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06/03/2019 | FRANCE | N°17-19683

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 mars 2019, 17-19683


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance de Paris, 4 mai 2017), prise en la forme des référés, que le 10 janvier 2017, les membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du périmètre Nord de la société La Halle (le CHSCT) ont voté le recours à une expertise ; que par acte signifié le 19 janvier suivant, la société La Halle (la société) a assigné le CHSCT devant le président du trib

unal de grande instance ;

Attendu que le CHSCT fait grief à l'ordonnance d'annuler...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance de Paris, 4 mai 2017), prise en la forme des référés, que le 10 janvier 2017, les membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du périmètre Nord de la société La Halle (le CHSCT) ont voté le recours à une expertise ; que par acte signifié le 19 janvier suivant, la société La Halle (la société) a assigné le CHSCT devant le président du tribunal de grande instance ;

Attendu que le CHSCT fait grief à l'ordonnance d'annuler la délibération du 10 janvier 2017 alors, selon le moyen, qu'en se contentant de relever que les fonctions ajoutées étaient inhérentes aux postes concernés, sans vérifier si les changements ainsi opérés induisaient une modification importante des conditions de travail, le tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4614-12 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant retenu, pour annuler la délibération du CHSCT, que s'il n'était pas contesté par la société que les nouvelles fiches de poste modifiaient les anciennes en ce qu'elles venaient apporter davantage de précisions aux différentes tâches à accomplir, il n'en demeurait pas moins que le CHSCT n'apportait pas la preuve que ces reformulations de fiches de postes modifieraient de manière substantiellement importante les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, en termes d'intensification des charges de travail, qu'elles n'avaient aucune incidence sur la rémunération, les titres de fonctions ou de métiers, la discipline, la responsabilité ainsi que les horaires ou les conditions de travail, le président du tribunal de grande instance a légalement justifié sa décision ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres griefs du moyen ci-après annexé, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société La Halle aux dépens ;

Vu l'article L. 4614-13 du code du travail, la condamne à payer la somme de 3 500 euros TTC à la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour le CHSCT magasins périmètre Nord

Le moyen fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR annulé la délibération du CHSCT du 10 janvier 2017 par laquelle le CHSCT a désigné un expert dans le cadre des dispositions de l'article L. 4614-12 du code du travail ;

