LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 6 juin 2017), que Mme R... et la société L'Ovalie étaient associées de la société La Fontaine ; que, le 13 décembre 2013, cette société ayant été mise en liquidation judiciaire, son liquidateur, M. E..., a, le 5 février 2015, assigné Mme R... et la société L'Ovalie en paiement du solde débiteur de leurs comptes courants ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme R... et la société L'Ovalie font grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action introduite par M. E..., ès qualités, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge, tenu de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que M. E... n'a jamais soutenu dans ses conclusions d'appel que les dispositions de l'article L. 223-23 du code de commerce invoquées par Mme R... à l'appui de son exception de prescription n'étaient pas applicables car, dans l'assignation introductive d'instance, son action était fondée sur les dispositions de l'article L. 223-21 du même code, si bien que seules étaient applicables les prescriptions quinquennales des articles 1304 du code civil et L. 110-4 du code de commerce ; qu'en relevant d'office ces moyens de droit, sans provoquer les observations contradictoires des parties pour confirmer le jugement entrepris en ce qu'il avait rejeté l'exception de prescription de l'action introduite par M. E..., la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge, tenu de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que M. E... soutenait en page 6 de ses conclusions d'appel que c'était la date du 31 décembre 2012, dernier bilan approuvé déterminant un solde définitif après divers mouvements, qui devait être prise en compte pour déterminer le point de départ de la prescription ; que c'est donc d'office et sans inviter les parties à en débattre contradictoirement que la cour d'appel a retenu à l'appui de sa décision de confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription de l'action de M. E... que, pour apprécier la conformité du compte courant d'associé au regard des dispositions de l'article L. 223-21 du code de commerce et ainsi déterminer le point de départ du délai de prescription, il est nécessaire que son solde ne soit plus susceptible d'évolution et n'ait plus vocation à devenir créditeur par des apports de l'associé, d'une part, et que le solde du compte d'associé de Mme R... ne s'est cristallisé en position débitrice que lorsqu'il n'a plus été en mesure d'être mouvementé, soit le 13 décembre 2013, jour où la société La Fontaine a été placée en liquidation judiciaire, d'autre part, si bien que les actions introduites par M. E... le 5 février 2015 ne sont pas prescrites ; que, ce faisant, la cour d'appel a encore violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la demande en paiement formée par le liquidateur était fondée sur l'article L. 223-21 du code de commerce, tandis que Mme R... et la société L'Ovalie opposaient la prescription en application des dispositions de l'article L. 223-23 du même code, c'est sans méconnaître le principe de la contradiction que la cour d'appel a retenu que ce dernier texte n'était pas applicable et qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription, après en avoir fixé le point de départ ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que Mme R... et la société L'Ovalie font grief à l'arrêt d'ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du code civil alors, selon le moyen, qu'à défaut de convention spéciale, les intérêts échus des capitaux ne peuvent produire effet que moyennant une demande en justice et à compter de cette seule demande ; qu'en ordonnant l'anatocisme sans jamais préciser à quelle date M. E..., ès qualités avait formulé cette demande pour la première fois, la cour d'appel a violé l'article 1154 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Mais attendu que le jugement ayant ordonné la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil, après avoir relevé que M. E..., ès qualités, en avait formé la demande dans son assignation du 5 février 2015, la cour d'appel, qui a confirmé le jugement, n'encourt pas le grief du moyen ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme R... et la société L'Ovalie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à M. E..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société La Fontaine ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour Mme R... et la société L'Ovalie.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE d'avoir confirmé, par substitution de motifs, le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception tirée de la prescription de l'action introduite par Maître E...,
AUX MOTIFS QUE :
« (
) dans l'assignation délivrée devant les premiers juges, Monsieur E..., en sa qualité de liquidateur de la SARL LA FONTAINE, invoquait les dispositions de l'article L.223-21 du code de commerce qui dispose « A peine de nullité du contrat, il est interdit aux gérants ou associés autres que les personnes morales de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la société, de se faire consentir par elle un découvert, en compte courant ou autrement, ainsi que de faire cautionner ou avaliser par elle leurs engagements envers les tiers. Cette interdiction s'applique aux représentants légaux des personnes morales associées. » ;
