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07/03/2019 | FRANCE | N°18-10451

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 07 mars 2019, 18-10451


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 juillet 2017) que le 15 octobre 2008, M. X... I..., employé en qualité d'ingénieur commercial par la société AEW, dont le siège social est situé au Luxembourg, a été gravement brûlé par une déflagration électrique lors de l'explosion d'un transformateur de la centrale hydroélectrique de Golfech, dans le Tarn-et-Garonne, exploitée par la société EDF ; que cet accident a été pris en charge au titre de la législation luxembourgeoise sur les accidents du

travail par l'Association d'assurance accident (AAA) ; que par jugement du 5...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 juillet 2017) que le 15 octobre 2008, M. X... I..., employé en qualité d'ingénieur commercial par la société AEW, dont le siège social est situé au Luxembourg, a été gravement brûlé par une déflagration électrique lors de l'explosion d'un transformateur de la centrale hydroélectrique de Golfech, dans le Tarn-et-Garonne, exploitée par la société EDF ; que cet accident a été pris en charge au titre de la législation luxembourgeoise sur les accidents du travail par l'Association d'assurance accident (AAA) ; que par jugement du 5 novembre 2013, devenu définitif, M. Y..., préposé de la société EDF, a été condamné du chef de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois ; que parallèlement, M. X... I... et son épouse, Mme N... H..., agissant tant en leur nom personnel qu'au nom de leurs enfants mineurs, J... et S... I..., leurs deux enfants majeurs, Mme L... I... et M. R... I..., les parents de M. D... I... et sa soeur, Mme M... I... (les consorts I...) ont saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI) fait grief à l'arrêt de recevoir les consorts I... en leurs demandes d'indemnisation de leurs préjudices au titre du régime d'indemnisation des victimes d'infractions, alors, selon le moyen, que les dommages subis par les participants à une opération de travaux publics, qui relèvent des règles d'ordre public de la responsabilité administrative du fait des travaux et ouvrages publics et ressortissent à ce titre à la compétence exclusive de la juridiction administrative, sont exclusifs de l'application de l'article 706-3 du code de procédure pénale ; qu'en jugeant néanmoins recevable la demande d'indemnisation des consorts I..., cependant qu'il résulte de ses constatations et des motifs réputés adoptés de la décision entreprise, que le dommage subi par M. I... résulte de l'explosion d'un transformateur de la centrale hydroélectrique de Golfech, qui a le caractère d'un ouvrage public, dans le cadre d'opérations de remise en route de ce transformateur auxquelles il participait en qualité de préposé de la société chargé du rembobinage de l'appareil, ce dont il résulte que le dommage subi à l'occasion d'une opération de travaux sur un ouvrage public, qui a le caractère d'un dommage de travaux public éligible aux règles d'ordre public de la responsabilité du fait des travaux publics et ressortissant à la compétence exclusive des juridictions administratives, est exclusif de l'application de l'article 706-3 du code de procédure pénale, la cour d'appel a violé ce texte ;

Mais attendu que l'article 706-3 du code de procédure pénale n'interdit pas aux victimes de dommages de travaux publics de présenter une demande d'indemnisation du préjudice résultant de faits présentant le caractère matériel d'une infraction ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que le FGTI fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que la victime d'un accident du travail, affiliée à un régime de sécurité sociale étranger et prise en charge à ce titre, n'a droit à l'indemnisation de son dommage au titre du régime français d'indemnisation des victimes d'infractions qu'autant que le droit de l'Etat du régime auquel elle est affiliée lui ouvre un recours de droit commun à l'encontre du responsable ; qu'en jugeant la demande d'indemnisation des consorts I... recevable sans qu'il y ait lieu de se référer aux règles luxembourgeoises relatives aux accidents du travail au titre desquelles le dommage de M. I... était pris en charge, pour vérifier si ce droit ouvrait à M. I... un recours fondé sur le droit commun à l'encontre du responsable, la cour d'appel a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale et l'article 13-2, a, du règlement CE n° 1408/71 du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté ;

