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07/03/2019 | FRANCE | N°18-10152

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 07 mars 2019, 18-10152


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième à quatrième branches, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 17 octobre 2017), que la société civile immobilière L'Essor (la SCI), dont les deux associés sont M. E... et Mme Y..., a donné à bail divers locaux à M. C... en juillet 2002 ; qu'invoquant un trop-payé au titre de sa consommation électrique, M. C... a fait assigner la SCI en référé en 2010 et 2011 aux fins d'expertise ; qu'après le dépôt du rapport d'expertise

, il a fait assigner au fond la SCI par acte du 15 mai 2013, puis ses associés par a...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième à quatrième branches, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 17 octobre 2017), que la société civile immobilière L'Essor (la SCI), dont les deux associés sont M. E... et Mme Y..., a donné à bail divers locaux à M. C... en juillet 2002 ; qu'invoquant un trop-payé au titre de sa consommation électrique, M. C... a fait assigner la SCI en référé en 2010 et 2011 aux fins d'expertise ; qu'après le dépôt du rapport d'expertise, il a fait assigner au fond la SCI par acte du 15 mai 2013, puis ses associés par acte du 9 juillet 2014, la SCI soutenant avoir perdu la personnalité morale depuis le 1er novembre 2002 faute d'avoir été immatriculée au registre du commerce et des sociétés dans le délai prévu par l'article 44 de la loi du 15 mai 2001 ;

Attendu que M. C... fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite son action à l'encontre de M. E... et Mme Y... ;

Mais attendu qu'ayant relevé que M. C... avait eu connaissance du caractère indu des paiements litigieux le 21 novembre 2008, soit plus de cinq ans avant l'assignation délivrée aux associés de la SCI, et retenu à bon droit que les demandes en justice adressées à la société, même dépourvue de personnalité morale, n'avaient pu interrompre la prescription à l'égard des deux associés, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la première branche du moyen unique, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. C... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. C... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour M. C...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'action exercée par M. B... C... contre M. N... E... et Mme J... Y... ;

AUX MOTIFS QU' « il résulte de l'article 2224 du code civil que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; en l'espèce, M. C... ne pouvait exercer son droit contre les anciens associés de la SCI avant d'avoir connu, ou dû connaître, d'une part qu'il avait payé des sommes indues, et d'autre part qu'il n'avait pas pour débiteur la SCI avec qui il avait contracté, mais en réalité les associés de celle-ci ; il est constant que la SCI L'Essor avait encore la personnalité morale à la date de signature du bail, soit le 27 juillet 2002, et qu'elle l'a perdue seulement ensuite, le 1er novembre 2002, faute d'avoir accompli les formalités d'inscription au registre du commerce et des sociétés dans le délai imparti à l'article 44 de loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques ; s'agissant de la connaissance de l'indu, le premier juge, par des motifs que la cour adopte, a exactement relevé que M. C... n'a pu avoir connaissance du caractère indu des paiements litigieux qu'à la date de la première facture d'électricité faisant apparaître sa consommation réelle, soit le 21 novembre 2008 ; cependant, dès cette même date, il était possible à M. C... de savoir que la SCI n'avait plus la personnalité morale, en consultant le registre du commerce et des sociétés et en constatant qu'elle n'y était pas immatriculée, ainsi que le soutiennent les intimés ; la prescription de l'action de M. C... contre les associés de la SCI a donc commencé à courir dès le 21 novembre 2008, de sorte que le délai de cinq ans était échu lorsqu'il a dirigé son action pour la première fois contre les associés, le 9 juillet 2014 ; la cour ne peut retenir que les associés seraient irrecevables à invoquer la prescription pour avoir fautivement dissimulé la perte de personnalité morale de la société civile au cours des procédures antérieures puis devant le premier juge jusqu'au mois de juillet 2014, dès lors qu'il n'est pas établi ni qu'ils en avaient eux-mêmes connaissance avant cette date, ni, au surplus, que cette dissimulation eût été fautive ; de même, la cour ne peut que rejeter le moyen tiré de l'article 1844-16 du code civil, selon lequel les associés ne peuvent se prévaloir d'une nullité à l'égard des tiers de bonne foi, dès lors que la perte de la personnalité morale par l'effet de la loi ne peut être assimilée à la nullité de la société ; la cour ne peut mieux considérer que M. C... aurait interrompu à plusieurs reprises la prescription contre M. E... lorsque celui-ci a reçu les actes destinés à la SCI en sa qualité de gérant, ni accessoirement que, par ricochet, il aurait aussi interrompu la prescription à l'égard de Mme Y..., prise comme codébitrice solidaire au sens de l'article 2245 du code civil, dès lors que l'acte destiné à une personne morale ne peut interrompre la prescription qu'à l'égard de celle-ci, et non à l'égard de la personne physique qui la représente et qui n'en est pas lui-même destinataire ; en conséquence, le jugement sera infirmé pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action exercée par M. C... contre M. N... E... et Mme J... Y... » (cf. arrêt p.4, sur la prescription – p.5, §7) ;

