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06/03/2019 | FRANCE | N°17-18262

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 mars 2019, 17-18262


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 488, alinéa 1, du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu en référé, que la société Mbsi, titulaire depuis le 1er février 2014 du marché du contrôle des accès routiers, de la protection et de la sécurité des urgences du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre, a engagé M. I... en qualité de responsable de la sécurité des personnes et des biens sur l'ensemble du site du centre hospitalier ;

que le marché a été attribué à la société Kobra sécurité à compter du 1er janvier 2016...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 488, alinéa 1, du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu en référé, que la société Mbsi, titulaire depuis le 1er février 2014 du marché du contrôle des accès routiers, de la protection et de la sécurité des urgences du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre, a engagé M. I... en qualité de responsable de la sécurité des personnes et des biens sur l'ensemble du site du centre hospitalier ; que le marché a été attribué à la société Kobra sécurité à compter du 1er janvier 2016 ; que le salarié étant titulaire de mandats de délégué du personnel et de délégué syndical, la société Mbsi a, par une lettre du 29 décembre 2015, demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de transférer son contrat de travail à la société Kobra sécurité ; que cette demande a été acceptée le 29 janvier 2016 ; que son contrat de travail n'ayant pas été repris par la société Kobra sécurité, le salarié a saisi la juridiction prud'homale par assignation en référé du 1er février 2016 pour obtenir que soit ordonné le transfert de son contrat de travail et que soit en conséquence prononcée sa réintégration dans la société Kobra sécurité ; qu'il a également saisi la juridiction prud'homale au fond le 28 avril 2016, afin d'obtenir la condamnation de la société Kobra sécurité à lui payer une somme à titre de dommages et intérêts pour refus de transfert du contrat de travail et une somme à titre de rappel de salaires depuis janvier 2016 ; que par décision du 18 janvier 2017, il a été débouté de toutes ses demandes au fond ;

Attendu que pour juger recevable la demande de réintégration du salarié, l'arrêt retient que l'autorité de chose jugée attachée à ce jugement sur le fond ne porte que sur le dispositif de cette décision, c'est-à-dire sur des demandes de dommages et intérêts, mais non sur la demande de réintégration du salarié protégé ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la demande de réintégration était fondée sur la contestation du refus de transfert du contrat de travail, laquelle a été tranchée par le jugement du 18 janvier 2017, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevable la demande de dommages et intérêts de M. I... en raison de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre en date du 18 janvier 2017, l'arrêt rendu le 20 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de réintégration ;

Condamne M. I... aux dépens devant la Cour de cassation et les juges du fond ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Kobra sécurité

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué, rendu en référé, D'AVOIR ordonné la réintégration de M. I... au sein de la société Kobra sécurité dans le délai de quinze jours à compter de son arrêt sous astreinte de 150 €

par jour de retard passé ce délai ;

AUX MOTIFS QUE les pouvoirs de la formation de référé sont définis par les articles R 1455-5 et suivants du code du travail, lesquels sont libellés comme suit : « Dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. La formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, elle peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire» ; qu'en l'espèce, M. I..., salarié protégé au sein de la Société MBSI, verse au débat une décision de l'inspectrice du travail en date du 29 janvier 2016, visant non seulement la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité, mais également l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel ; que dans cette décision, après avoir relevé que M. I... avait un contrat de 151,67 heures et travaillait exclusivement sur le site du CHU de Pointe à Pitre, en tant que responsable de site, qu'il justifiait d'une carte professionnelle valable jusqu'au 21 septembre 2019, qu'il satisfaisait à l'intégralité des conditions conventionnelles de transfert des entreprises de prévention et de sécurité, l'inspectrice du travail acceptait la demande de transfert de M. I... ; qu'il ressort également des pièces de la procédure que si la Société KOBRA SECURITE a saisi le juge des référés de la juridiction administrative, d'une demande de suspension de l'exécution de la décision de l'inspectrice du travail, cette demande a été rejetée par décision du 29 mars 2016, après qu'il ait été constaté par le juge des référés qu'aucun des moyens invoqués par la Société KOBRA SECURITE n'était de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; que par ailleurs si par jugement du 18 janvier 2017, le conseil de prud'hommes, statuant au fond, a débouté M. I... de ses demandes dirigées contre la Société KOBRA SECURITE, tendant à voir condamner celle-ci a lui payer la somme de 524 000 euros à titre de dommages et intérêts pour refus de transfert du contrat de travail et préjudice matériel et moral subi depuis le 1er janvier 2016, outre 59 471, 34 euros au titre des salaires depuis janvier 2016, ce jugement étant frappé d'appel, il y a lieu de relever que l'autorité de chose jugée attachée à ce jugement sur le fond, même non définitif, en application de l'article 480 du code de procédure civile, ne porte que sur le dispositif de cette décision, c'est-à-dire sur des demandes de dommages et intérêts, mais non sur la demande de réintégration du salarié protégé ; que le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, remettre en cause l'appréciation de l'autorité administrative, qui, après avoir vérifié que M. I... satisfaisait à l'intégralité des conditions conventionnelles de transfert des entreprises de prévention et de sécurité, a autorisé le transfert du contrat de travail de la Société MBSI à la Société KOBRA SECURITE ; qu'ainsi aucune contestation sérieuse ne pouvant s'élever devant le juge judiciaire quant aux conditions de transfert du contrat de travail de M. I..., la demande de réintégration de M. I... au sein de la Société KOBRA SECURITE présentée devant le juge des référés judiciaire est recevable et fondée, étant relevé que la condition d'urgence est manifestement établie, dans la mesure où il résulte du courrier adressé par le service social départemental au Secours Catholique que depuis le 31 décembre 2015, M. I... est sans revenu, ne pouvant prétendre aux indemnités de perte d'emploi, et que ledit service social, en l'attente d'un déblocage de la situation auprès du conseil de prud'hommes, soutient la famille du salarié qui se trouve démunie ; qu'au surplus le refus par la Société KOBRA SECURITE de transfert du contrat de travail de M. I..., alors que ce transfert a été autorisé par l'autorité administrative, dont la décision est exécutoire, constitue un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser en ordonnant la réintégration du salarié protégé ; que toutefois il ne peut être fait droit à la demande de dommages et intérêts présentée par M. I..., en l'état de l'autorité de chose jugée qui s'attache au jugement sur le fond du 18 janvier 2017 du conseil de prud'hommes de Point-à-Pitre, même si ce jugement n'est pas définitif ;

