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06/03/2019 | FRANCE | N°18-14451

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 06 mars 2019, 18-14451


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 27 avril 1999, M. V... A... a acquis un bien immobilier à Hendaye pour le prix de 198 183,72 euros ; que, le 15 septembre 2006, il a cédé la moitié indivise de ce bien à M. J... L... pour le prix de 150 000 euros ; que soutenant que l'immeuble avait été sous-évalué, M. V... A... a engagé une action en rescision pour

lésion ; que M. J... L... a formé une demande reconventionnelle en partage de l'in...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 27 avril 1999, M. V... A... a acquis un bien immobilier à Hendaye pour le prix de 198 183,72 euros ; que, le 15 septembre 2006, il a cédé la moitié indivise de ce bien à M. J... L... pour le prix de 150 000 euros ; que soutenant que l'immeuble avait été sous-évalué, M. V... A... a engagé une action en rescision pour lésion ; que M. J... L... a formé une demande reconventionnelle en partage de l'indivision et sollicité le rejet des débats des conclusions de M. V... A... déposées la veille de l'ordonnance de clôture ainsi que des pièces annexées ;

Attendu que, pour dire que la cour d'appel statuera au vu des conclusions déposées par M. V... A... le 10 mars 2015 et des soixante-neuf pièces visées dans le bordereau de communication annexé auxdites écritures, l'arrêt retient que les pièces numérotées 23 à 56 ont été communiquées par M. V... A... à l'appui de dires adressés à l'expert ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'expert n'avait pas écrit dans son rapport avoir reçu, à l'appui des dires de M. V... A... , les pièces numérotées 47 à 56, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce rapport et violé le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare l'appel recevable, l'arrêt rendu le 29 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne M. V... A... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour M. J... L...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la cour statuera au vu des conclusions déposées par Monsieur V... A... le 10 mars 2015 et des pièces telles que visées dans le bordereau de communication de pièces annexé auxdites écritures et listant 69 pièces ;

Aux motifs que, « s'agissant des pièces telles que visées dans le bordereau de communication de pièces annexé auxdites écritures du 10 mars 2015 et listant 69 pièces, la Cour constate :

- d'une part, que les pièces portant les numéros 1 à 22 ont été régulièrement communiquées par Monsieur V... A... dans le cadre de la procédure de première instance ;

- d'autre part, que les pièces numérotées 23 à 56 avaient été précédemment communiquées par Monsieur V... A... à l'appui de dires qu'il avait adressés à l'expert Madame R... ;

- enfin, que les pièces numérotées 57 à 69 n'ont fait l'objet d'aucun incident visant à faire constater qu'elles n'auraient pas été communiquées simultanément à la notification par Monsieur V... A... de ses conclusions du 10 mars 2015 ;

Que de ces observations, il s'évince que la production par Monsieur V... A... des 69 pièces telles que visées dans le bordereau de communication de pièces annexé à ses conclusions du 10 mars 2015 n'a porté atteinte ni au principe de la contradiction édicté par les articles 15 et 16 du Code de Procédure Civile, ni aux prescriptions de l'article 906 dudit code, de sorte que lesdites pièces seront jugées parfaitement recevables, et qu'il en sera tenu compte lors de l'examen des prétentions qu'elles sont censées justifier » ;

Alors que, d'une part, le juge ne peut méconnaître le sens clair et précis d'un rapport d'expertise ; qu'en jugeant que les pièces numérotées 23 à 56 avaient été régulièrement communiquées par Monsieur V... A... à l'appui des dires qu'il avait adressés à l'expert Madame R... (arrêt, p. 9), quand il ressort pourtant de la lecture des termes clairs et précis du rapport d'expertise de Madame R... que les pièces numérotées 47 à 56 ne lui ont pas été communiquées (rapport d'expertise, pp. 7 à 9), la cour d'appel, qui a dénaturé le rapport d'expertise, a violé l'article 1192 du code civil ;

Alors que, d'autre part, le conseiller de la mise en état n'est pas compétent pour écarter des débats les pièces, invoquées au soutien des prétentions, qui ne sont pas communiquées simultanément à la notification des conclusions, la cour d'appel étant seule compétente pour statuer sur ce point ; qu'en l'espèce, Monsieur J... L... faisait valoir qu'aucune pièce ne lui avait été communiquée par Monsieur V... A... , malgré sommation qui lui a été faite le 3 mai 2016 (conclusions, p. 26 et s.) ; qu'en jugeant que les pièces numérotées 57 à 69 n'ont fait l'objet d'aucun incident visant à faire constater qu'elles n'auraient pas été communiquées simultanément à la notification de Monsieur V... A... de ses conclusions du 10 mars 2015 (arrêt, p. 9), la cour d'appel, qui aurait dû se prononcer sur cette demande de rejet de pièces pour non communication simultanée à la notification des conclusions, a violé les articles 15, 16 et 906 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Monsieur V... A... sera redevable d'une indemnité d'occupation à compter du mois de janvier 2008 et jusqu'à la licitation de l'immeuble ou la libération effective des lieux d'une somme mensuelle de 1.500 euros ;

Aux motifs que, « 2) Sur l'indemnité d'occupation réclamée à Monsieur V... A... :

Attendu qu'à cet égard, la Cour constate :

- que Monsieur V... A... reconnaît avoir vécu seul dans l'immeuble indivis depuis 2008 ;

- que pour s'opposer au versement d'une indemnité d'occupation, Monsieur V... A... oppose le fait que durant la période comprise entre 1999 et 2006, Monsieur J... L... aurait occupé l'immeuble d'[...] dont lui seul était alors propriétaire, et ce totalement gratuitement, sans avoir participé aux frais et charges de l'immeuble bâti ;