(
) Que l'article L.223-23 du même code détermine le régime des actions en responsabilité prévues aux articles L.223-19 et L.223-22 et celui de leur prescription ; Qu'il n'a donc pas vocation à s'appliquer à la présente espèce, contrairement à ce que soutiennent les appelants ;
(
) Que l'action en nullité visée à l'article L.223-21 se prescrit, à défaut de dispositions spécifiques, par cinq ans conformément à l'article 1304 du code civil ; Que l'action en recouvrement du solde débiteur du compte courant d'un associé d'une SARL, qui est la conséquence de la nullité de la convention ayant généré ce découvert, est elle-même soumise à la prescription quinquennale de l'article L.110-4 du code de commerce ;
(
) Que, pour apprécier la conformité du compte courant d'associé au regard des dispositions de l'article L.223-21 et ainsi déterminer le point de départ du délai de prescription, il est nécessaire que son solde ne soit plus susceptible d'évolution ; Qu'en effet, tant que celui-ci a vocation à devenir créditeur par des apports de l'associé, il n'encourt pas la sanction de la nullité ;
(
) Que, dans la présente affaire, le solde du compte d'associé de Madame C... R... ne s'est cristallisé en position débitrice que lorsque celui-ci n'a plus été en mesure d'être mouvementé, soit le jour où la SARL LA FONTAINE a été placée en liquidation judiciaire, à savoir le 13 décembre 2013 ; Que dès lors, l'action en nullité de la convention et celle en paiement qui en est la conséquence, introduites contre Madame C... R... le 5 février 2015 ne sont pas prescrites et le jugement entrepris mérite confirmation sur ce point. » ;
1- ALORS QUE le juge, tenu de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; Que Maître E... n'a jamais soutenu dans ses conclusions d'appel que les dispositions de l'article L.223-23 du code de commerce invoquées par Madame R... à l'appui de son exception de prescription ne sont pas applicables car, dans l'assignation introductive d'instance, son action était fondée sur les dispositions de l'article L.223-21 du même code, si bien que seules étaient applicables les prescriptions quinquennales des articles 1304 du code civil et L.110-4 du code de commerce ; Qu'en relevant d'office ces moyens de droit sans provoquer les observations contradictoires des parties pour confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription de l'action introduite par Maître E..., la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2- ALORS QUE le juge, tenu de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; Que Maître E... soutenait en page 6 de ses conclusions d'appel (prod.3) que c'était la date du 31 décembre 2012, dernier bilan approuvé déterminant un solde définitif après divers mouvements, qui devait être prise en compte pour déterminer le point de départ de la prescription ; Que c'est donc d'office et sans inviter les parties à en débattre contradictoirement que la cour d'appel a retenu à l'appui de sa décision de confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription de l'action de Maître E... que, pour apprécier la conformité du compte courant d'associé au regard des dispositions de l'article L.223-21 du code de commerce et ainsi déterminer le point de départ du délai de prescription, il est nécessaire que son solde ne soit plus susceptible d'évolution et n'ait plus vocation à devenir créditeur par des apports de l'associé, d'une part, et que le solde du compte d'associé de Madame R... ne s'est cristallisé en position débitrice que lorsqu'il n'a plus été en mesure d'être mouvementé, soit le 13 décembre 2013, jour où la SARL LA FONTAINE a été placée en liquidation judiciaire, d'autre part, si bien que les actions introduites par Maître E... le 5 février 2015 ne sont pas prescrites ; Que, ce faisant, la cour d'appel a encore violé l'article 16 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE d'avoir, après avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts au taux légal sur les sommes dues à Maître E... ès-qualités par Madame R... et la SARL L'OVALIE au 29 mars 2014, date de réception de la mise en demeure, ordonné la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du code civil,
AUX MOTIFS PROPRES QUE :
« (
) la capitalisation des intérêts étant de droit lorsque les conditions posées par l'article 1154 du code civil sont satisfaites, le jugement déféré sera également confirmé sur ce point » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE : « conformément à l'article 1154 du code civil, la capitalisation annuelle des intérêts sera ordonnée » ;
ALORS QUE, à défaut de convention spéciale, les intérêts échus des capitaux ne peuvent produire effet que moyennant une demande en justice et à compter de cette seule demande ; Qu'en ordonnant l'anatocisme sans jamais préciser à quelle date Maître E... ès-qualités avait formulé cette demande pour la première fois, la Cour d'appel a violé l'article 1154 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.