LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 29 mai 2017), que Mmes U... X..., veuve Y..., Z... Y..., épouse R..., D... Y..., épouse P..., N... Y... et MM. A... et E... Y... (les consorts Y...) étaient actionnaires de la société anonyme L. Y... et Cie dont la société anonyme Auto Guadeloupe investissement (la société AGI) et la société à responsabilité limitée La Pergola étaient des filiales ; que MM. C..., B... et F... étaient membres des directoires des sociétés L. Y... et Cie et AGI, M. C... étant en outre gérant de la société Pergola ; qu'estimant que certains actes de gestion réalisés par MM. C..., B... et F... dans le cadre de leurs mandats respectifs constituaient des fautes de gestion, les consorts Y..., exerçant l'action sociale ut singuli, les ont assignés le 5 avril 2012, en réparation des dommages subis par les sociétés L. Y... et Cie, la société AGI et la société La Pergola et en désignation d'un mandataire ad hoc pour représenter les sociétés à l'instance ; que le 10 mai 2012, les sociétés L. Y... et Cie, AGI et Pergola ont fait l'objet de procédures de sauvegarde, des plans de sauvegarde étant ultérieurement arrêtés ; que MM. S... et H..., en leurs qualités d'administrateurs judiciaires puis de commissaires à l'exécution du plan des sociétés L. Y... et Cie, AGI et Pergola, sont intervenus volontairement à l'instance et ont conclu à l'irrecevabilité des demandes des consorts Y..., subsidiairement à leur rejet, et au rejet de la demande de désignation d'un mandataire ad hoc ; que la société Pergola a été absorbée par la société AGI ;
Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de dire irrecevable l'action ut singuli qu'ils ont intentée contre M. C... en sa qualité de membre du directoire de la société AGI et d'ancien gérant de la société La Pergola, et à l'encontre de MM. B... et F... en leurs qualités de membres du directoire de la société AGI alors, selon le moyen, que les actionnaires d'une société mère sont recevables à exercer l'action sociale ut singuli contre les dirigeants d'une filiale ; que pour dire irrecevable l'action sociale ut singuli intentée par les consorts Y... pour le compte de la société AGI, la cour d'appel a considéré que « les appelants, actionnaires minoritaires de la société L. Y... et Cie, n'étant pas actionnaires de la société AGI, ne peuvent pas réclamer le préjudice subi par cette dernière, comme ne répondant pas aux conditions posées par l'article 225-252 du code de commerce » ; qu'en statuant ainsi, alors que les consorts Y... étaient, en tant qu'actionnaires de la société L. Y... et Cie, société mère de la société AGI, recevables à exercer l'action sociale ut singuli contre les dirigeants de cette dernière, la cour d'appel a violé l'article L. 225-252 du code de commerce ;
Mais attendu que les dispositions de l'article L. 225-252 du code de commerce n'autorisent les actionnaires à exercer l'action sociale ut singuli qu'à l'encontre des dirigeants de droit de la société dont ils sont actionnaires ; qu'ayant constaté que les consorts Y... n'étaient actionnaires que de la société L. Y... et Cie et non pas de sa filiale la société AGI, la cour d'appel en a déduit à bon droit que leur action sociale ut singuli formée contre les dirigeants de la société AGI était irrecevable ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la seconde branche du premier moyen, ni sur les deuxième et troisième moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mmes U... X..., veuve Y..., Z... Y..., épouse R..., D... Y..., épouse P..., N... Y... et MM. A... et E... Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer, d'une part, la somme globale de 2 000 euros à M. C..., à M. B... et à M. F... , chacun, et, d'autre part, la somme globale de 2 000 euros à M. S..., en sa qualité d'ancien administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan des sociétés L. Y... et Cie et Auto Guadeloupe investissement, venant aux droits de la société Pergola, à M. H..., en sa qualité d'ancien administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan des sociétés L. Y... et Cie et Auto Guadeloupe investissement, venant aux droits de la société Pergola, et aux sociétés L. Y... et Cie et Auto Guadeloupe investissement, cette dernière tant en son nom propre qu'en sa qualité d'ayant droit de la société Pergola ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mmes U... X..., veuve Y..., Z... Y..., épouse R..., D... Y..., épouse P..., N... Y... et MM. A... et E... Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