Mais attendu qu'ayant exactement énoncé que la législation relative à l'indemnisation des victimes d'infractions est une loi d'application nécessaire excluant toute référence à un droit étranger, puis relevé par motifs adoptés que l'accident du travail de M. I... avait été causé par un tiers au sens de l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel en a justement déduit que les consorts I... étaient éligibles à ce régime d'indemnisation, sans qu'il y ait lieu de se référer à la législation sociale luxembourgeoise ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions à payer à M. X... I... et Mme N... H..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, J... et S... I..., Mmes L..., G... et M... I... et MM. R... et F... I... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt d'avoir, au visa notamment de l'article 706-3 du code de procédure pénale reçu les consorts I... en leurs demandes d'indemnisation de leurs préjudices au titre du régime d'indemnisation des victimes d'infractions ;

Aux motifs propres que « Gravement brûlé le 15 octobre 2008 par la déflagration électrique de l'explosion d'un transformateur de la centrale hydroélectrique de Golfech dans le Tarn et Garonne, M. I..., employé d'une société luxembourgeoise, a saisi la commission d'indemnisation des victimes d'infractions de Nantes par une requête enregistrée le 11 septembre 2013 [

] ; qu'aux termes de l'article 706-3 du code de procédure pénale, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, lorsque sont réunies les conditions suivantes : 1° ces atteintes n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (n° 2000-1257 du 23 décembre 2000) ni de l'article L. 126-1 du code des assurances ni du chapitre Ter de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation et n'ont pas pour origine un acte de chasse ou de destruction des animaux susceptibles d'occasionner des dégâts ; 2° ces faits : - soit ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois ; - soit sont prévus et réprimés par les articles 222-22 à 222-30, 224-1 A à 224-1 C, 225-4-1 à 225-4-5, 225-5 à 225-10, 225-14-1 et 225-14-2 et 227-25 à 227-27 du code pénal ; 3° La personne lésée est de nationalité française ou les faits ont été commis sur le territoire national, la réparation peut être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de la victime ; qu'il est acquis que monsieur I..., de nationalité française, a été victime de blessures involontaires, entraînant une incapacité totale de travail personnel supérieure à trois mois, dans le cadre de son travail, employé alors par une société luxembourgeoise, et dont monsieur Y... a été déclaré coupable par jugement du tribunal correctionnel de Montauban en date du 5 novembre 2013 ; que force est donc de constater que la réalité de l'infraction exigée par l'article 706-3 est établie et que la victime ne bénéficie pas de la législation sociale française et excluant les accidents du travail du champ d'application dudit article - soit l'article L451-1 du code de la sécurité sociale- sauf exceptions édictées par l'article L454-1 du même code ; que la législation relative à l' indemnisation des victimes d'infraction par la CIVI est une loi d'application nécessaire excluant toute référence à un droit étranger, de manière fondée, la décision déférée a donc déclaré recevable les demandes des intimés et sans avoir à se référer à la législation sociale luxembourgeoise » (arrêt, p. 5, § 5 et s.) ;