1°) ALORS QUE le juge des référés ne peut méconnaître l'autorité de chose jugée d'un jugement statuant sur le fond ; que saisi au fond, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre, aux termes d'un jugement rendu le 18 janvier 2017, a débouté M. I... de l'ensemble de ses demandes de dommages et intérêts pour refus de transfert de son contrat de travail, de rappels de salaire depuis le 1er janvier 2016 et d'injonction, sous astreinte, à la société Kobra sécurité d'avoir à respecter la réglementation après avoir relevé que cette dernière avait respecté les termes de la convention collective en refusant le transfert de M. I... qui était resté salarié de la société MBSI ; qu'en raison de l'autorité de chose jugée attachée au jugement qui a statué sur le fond du litige, l'arrêt attaqué qui a postérieurement ordonné en référé la réintégration de M. I... au sein de la société Kobra sécurité doit être annulé pour violation des articles 480, 488 du code de procédure civile, 1351 du code civil et R. 1455-5 et R. 1455-6 du code du travail ;

2°) ALORS QU'en tout état de cause, le transfert des contrats de travail prévu par l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 concernant la reprise du personnel des entreprises de prévention et de sécurité ayant perdu un marché ne s'opère pas de plein droit et est subordonné à l'accomplissement des diligences prescrites par cet accord ; que l'autorité administrative qui autorise le transfert d'un salarié protégé de l'entreprise sortante vers l'entreprise entrante statue exclusivement sur les conditions de transférabilité du salarié prévues à l'article 2.2 de l'avenant conventionnel, le juge judiciaire demeurant compétent pour statuer sur l'accomplissement par l'entreprise sortante des diligences prescrites par l'article 2.3.1 pour opérer ce transfert ; qu'en affirmant qu'aucune contestation sérieuse ne pouvait s'élever devant le juge judiciaire quant aux conditions de transfert du contrat de travail de M. I... au motif qu'il avait été autorisé par l'autorité administrative, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs en violation de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III ainsi que des articles R. 1455-5 et R. 1455-6 du code du travail ;

3°) ALORS QUE l'urgence ne suffit pas à justifier l'intervention du juge des référés lequel ne peut exercer les pouvoirs qui lui sont dévolus que si la mesure sollicitée ne se heurte à aucune contestation sérieuse ; que le transfert des contrats de travail prévu par l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 concernant la reprise du personnel dans le secteur prévention et sécurité ne s'opère pas de plein droit et est subordonné à l'accomplissement des diligences prescrites par cet accord ; qu'à défaut de transmission dans les délais de l'intégralité des éléments énumérés à l'article 2.3.1 de l'avenant conventionnel pour un salarié donné, l'entreprise entrante peut refuser le transfert de ce salarié que l'entreprise sortante doit reclasser en lui conservant les mêmes classification et rémunération; qu'en ordonnant la réintégration de M. I... sans rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si l'obligation de la société Kobra d'intégrer ce dernier ne se heurtait pas à une contestation sérieuse tenant à l'absence de transmission par la société MBSI des éléments nécessaires au transfert de son contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 1455-5 du code du travail ;

4°) ALORS QU'en affirmant que le refus de la société Kobra sécurité d'intégrer M. I... dont le transfert du contrat de travail a été autorisé par l'autorité administrative constituait un trouble manifestement illicite sans constater que les diligences mises à la charge de l'entreprise sortante pour opérer ce transfert par l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 ont été accomplies, la cour d'appel a violé l'article R. 1455-6 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-18262
Date de la décision : 06/03/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 20 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 mar. 2019, pourvoi n°17-18262


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.18262
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