LE MOYEN FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit irrecevable l'action ut singuli intentée par les consorts Y... contre Messieurs V... C..., I... B... et O... F... ,
AUX MOTIFS QUE « pour chaque partie, le principal s'entend de l'objet du litige la concernant, de même que le défaut de qualité à agir s'apprécie à l'aune de chacune des parties; que le jugement déféré a apprécié la qualité et l'intérêt à agir de Mme U... Y..., Mme Z... Y..., Mme D... Y..., Mme N... Y..., M. A... Y..., M. E... Y... ès qualités d'actionnaires de la SA L. Y... et Cie et a dit et jugé que ces derniers étaient irrecevables à agir « ut singuli » à l'encontre des intimés, à savoir, M. V... C..., ès qualités de gérant de la SARL Pergola, et irrecevables à agir ut singuli contre Messieurs V... C..., I... B... et O... F... , ès qualités de Président et membres du directoire de la SA AGI ; que le jugement a sursis à statuer sur les demandes de Mme U... X... veuve Y... et a renvoyé l'affaire à la mise en état pour lesdites demandes et les demandes reconventionnelles dirigées à son encontre ; que les intimés invoquent en cause d'appel l'irrecevabilité de l'action ut singuli intentée par les appelants, actionnaires minoritaires, à l'encontre des dirigeants des sociétés L. Y... et Cie (société-mère), AGI et La Pergola, par l'effet de l'ouverture des procédures de sauvegarde de la société-mère et de sa filiale AGI ; que la SARL La Pergola ayant été radiée suite au transfert universel de son patrimoine vers la société AGI, les appelants n'ont donc plus d'intérêt à agir pour le compte de ladite société qui n'a plus d'existence ; que l'irrecevabilité de l'action sociale en responsabilité contre les dirigeants sociaux dite action ut singuli intentée par les consorts Y... appelants, pour défaut de qualité à agir est un moyen d'ordre public et constitue une fin de non-recevoir qui peut être soulevée en tout état de cause, même en appel ; qu'en l'espèce, les consorts Y..., actionnaires minoritaires de la société holding L. Y... et Cie entendent exercer l'action en responsabilité exercée conformément aux dispositions de l'article 1843-5 du code civil et reprise à l'article L. 225-251 (sociétés anonymes), contre les dirigeants sociaux de ladite société-mère mais aussi contre les dirigeants de sa filiale AGI, qu'elle détient à 94%, étant observé que ce sont les mêmes dirigeants qui gèrent les deux sociétés ; que ladite action en responsabilité est une action sociale exercée ut singuli ; qu'en effet, c'est la réparation d'un préjudice subi par la société-mère et le groupe Y... que les actionnaires poursuivent ; qu'il s'agit de considérer les pertes et préjudices financiers subis par la société-mère du fait de la mauvaise gestion de sa filiale AGI ; que les appelants, actionnaires minoritaires de la société L. Y... et Cie, n'étant pas actionnaires de la société AGI, ne peuvent pas réclamer le préjudice subi par cette dernière, comme ne répondant pas aux conditions posées par l'article 225-252 du code de commerce ; que les appelants qui allèguent des fautes de gestion doivent faire état de l'atteinte à l'intérêt social portée par l'administration des intimés dirigeants ; que cependant, l'ouverture des procédures de sauvegarde tant à l'encontre de la société-mère L. Y... et Cie que de sa filiale AGI, le 10 mai 2012, a retiré aux actionnaires, consorts Y..., la qualité pour engager l'action sociale : le mandataire judiciaire, en l'occurrence Maître K..., a reçu de l'article L.622-20 du code de commerce la qualité pour agir au nom de tous les créanciers sociaux, dont les actionnaires qui se trouvent ainsi privés de