Et aux motifs partiellement adoptés que « A n'en point douter, les circonstances de l'accident à l'origine du dommage subi par X... I... sont révélatrices d'une infraction pénale de blessures involontaires imputable à P... Y..., préposé EDF chargé de consignation sur le site et de la remise sous tension ; que de même, l'auteur de cette infraction, salarié de l'entreprise EDF est un tiers vis-à-vis de la victime X... I... préposé de la société luxembourgeoise AEW ; qu'en principe, cette situation de dommage causé par une personne autre que l'employeur de la victime relève des dispositions de l'article L 454-1 du code de la sécurité sociale offrant à celle-ci la possibilité de demander réparation de son préjudice conformément aux règles de droit commun ; que toutefois, en vertu de ce texte une jurisprudence élaborée de longue date par la cour suprême , notamment dans un arrêt rendu par sa chambre sociale le 18 avril 1991, et confirmé depuis lors exclut la victime de cette faculté d'agir en réparation dans les termes du droit commun en cas de réunion des conditions de travail en commun exécuté par la victime et l'auteur sous une autorité unique ; qu'à cet égard, souligne la chambre criminelle de la cour de cassation dans un arrêt du 11 octobre 2011, "il n'y a travail commun, limitant le dédommagement du salarié victime de l'accident et de ses ayants droit aux seuls réparations forfaitaires assurées par les prestations sociales, que lorsqu'il est constaté que les préposés de plusieurs entreprises travaillant simultanément dans un intérêt commun, sont placés sous une direction unique » ; qu'en revanche, lorsqu'il en est autrement, les victimes conservent le droit de demander réparation de leur préjudice, conformément au droit commun ; que dans le cas présent, à l'époque de la survenance des faits, le 15 octobre 2008, X... I... employé comme ingénieur commercial auprès d'une société luxembourgeoise, AEW intervient en qualité d'observateur mandaté par celle-ci pour assister à la remise en état d'un transformateur sur le site de la centrale hydroélectrique de GOLFECH, dans le cadre d'un contrat de commande de travaux de rebobinage par la société EDF ; qu'à l'occasion du remplacement des bobines retirées par la société luxembourgeoise AEW pour les réparer dans ses ateliers que X... I... dépêché sur les lieux en exécution de sa mission commerciale, était chargé d'observer le bon déroulement des opération de rebobinage et de remise du transformateur sous tension ; que l'examen attentif des diverses auditions recueillies dans la procès-verbal d'enquête pénale montrent que X... I..., présent sur le site en tant qu'observateur n'a pas pris part lui-même à la remise en service du transformateur, pour ne pas être habilité en sa qualité d'ingénieur commercial et non technicien à intervenir dans l'opération de rebranchement du réseau électrique ; que même à supposer que la simple présence observatrice de ce dernier puisse être assimilée à une supervision ou tout au moins à une participation active bien que cela ne ressorte nullement des documents contractuels et des différentes déclarations des autres intervenants, il reste que quel que soit le cas de figure aucun élément du dossier ne permet de retenir le placement de X... I... sous une direction unique ce jour-là ; qu'en d'autres termes, à la date de l'accident celui-ci n'est en rien subordonné à la société EDF et son poste d'observateur du déroulement des opérations de rebobinage réalisées par d'autres que lui résulte tout simplement de la mission commerciale que lui avait confiée son employeur luxembourgeois ; que dès lors, cette absence de direction unique exclut la notion de travail commun au sens traditionnellement retenu par la cour de cassation (chambre sociale 18 avril 1991, 15 février 1989, 7 novembre 1991, 8 juin 1995, 24 mars 1971 chambre criminelle 11 octobre 2011) "La direction commune, élément constitutif de la notion de travail en commun implique nécessairement une concertation préalable des représentants des entreprises concernées sur la façon d'accomplir une tâche déterminée, de manière simultanée" précise à maintes reprise la chambre sociale de la cour suprême ; que manifestement, tel n'est pas le cas ici au regard des stipulations contractuelles de la convention conclue entre EDF et AEW ; qu'au demeurant les requérants soulignent à bon escient que X... I... ingénieur commercial en charge du développement de l'activité commerciale de AEW en France ne pouvait intervenir en tant que technicien sur les divers sites visités ; qu'il s'ensuit qu'à défaut d'avoir été soumis à une direction unique en tant qu'observateur du déroulement des opérations de remise en fonctionnement du transformateur, X... I... est en droit de revendiquer sur le fondement de l'article L 454-1 du code de la sécurité sociale, la réparation de son préjudice conformément aux règles de droit commun ; que c'est pourquoi le saisine de la commission d'indemnisation par les consorts I... doit être déclarée recevable sans qu'il y ait lieu de répondre aux autres moyens de droit ; que, notamment, la prédominance invoquée du droit luxembourgeois plus restrictif ne saurait prévaloir dès lors qu'en matière d'indemnisation des victimes d'infraction par les CIVI, le législateur institue un droit général à réparation du dommage » (jugement entrepris, p. 3, § 4 s.) ;

Alors que les dommages subis par les participants à une opération de travaux publics, qui relèvent des règles d'ordre public de la responsabilité administrative du fait des travaux et ouvrages publics et ressortissent à ce titre à la compétence exclusive de la juridiction administrative, sont exclusifs de l'application de l'article 706-3 du code de procédure pénale ; qu'en jugeant néanmoins recevable la demande d'indemnisation des consorts I..., cependant qu'il résulte de ses constatations et des motifs réputés adoptés de la décision entreprise, que le dommage subi par M. I... résulte de l'explosion d'un transformateur de la centrale hydroélectrique de Golfech, qui a le caractère d'un ouvrage public, dans le cadre d'opérations de remise en route de ce transformateur auxquelles il participait en qualité de préposé de la société chargé du rembobinage de l'appareil, ce dont il résulte que le dommage subi à l'occasion d'une opération de travaux sur un ouvrage public, qui a le caractère d'un dommage de travaux public éligible aux règles d'ordre public de la responsabilité du fait des travaux publics et ressortissant à la compétence exclusive des juridictions administratives, est exclusif de l'application de l'article 706-3 du code de procédure pénale, la cour d'appel a violé ce texte.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt d'avoir, au visa des articles 706-3 du code de procédure pénale et 454-1 du code de la sécurité sociale, reçu les consorts I... en leurs demandes d'indemnisation de leurs préjudices au titre du régime d'indemnisation des victimes d'infractions ;

