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13/03/2019 | FRANCE | N°17-15173

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 mars 2019, 17-15173


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 13 janvier 2017), que M. W..., engagé en qualité de docker sur le port de Fort-de-France de 1999 à 2010, a été mis à la disposition du GIE GMMSP et de la société Manumar, aux droits de laquelle vient M. Y... en qualité de liquidateur, dans le cadre de contrats de travail temporaire établis par les sociétés Adecco et Vediorbis devenue Outremer intérim ; que sollicitant la requalification en contrat à durée indéterminée et s'estimant victime de discriminati

on, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 13 janvier 2017), que M. W..., engagé en qualité de docker sur le port de Fort-de-France de 1999 à 2010, a été mis à la disposition du GIE GMMSP et de la société Manumar, aux droits de laquelle vient M. Y... en qualité de liquidateur, dans le cadre de contrats de travail temporaire établis par les sociétés Adecco et Vediorbis devenue Outremer intérim ; que sollicitant la requalification en contrat à durée indéterminée et s'estimant victime de discrimination, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen, pris en ses deux premières branches réunies :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée et en paiement de diverses sommes à ce titre, alors, selon le moyen :

1°/ que le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ; que le caractère par nature temporaire de l'emploi occupé par le salarié ne peut être déduit des seules dispositions des conventions et accords collectifs applicables au secteur d'activité ; qu'en écartant la demande de requalification de M. W... et en déduisant le caractère temporaire de l'emploi occupé par lui, sur le seul fondement des textes applicables dans le secteur d'activité de la manutention portuaire, la cour d'appel a violé les articles L. 1251-5 et L. 1251-6 du code du travail ;

2°/ que la multiplicité de contrats de mission successifs suffit à emporter leur requalification en un contrat à durée indéterminée, peu important qu'il y ait des interruptions de mission, ou que le motif du recours de chaque contrat de mission s'avère exact ; qu'entre 2003 et 2010, M. W... a exercé le même emploi de docker au service des sociétés GMMSP et Manumar dans le cadre de soixante-seize contrats de mission, ce dont il résulte qu'il a occupé un emploi lié à l'activité normale et permanente de ces entreprises ; qu'en rejetant néanmoins sa demande de requalification, la cour d'appel a violé les mêmes textes ;

Mais attendu, d'abord, qu'après avoir relevé que tous les emplois concernés par les contrats de travail litigieux se rapportaient à la même activité de la manutention portuaire, la cour d'appel a constaté qu'il résultait de l'ensemble des textes applicables dans ce secteur d'activité, qu'il est d'usage constant de ne pas recourir à des contrats de travail à durée indéterminée pour l'emploi de dockers non mensualisés lorsque les entreprises utilisatrices ont besoin d'une main d'oeuvre d'appoint pour assurer les tâches que les dockers mensualisés ne suffisent pas à assumer ;

Attendu, ensuite, qu'ayant retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que les bulletins de paie démontraient que le salarié avait travaillé de manière temporaire et discontinue pour assurer les besoins complémentaires des entreprises utilisatrices, la cour d'appel, qui a fait ressortir que le salarié avait été affecté, pour l'exécution de la totalité de ses missions, à des tâches précises et temporaires, a légalement justifié sa décision ;

Et sur le second moyen, pris en ses troisième et quatrième branches réunies, ci-après annexé :

Attendu que sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi et de manque de base légale, le moyen, qui manque en fait en sa quatrième branche, ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve par les juges du fond, qui ont constaté que les contrats de mission avaient été régulièrement établis par les entreprises de travail temporaire ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. W... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. W....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. W... de sa demande en paiement de dommages intérêts pour discrimination ;

AUX MOTIFS QUE les sociétés auxquelles M. W... reproche une discrimination à son égard n'ont fait qu'appliquer la convention collective signée par les partenaires sociaux et aucun acte concret qualifiable de discriminatoire ne peut leur être imputé ; il n'avait formé aucun recours contre cette convention collective en temps utile et son action contre les sociétés Manumar et GMMSP sera rejetée ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE M. W... invoque la convention collective signée par les partenaires sociaux ; en l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination indirecte n'est pas démontrée ;

ALORS QUE la preuve d'une discrimination n'incombe pas au salarié, lequel est seulement tenu d'apporter des éléments laissant présumer l'existence d'une discrimination, à charge pour l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que M. W... faisait valoir qu'en vertu de la convention collective du 4 juillet 2003, le recrutement en contrat à durée indéterminée des dockers devaient tenir compte « du nombre d'heures de travail effectué individuellement sur le port de Fort de France », et que des dockers qui disposaient d'un nombre d'heures de travail inférieur au sien avaient bénéficié avant lui d'un contrat de travail à durée indéterminée (conclusions d'appel de M. W..., p.5 et 6) ; qu'en se bornant à affirmer que les sociétés GMMSP et Manumar n'ont fait qu'appliquer la convention collective, sans vérifier, comme elle y était invitée, si le recrutement tardif de M. W... en contrat à durée indéterminée par rapport à des salariés ayant un nombre d'heures de travail inférieur au sien, reposait sur une justification objective, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1132-1 et L.1134-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. W... de sa demande de requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée et de sa demande en paiement de diverses sommes à ce titre ;