cette action individuelle ; qu'en effet, dans le cas d'une procédure collective, l'atteinte à l'intérêt social porte préjudice à l'intérêt collectif des créanciers et il y a donc confusion d'intérêts, le mandataire judiciaire étant alors le seul représentant apte à agir dans la défense de l'intérêt collectif des créanciers, conformément aux dispositions de l'article L.622-20 du code de commerce ; qu'il a donc seul qualité pour exercer une action en dommages et intérêts contre toute personne coupable d'avoir continué par ses agissements fautifs à la diminution de l'actif ou à l'aggravation du passif ; que dès lors, les actionnaires, consorts Y..., n'étaient plus recevables à compter du 10 mai 2012 à agir au nom des créanciers et ce même si leur action a été engagée antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective des sociétés L. Y... et Cie et AGI ; que ladite action appartenait à Maître K... dans un premier temps et depuis l'adoption des plans de sauvegarde en décembre 2012, l'action est attribuée aux commissaires à l'exécution du plan, Maîtres H... et S..., en vertu de l'article L.626-25 du code de commerce alinéa 3 ; Que les actionnaires Y... ne justifient pas en l'espèce d'un préjudice distinct du préjudice social, ne faisant que stigmatiser les préjudices subis par les sociétés du W... Y... du fait de l'accroissement de leur endettement économique et financier, ledit accroissement résultant prétendument du refus des dirigeants de céder les pôles Câble et Télécom en 2009 et 2011 ; que les appelants ne font pas état d'un préjudice individuel et les faits reprochés, fussent-ils établis, ne sauraient les autoriser à exercer les poursuites à l'encontre des dirigeants des sociétés intimées ; que le patrimoine desdites sociétés reste le gage des créanciers sociaux et les intérêts de ces derniers ne peuvent être représentés que par le mandataire judiciaire et postérieurement au plan de sauvegarde, que par les commissaires à l'exécution du plan ; que dès lors, seule Maître K... puis Maîtres S... et H... ès qualités, avaient qualité pour agir en réparation du préjudice subi par les sociétés Y... et AGI et les consorts Y... qui avaient mis en oeuvre l'action ut singuli avant l'ouverture des procédures collectives des sociétés L. Y... et Cie et AGI, ne pouvaient plus la poursuivre ; que le changement d'état juridique résultant de l'ouverture des procédures collectives des sociétés du W... Y... retire aux actionnaires appelants le droit d'agir ut singuli qu'ils possédaient initialement ; qu'en conséquence, il convient de dire et juger que l'action ut singuli des consorts Y... est irrecevable, faute de qualité à agir de ces derniers et ce depuis l'ouverture des procédures de sauvegarde par jugement du tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre du 10 mai 2012 ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il déclaré irrecevable l'action des consorts Y..., appelants, par substitution de motifs » ;
ALORS D'UNE PART QUE les actionnaires d'une société-mère sont recevables à exercer l'action sociale ut singuli contre les dirigeants d'une filiale ; que pour dire irrecevable l'action sociale ut singuli intentée par les consorts Y... pour le compte de la société AGI, la cour d'appel a considéré que « les appelants, actionnaires minoritaires de la société L. Y... et Cie, n'étant pas actionnaires de la société AGI, ne peuvent pas réclamer le préjudice subi par cette dernière, comme ne répondant pas aux conditions posées par l'article 225-252 du code de commerce » ; qu'en statuant ainsi, alors que les consorts Y... étaient, en tant qu'actionnaires de la société L. Y... et Cie, société-mère de la société AGI, recevables à exercer l'action sociale ut singuli contre les dirigeants de cette dernière, la cour d'appel a violé l'article L. 225-252 du code de commerce ;