Aux motifs propres que « aux termes de l'article 706-3 du code de procédure pénale, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, lorsque sont réunies les conditions suivantes : 1° ces atteintes n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (n° 2000-1257 du 23 décembre 2000) ni de l'article L. 126-1 du code des assurances ni du chapitre Ter de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation et n'ont pas pour origine un acte de chasse ou de destruction des animaux susceptibles d'occasionner des dégâts ; 2° ces faits : - soit ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois ; - soit sont prévus et réprimés par les articles 222-22 à 222-30, 224-1 A à 224-1 C, 225-4-1 à 225-4-5, 225-5 à 225-10, 225-14-1 et 225-14-2 et 227-25 à 227-27 du code pénal ; 3° La personne lésée est de nationalité française ou les faits ont été commis sur le territoire national, la réparation peut être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de la victime ; qu'il est acquis que monsieur I..., de nationalité française, a été victime de blessures involontaires, entraînant une incapacité totale de travail personnel supérieure à trois mois, dans le cadre de son travail, employé alors par une société luxembourgeoise, et dont monsieur Y... a été déclaré coupable par jugement du tribunal correctionnel de Montauban en date du 5 novembre 2013 ; que force est donc de constater que la réalité de l'infraction exigée par l'article 706-3 est établie et que la victime ne bénéficie pas de la législation sociale française et excluant les accidents du travail du champ d'application dudit article - soit l'article L451-1 du code de la sécurité sociale- sauf exceptions édictées par l'article L454-1 du même code ; que la législation relative à l' indemnisation des victimes d'infraction par la CIVI est une loi d'application nécessaire excluant toute référence à un droit étranger, de manière fondée, la décision déférée a donc déclaré recevable les demandes des intimés et sans avoir à se référer à la législation sociale luxembourgeoise » (arrêt, p. 5, § 5 et s.) ;