AUX MOTIFS QUE les membres du CHSCT demandent une expertise de l'article L. 4614-12 du Code du travail ; que selon eux, les changements de fiche de poste constitueraient des modifications importantes des conditions de travail nécessitant le recours à cette expertise ; que constitue un projet suffisamment important pour recourir à un expert agréé le projet qui aboutit à la définition d'un nouveau métier, notamment sur le plan logistique, dont les orientations sont définies, la durée programmée, la date de mise en oeuvre prévue et qui concerne une majorité de postes du service concerné ; qu'il convient donc de s'interroger sur le fait de savoir si les modifications de fiche de poste litigieuses font l'objet d'un projet important qui entraîne une transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit onde l'organisation du travail suivant les dispositions de l'article L. 4612-8-1 ; que le CHSCT compare les anciennes fiches de poste aux nouvelles litigieuses et considère que la nouvelle formulation des tâches à accomplir modifierait les conditions de travail des salariés ; que la modification, de la fiche de poste de "directeur de magasin" passe de "gestion administrative" à "améliorer la performance et la rentabilité du magasin" ce qui engendrerait selon les membres élus du CHSCT, une augmentation de la pression vécue par les salariés dans un contexte économique défavorable ; que le CHSCT cite également le changement de fiche de poste de "l'adjoint de direction" qui avait au sein de ses différentes prérogatives "la gestion des flux de marchandises" et qui est reformulée en "participer à l'amélioration de la performance du magasin" ; que cette nouvelle formulation aurait pour conséquence selon le CHSCT, de décharger l'employeur de ses responsabilités ; que les fonctions de "directeur commercial" se voient également redéfinies avec des précisions sur les tâches à effectuer au sein de leur nouvelle fiche de poste tel que "garantir le climat social du magasin " ou encore "garantir la mise en oeuvre du plan d'actions commerciales" ce qui engendrerait un changement déterminant des conditions de travail des salariés selon les membres élus du CHSCT ; qu'enfin, les postes "d'adjoint de direction" et de "conseillers clientèles" sont également redéfinis avec en conséquences de nouvelles précisions sur les tâches à accomplir ; que ces dernières modifications sont également contestées par le CHSCT car elles entraîneraient la mise en place de nouvelles tâches sans constituer pour autant de simples éclaircissements ; que contrairement aux premières objections de la direction de la société LA HALLE, il est d'abord suffisamment explicite que ce recours à expertise est motivé par la notion de projet important et non par celle de risque grave ; que s'il n'est pas contesté par la Direction de la société LA HALLE, que les nouvelles fiches de poste modifient les anciennes en ce qu'elles viennent apporter davantage de précisions aux différentes tâches à accomplir, il n'en demeure pas moins que le CHSCT n'apporte pas la preuve concrète que ces reformulations de fiches de postes modifieraient de manière substantiellement importante les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, en termes d'intensification des charges de travail ; que le CHSCT se contente de lister les différences entre les nouvelles fiches de poste et les anciennes sans apporter la preuve de faits ou d'éléments précis occasionnant des modifications des conditions de travail et permettant de justifier le recours à une expertise ; que ces reformulations n'ont aucune incidence sur la rémunération, les titres de fonctions ou de métiers (directeur de magasin, Adjoint de direction de magasin, Conseiller de clientèle, Merchandiseur), la discipline, la responsabilité ainsi que les horaires ou les conditions de travail ; que les fonctions consistant à avoir le souci de la performance et de la rentabilité en ce qui concerne le chiffre d'affaires, à garantir le bon climat social de son établissement, à s'assurer du bon niveau de contribution de chaque collaborateur au projet d'établissement, à garantir la déclinaison locale d'actions commerciales, à se conformer aux contraintes le cas échéant nouvelles d'ouverture et de fermeture du magasin, à mettre en oeuvre les inventaires et les éventuels audits internes, à maîtriser les charges locales, à garantir la valeur du stock, à participer à tous échanges transversaux au sein de l'entreprise, à représenter son établissement au sein de son environnement local sont totalement inhérentes aux fonctions de Directeur commercial ou à l'adjoint de direction ; que les fonctions consistant à contribuer au développement du chiffre d'affaires, à développer ses connaissances nécessaires à ses attributions, à consulter les procédures internes et leurs actualisations et à se tenir informé des tendances et de la mode apparaissent non moins conformes au poste de Conseiller de clientèle ; que ces reformulations procèdent donc d'une simple restructuration de l'ensemble de l'encadrement et des fonctions de contact avec la clientèle ; qu'en outre, afin qu'un recours à une expertise puisse être envisagé par un CHSCT, ce dernier se doit d'adopter une motion précisant le contenu de la mission qui sera confiée à l'expert ; qu'il incombe en effet au CHSCT de spécifier la teneur des impacts qu'il estime résulter de ce projet argué d'important et non à l'expert désigné d'en identifier les causes alors qu' il n'est chargé que d'en d'étudier les causes et les conséquences ; qu'or en l'espèce, la délibération du CHSCT votant le recours à expertise entend justifier ce recours par la crainte d'un « accroissement des risques psychosociaux » et demande à l'expert désigné de « proposer au CHSCT des pistes de recommandation afin de s'inscrire dans une démarche de prévention des risques identifiés » ; que le CHSCT n'apporte ainsi aucun élément précis s'agissant du contenu de l'expertise ; que la mission de l'expert n'est donc pas suffisamment spécifiée et ne permet pas à la société LA HALLE de connaître les intentions du CHSCT ; qu'il ressort en définitive de ce qui précède, que le CHSCT n'a pas justifié du bien fondé et de la nécessité du recours à ce type d'expertise ; qu'en conséquence, la délibération litigieuse de recours à expert du CHSCT en date du 10 janvier 2017 sera annulée ;

1°) ALORS QUE en affirmant que les nouvelles fiches de poste des directeurs de magasin ne comportaient que des changements de formulation, sans répondre au moyen par lequel le CHSCT faisait valoir que l'usage du verbe garantir avait pour effet d'imposer aux directeurs de magasin des objectifs jusque-là inexistants et, d'autre part, figuraient dans leurs fiches de poste des tâches qui ne figuraient pas dans la précédente version, le tribunal de grande instance a privé sa décision de motifs en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE en se contentant de relever que les fonctions ajoutées étaient inhérentes aux postes concernés, sans vérifier si les changements ainsi opérés induisaient une modification importante des conditions de travail, le tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4614-12 du code du travail ;

3°) ALORS QUE le CHSCT exposant faisait valoir que les changements réalisés dans les fiches des postes des directeurs de magasin, des adjoints de direction et des chargés de clientèle opéraient une transformation des postes de travail et une modification des conditions de travail des salariés concernés d'autant plus importantes que les nouvelles tâches étaient impossibles à réaliser ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, le tribunal de grande instance a privé sa décision de motifs en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agrée en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ; qu'en reprochant au CHSCT de ne pas avoir donné suffisamment d'indications sur le contenu de l'expertise et le risque encouru par les salariés dans la délibération portant désignation de l'expert, le tribunal de grande instance a ajouté à la loi une condition qui n'y figure pas et partant a violé l'article L. 4614-12 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-19683
Date de la décision : 06/03/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Paris, 04 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 mar. 2019, pourvoi n°17-19683


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.19683
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