ALORS D'AUTRE PART QUE l'existence du droit d'agir en justice s'apprécie à la date de la demande introductive d'instance et ne peut être remise en cause par l'effet de circonstances postérieures ; que pour dire irrecevable l'action ut singuli intentée le 5 avril 2012 par les consorts Y... à l'encontre des dirigeants des sociétés L. Y... et Cie et AGI, la cour d'appel a considéré qu'à compter du 10 mai 2012, date du jugement d'ouverture des procédures de sauvegarde visant les sociétés L. Y... et Cie, AGI, Pergola par le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre, les consorts Y... n'étaient plus recevables à agir au nom de ces sociétés et ce même si leur action avait été engagée antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective des sociétés L. Y... et Cie et AGI ; qu'en effet, cette action aurait appartenu, à compter du jugement d'ouverture, à Maître K... dans un premier temps, et depuis l'adoption des plans de sauvegarde en décembre 2012, à Maîtres H... et S..., commissaires à l'exécution du plan, en vertu de l'article L. 626-25 alinéa 3 du code de commerce ; qu'en statuant ainsi, alors que l'existence du droit d'exercer l'action sociale ut singuli des consorts Y... devait s'apprécier à la date de la demande introductive d'instance, et ne pouvait être remise en cause par l'effet du jugement d'ouverture des procédures de sauvegarde des sociétés L. Y... et Cie AGI, et Pergola, lequel était intervenu postérieurement à la demande introductive d'instance, la cour d'appel a violé les articles 31 et 32 du code de procédure civile, ensemble l'article L.622-20 du code de commerce.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
LE MOYEN FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit irrecevable la demande des consorts Y... visant à la désignation d'un mandataire ad hoc aux fins de représenter les sociétés L. Y... et Cie, Auto Guadeloupe Investissement et Pergola,
AUX MOTIFS QUE « en matière d'action ut singuli, la désignation d'un mandataire ad hoc pour représenter la société n'est pas recevable et en l'espèce, elle l'est d'autant moins que ladite action n'est plus recevable » ;
ALORS D'UNE PART QUE l'article R. 225-170 du Code de commerce dispose, en son premier alinéa, que « Lorsque l'action sociale est intentée par un ou plusieurs actionnaires, agissant soit individuellement, soit dans les conditions prévues à l'article R. 225-169, le tribunal ne peut statuer que si la société a été régulièrement mise en cause par l'intermédiaire de ses représentants légaux » ; que l'alinéa 2 du même article ajoute que « Le tribunal peut désigner un mandataire ad hoc pour représenter la société dans l'instance, lorsqu'il existe un conflit d'intérêt entre celle-ci et ses représentants légaux » ; qu'il s'ensuit qu'en matière d'action ut singuli, la désignation d'un mandataire ad hoc aux fins de représenter la société est parfaitement recevable lorsqu'il existe un conflit d'intérêt entre celle-ci et ses représentants légaux ; qu'il en va tout particulièrement ainsi lorsque l'action ut singuli est exercée, comme en l'espèce, par des actionnaires de la société, à l'encontre des représentants légaux de celle-ci ; qu'en jugeant néanmoins irrecevable la demande, formée par les consorts Y..., de désignation d'un mandataire ad hoc, pour représenter les sociétés L. Y... et Cie, Auto Guadeloupe Investissement et Pergola, au motif qu'une telle demande serait irrecevable en matière d'action ut singuli, la cour d'appel a violé l'article R. 225-170 du code de commerce ;
ALORS D'AUTRE PART QU'aux termes de l'article 624 du code de procédure civile, « La censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire » ; que pour juger irrecevable la demande de désignation d'un mandataire ad hoc formée par les consorts Y... aux fins de représenter les sociétés L. Y... et Cie, Auto Guadeloupe Investissement et Pergola, la cour d'appel a considéré que cette demande était d'autant moins recevable que l'action ut singuli n'était elle-même plus recevable ; que, dès lors, la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif à la recevabilité de l'action sociale ut singuli intentée par les consorts Y... entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de l'arrêt ayant déclaré irrecevable la demande de désignation d'un mandataire ad hoc formée par les consorts Y....