Et aux motifs partiellement adoptés que « A n'en point douter, les circonstances de l'accident à l'origine du dommage subi par X... I... sont révélatrices d'une infraction pénale de blessures involontaires imputable à P... Y..., préposé EDF chargé de consignation sur le site et de la remise sous tension ; que de même, l'auteur de cette infraction, salarié de l'entreprise EDF est un tiers vis-à-vis de la victime X... I... préposé de la société luxembourgeoise AEW ; qu'en principe, cette situation de dommage causé par une personne autre que l'employeur de la victime relève des dispositions de l'article L 454-1 du code de la sécurité sociale offrant à celle-ci la possibilité de demander réparation de son préjudice conformément aux règles de droit commun ; que toutefois, en vertu de ce texte une jurisprudence élaborée de longue date par la cour suprême , notamment dans un arrêt rendu par sa chambre sociale le 18 avril 1991, et confirmé depuis lors exclut la victime de cette faculté d'agir en réparation dans les termes du droit commun en cas de réunion des conditions de travail en commun exécuté par la victime et l'auteur sous une autorité unique ; qu'à cet égard, souligne la chambre criminelle de la cour de cassation dans un arrêt du 11 octobre 2011, "il n'y a travail commun, limitant le dédommagement du salarié victime de l'accident et de ses ayants droit aux seuls réparations forfaitaires assurées par les prestations sociales, que lorsqu'il est constaté que les préposés de plusieurs entreprises travaillant simultanément dans un intérêt commun, sont placés sous une direction unique » ; qu'en revanche, lorsqu'il en est autrement, les victimes conservent le droit de demander réparation de leur préjudice, conformément au droit commun ; que dans le cas présent, à l'époque de la survenance des faits, le 15 octobre 2008, X... I... employé comme ingénieur commercial auprès d'une société luxembourgeoise, AEW intervient en qualité d'observateur mandaté par celle-ci pour assister à la remise en état d'un transformateur sur le site de la centrale hydroélectrique de GOLFECH, dans le cadre d'un contrat de commande de travaux de rebobinage par la société EDF ; qu'à l'occasion du remplacement des bobines retirées par la société luxembourgeoise AEW pour les réparer dans ses ateliers que X... I... dépêché sur les lieux en exécution de sa mission commerciale, était chargé d'observer le bon déroulement des opération de rebobinage et de remise du transformateur sous tension ; que l'examen attentif des diverses auditions recueillies dans la procès-verbal d'enquête pénale montrent que X... I..., présent sur le site en tant qu'observateur n'a pas pris part lui-même à la remise en service du transformateur, pour ne pas être habilité en sa qualité d'ingénieur commercial et non technicien à intervenir dans l'opération de rebranchement du réseau électrique ; que même à supposer que la simple présence observatrice de ce dernier puisse être assimilée à une supervision ou tout au moins à une participation active bien que cela ne ressorte nullement des documents contractuels et des différentes déclarations des autres intervenants, il reste que quel que soit le cas de figure aucun élément du dossier ne permet de retenir le placement de X... I... sous une direction unique ce jour-là ; qu'en d'autres termes, à la date de l'accident celui-ci n'est en rien subordonné à la société EDF et son poste d'observateur du déroulement des opérations de rebobinage réalisées par d'autres que lui résulte tout simplement de la mission commerciale que lui avait confiée son employeur luxembourgeois ; que dès lors, cette absence de direction unique exclut la notion de travail commun au sens traditionnellement retenu par la cour de cassation (chambre sociale 18 avril 1991, 15 février 1989, 7 novembre 1991, 8 juin 1995, 24 mars 1971 chambre criminelle 11 octobre 2011) "La direction commune, élément constitutif de la notion de travail en commun implique nécessairement une concertation préalable des représentants des entreprises concernées sur la façon d'accomplir une tâche déterminée, de manière simultanée" précise à maintes reprise la chambre sociale de la cour suprême ; que manifestement, tel n'est pas le cas ici au regard des stipulations contractuelles de la convention conclue entre EDF et AEW ; qu'au demeurant les requérants soulignent à bon escient que X... I... ingénieur commercial en charge du développement de l'activité commerciale de AEW en France ne pouvait intervenir en tant que technicien sur les divers sites visités ; qu'il s'ensuit qu'à défaut d'avoir été soumis à une direction unique en tant qu'observateur du déroulement des opérations de remise en fonctionnement du transformateur, X... I... est en droit de revendiquer sur le fondement de l'article L 454-1 du code de la sécurité sociale, la réparation de son préjudice conformément aux règles de droit commun ; que c'est pourquoi le saisine de la commission d'indemnisation par les consorts I... doit être déclarée recevable sans qu'il y ait lieu de répondre aux autres moyens de droit ; que, notamment, la prédominance invoquée du droit luxembourgeois plus restrictif ne saurait prévaloir dès lors qu'en matière d'indemnisation des victimes d'infraction par les CIVI, le législateur institue un droit général à réparation du dommage » (jugement entrepris, p. 3, § 4 s.) ;

Alors que la victime d'un accident du travail, affiliée à un régime de sécurité sociale étranger et prise en charge à ce titre, n'a droit à l'indemnisation de son dommage au titre du régime français d'indemnisation des victimes d'infractions qu'autant que le droit de l'Etat du régime auquel elle est affiliée lui ouvre un recours de droit commun à l'encontre du responsable ; qu'en jugeant la demande d'indemnisation des consorts I... recevable sans qu'il y ait lieu de se référer aux règles luxembourgeoises relatives aux accidents du travail au titre desquelles le dommage de M. I... était pris en charge, pour vérifier si ce droit ouvrait à M. I... un recours fondé sur le droit commun à l'encontre du responsable, la cour d'appel a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale et l'article 13-2, a, du règlement CE n° 1408/71 du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-10451
Date de la décision : 07/03/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 05 juillet 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 07 mar. 2019, pourvoi n°18-10451


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Delvolvé et Trichet, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.10451
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