que le Conseil en conséquence, écartera ce troisième grief car non établi ;
(...) En conclusion, le Conseil dira que le licenciement de M. Y... est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

1. ALORS QUE constitue l'indication de griefs précis et matériellement vérifiables la mention d'une mésentente avec le directeur d'agence, de difficultés relationnelles aboutissant à une absence de comptes-rendus du salarié à son supérieur et à la non-application des décisions de celui-ci ou d'un non-dialogue permanent ; qu'en affirmant que ces griefs ne reposaient pas sur des faits matériellement vérifiables, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;

2. ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents soumis à son examen ; qu'en l'espèce, M. N..., le supérieur hiérarchique de M. Y..., précisait que ce dernier « devait me rendre compte de ce qu'il se passait sur les chantiers. Ces comptes rendus oraux restaient toujours très évasifs quand je les demandais. Spontanément, je n'avais aucune information sur ce qu'il se passait sur les chantiers (...) Mais je n'avais aucune autorité sur lui : en effet, en tant que directeur d'agence, je lui fixais des objectifs en matière de chiffre d'affaire, de marge brute et de sécurité. Par exemple, le 18 janvier 2013 lors d'une réunion de l'encadrement j'ai présenté les réalisations chiffre d'affaires 2012 ... et j'ai fixé des objectifs pour l'année 2013. J'ai également transmis des objectifs sécurité (causeries sécurité à réaliser, visites sécurité chantier, analyse des risques, fiches de progrès, évaluation des fournisseurs, E2P...). Malgré des relances verbales, les objectifs n'ont pas été suivis par M. Y... » ; que M. W... indiquait pour sa part « lors des business revues agences mensuelles auxquelles j'assistais, je me rendais compte d'une absence de remontées d'informations par M. Y... ou des informations inexactes et de sa non communication avec son directeur d'agence M. K... N... » ; qu'en affirmant que dans leurs attestations, M. N... et W... n'avaient fait état ni d'une absence de compte-rendu au supérieur hiérarchique, ni d'un refus d'appliquer les consignes, la cour d'appel a dénaturé ces documents en violation du principe susvisé ;

3. ALORS QUE les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, la société Idverde soulignait qu'il n'était pas reproché au salarié le défaut de rentabilité du chantier du Zoo mais son absence de remontée des difficultés et surtout l'absence de proposition et de mise en oeuvre d'une quelconque action afin de remédier à ces difficultés, et notamment le défaut de fourniture de contre-études ou de budget d'heures, carence qu'elle offrait de prouver (conclusions d'appel, p. 8 ; prod. 13 et 14) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-28227
Date de la décision : 13/03/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 26 septembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 mar. 2019, pourvoi n°17-28227


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.28227
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