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
LE MOYEN FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR jugé l'action des consorts Y... abusive et de les avoir en conséquence condamnés in solidum à payer à Messieurs C..., B... et F... une somme de 30.000 € chacun à titre de dommages et intérêts, outre une somme de 15.000 €, chacun au titre des frais irrépétibles,
AUX MOTIFS QUE « les dirigeants intimés considérant que ladite action poursuivie à leur encontre par les consorts Y..., est abusive, sollicitent leur condamnation au paiement de dommages et intérêts à ce titre, faisant valoir que le directoire de la société et plus particulièrement, M. V... C..., a été victime d'un véritable harcèlement judiciaire, visant à lui imposer sa stratégie de gestion, se substituant aux véritables décideurs ; qu'il convient de relever le contexte dans lequel s'inscrit la présente affaire, faisant suite à une plainte pénale déposée le 18 juillet 2011, suivie d'un complément de plainte en janvier 2012, n'ayant eu aucune suite à ce jour, une demande de révocation des mandats sociaux dans les sociétés du W... Y... intentée par les appelants en référé, ayant donné lieu à une ordonnance de rejet du 30 septembre 2011, six assignations devant le tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre tendant à l'annulation de six assemblées générales de la société L. Y... et Cie, ayant fait l'objet d'un jugement de sursis à statuer du 16 novembre 2012, et une assignation en avril 2012, concomitante à la présente instance, tendant à la résolution d'un protocole transactionnel entre les parties, ayant également fait l'objet d'une ordonnance de sursis à statuer ; que l'abus dans le droit d'ester en justice des appelants se manifeste également par leur volonté de maintenir des demandes incongrues telles que celles visant la société La Pergola qui a disparu depuis novembre 2013, celle tendant à faire chiffrer un préjudice hypothétique en se basant sur des données financières et économiques révolues de la période 2010/2012, à solliciter une provision sur ledit préjudice d'un montant faramineux de 18 millions d'euros à la charge des dirigeants intimés, tout en demandant à la cour de céans d'ordonner cinq ans après une expertise pour le chiffrer et l'établir, sans tenir compte de l'évolution favorable du W... Y... menée conjointement depuis par les dirigeants sociaux et les organes de la procédure collective, au point de remporter au mois de février 2017, le prix Ulysse du meilleur retournement d'entreprise du magazine Challenges ; qu'il en résulte que ladite action des minoritaires de la société Y..., loin d'être diligentée dans l'intérêt social du groupe, avait vocation à régler des comptes entre les membres d'une société d'actionnariat familial, en désaccord sur les options à prendre suite au décès de son fondateur ; qu'il convient dès lors de dire et juger l'action des consorts Y..., intentée et maintenue en appel, abusive » ;
ALORS D'UNE PART QUE l'abus du droit d'ester en justice est exclu lorsque la demande a été accueillie, serait-ce partiellement ; que l'exercice, par les consorts Y..., de l'action sociale ut singuli ne saurait dès lors être jugée abusive dans l'hypothèse où cette action serait accueillie, serait-ce partiellement ; qu'en conséquence, la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif à la recevabilité de l'action sociale ut singuli intentée par les consorts Y... entraînera, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de l'arrêt ayant déclaré abusif l'exercice de cette action ;
ALORS EN OUTRE QUE l'abus du droit d'interjeter appel est exclu lorsque la Cour d'appel a confirmé la décision des premiers juges par une substitution de motifs ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel ne pouvait pas condamner les consorts Y... pour un abus de leurs droit d'ester en justice, tout en reconnaissant que les motifs des premiers juges étaient contestables, sans violer l'article 1382 (ancien) du code civil ;
ALORS D'AUTRE PART QUE même irrecevable, l'action fondée sur des faits avérés ne peut constituer un abus du droit d'ester en justice ; qu'en imputant en l'espèce aux consorts Y... un abus du droit d'ester en justice, sans s'interroger sur la réalité des fautes de gestion invoquées par ceux-ci au soutien de leur action, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 (ancien) du code civil et 32-1 du code de procédure civile ;
ALORS ENFIN ET SUBSIDIAIREMENT QUE la faute du demandeur faisant dégénérer en abus son droit d'ester en justice suppose établie la mauvaise foi de celui-ci, ou pour le moins, une erreur grossière de sa part, équivalente au dol ; que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est en revanche, en soi, pas constitutive d'une faute ; qu'il s'ensuit qu'une action déclarée irrecevable ne peut être jugée abusive de ce fait que si elle était manifestement irrecevable ; que pour juger en l'espèce abusive l'action sociale ut singuli exercée par les consorts Y..., la cour d'appel s'est contentée de se fonder sur « le contexte dans lequel s'inscrit la présente affaire » (arrêt attaqué p.11) ; qu'en statuant ainsi, sans à aucun moment constater que l'action ut singuli exercée par les consorts Y... était manifestement irrecevable, la cour d'appel a violé l'article 1382 (ancien) du code civil, ensemble l'article 32-1 du code de procédure civile.