AUX MOTIFS QUE tous les emplois concernés par les contrats de travail litigieux se rapportent à la même activité, celle de la manutention portuaire ; la loi du 9 juin 1992 modifiant le régime du travail dans les ports maritimes métropolitains a opéré une distinction entre les ouvriers dockers selon qu'ils sont « professionnels » (mensualisés ou intermittents) et « occasionnels » mais a confirmé l'existence d'une main d'oeuvre d'appoint à laquelle les entreprises de manutention portuaire peuvent recourir quotidiennement en fonction de leurs besoins, dans le cadre de contrats à durée déterminée ; pour la mise en oeuvre de ces textes, les partenaires sociaux signaient une convention collective de la manutention portuaire le 31 décembre 1993 disposant en son article 9 relatif aux emplois à caractère occasionnel entrant dans son champ d'application que « l'activité de manutention portuaire constitue un secteur d'activité où il est d'usage de recourir aux contrats de travail à durée déterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de certains emplois » ; cette convention collective était par la suite étendue notamment à la Martinique ; il résulte de l'ensemble des textes applicables que dans le secteur d'activité de la manutention portuaire, il est d'usage constant de ne pas recourir à des contrats de travail à durée indéterminée pour l'emploi de dockers non mensualisés lorsque les entreprises utilisatrices ont besoin d'une main d'oeuvre d'appoint pour assurer les tâches que les dockers mensualisés ne suffisent pas à assumer ; la demande de requalification doit être en conséquence rejetée, d'autant que les bulletins de paie produits démontrent que M. W... a travaillé de manière temporaire et discontinue pour assurer les besoins complémentaires ;

1. ALORS QUE le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ; que le caractère par nature temporaire de l'emploi occupé par le salarié ne peut être déduit des seules dispositions des conventions et accords collectifs applicables au secteur d'activité ; qu'en écartant la demande de requalification de M. W... et en déduisant le caractère temporaire de l'emploi occupé par lui, sur le seul fondement des textes applicables dans le secteur d'activité de la manutention portuaire, la cour d'appel a violé les articles L.1251-5 et L.1251-6 du code du travail ;

2. ALORS QUE la multiplicité de contrats de mission successifs suffit à emporter leur requalification en un contrat à durée indéterminée, peu important qu'il y ait des interruptions de mission, ou que le motif du recours de chaque contrat de mission s'avère exact ; qu'entre 2003 et 2010, M. W... a exercé le même emploi de docker au service des sociétés GMMSP et Manumar dans le cadre de soixante-seize contrats de mission, ce dont il résulte qu'il a occupé un emploi lié à l'activité normale et permanente de ces entreprises ; qu'en rejetant néanmoins sa demande de requalification, la cour d'appel a violé les mêmes textes ;

ET AUX MOTIFS QUE le contrat de mission doit être établi par écrit, c'est-à-dire rédigé par l'entreprise de travail temporaire puis remis ou adressé au salarié dans les deux jours ouvrables suivant sa mise à disposition ; si la validité d'une relation de travail temporaire est soumise à la rédaction d'un contrat de travail écrit, répondant à certaines exigences, la signature du contrat de mission dans les deux jours ne constitue pas une condition de validité du contrat de mission ; en l'espèce, les contrats étaient régulièrement rédigés par les entreprises de travail temporaire et le défaut de signature dans les délais ne peut affecter leur validité ;

3. ALORS QUE selon l'article L.1251-16 du code du travail, chaque mission de travail temporaire doit donner lieu à l'établissement d'un contrat écrit et signé; qu'en cas de litige, il incombe à l'entreprise de travail temporaire de justifier du respect de cette obligation par la production d'un contrat de mission écrit et signé ; que devant la cour d'appel, les sociétés Adecco et Outremer Interim, qui ont employé M. W... d'août 2003 à mai 2010, se sont contentées de produire quelques contrats de mission, estimant que cette production était suffisante à démontrer leur « bonne foi » ; qu'en déboutant M. W... de sa demande de requalification, sans constater que les sociétés Adecco et Outremer Interim justifiaient, pour chacune des missions confiées au salarié, d'un contrat écrit et signé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

4. ALORS QU'en vertu de l'article L.1251-17 du code du travail, l'entreprise de travail temporaire a l'obligation de transmettre au salarié le contrat de mission au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant sa mise à disposition ; que le non-respect de ce délai d'ordre public entraîne, à la demande du salarié, la requalification en contrat à durée indéterminée ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-15173
Date de la décision : 13/03/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Fort-de-France, 13 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 mar. 2019, pourvoi n°17-15173


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Piwnica et Molinié, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.15173
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