Attendu que la position ainsi soutenue par Monsieur V... A... ne saurait emporter la conviction de la Cour dans la mesure où :

- le fait pour Monsieur J... L... d'avoir été hébergé gracieusement par Monsieur V... A... dans la villa d'[...] dont ce dernier était alors seul propriétaire, est totalement étranger aux rapports entre coïndivisaires, de sorte que l'avantage en nature ainsi procuré à l'appelant qui conteste formellement avoir habité dans l'immeuble, dont s'agit au cours de la période considérée, ne saurait se compenser avec la jouissance gratuite du bien devenu indivis dont Monsieur V... A... a pu profiter à tout le moins depuis 2008 ;

- il est certain qu'à aucun moment Monsieur J... L... n'a eu la jouissance exclusive de l'immeuble indivis ;

Qu'au vu de ces observations, il convient :

- de juger Monsieur V... A... redevable d'une indemnité d'occupation à l'égard de l'indivision, et ce :

* à compter du mois de janvier 2008 et jusqu'à la licitation de l'immeuble ou la libération effective des lieux, faute pour celui-ci de pouvoir démontrer qu'il a fait changer les clés de l'immeuble fin 2008, comme il le prétend

* sur la base d'une somme mensuelle de 1500 € par référence à la valeur locative du bien telle que déterminée en fonction des revenus locatifs que pouvait générer le bien (estimés par Madame R... à la somme de 1647 € par mois), tout en tenant compte du caractère précaire de l'occupation

- de confirmer et de compléter en ce sens le jugement querellé » ;

Alors que le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motif ; que dans ses conclusions d'appel, Monsieur J... L... demandait que l'indemnité d'occupation soit indexée (conclusions, p. 14 et p. 28 de son dispositif) ; qu'en se bornant à juger que Monsieur V... A... sera redevable d'une indemnité d'occupation de 1.500 euros par mois à compter du mois de janvier 2008 et jusqu'à la licitation de l'immeuble ou la libération effective des lieux, sans répondre aux conclusions de Monsieur J... L... qui sollicitait que cette somme soit indexée, la cour d'appel a privé sa décision de motif, violant l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que Monsieur V... A... sera créancier envers l'indivision V... A.../J... L... de la somme de 167.400 euros au titre des travaux ayant amélioré l'immeuble indivis d'Hendaye ;

Aux motifs que, « 4) Sur la demande de Monsieur V... A... au titre de la plus-value procurée à l'immeuble indivis d'[...] :

Attendu que des investigations menées par Madame R..., il ressort que postérieurement à l'acte du 15 septembre 2006, l'immeuble d'[...] devenu indivis a fait l'objet de travaux d'amélioration :

- lui ayant procuré une plus-value de 197.400 €, correspondant à la différence existant entre la valeur du bien en l'état 2013 telle que fixée par l'expert à la somme de 548.400 € (valorisation précédemment retenue par la Cour), et la valeur du bien en l'état 1999 soit avant travaux, telle que fixée par l'expert à la somme de 351.000 € ;

- travaux qui à l'exception d'une somme de 30.000 € correspondant au coût de construction d'une piscine, ont intégralement été payés par Monsieur V... A... ;

Attendu que le financement par Monsieur V... A... de travaux venus améliorer l'immeuble indivis d'[...], le rend créancier de l'indivision à concurrence de la somme de 167.400 € par lui investie, et ce :

- en application de l'article 815-13 du Code Civil

- sans que la plus-value ainsi apportée par Monsieur V... A... ne puisse modifier la répartition des droits patrimoniaux relatifs à l'immeuble indivis d'[...], sur lequel les copropriétaires indivis que sont Monsieur V... A... et Monsieur J... L... sont titulaires de droits égalitaires dans la proportion de la moitié chacun ;

Qu'au vu de ces éléments, il convient :

- de juger Monsieur V... A... créancier envers l'indivision V... A... / J... L... de la somme de 167.400 € au titre des travaux ayant amélioré l'immeuble indivis d'[...] ;

- de décider que le prix résultant de la licitation de l'immeuble indivis d'[...] sera partagé par moitié entre Monsieur V... A... et Monsieur J... L... ;

- de réformer en ce sens le jugement attaqué » ;

Alors que, d'une part, le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en jugeant qu'il ressortait des termes du rapport d'expertise de Madame R... que « postérieurement à l'acte du 15 septembre 2006, l'immeuble d'Hendaye devenu indivis a fait l'objet de travaux d'amélioration » ayant entraîné une plus-value pouvant être fixée à la somme de 197.400 euros, quand Madame R..., dans son rapport d'expertise, indiquait pourtant très clairement que cette plus-value de 197.400 euros résultait d'une comparaison de la valeur de la propriété en 2013 « après travaux » avec la valeur de cette même propriété en 1999 « avant travaux » (rapport, p. 37), ce dont il ressortait que cette plus-value n'avait pas été induite par des travaux postérieurs au 15 septembre 2006, date de création de l'indivision, et dont l'indivision serait donc redevable, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise, a violé l'article 1192 du code civil ;

Alors que, d'autre part, lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation ; qu'en l'espèce, en retenant, pour juger que l'immeuble indivis aurait fait l'objet de travaux d'amélioration postérieurement à l'acte du 15 septembre 2006, justifiant une créance au profit de Monsieur V... A... d'un montant de 167.400 euros pour la plus-value créée, qu'elle résultait d'une différence entre la valeur de la propriété en 2013, après travaux, avec celle de cette même propriété en 1999, avant travaux, ce dont il résultait que cette plus-value ne pouvait avoir sa cause dans aucuns travaux postérieurs à 2013, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 815-13 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-14451
Date de la décision : 06/03/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 29 janvier 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 06 mar. 2019, pourvoi n°18-14451


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.14451
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