1°/ ALORS QUE nul n'est censé ignorer la loi ; qu'en ayant énoncé que M. N... E... et Mme J... Y... ne seraient pas irrecevables à invoquer la prescription pour avoir fautivement dissimulé la perte de personnalité morale de la société civile au cours des procédures antérieures puis devant le premier juge jusqu'au mois de juillet 2014 dès lors qu'il n'est pas établi ni qu'ils en avaient eux-mêmes connaissance avant cette date, ni, au surplus, que cette dissimulation eut été fautive, alors que ces considérations étaient indifférentes au regard du principe « selon lequel nul n'est censé ignorer la loi », la cour d'appel a statué par des motifs inopérants en violation dudit principe ;

2°/ (Subsidiaire) ALORS QUE la personne qui crée l'apparence à l'égard d'un tiers d'une société dont il serait l'un des associés est tenue des obligations contractées envers ce tiers ; qu'aussi, les associés d'une SCI cocontractante d'un contrat de bail avant de perdre la personnalité morale faute d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, ne saurait opposer au preneur, dans le cadre d'une action en répétition de l'indu versé à la société dirigée à leur encontre, l'inexistence de la société pour voir privées d'effet interruptif de prescription les actions en référé engagées à l'encontre de la société avant la révélation, par les défendeurs et lors de l'instance au fond, de l'absence de personnalité morale de celle-ci ; qu'en décidant du contraire pour accueillir la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par M. E... et Mme Y..., associés de la SCI L'Essor, en raison de l'absence d'effet interruptif de prescription des actions en référé préalablement engagées par M. C... à l'encontre de la SCI, quand elle relevait que la SCI L'Essor avait la personnalité morale lors de la conclusion du contrat mais l'avait perdue quelques mois plus tard et que le contrat avait été exécuté pendant de nombreuses années, de sorte que la SCI avait continué à percevoir des loyers et que les défendeurs n'avaient révélé l'absence de personnalité morale de celle-ci qu'en 2014, lors de l'instance au fond, soit plus de cinq ans après le dommage, point de départ de la prescription et après avoir agi comme représentants de la personne morale au cours des procédures antérieures, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 1844-16, 1872-1, 1873 et 2241 du code civil ;

3°/ ALORS QU'en tout état de cause, sont interruptives de prescription à l'égard des associés qui la représentent, les actions engagées par le cocontractant d'une personne morale devenue inexistante juste après la conclusion d'un contrat de bail exécuté pendant de nombreuses années avec la personne morale, lorsque les associés ont agi au cours de ces procédures comme représentants de la personne morale et ont ainsi permis la croyance légitime du tiers de bonne foi en l'existence de celle-ci ; que pour juger prescrite l'action en répétition de l'indu versé à la SCI l'Essor, exercée en 2014 par M. C..., locataire, à l'encontre des associés de la SCI, en raison de l'absence d'effet interruptif de prescription des actions en référé

préalablement engagées à l'encontre de la SCI, la cour d'appel a considéré que M. C... aurait dû, dès 2008 date du point de départ de la prescription, consulter le registre du commerce et des sociétés pour être informé de la disparition de la personnalité morale de la SCI L'Essor depuis 2002, peu important que les associés de la SCI aient, eux-mêmes, légitimement selon la cour d'appel, ignoré la disparition de la SCI jusqu'en 2014, date à laquelle ils ont révélé son inexistence et opposé une fin de non recevoir tirée de la prescription ; qu'en statuant de la sorte, quand elle relevait que la SCI avait la personnalité morale lors de la conclusion du contrat de bail en juillet 2002 lequel avait toujours été exécuté et les loyers étant alors perçus par la SCI, la cour d'appel qui n'a pas expliqué en quoi la croyance de M. C... n'était pas légitime et quelles circonstances douteuses auraient dû l'amener à vérifier l'existence de la SCI lors de l'introduction des procédures à son encontre, a privé sa décision de base légale au regard des articles 224 et 2241 du code civil ;

4°/ ALORS QUE, enfin et en tout état de cause, sont interruptives de prescription à l'égard des associés qui la représentent, les actions engagées par le cocontractant d'une personne morale inexistante lorsque les associés ont agi au cours de ces procédures comme représentants de la personne morale et ont ainsi permis, volontairement ou non, la croyance légitime du tiers en l'existence de la personne morale ; qu'en retenant, pour juger prescrite l'action exercée en 2014 par M. C... à l'encontre des gérants de la SCI L'Essor, en raison de l'absence d'effet interruptif de prescription des actions préalables engagées à l'encontre de la SCI inexistante, qu'il n'était pas démontré que la dissimulation de l'inexistence de la société par ses gérants eut été fautive ni même qu'ils avaient connaissance de cette inexistence, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants en violation des articles 2224 et 2241 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-10152
Date de la décision : 07/03/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 17 octobre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 07 mar. 2019, pourvoi n°18-10152


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.10152
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